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Et si le passé revenait vous hanter, chercheriez-vous à fuir ? A presque trente ans, Judith semble mener une vie paisible et heureuse : un travail passionnant, une relation amoureuse épanouie, une vie sociale équilibrée. Pourtant, quand son passé refait surface, sa bulle de bonheur éclate. Judith revit, alors, inlassablement cette histoire qui l'a détruite. Elle s'engouffre progressivement dans une spirale infernale de crises d'angoisse, d'attaques de panique et de désordres anxieux. Enfermée entre les quatre murs de son appartement, Judith voit sa vie lui échapper. Réussira-t-elle à affronter les fantômes de son ancienne vie et à remonter la pente glissante sur laquelle elle peine à rester en équilibre ?
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Seitenzahl: 319
Veröffentlichungsjahr: 2024
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ET SI ON ESSAYAIT ?
Julie Gorsky
« Le Code de la propriété intellectuelle et artistique n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l’article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. »
Ce roman traite de différents sujets qui pourraient (re)déclencher des traumatismes à des lecteurs et lectrices non averti.es.
« Et si on essayait ? » parle des troubles de l’anxiété, des angoisses et des phobies. Certains passages de ce livre abordent les violences physiques et psychologiques au sein des couples et le suicide.
À l’instant présent
« Vous n’avez pas peur de mourir, vous avez juste peur de vivre. »
Sébastien Perret
« You matter because you are and you matter to the last moment of your life. »
Cicely Sanders
PROLOGUE
CHAPITRE 1
CHAPITRE 2
CHAPITRE 3
CHAPITRE 4
CHAPITRE 5
CHAPITRE 6
CHAPITRE 7
CHAPITRE 8
CHAPITRE 9
CHAPITRE 10
CHAPITRE 11
CHAPITRE 12
CHAPITRE 13
CHAPITRE 14
CHAPITRE 15
CHAPITRE 16
CHAPITRE 17
CHAPITRE 18
CHAPITRE 19
CHAPITRE 20
CHAPITRE 21
CHAPITRE 22
CHAPITRE 23
CHAPITRE 24
CHAPITRE 25
CHAPITRE 26
CHAPITRE 27
CHAPITRE 28
CHAPITRE 29
ÉPILOGUE
— Judith ?
Du noir, encore du noir, le noir le plus complet. Le rideau tombe et le spectacle de ma vie s'arrête maintenant. Je meurs de l’intérieur. Tétanisée par la peur, aveuglée par ma peine, c’est comme si le monde s’effondrait sous mes pieds. Cette voix me glace le sang. Je l’aurais reconnue parmi des milliers. Un timbre criard qui n’est pas agréable à l’oreille. Une voix que j’avais bien trop écoutée, mais que jamais je n’aurais cru entendre depuis le jour où j’avais fui. Avec la fatigue, peut-être que mon imagination me joue des tours ? Pourtant, j’entends une nouvelle fois mon prénom. D’un coup, le passé revient frapper à ma porte. Ce n’est pas un simple coup, la porte de verre vient de se fracasser en mille morceaux. Ce n’est pas juste mon nom prononcé, c’est un retour de flamme que je n’avais pas envisagé. Il va vite falloir éteindre l’incendie sur le point de se propager et de tout terrasser sur son passage. Le passé se réveille pour mettre le bordel dans ma vie et j’en prends conscience silencieusement. S’il y a bien une chose que j’avais retenue, c’est qu’à force de trop regarder en arrière, on finit par avoir un torticolis.
Le dos voûté, les mains posées sur la selle de mon scooter, je tente de reprendre mon souffle. J’ai l’impression de chercher ma respiration comme après un long effort physique. Ma gorge est serrée et les larmes commencent à couler sur mes joues. Je me sens alourdie par un poids dont je croyais être libérée depuis des années. Tous les souvenirs reviennent par bribes. C’est comme si j’avais seulement enterré ce poids et que tout ce que j’avais enfoui m'éclatait en plein visage. Pendant de longues secondes, je réfléchis à ce que je dois faire. Je n’ose pas me retourner. Si je remets un visage sur cette voix, alors tout deviendra réel. Ce n’est pas aujourd’hui que je souhaite faire revenir un fantôme à la vie. Elle prononce encore mon prénom et c’est la fois de trop. Je n’ai plus d’autre choix que de l’affronter. Le temps est passé et je dois reprendre l’ascendant sur une situation qui m’a échappée. Les mains moites, le ventre noué, la gorge serrée, je me décompose sur place en même temps que je me tourne vers elle. Le moment est venu.
