Extase Arverne - Jean-Armand Baptiste - E-Book

Extase Arverne E-Book

Jean-Armand Baptiste

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Beschreibung

1997, pas encore de téléphone portable ni de GPS, le Franc est toujours la devise nationale. Par une nuit sombre, Mauvaise-Nouvelle, garçon perdu, réveille son passé, le long du Cours de Vincennes à Paris, en s'emparant d'une livraison qui ne lui est pas destinée. De mauvais coups en bad trips, il finira par croiser son destin au cours d'un festival Rock dans le Forez Auvergnat.

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Veröffentlichungsjahr: 2022

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Sommaire

Jeudi , Paris

Jeudi, Le Solier, commune de Saint Amant Roche Savine

Vendredi, Le Solier

Vendredi, Clermont

Vendredi, Lyon

Samedi, Le Solier

Samedi, camp des squatters

Dimanche matin, Le Solier

Jeudi , Paris

Mauvaise-Nouvelle est sur le cours de Vincennes depuis bientôt une heure. Une heure qu’il mate le cul de la nana qui croise en bordure de caniveau. Lui est sous les arbres entre l’avenue et la contre allée. De temps en temps, la fille se penche à la vitre ouverte d’une caisse et fait saillir sa croupe haut perchée. Malgré la pénombre dans laquelle il se dissimule, il aperçoit la couture des bas se tendre sur la cuisse galbée. Elle doit être sacrément bonne pense Mauvaise-Nouvelle en se touchant le sexe par l’intérieur de sa poche. Ça fait aussi une bonne demi-heure qu'il bande ferme, il commence à souffrir et sautille de temps en temps d’un pied sur l’autre pour libérer la tension qui le dérange. La fille vient de se faire embarquer à nouveau, une bagnole pourrie dont Mauvaise-Nouvelle n’est même pas parvenu à reconnaître la marque. De toute façon il n’en voit pas souvent des bagnoles derrière les murs du foyer de Bagnolet où il est enfermé depuis quatre ans; pas de quoi devenir un pro à ‘questions pour un champion des tires’. La seule qu’il connaît c’est CO2:

C’est comme ça que les jeunes du foyer surnomment la Super 5 de la directrice, une poubelle qui vient leur cracher ses nuages de gaz frelaté sous les narines tous les matins pendant qu’ils sont au garde à vous pour l’appel. C’est la troisième fois que la meuf monte depuis que Mauvaise-Nouvelle la surveille. Pendant les dix minutes que dure la passe il imagine ce qui peut bien se passer dans la voiture qui a chargé la fille.

Et ça ajoute à son inconfort. Il regarde nerveusement sa montre fluo, cadran vers l’intérieur du bras. 4h moins le quart, il espère que la tapineuse va finir par se sentir fatiguée ou rassasiée. Puis il revient à son fantasme le plus vif. Il s’imagine à cette même place debout dans la pénombre, la fille est accroupie en face de lui. Elle a la peau brune, elle a retroussé sa mini jusque sur ses hanches. Il peut voir ses longues cuisses gainées de noir et la courbe d’une fesse charnue. Il pétrit à pleines mains les deux globes au silicone qu’elle a sortis du bustier provoquant qui l’exhibe. Elle s’applique sur son sexe qu’il vient de libérer de sa braguette.

Il imagine qu’elle en a plein la bouche, se demande si ce sera vraiment le cas et il se met à débander doucement. Puis il passe en revue les différentes étapes du plan qu’il a dressé.

Un de ceux qui l’appellent Mauvaise-Nouvelle au foyer lui a refilé le tuyau. Attendre que la gagneuse ait fait le plein vers quatre heures du mat et lui proposer une dernière passe dans un endroit discret, y’en a qui aiment la jeunesse, et là bas la dépouiller et s’échapper sans traîner. Seulement attention :

Outre la proie, gaffe le mac et surveille les keufs toujours en maraude le long du boulevard. Mauvaise-Nouvelle est certain que le type qui lui a parlé de la combine pense qu’il n’est pas capable de monter un plan. Seulement, lui, Mauvaise-Nouvelle, il l’a amélioré, le plan. Avant de dépouiller la gonzesse, lui se fera sucer, comme un grand. Il pense que ça n’aura sans doute pas lieu sous les arbres, en voyant passer les bleus pour la dixième fois. Il va devoir renoncer à son fantasme, il espère tout de même que la récolte sera bonne.

Au fond de sa poche il fait sonner la collection de pièces dépareillées qui ont fini par faire cent francs ou à peu prés.

Elles serviront d’appât, en plus de sa jeunesse : Comment se faire des centaines de keus, et plus, avec seulement cent keus de capital, le remède anti-crise. La tas finit par revenir, elle se remet du rouge à lèvre et minaude sur ses guibolles comme des échasses. Les caisses du premier rang passent au ralenti ,captées par le champ magnétique. Voilà que ça le reprend, à la voir se tortiller de cette façon. Peut-être qu’une pipe ne suffira pas, peut-être qu’elle acceptera une baise pour le même prix. La belle tapineuse se déhanche maintenant sur un rythme que même Mauvaise-Nouvelle trouve suspect et le miracle se produit. Elle se retourne vers le trottoir et se dirige vers les arbres et l’ombre où le jeune gars est à l’affût. Elle vient droit vers lui à allure rapide en tortillant des fesses. Elle est grande et baraquée et il n’est plus certain de pouvoir disposer d’elle aussi facilement. Elle passe tout prés de Mauvaise-Nouvelle et se cale debout face à un arbre. Il la voit distinctement maintenant, plus grande et plus forte que lui, de dos ,les jambes écartées. Elle tourne la tête dans sa direction et met ses mains sous sa mini.

« Regarde pas Trésor .» Elle a une voix étrange, chantante et retenue. Puis Mauvaise-Nouvelle atterrit et il jure entre ses dents. Il n’a plus que deux cigarettes mais c’est le moment d’en griller une et d’abandonner toute idée de touche minette.

Il tire sur le filtre jaune en matant la devenue-gonzesse remballer son artillerie tout en se disant que le pompier reste quand même au menu, il s’est déjà fait sucer par des hommes plus hommes. Sa mauvaise réputation et sa méchanceté lui ont valu l’affection de certains petits au foyer, en échange d’une protection qui lui procure l’essentiel de son second plaisir dans la vie: La baston. Il en reçoit mais il en donne plus, c’est ce qui assure son classement. Le réré retourne à la pêche au gogo et adresse un clin d’œil à Mauvaise-Nouvelle en lui envoyant un baiser. Elle a le regard fixé sur la toile tendue du jean délavé qui moule le gars.

« Garde moi un morceau. » Les lèvres pourpres se sont tendues, ont fait des signes. Mauvaise-Nouvelle est confiant, il va gagner sur les deux tableaux. La taspé semblait assez jeune et il est à nouveau en appétit, il mate les allers retour et les flexions des longues tiges qui se fondent dans le goudron et sa main, au fond de sa poche sur son bangala, suit inconsciemment le rythme du wubi le long du trottoir. Les caisses se font rares, quelques unes de moins en moins souvent, continuent à venir s’échouer pour quelques secondes puis repartent. La fille ne se décourage pas, elle adresse un petit salut en se retournant vers le repère de Mauvaise-Nouvelle. Il s’était calmé un peu et il lutte pour garder l’esprit froid. Puis une belle grande bagnole vert sombre métallisé accoste. Le réré semble plonger par la vitre qui vient de s’abaisser à un rythme électrique. Seules ses deux jambes et l’extrême promontoire de ses fesses sont encore à l’extérieur.

C’en est trop pour Mauvaise-Nouvelle qui voit le haut des cuisses et même, s’il était plus prés, le petit pli sous le bodge.

Sa queue lui fait mal, enserrée dans tout ce coton moite.