Avril 2022 - Quelques semaines plus tôt
— DRIIIIIIING
Je me retourne dans le lit et je me positionne sur le ventre tout en récupérant le morceau de couette qui avait disparu pendant la nuit. À la deuxième sonnerie, je tapote le bras d’Éléonore avec insistance. Au bout de la troisième, plus bruyante cette fois, j’enfouis ma tête sous l’oreiller pour étouffer le bruit. J’essaye d’en faire abstraction Je peux le faire, je peux me rendormir. Il est encore trop tôt. Je sens les draps bouger et puis, le silence. Je sors enfin ma tête de ma cachette et je sens des mains chaudes m’agripper. Doucement, je sens un corps se blottir contre le mien. Je sens les douces lèvres de celle qui me comble de bonheur depuis un an se poser contre les miennes. Finalement, le réveil est moins difficile qu’il n’y paraît dans les bras de la personne que l’on aime.
— Bon anniversaire mon amour, me murmure Éléonore.
Seul un grognement parvient à sortir de ma bouche. Je ne suis pas du matin et depuis mon emménagement avec Éléonore, je dois composer avec ses horaires. Elle se colle encore plus contre moi et à ce moment précis, il n’y a aucun autre endroit sur Terre où je voudrais être. Silencieusement, je remercie le hasard de l’avoir mise sur ma route. Nous restons collées et je sens ses mains caresser mes bras. Elle me chuchote des mots d’amour et je souris dans un demi-sommeil. Au bout de quelques minutes, elle quitte délicatement notre lit. Je me remets sur le dos, j’ouvre un oeil et je l’observe choisir ses habits dans le coin de la chambre. Elle est sublime avec ses longs cheveux bouclés qui tombent dans le creux de son dos. Sa taille est marquée et elle pose ses mains dessus pour réfléchir à la tenue qu’elle va enfiler. J’observe ses fesses qui rendent chacun de ses pantalons exceptionnels... Je m’attarde sur son dos. J’ai toujours aimé son dos qu’elle a habillé d’un magnifique tatouage. Elle n’est pas simplement belle, elle est tout ce que j’aime chez une femme. Mon deuxième oeil s’ouvre pour profiter un maximum de la plus belle vue du monde. Tous les matins, c’est la même routine. Je l’observe tandis qu’elle sent mon regard sur elle et se dandine pour m’offrir le plus beau des spectacles. Plus qu’un autre matin, j’aimerais la retenir et passer la journée au lit avec elle à consommer notre amour et à s’aimer encore et encore. Aujourd’hui, nous fêtons notre première année de relation et je sais qu’il me faudra attendre la fin de la journée pour la célébrer comme il se doit.
Rencontrée au moment où je m’y attendais le moins, Éléonore est entrée dans ma vie et elle a fait entrer le soleil en même temps. Tout est différent depuis qu’elle est là. L’anxiété qui me poursuit depuis l’enfance a diminué, mes envies ont évolué, mes peines s’en sont allées et je deviens jour après jour la meilleure version de moi-même. Un simple message échangé sur les réseaux, une soirée en guise de premier rendez-vous et un an plus tard, nous sommes toujours aussi amoureuses. Rien n’a changé depuis le premier jour. La passion des débuts ne nous a pas quittée. Elle est le rayon de soleil de ma vie. Depuis quelques semaines, nous avons sauté le pas et nous avons décidé d’emménager dans mon appartement. Mieux situé, plus grand, le choix avait été rapide et Éléonore avait rompu son bail avant même que je ne trouve le temps de lui faire de la place. Tout avait été naturel et évident entre nous. Le hasard de la vie, les destins qui se croisent, et elle avait pris cette place dans mon coeur que je ne pensais plus jamais combler. Éléonore était entrée dans ma vie avec ses grands sabots et j’espérais qu’elle n’en sorte jamais.
— Tu finis tard ce soir ? J’aimerais dîner avec toi…, me dit-elle en me faisant les yeux doux.
— Si tu considères que dîner à 23 h 30 est envisageable, alors attends-moi et je ramènerai quelque chose du restaurant.
— Camille n’a pas pu t’accorder ta soirée ?
— Au départ si, mais nous avons été envahis par les touristes hollandais et le restau’ est plein. Tu te doutes bien, elle ne pouvait pas se passer de moi. Je suis son meilleur élément.
Éléonore se jette dans mes bras et me couvre de baisers en me rappelant à quel point je peux être prétentieuse et à quel point c’est dans sa vie que je suis indispensable. Dans le creux de son oreille, je lui murmure qu’elle est parfaite et que j’aime le fait de retomber amoureuse d’elle à chaque fois que je la vois. Nous profitons de ces quelques minutes d’amour avant qu’Éléonore ne se redresse et continue de se préparer. Dans un instant, la tornade va continuer sa route et rejoindre ses « mini-monstres ». Éléonore est professeure des écoles à Thonon-les-Bains. Adorée par les élèves et les parents, cette native de la Haute-Savoie croule chaque année sous les demandes des parents. Ils veulent tous que leurs enfants soient dans sa classe. Je suis si fière d’elle et tellement admirative de sa manière d’être aimée de tous. Elle est une lumière pour chaque personne qui la croise.
Depuis mon lit, je traîne sur les réseaux sociaux en entendant Éléonore se diriger vers la cuisine pour faire couler le café. Instagram, Facebook, Twitter, tout y passe. Le monde continue de brûler, le monde continue d’aller mal et finalement, rien ne change. Je retourne mon téléphone comme si les mauvaises nouvelles allaient disparaître en même temps.
— Tu veux une tasse ? hurle-t-elle à l’opposé de l’appartement.
Sans un bruit, je me lève et j’enfile un long t-shirt. Je m’approche d’Éléonore qui me tourne le dos et je passe mes deux mains autour d’elle. Contre elle, le monde semble tourner dans le bon sens. Note à moi-même : tout le monde devrait avoir une Éléonore dans sa vie.
— Pas mon ventre, j’ai grossi… me fait-elle en repoussant ma main. Je lui dépose un baiser sur la nuque et je m’installe sur le plan de travail en l’observant préparer nos deux tasses.
— Tu es parfaite, mon amour.
Elle me dépose un bisou sur la joue et se tourne vers moi en me tendant une tasse bien chaude. Tandis que je trempe mes lèvres dans le café, je continue d’observer Éléonore. Réglée comme une pendule, elle continue sa routine matinale sans que ma présence ne change quoi que ce soit. Ses gestes sont mécaniques et fluides. Elle ne manque pas de me rappeler une énième fois de prendre le dîner de ce soir.
— Tu pourras demander à Renaud de me mettre un fondant praliné de côté ?
Je souris. Le fondant au coeur praliné est le dessert préféré d’Éléonore. J’ai bien tenté de lui en préparer plusieurs fois, mais rien ne vaut celui du chef. J’ai dû capituler et déposer les spatules. Je me contente désormais de lui livrer sa gourmandise à chaque fois qu’elle me le demande.
Elle enfile sa veste et prend ses clés accrochées au mur. Elle se dirige vers moi, me dépose un baiser tendre et affectueux avant de filer et de laisser un vide dans cet appartement. La tornade est passée et l’absence dans mon coeur s’installe. C’est donc ça, l’amour ? Avoir envie d’être avec la personne sans aucune interruption et se sentir vide quand elle vous laisse ?
⁂
Après le départ d’Éléonore, j’ai erré dans l’appartement. Je ne commence qu’à 15 h 30 et le temps me paraît encore si long avant de retourner au Général. J’y travaille depuis mon retour à Thonon-les-Bains et sa rénovation en 2014. Plus les années passent et plus cet endroit et ce métier me surprennent. J’ai vu passer tellement de clients, j’ai écouté tellement d’histoires de vie, et pourtant, c’est celle du restaurant qui a retenu toute mon attention.
Fondée en 1864, la Brasserie du Général est l’un des plus anciens restaurants de Thonon-les-Bains. En référence au Général Dessaix, officier de Napoléon, dont la statue s’impose fièrement en face du restaurant. La brasserie du général a été rénovée tout en préservant l’esprit unique du lieu. Un lieu sacré, un lieu où l’on se sent chez soi. La légende dit même que le général veille sur nous.
Je vais bientôt avoir trente ans et je n’ai jamais été aussi épanouie que maintenant. Mon travail me plaît et je ne me vois pas faire autre chose. Peut-être qu’un jour je monterai mon affaire… Cela reste dans un coin de ma tête, mais pour l’instant c’est là-bas que je continue d’apprendre.
En attendant mon service, je me mets en tête de faire un peu de rangement dans ma chambre. Depuis qu’Éléonore a emménagé, je n’ai pas eu le temps de faire du tri et nous vivons encore dans les cartons. Je profite de mes quelques heures de repos restantes pour ranger la grande armoire de ma chambre. Je veux qu’elle se sente véritablement chez elle et il n’y a rien de plus intime, selon moi, qu’une place laissée dans l’armoire.