Brusquement la pro s’éjecte de la portière, les bras en débandade, Mauvaise-Nouvelle jure d’avoir aperçu un rasoir dans sa main droite. Mais il n’a pas le temps d’y penser , la fille s’effondre comme un linge perdant un de ses brodequins pointus. Elle tombe côté face et le jeune gars pense à une tartine. Il ne se passe plus rien, le silence est total, le cours de Vincennes plonge dans l’immobilité, un froid glacial s’empare du cerveau de Mauvaise-Nouvelle. Il est seul le long du boulevard, la tire tourne toujours et il se doute de ce qu’il va trouver à l’intérieur. Il s’approche lentement, on dirait que des extraterrestres ont kidnappé ce morceau de ville et l’ont mis au frais dans leur frigo cosmique. Il est prés du tapin et il connaît la raison de sa chute. Une flaque dont l’odeur lui donne déjà la nausée grossit lentement sous la tête du transsexuel, abreuvant le goudron assoiffé par la chaleur de la journée. Il la retourne du bout du pied, un trou glougloute dans son front. Sa mini a quitté ses cuisses et tire-bouchonne autour de sa taille. Il prend le temps de mater l’entrecuisse où une petite bosse fait désordre. Ses deux seins se sont libérés du bustier et ce n’est pas du chiqué. Cocktail silicone-hormone garanti mais Mauvaise-Nouvelle qui n’a aucune notion de biologie est étonné, il n’en a jamais vu de si gros hors des magazines et des conneries télé. Il regarde encore la grolle au bout du pied , au bout de la jambe au bout du cadavre de son désir, il voit le rasoir taché puis lève finalement la tête et se courbe pour gagner la portière de la limousine. Il s’accroupit et passe une main rapide par l’entrebâillement de la vitre. Il perçoit un râle et se dresse brusquement. Le type qui grogne de l’intérieur ne lui fera pas de mal. Ses deux mains tentent de retenir le sang qui sort vite vite de son cou. Le regard de Mauvaise-Nouvelle est immédiatement attiré par l’éclat vicieux d’un flingue. Il ne connaît pas le modèle mais il devine que le boudin qui prolonge le canon est un silencieux. Il saisit rapidement l’arme sur le ventre du mec bien sapé qui fait de l’huile, la cale dans sa pogne et vise le torse du gars. Il fait pan ! et l’autre prend enfin conscience de sa présence. Il s’appuie de son épaule sur la vitre opposée puis croise le regard du pétard et celui de Mauvaise-Nouvelle. Sa bouche a un mouvement désordonné mais rien ne vient, il tend une main.

Mauvaise-Nouvelle tire; la balle traverse la main et va se ficher dans la poitrine du type qui a un petit soubresaut comme dans les films. Mauvaise-Nouvelle a un sourire satisfait. Il croit en sa mauvaise étoile et il est sûr que sa chance est pour ce soir. Il planque le flingue dans la grande poche intérieure de sa veste en jean et il est prêt pour la cueillette. Il commence à se retourner vers le trav’l mais il aperçoit un grand sachet de plastique transparent sur le siège passager de la caisse . Le contenu émet une clarté blanche et mate comme des perles. Le gars pêche la poche : ce sont des pastilles, des centaines de pastilles, Mauvaise-Nouvelle ne sait pas compter plus loin. Il garde le sachet à la main, tend son autre main vers la veste ouverte de l’égorgé et capte son portefeuille. Ce connard n’a pas plus de trois billets de cent balles, une carte bleue et un badge bleu-blanc-rouge. Malgré la tentation Mauvaise-Nouvelle n’entreprend pas de chercher le code de la visa, il se saisit seulement de la carte de la police-montée française; et puis la fille est plus sure, elle aura de la fraîche. Il se penche à nouveau hors de la voiture et cherche le sac des yeux, rien. Mauvaise-Nouvelle entend le moteur d’une caisse à l’approche. Il s’allonge près de la morte et passe la main sous la bagnole. Il a enfin les doigts sur le cuir d’un gros sac à main qu’il ramène dare-dare. Il en répand le contenu sur le sol tandis que les phares de l’arrivant commencent à chasser l’ombre. Un poudrier, une boite de capotes, des mouchoirs en papier, du rouge à lèvre, des papiers, du parfum, un porte-monnaie fatigué et une boite à cigarette en argent. Il saisit la bourse et tombe sur deux malheureux billets de cinquante. La planque à joints lui livre 1 cône et deux billets de cent. La nouvelle bagnole s’est arrêtée, une grosse voix appelle :

«Sonia !». Dans un réflexe, Mauvaise-Nouvelle saisit le sac, y fourre porte-monnaie et boite en argent et détale en direction des arbres . Il entend une porte claquer et la même voix qui fait

« Hé! ». Il est déjà sur la contre allée quand les pneus crissent sur le goudron. Le jeune court de tous ses poumons et de tous ses muscles, un sac à chaque main et le choc du flingue sur son flanc qui lui dit « tient bon ». Il est dans une rue plus étroite sur un faux plat descendant. La bagnole grogne en entrant à son tour avenue Bizot . Mauvaise-Nouvelle accélère encore et tourne au coin à gauche en se plaquant au mur. Il pose les deux sacs à ses pieds et attend son gros gibier, à l’affût. La charrette déboule au taquet mais doit ralentir pour prendre le virage. La tête du pilote qui s’aperçoit trop tard de sa connerie est à deux mètres du canon de Mauvaise-Nouvelle qui appuie sur la détente. Il n’a pas de doute sur son tir, la ferraille va s’écraser sur la ferraille à l’extérieur du virage dans un grand boucan. Le gars prend le temps de glisser le sachet de pilules dans le sac à main, remet le feu dans sa poche et referme son blouson sur le sac. Il tapote son bidon et fonce au grand trot, sans but, simplement pour s’éloigner. Il vient de tuer deux hommes et il se sent plus calme qu’il ne l’a jamais été, comme apaisé. Le vent de la course siffle à ses oreilles mais son cœur n’accélère pas, il ne perçoit même pas son souffle. Il continue à descendre l’avenue, une sirène hurle au loin et il prend à gauche au hasard. La rue est plus étroite, elle monte légèrement et au rythme de sa course qui ne faiblit pas il parvient jusqu’à un pont qui enjambe la chaussée. Il stoppe brusquement, observe les alentours. L’atmosphère est au diapason de ses sensations, détachée, distante, froide à force d’être calme. Il décide de grimper au lampadaire du côté droit de la rue. Il parvient ainsi à s’agripper à une des rambardes du pont et à faire un rétablissement. Il est sur le tablier à présent, il marche calmement entre les rails de la voie de petite ceinture pendant qu’un fourgon de police passe en hurlant au-dessous de lui, rue Montempoivre. Mauvaise-Nouvelle sourit, sa mauvaise étoile l’a guidé, il a la certitude d’être à l’abri dans l’obscurité qui l’entoure maintenant. Il remonte la voie vers le nord jusqu’au moment où des grands bâtiments se dessinent sur sa gauche; un peu plus haut sur sa droite il tombe sur une ancienne baraque qui devait servir au temps où les trains circulaient encore sur la petite ceinture. Elle est abandonnée, ça sent la pisse, la deum et la vieille sueur mais ce n’est pas fait pour gêner Mauvaise-Nouvelle, pas plus que les graffitis obscènes qui souillent les murs rongés. Il cherche un coin tranquille à la lueur de son briquet et finit par s’adosser à une porte. Il ouvre sa veste et dépose le flingue sur sa cuisse droite, à portée de main. Puis il extirpe le sachet plastique du sac à main et entreprend de fouiller méthodiquement ce dernier. Il tâte les doublures quelques secondes et finit par découvrir ce qu’il cherche, un renflement entre la toile et le cuir. Il déchire d’un coup sec et peut enfin mettre la main sur un petit paquet de tune serré. Il y a là une dizaine de billets de cent et deux cent mêlés, pour mille trois cent Francs exactement mais Mauvaise-Nouvelle n’est pas vraiment capable de faire l’addition, il est seulement heureux d’avoir vu juste en ramassant le sac. Il fourre le brouzouf dans sa poche de jean, vide le porte-monnaie et la boite à cigarette et les lance à travers la pièce. Les billets vont rejoindre leurs semblables au fond de son jean. Il coince le joint entre ses lèvres et l’allume. Il n’a jamais été adepte de la fumette qui rend bêtes et mous certains de ses collègues du foyer, mais la soirée mérite un écart à sa ligne de conduite habituelle. Il observe maintenant les pilules à la lueur du joko qui grésille sous ses aspirations puissantes. Elles le lorgnent tranquille, à l’abri du plastique qui les protège. Mauvaise-Nouvelle se demande de quelle sorte de dope elles sont pour qu’on s’étripe à leur sujet le long du cours de Vincennes. Il n’est pas non plus amateur de cacheton depuis qu’il sait qu’au foyer la directrice les oblige à en prendre certains pour calmer leurs ardeurs sexuelles et éviter le viol des petits. Il recrache toujours les siens après avoir fait semblant de les avaler et ainsi il garde la gaule au contraire des collègues qui avalent tout ce qu’on leur donne comme si c’était du pain béni.

Dès 5h du mat‘, l’agitation prévaut sur le Cours de Vincennes.

Pas loin d’une demi-douzaine de caisses et un panier à salade ont débarqué leur contingent de schmits sur le boulevard.

L’un des leurs est tombé dans un champ qu’on a du mal à imaginer d’honneur. On a fait le vide, une vingtaine de mètres alentour. Sandrelli, un jeune inspecteur de la criminelle, s’est retrouvé un des premiers. Il inspecte la bagnole vert sombre avant tout le monde. Quand on emporte le corps du travesti personne ne trouve rien d’anormal à ce que Sandrelli parte appeler sa copine. Une fois arrivé à la cabine, il se trompe de numéro et la laisse dormir. Par contre il prend un malin plaisir à réveiller Câlin celui qu’il faut prévenir dans ce cas; pas un poulet, plutôt un requin de la politique qui a réussi dans son domaine, un parvenu qui se donne des airs d’esthète. Il ne le laisse pas souffler après le « Allo » sec de Câlin

« Biwzek s’est fait descendre, une vilaine trace de rouge à lèvres en travers de la gorge. C’est un tapin qui a fait le coup, Sonia, hors-jeu aussi. »

« Les bagages de Biwzek ? » La voix est froide, déjà parfaitement éveillée.