Fièrement dressée devant les deux portes coulissantes, j’essaye de me donner du courage. Plus ma main approche, plus je me sens déjà fatiguée avant même d’avoir commencé. J’ouvre avec précaution comme si je m’attendais à me faire avaler par une pile de vêtements. Éléonore, malgré ses routines millimétrées, n’est pas la fille la plus ordonnée que je connaisse. J’évite de peu la chute d’un gros sweat en laine et je me retrouve face à face avec le monstre du jour. Il y en a trop, il y en a partout et je commence à regretter ma décision. Je prends une grande inspiration et je monte sur ma chaise de bureau pour accéder au haut du meuble. Des piles de bonnets, des vieux t-shirts, des joggings et une petite boîte. En voyant cet objet, ma curiosité est piquée et j’oublie complètement ma mission principale. Je me saisis de la boîte à chaussure pleine de poussière. Je descends de la chaise et je m’assois sur le lit pour en découvrir le contenu. En l’ouvrant, une vague de nostalgie me saisit. Un album photo de ma vie d’avant trône parmi les coupures de magazines, les billets de train et d’avion et des bracelets que j’avais achetés à Paris. J’ouvre l’album photo et la nostalgie laisse place à une vague d’effroi. Parmi les photos de cette ancienne vie, c’est une photo que je croyais avoir jetée qui s’est collée à une autre. Une photo de Laura et moi dans un bar parisien. Je reste quelques minutes à la regarder et à m’attarder sur chaque détail. On y voit deux femmes en apparence heureuses et à l’air amoureux. Pourtant, il n’en est rien. Si on y regarde de plus près, on y verra seulement de la tristesse et de la souffrance dans mes yeux. J’attrape la photo, je range l’album à sa place et je me dirige vers la cuisine l’air déterminé. J’ouvre la poubelle et comme au ralenti, la photo finit sa chute entre les épluchures et les déchets. À sa place.
⁂
Il est 23 h 15 quand je quitte la Brasserie du Général. Je suis fatiguée par le service au restaurant et toujours perturbée par la découverte de cette boîte pleine de souvenirs. Je souhaite plus que jamais rentrer, retrouver Éléonore, me réfugier dans ses bras et m’ancrer encore plus dans l’instant présent. Je ne dois pas déterrer le passé. Je pénètre dans l’appartement et j’aperçois Éléonore encore plus belle que d’habitude. Les bougies, posées un peu partout dans le salon, éclairent l’appartement et lui donnent un aspect intime et chaleureux. Elle s’approche de moi, prend mes sacs du restaurant et les dépose sur le premier meuble qu’elle trouve. Elle agrippe ma cravate et me tire contre elle en m’embrassant.
— Judith, j’ai envie de toi et je peux t’assurer que les fondants peuvent attendre.
J’embrasse Éléonore avec la même passion depuis un an, mais je sens qu’au fond de moi quelque chose cloche. J’ai la tête ailleurs et pourtant c’est cet instant que je veux vivre. Les pensées fusent dans mon cerveau et cette boîte vient me hanter alors que je partage un moment privilégié avec la femme que j’aime. Je ne sais pas si elle le remarque et je fais tout pour revenir à ce moment, mais rien n’y fait. Mes pensées sont ailleurs.
Allongées dans notre lit, Éléonore se blottit contre moi. Elle finit par s’endormir tandis que mon cerveau continue à se remémorer cette photo dans la poubelle.
⁂
Mars 2010
Assise dans un bar de la capitale, je l’avais sentie m’observer avec insistance depuis une bonne dizaine de minutes. J’ai levé les yeux vers elle et je l’ai trouvée plutôt jolie, mais je ne me suis pas attardée sur elle, bien trop concentrée sur mes partiels à venir. La deuxième année de droit était difficile et je ne pouvais pas me permettre d’échouer ou d’être déconcentrée par cette inconnue au café. Au bout d’une demi-heure et après avoir recommandé un café serré, j’ai fumé une cigarette sur la terrasse de l’établissement. Une pause bien méritée après des heures passées face à mes fiches et à mon écran. En face de moi, la Sorbonne était revêtue de blanc. Il avait neigé sur Paris et à l’aube du printemps, personne ne s’y était réellement préparé. Paris semblait être au ralenti.
Quand je suis revenue à ma place, elle s’était assise en face de moi. D’abord incrédule, j’avais fait mine de rien. Puis, dans un long monologue, elle s’était présentée. Elle s’appelait Laura et elle travaillait dans la banque d’en face. Ce café était son QG et ce n’était pas la première fois qu’elle m’y croisait, mais c’était la première fois que moi, je la remarquais. D’une voix calme et assurée, elle a continué tandis que je l’écoutais parler sans l’interrompre. Elle avait ce petit rictus au coin des lèvres quand elle parlait qui me plaisait. Elle m’a dit avoir 24 ans et j’avais fait le rapide calcul des années qui nous séparaient : 5. La discussion a été fluide, mais je suis restée légèrement en retrait, peu habituée à me faire draguer. J’ai écouté attentivement chacune de ses paroles et j’ai senti que cet échange était le début de quelque chose qui me dépasserait. Elle avait un côté magnétique qui me clouait sur place. Les jours suivant cette rencontre, nous avons continué de nous croiser : des regards timides, puis des rapides échanges pour en arriver à notre premier rendez-vous. Elle avait choisi le lieu, l’heure, la date. Elle s’était occupée de tout et je m’étais laissée guider.
Le rendez-vous s’était vraiment bien passé et il avait ouvert la voie à d’autres rendez-vous plus intimes. Pendant plusieurs mois, nous avons continué ce jeu de séduction. Je passais tout mon temps libre avec elle. Très vite, elle a pris une place importante dans ma vie. J’avais mis de côté mes études et mes autres activités pour profiter pleinement de ce début d’histoire qui semblait être le commencement d’une belle histoire d’amour. Le genre d’histoires que j’espérais être l’unique et véritable amour.
Après une nuit hantée par des cauchemars et des pensées négatives, l’alarme d’Éléonore retentit et ni elle ni moi n’arrivons à nous motiver pour faire cesser ce tintement incessant. Éléonore se tourne vers moi et se blottit dans mes bras. Un simple geste qui libère finalement une dose d’ocytocine assez puissante pour faire diminuer mes angoisses et ralentir les battements de mon coeur. Je suis exactement là où je dois être. Je dois me focaliser sur cet instant précis et ne pas réveiller la terreur du passé.
⁂
Seule dans le lit, les minutes défilent et se transforment rapidement en heures. Je commence mon service plus tôt que la veille et en regardant ma montre, je me dis que j’ai intérêt à m’activer très sérieusement pour ne pas subir les remontrances de la patronne. Ne pas être ponctuelle étant une de mes spécialités, j’essaye, depuis des années déjà, de travailler sur ce gros défaut pour éviter d’être renvoyée. Ce travail, c’est toute ma vie et je refuse que mes retards viennent tout gâcher.
— Il est où ce tablier ? Et ma cravate, bordel ?! je commence à m’agacer au bout d’une dizaine de minutes.
Je cherche inlassablement ma tenue de travail dans tous les recoins de l’appartement. Je finis par retrouver ma cravate et je dois désormais me concentrer pour trouver le tablier. C’est en fouillant dans ma mémoire que je me rappelle l’avoir mis à laver la veille. Tant pis, j’en trouverai bien un au travail. Je descends les escaliers de l’immeuble à toute vitesse, je salue ma concierge en coup de vent et je monte sur ma Ferrari à deux roues : le scooter de mon adolescence que j’ai obtenu à la force des mots et surtout après des crises de larmes et autres menaces de fugues… J’étais une adolescente compliquée et je pense devoir m’excuser toute ma vie auprès de mes parents pour ce qu’ils ont subi. Ils ont essuyé une crise d’adolescence qui a duré de nombreuses années.
Sur mon scooter, je sillonne les rues thononaises, le vent fouettant mon visage. Je me sens bien. Un élan de liberté et une certaine insouciance me traversent. Quelques slaloms entre les voitures, une accélération à 50 km/h, 42 pour être transparente, et je me sens libre. C’est quand une voiture sans permis se met à me doubler que je me dis qu’il est temps de faire peau neuve et d’acheter un véhicule plus puissant dans les semaines à venir. Il en va de ma réputation et de mon honneur.
Le trajet est rapide et fluide. Je me gare au niveau des places de parking en face de la statue du Général Dessaix. Une fois les pieds sur le sol, je regarde ma montre et je me félicite pour mes deux minutes d’avance. Il s’agit presque d’un exploit et j’espère que Camille sera là pour noter mes efforts. De l’autre côté de la rue, accoudé à l’entrée de la Brasserie du Général, mon meilleur ami, mon partenaire de galères, mon allié et le frère que je n’ai jamais eu : Augustin. Je vois ses belles boucles, son teint hâlé, sa carrure imposante, son sourire ravageur et je comprends pourquoi il fait tourner de nombreuses têtes. Augustin a la cote !
— Gus’, je hurle en faisant de grands gestes avec mes bras.
Il se cache le visage et fait mine de ne pas me voir. J’entre dans son jeu et je passe à côté de lui en lui envoyant un léger coup de coude dans les côtes. Au moins, je suis sûre qu’il ne pourra pas me rater.
— Qu'est-ce que tu peux être chiante, Ju’, me dit Augustin en se tenant les côtes de douleur. Je vais devoir déposer un arrêt maladie à cause de toi.
— Oui, d’accord et tu n’oublieras pas de porter plainte pour coups et blessures, aussi. Tu devrais même aller à l’hôpital pour vérifier que rien n’est cassé.
— Bon accélère, on va encore être en retard pour le service et j’ai pas envie de me faire engueuler par Camille.
— J’ai… je marque une pause pour regarder ma montre, désormais une minute d’avance. On est large.
Nous pénétrons dans le restaurant et nous nous dirigeons dans l’arrière-salle pour enfiler nos tabliers et réajuster nos cravates. Une fois au comptoir, on se répartit les tâches pour le service. Nous tirons à la courte paille pour les plus ingrates. Une fois le cérémonial effectué, le duo maléfique peut enfin se mettre en marche. Objectif de notre service : plus de cinquante euros de pourboires. Nous allons sortir le grand jeu, nos plus beaux sourires et nous comptons sur la générosité des clients pour soutenir notre travail difficile.