« J’y viens : Ils étaient trois à la fête, et le troisième manque à l’appel. Il a quand même pris le temps de sortir le mac de Sonia du jeu avant de disparaître avec les bagages de Biwzek.

Fin du rapport .»

« Trouvez qui est le troisième et localisez les bagages. Je m’occuperai du reste . Qui est le flic en charge ? »

« Commissaire Planqué du grand banditisme. »

« Il a un nom prédisposé, marquez le ! Prochain rapport dans deux heures. »

Le jour se lève. Mauvaise-Nouvelle est toujours éveillé assis dans la lumière timide qui inonde doucement les murs pouilleux. Il mate la carte du keuf un nommé Biwzeck; le type ne lui ressemble pas vraiment, elle ne pourra pas servir. Il tourne et retourne le rectangle plastifié entre ses doigts calmes. Il réfléchit aussi profondément qu’il en est capable. Le photomaton du moustachu décrit sa révolution sous le regard concentré de Mauvaise-Nouvelle. Malgré son peu d’expérience il se doute que deux ou trois morts font beaucoup de ce côté de Paris et que la flicaille va ratisser ferme. Le mieux serait de quitter la place mais Mauvaise-Nouvelle prévoit des difficultés. Des civils planqués à chaque coin de rue et il n’a pas de faffs à part ceux du flic. Il devrait filer loin d’ici comme il l’a toujours voulu. Le grand saut, pas mal pour un mec qui ne connaît rien d’autre que la vie au foyer de Bagnolet. Et il a son Bethléem, à lui seul. Un de ces trucs que la psy veut absolument lui faire cracher et qu’il garde bien au secret. Un des souvenirs que sa mémoire a laissé filtrer au cours des séances de canapé. Il se repasse la scène. Sa mère est face à lui, vautrée dans le fauteuil du salon, tirant sur une clope en regardant voler les mouches, elle est provocante dans une robe rouge qui compresse sa poitrine. Le type est là, grand, massif . Il est de dos comme d’habitude, vêtu d’un costume sombre les jambes légèrement écartées il bouche la faible clarté qui vient de la rue. Sa voix retentit :

« A Nîmes, sois à Nîmes le 7. Tu resteras deux jours, pas plus « Et le cœur de Mauvaise-Nouvelle se serre, il sait que son cœur d’enfant s’est serré. Sa mère ne sera pas là pendant au moins trois jours et ce que ça signifie il ne le sait pas depuis très longtemps. C’est à l’avant dernière séance de canapé qu’il l’a appris pendant qu’il fantasmait sur la voix de la psy parfumée: Trois jours dans l’ombre de l’appart des vieux du rez de chaussée qui n’ont rien d’autre à bouffer que du viandox . Il a même retrouvé l’odeur de l'appart, de la vieille pisse de chat et des haleines fatiguées, des fenêtres toujours fermées. Il ira à Nîmes. Il ne sait pas où c’est.

Mauvaise-Nouvelle est sur le boulevard Soult, il a décidé de prendre un taxi, un moyen sûr de voyager quand on a de la tune. Il est six heures trente, le jeune ne se sent pas fatigué malgré sa nuit blanche. L’état de clairvoyance dans lequel il s’est trouvé plongé sur le cours de Vincennes l’habite encore.

Au bout de cinq minutes, un grand noir finit par stopper une vieille 505 à l’appel de Mauvaise-Nouvelle. Il a un accent au couteau mais Mauvaise-Nouvelle comprend direct la question.

«La gare qui va à Nîmes»

«Ça, mon jeune, va falloir expliquer la route.»

«J’en sais rien. Y’a pas une gare dans le coin ? «

«Y’a gare de Lyon, c’est juste à côté. Mais ça m’arrange pas. Je rentre. »

«Cinquante c’est bon pour aller là-bas? »

«C’est bon mais je mets pas le compteur. Ça va?»

«Roule !»

Mauvaise-Nouvelle a à peine le temps de s’installer comme un pacha, la course est déjà finie, Petite Ceinture-Gare de Lyon avant sept heures , au mois de juillet, pas de quoi prendre ses aises. Arrivée par la rue de Lyon, en entrant sur la voie d’accès aux parkings, Mauvaise-Nouvelle repère le gyrophare des chtarres face à la grande entrée. Il sort rapide un bifton de cinquante qu’il tend au taximètre, déguerpit vers le fond du parking puis redescend boulevard Diderot par un escalier qui sent la pisse. En rentrant les mains profond dans sa veste au contact du feu d’un côté, de la caillasse de l’autre, il se donne confiance en passant devant la bouche de métro. Il cherche une autre entrée et contourne la gare par le nord-est.

Il avance à l’abri des petites rues et atterrit par Hector Amelot à la Place de Chalon. Il évite le grand escalier gris à sa droite et arrive à l’entrée qui donne sur la salle Méditerranée. Juste sur le premier débarcadère de béton blanc un poch’ relève d’une cuite à la vinasse, le dos appuyé au bastingage de métal .

« Fils, t’aurais pas une pièce pour un mec dans le besoin «

Mauvaise-Nouvelle le contemple : Le visage du type n’est pas trop vieux entre trente et quarante. Sa peau est brunie par les heures passées au soleil dans les squares, à cuver la cuite du matin. Sur le bord de son nez un gros grain de beauté, tout comme celui de la mère de Mauvaise-Nouvelle quand elle le prenait dans ses bras et le couvrait de baisers rouges. Il s’arrête, regarde le type fixement, ses yeux bleu pâle fixés dans ceux, bruns, de la cloche.

« J’suis pas ton fils, tête de mort «

« J’disais ça comme ça, t’émotionne pas mon gars » Le type fait un gros rot gras, Mauvaise-Nouvelle est prêt à s’éloigner , il se ravise.

« Y’a des trains pour Nîmes, dans le quartier ?»

« Tu frappes à la bonne porte. Moi Cady, je connais la gare comme ma poche surtout si ça me rapporte un peu ?» Il plisse la lèvre jetant un regard interrogateur des pieds à la tête de Mauvaise-Nouvelle.

« J’suis ton homme, tu m’amènes au train de Nîmes et t’auras du brouzouf . Mais direct, loin du nez des civils »

« Fais-moi confiance. T’es dans ton train. » Après un instant

« Tu veux passer par le guichet avant ? »

« Bien sur vieux chnok, qu’est-ce que tu crois ? « Le clodo se lève en grognant.

« T’es pas plus fier que moi, crois pas. J’suis sûr que t’as pas passé la nuit dans un lit. Vrai ? » Le mendiant part d’un rire toussotant, Mauvaise-Nouvelle aboie :

« Ta gueule vieux con. T’as d’la chance que tu pourrais être mon père !» Cady remonte son fute, pas ému, et part en trottinant dans ses godasses sans lacets. Mauvaise-Nouvelle le suit à quelques distances, guettant les képis. Le hall est calme à cette heure et le soiffard le guide en clopinant vers un guichet libre sur la gauche. Derrière sa vitre, le seuneuceufeu est tout pimpant, rasé de frais et il fronce le nez sous ses montures dorées quand le clodo s’adresse à lui.

« A quand le prochain pour Nîmes ?» Le gars tapote son clavier et consulte son écran, il est de bonne humeur, hier soir il a enfin levé la préposée deux postes plus loin. Un mois et demi qu’il courrait après. Il mime l’amabilité

« Avec ou sans escale, Monsieur ?» Mauvaise-Nouvelle répond, sec.

« Celui qui part le premier «

« Un corail dans huit minutes, par Clermont-Ferrand »

« Impec, c’est combien ?» Le marchand a suivi une formation de motivation à la vente, les réflexes jouent.

« Mais attendez pour juste un peu plus, vous pouvez être à Nîmes... » Il calcule rapidement « presque cinq heures plus tôt, avec le TGV » Il dit ça, tout fiérot.

« En partant dans combien de temps ? »

« Dans 20 minutes » Mauvaise-Nouvelle calcule à son tour.

« Alors ça sert à quoi? T’as jamais entendu parler du lièvre et de la tortue ? » Le cas n’est pas prévu par la formation et le marchand de vitesse arrondit les lèvres à la recherche de l’étincelle, qui ne vient pas. Mauvaise-Nouvelle plonge la main dans sa poche et en sort la liasse de Delacroix.

« Envoie le billet par Fermons-L’écran. J’suis pressé. »

« Clermont Ferrand . Aller-retour, première ou 2éme classe ?»