— On va se faire déchirer ce soir. Le retour du beau temps implique forcément l’assaut de la terrasse ! J’espère que t’as prévu le double, niveau préparation. C’est quoi le cocktail du moment ? me demande Augustin.
— Fini l’ère du Spritz, cette année, c’est le Gin Fizz qui reprend ses droits.
Derrière le bar, je ne chôme pas. Je m’occupe des stocks pour passer commande dans la semaine, je refais la mise en place du bar et je nettoie ce que l’équipe du midi a oublié. Je suis vite interrompue dans mes tâches par Camille :
— Judith, tu pourras ajouter les produits ménagers à la liste des commandes ? Je sais que ce n’est pas à toi de t’en occuper, mais avec la réouverture des Cabanes du Général, on va être très vite sous l’eau. Il nous manque encore un employé donc si tu connais quelqu’un qui veut bosser, tu me l’envoies.
J’acquiesce et m’exécute tout en réfléchissant à la personne qui pourrait venir travailler aux Cabanes. J’observe Camille aller et venir dans le restaurant. Camille est directrice de l’établissement et sûrement la patronne que tout le monde rêverait d’avoir. Elle est fiable, disponible et n’hésite pas à retrousser ses manches pour nous aider. La relation que nous avons développée au fil des années a dépassé le cadre du professionnel. Elle est la première à écouter nos peines et à panser nos plaies. Elle est à la fois notre patronne et notre psychologue. Avec Augustin, nous aimons la taquiner, mais elle sait qu’elle peut compter sur nous et que jamais nous ne la décevrons, ni elle, ni cet établissement cher à notre coeur. Notre équipe est également constituée des cuisiniers : Renaud, le chef, et ses commis. Ils ne sont pas encore arrivés. Je me dirige donc dans les cuisines et j’y trouve, comme par hasard, Augustin :
— Tu fais quoi, là ?
— La même chose que toi, Ju, la même chose !
— Il reste des mini-choux ?
— Dépêche-toi, il n’y en a plus beaucoup. Qu’est-ce qu’il est doué Renaud.
Tandis que nous nous goinfrons en cuisine, j’entends les talons de Camille se diriger droit vers nous. Nous avalons en vitesse ce que nous avons dans la bouche avant de sortir incognito. Camille se dresse face à nous et nous lui offrons notre plus beau sourire plein de miettes et de chocolat. Elle se met à souffler, mais au fond, elle nous adore.
— Des clients attendent leur commande en terrasse. Augustin, une autre table vient d’arriver. Judith, trois chocolats chauds et une pinte de Carlsberg.
— À vos ordres, capitaine !
Je me mets derrière le bar et j’exécute les commandes de Camille et celles qu’Augustin ne tarde pas à me faire parvenir. La terrasse commence à se remplir et le rythme s’accélère de plus en plus. Le service va être dur et c’est ce que j’aime le plus dans ce métier : ne jamais avoir le temps de s’ennuyer. Les heures passent et les clients entrent et sortent comme dans un moulin. Les verres s’empilent, les assiettes s’entassent et les fûts de bières se vident comme les bouteilles dans les frigos. En restauration, dans les moments de rush, plus rien ne compte et tous les gestes ne sont que des automatismes acquis au fil des années. Mais comme dans tous les moments d’agitation, le calme finit par revenir en fin de soirée.
Seule derrière mon comptoir, je rattrape les dernières vaisselles du bar et je commence à nettoyer la machine à café. C’est, généralement, ce qui annonce la fin d’un service. La porte s’ouvre et c’est Éléonore qui entre au Général. Comme presque tous les soirs où je travaille, elle vient s’asseoir au comptoir et me regarde exécuter mes dernières tâches.
— Viens là que je t’embrasse.
Éléonore contourne le bar et me dépose un doux baiser avant de se remettre à sa place.
— Ça a été le service ?
— On s’est fait déchirer, mais c’était cool. Et toi ? Ta journée ?
— Les enfants sont toujours des enfants. J’ai eu le droit à de beaux dessins, à des compliments, à des interrogations sur toi et j’ai essuyé les larmes de plusieurs petites filles qui ont découvert la méchanceté des garçons.
— J’espère que tu leur apprends qu’il est temps de brûler le patriarcat.
— Non, Judith, je leur apprends à être de bonnes personnes, à s’aimer, à se respecter et je répète que nous avons les mêmes droits qu’importe nos différences.
— Oui, c’est à peu près ce que j’ai dit.
Augustin débarrasse les dernières tables et après un rapide aller-retour à la plonge, il vient nous rejoindre au bar.