C’est le sans-abri qui répond

« 2éme, aller simple. Planqué! » Le guichetier lance son impression en soulevant les épaules et annonce le prix à Mauvaise-Nouvelle

« Trois cent cinquante huit francs » Le jeune balance une mini liasse au préposé qui fait le décompte et lui rend un des billets et de la mitraille. Mauvaise-Nouvelle reçoit son ticket et fait signe à la cloche qui a déjà commencé à s’avachir sur le comptoir

« Où c’est ? »

L’autre ouvre un œil puis lance au préposé

« Quel quai ? » Il y a du monde maintenant derrière eux et le cheminot s’impatiente.

« Consultez les panneaux de départ, c’est juste là-bas. » Il tend le doigt en direction d’un tableau électronique. Le sdf n’aime pas la technique

« On sait pas lire » Le marchand s’acharne à nouveau après son clavier.

« Quai 17 » Ils dégagent enfin sous les yeux impatients et les soupirs de la file des voyageurs en puissance. La cloche fait un demi-tour sur place qui les conduit à longer la terrasse d’un estaminet où un gars en blanc et noir commence à suer dans la température qui monte déjà.

« Hé fils ! On irait bien s’en jeter un petit , histoire de se rafraîchir, c’est le kalahari ici » Le guide a déjà pris la tangente en direction de l’abreuvoir, Mauvaise-Nouvelle le rattrape de la main. Il lui tord légèrement le bras. L’autre grimace et incurve sa trajectoire en direction de la gauche de la salle. Ils approchent d’une rangée de consignes, le jeune libère le gnoleur , le saisit par son paletot crasseux et le projette sur la première ligne de casiers. Le corps de Cady fait un grand boum sur les caisses vides et deux ou trois voyageurs hâtifs se retournent.

« J’t’ai déjà fait savoir que j’suis pas ton fils. » Mauvaise-Nouvelle siffle, les yeux fixes et les narines palpitantes.

« C’est pas parce que tu t’prends pour une lumière, j’m’en torches de ton kabanari. J’pourrais te buter ici même. Poum-poum. » Il prend la main du type qui pourrait être son père et la plaque sur sa veste à l’endroit où sommeille le feu.

Mauvaise-Nouvelle déteste tous les hommes de cette classe d’âge, celle de l’ombre chinoise qui revient dans ses songes chez la psy. Il aime bien démontrer sa supériorité à celui-ci.

Le père putatif déglutit avec peine, il n’a pas confondu, son instinct lui dit de se méfier de ce qu’il a senti dans la poche du jeune.

« C’est juste un désert, le kalahari. » Il a rentré la tête en parlant, comme un gamin qui attend la grêle. Le type dégoûte Mauvaise-Nouvelle et lui fait pitié en même temps : Pas un mec fait pour la rue, né pour payer comme on dit au foyer.

Mauvaise-Nouvelle aperçoit les képis des blanc-bleu en approche.

« Où c’est ? » Le clodo tend le pouce sur sa droite, vidé.

« Juste là » Ils partent dare-dare vers l’escalator pour les voies numériques mais empruntent l’escalier, plus facile de faire demi-tour en cas de besoin. Pas d’uniformes en haut mais ça ne veut rien dire.

« Oublie pas de composter .» Mauvaise-Nouvelle fait signe qu’il ne comprend pas et le clochard doit le guider jusqu’à la machine où Mauvaise-Nouvelle enfonce son ticket avec rage.

« Bon au train, maintenant. Pas d’embrouille. Tu connais les civils par ici ? »

« Sûr . »

« Et alors ?» Mauvaise-Nouvelle boue.

« Pas un. Y’a pas un de ces paresseux dans le coin, gars. »

« Chouf, au train feignasse. » Ils se dirigent vers la voie 17 et le clodo s’arrête en tête.

« V’la ton dur, garçon. Celui de droite. T’as qu’à choisir un compartiment au calme, vers le milieu. Évite le bar »

« J’sais c’que j’ai à faire. Tu t’prends vraiment pour mon père vieux con ? J’en ai pas d’père, j’suis comme Jésus. En plus vicieux. » Il fouille les poches de son jean et remonte la ferraille qui devait servir d’appât la veille.

« V’là de quoi te prendre une vraie cuite, pouilleux. Moi ça m’allège et toi ça va t’faire décoller. » Le visage du mendiant s’éclaire tandis qu’il convertit en 8.6 l’amoncellement des pièces que retiennent ses deux mains.