— Oh Élé’, tu ne dis pas bonjour !
— Viens, crapule. Vous en avez encore fait voir de toutes les couleurs à Camille ? J’ai eu l’impression qu’elle était soucieuse quand je l’ai croisée.
— Nous ? fait Augustin sous le choc. Nous sommes irréprochables. Pour une fois, je plaide non coupable face à tes accusations sans fondement.
— Ah oui, c’est sûr qu’avec ta gueule d’ange, on te donnerait le bon Dieu sans confession. Vous avez intérêt à être gentils avec Camille parce qu’à sa place, il y a bien longtemps que je vous aurais séparés. Ensemble, vous êtes deux petits diables.
Augustin me tape dans les mains et s’amuse à embêter Éléonore. Je m’éclipse en cuisine et je fais réchauffer un fondant praliné pour les beaux yeux, ou devrais-je dire, pour le bel estomac, de mon insatiable copine. Quand j’arrive pour la servir, ses yeux s’illuminent et c’est précisément ce regard qui me fait fondre depuis un an. Je compte la caisse du bar et, de temps en temps, je lève les yeux pour la regarder savourer chacune de ses bouchées. Le temps s’est arrêté au Général et il n’y a plus qu’elle dans mon champ de vision. C’est le bruit d’un verre qui se casse au sol qui me sort de mes pensées.
— Tiens, regarde Gus’, il nous sort le grand jeu, fait Éléonore.
J’observe la technique d’Augustin pour séduire une fille. Une méthode infaillible qu’il a mise au point d’années en années. Les règles sont simples. Si une fille lui plaît, il va « sans faire exprès » casser un verre et attendre que celle-ci le remarque. Dans la majeure partie des cas, la fille en question lui vient en aide et c’est là que le charme opère. Un sourire échangé, une discussion rapide qu’il agrémente d’une ou deux blagues, l’envie d’en savoir plus et dans quatre-vingt-dix pour cent des cas, un numéro donné. Cette technique a un coût. Quand Camille a vu clair dans le jeu d’Augustin, elle a tout de suite mis en place un bocal pour rembourser les frais des verres brisés.
Augustin revient, le sourire aux lèvres en secouant fièrement une serviette de table sur laquelle est inscrit le numéro et le nom de sa nouvelle conquête.
— Tu n’es pas croyable. Franchement, je ne comprends pas comment après tant d’années, ta technique peut encore fonctionner. Ce n’est pourtant pas très grand Thonon-les-Bains… Par contre, tu n’oublieras pas de mettre un euro dans le bocal. Camille a été claire sur ça : tu casses, tu payes.
— Si j’étais une des filles à qui tu as brisé le coeur, je ferais passer le message sur tous les réseaux en disant à quel point tu n’es vraiment pas le mec le plus fréquentable, dit Éléonore.
— Oh les féministes, vous allez vous calmer. Je ne fais rien de mal. C’est sur une base de consentement mutuel. Ce n’est pas de ma faute si elles tombent amoureuses de moi. Vous me connaissez, quand même, se justifie Augustin.
— C’est vrai qu’on ne peut nier ta franchise. Dès le départ, tu es honnête sur tes attentes. Mais sincèrement, pour toi et pour toutes les filles à qui tu vas sûrement encore briser le coeur, j’espère que tu te poseras un jour.
Augustin fait semblant de réfléchir et compte sur ses doigts.
— J’ai quoi… même pas trente ans. J’ai le temps !
— À peu près trois ans en années de chien, j’avoue que t’es large !
Augustin se met à rire et je le suis bruyamment. Éléonore a toujours apprécié Augustin, mais étant une grande romantique, elle ne comprend pas le fait qu’il passe de filles en filles sans aucun sentiment. Augustin est un garçon qui enchaîne les conquêtes et ce n’est pas au goût de ma belle. De mon côté, je surveille ses comportements et suis toujours soulagée qu’aucun d’entre eux ne soit jamais problématique. Je lui rappelle les bases du consentement dès que je le peux. Il est mon meilleur ami, mais il reste un homme.
— Mon coeur, au fait, vendredi soir, on sort avec les filles.
— Je peux venir ? demande innocemment Augustin connaissant pertinemment la réponse.
— Soirée entre filles pour la prévision d’un week-end à la montagne Gus’, tu n’es donc ni invité ni même envisagé.
Je souris face au répondant d’Éléonore et je m’esclaffe face à la tête penaude de mon ami. Ces deux-là sont comme chien et chat et j’adore les voir se piquer à longueur de temps.
Une fois le coup de serpillière passé dans le bar, Éléonore et moi rentrons en scooter. Ses mains autour de ma taille, j’aimerais que le moment dure pour l’éternité. La nuit est calme à Thonon- les-Bains et cette petite balade est des plus agréables.
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Juillet 2010
Ma relation avec Laura évoluait de jour en jour. Des sentiments naissaient entre nous à force de passer tout notre temps ensemble. Je me sentais privilégiée d’être avec une femme aussi intelligente et ambitieuse qu’elle. Je me demandais comment elle avait pu tomber sous le charme d’une fille comme moi, bourrée d’angoisses et avec si peu de confiance en soi. Je n’étais qu’une étudiante et elle était déjà une femme accomplie. Pourtant, à ses côtés, elle me faisait me sentir comme la huitième merveille du monde. Elle prenait soin de moi comme personne ne l’avait fait avant. Tous les week-ends, elle me préparait une surprise et l’amour que j’éprouvais pour elle ne cessait de grandir. Je me sentais aimée et considérée. Je lui avais livré mes peurs, mes incertitudes et mes rêves les plus profonds. Je lui avais ouvert les portes de mon coeur et de mon esprit. Elle savait tout de moi et je n’avais aucun secret pour elle. Son expérience lui conférait une certaine autorité naturelle. Je l’aurais suivie n’importe où sans me poser de question. Chaque jour, elle me complimentait et me faisait gagner en assurance. J’étais passée d’une fille peu sûre d’elle, à une fille qui s’assume et qui se sent fière. L’été avait été marqué par notre premier voyage. Nous sommes parties ensemble en Croatie et nous sommes restées collées pendant deux semaines à s’aimer. En rentrant, elle avait insisté pour que j’emménage chez elle. Je trouvais que tout ça allait un peu vite, mais elle avait des arguments infaillibles. Elle me disait ce que j’avais toujours rêvé d’entendre. Elle me disait à quel point elle ne pouvait plus être loin de moi et qu’il était temps d’avancer dans notre relation. Ce jour-là, tout a basculé. Ce jour-là, elle a eu l’ascendant sur moi et les conséquences furent inévitables.
En cette fin d’après-midi, le soleil brille au-dessus du lac Léman. Pour mon jour de congé, nous avions convenu avec Éléonore de nous retrouver en fin de journée dans un bar près du port avec nos copines. Naturellement, j’avais traîné à l’appartement et je m’étais rendu compte trop tard que je n’allais pas arriver à l’heure prévue. Je savais pertinemment qu’Éléonore allait s’énerver et je commençais déjà à chercher des excuses : invasion d’extra-terrestres, manifestation dans les escaliers de l’immeuble ou plus crédible : j’ai été missionnée pour sauver la planète.
J’enfile la première tenue qui me passe sous la main, je mets une casquette pour éviter d’avoir à me coiffer et je descends les marches de l’immeuble quatre à quatre pour vite rejoindre mon scooter. Sur ma bécane, je prends la direction du port. L’air est doux, les rayons du soleil effleurent ma peau et j’oublie tout, le temps d’un instant. Cette photo au fond de la poubelle est désormais en train d’être désintégrée dans un centre de tri, comme la personne qui figure dessus. Tout va bien, tout est sous contrôle. J’y pense de moins de moins et je me dis que dans quelques jours, tout ça ne sera qu’un mauvais souvenir.
J’arrive au port et je me gare sur le parking. Je les aperçois sur la terrasse, toutes mes copines sont là. Alice et Charlotte, deux amies en commun avec Éléonore, que j'ai rencontrées le soir même où j'ai rencontré Éléonore pour la première fois. Alice vient du nord de la France et a tout quitté par amour. D’une beauté froide et scandinave, elle a fait chavirer beaucoup de coeurs avant de tomber sur l’élu, le seul qui a réussi à lui faire passer le cap de l’engagement. Elle est la version féminine améliorée d’Augustin. Charlotte, c’est notre mère à toutes. Elle est toujours là en cas de besoin et s’assure que nous ne manquons de rien. Elle élève souvent la voix pour nous faire part de son mécontentement lorsque l’une de nous fait de mauvais choix. Charlotte est protectrice et j’ai hâte qu’elle ait des enfants pour qu’elle nous laisse enfin un peu respirer. En bout de table, Maya est là. Maya est une amie d’enfance que j’ai retrouvée à mon retour à Thonon-les-Bains. Nous avons toujours eu ce petit lien spécial qui nous unit. Nous nous étions perdues de vue, mais elle a répondu immédiatement lorsque je suis revenue. Quand je l’ai présentée à Éléonore, elles ont tout de suite accroché et sont rapidement devenues proches. Tandis que je scanne mes amies, je vois Éléonore regarder frénétiquement sa montre. Je m’approche d’elle en demandant silencieusement à mes amies de se taire et je couvre ses yeux avec mes deux mains. Ni une ni deux, elle se retourne et me passe un sermon en public :
— Plus d’une demi-heure de retard, tu te fous de notre gueule, Judith.