« J’savais bien qu’t’étais pas si mauvais que ça. »

« Allez, on s’embrasse pas vieux schnok, j’aime pas ton parfum » Et Mauvaise-Nouvelle se retourne en plongeant les mains dans ses poches. Le clodo fortuné murmure en secouant la tête.

« Oublie pas. Ceux du milieu «

Mauvaise-Nouvelle remonte la ligne de wagons tandis que le soiffard met sa fortune à l’abri dans ses braies qui en profitent pour passer au-dessous de la ligne de flottaison. Il tient son falzar d’une main en fonçant vers la réserve à 8.6, un chinois qui tient boutique sur le boulevard Diderot.

Mauvaise-Nouvelle a trouvé un wagon, il s’avachit sur une banquette dans un grand compartiment et sort sa dernière cibiche. La détente, le tabac et la lumière qui inonde le train font remonter les effets du pétard de la nuit. Il ferme doucement les yeux , du bruit à sa droite les lui fait ouvrir brusquement. Une vieille s’installe juste sur la travée à droite de la sienne. Elle le regarde d’un œil furibond et dit d’une voix pincée en fixant le mégot de Mauvaise-Nouvelle.

« On ne fume pas ici jeune homme !» Elle lui désigne maintenant du regard une pancarte où un clope triste est en prison derrière une barre rouge de travers. Pour le moment Mauvaise-Nouvelle à envie d’écraser le sien sur les genoux de la bonne femme de l’autre côté du couloir.

« C’est bon, grand-mère. Où je pourrais bien aller griller mon oinj tranquille ? » Il se lève nonchalamment et vient se planter à l’aplomb de la mamy qui redresse le nez sous l’effet de l’assaut du tabac et de l’indignation.

« En face jeune malappris. Et je ne suis pas votre grand-mère. » Mauvaise-Nouvelle s’éloigne en chaloupant , il lui fait un bras d’honneur par-dessus son épaule sans même se retourner. Il trouve une nouvelle place solitaire tandis que le train quitte le quai. Une voix accentuée souhaite bienvenue aux moutons rassemblés et annonce la litanie des gares qui seront desservies. Mauvaise-Nouvelle ne retient rien et s’endort à hauteur du périphérique. Une première fois le contrôleur le réveille. Malgré son cerveau embrumé le cavaleur remarque la mine du type : Comme s’il avait un mauvais pet coincé quelque part dans la tuyauterie. Il lui tend son billet en se frottant le visage.

« Tu croyais que j’en avais pas hein leur-leur ? »

« Vous n’êtes pas dans le bon wagon. Ce sont les 23 et 24 qui vont à Nîmes. Il faudra changer avant Clermont. »

« Combien de temps ? »

« trois heures, un peu plus »

« Je serai réveillé avant. »

Il replonge dans le sommeil ayant réglé son réveil interne, un des seuls dons que lui reconnaisse la directrice du foyer. Il se retrouve dans le petit appartement de la rue de la Lune. Sa mère est là dans sa robe rouge. Elle tient le téléphone et elle pleure en écoutant la voix de Nîmes. Les sanglots agitent ses épaules nues sous les bretelles de satin rouge. Mauvaise-Nouvelle se précipite, il vole à travers la pièce, embrasse les genoux de la femme pour la consoler. Il jette son petit corps en barrière protectrice devant les belles jambes de sa mère.

Elle lui caresse enfin la tête, il prend l’écouteur et entend les derniers mots que prononce la voix enrouée

« Je ne viendrai plus. Ne cherche pas à me revoir. Tu sais ce que tu risques, n’est-ce-pas ? » Puis le claquement sec du poste raccroché et un long bip avant que sa mère, muette à présent, ne raccroche à son tour. Il s’agite dans son sommeil et une ombre passe sur ses sourcils clairs comme du blé. Il sue dans la moiteur du compartiment, personne ne s’est encore levé pour régler la clim. Puis, brusquement, sur un dernier sanglot de sa mère, il s’éveille, de la cendre dans la bouche, comme toujours après un de ses plongeons dans le passé. Il jette un regard alentour : Un voyageur par banquette, roupillant, des écouteurs dans les oreilles ou penché sur des mots croisés, pas un rave quoi. Mauvaise-Nouvelle décide de ne pas tenir compte du second conseil de l’éponge, il a déjà fait l’effort de s’installer en milieu de train et ça lui vaut de devoir déménager. Il s’arrache de la moleskine suintante et traverse tout le compartiment en scandant un rap qui en veut aux bourgeois. Mais personne ne lève la tête et le jeune dur se retrouve près du gog, son premier objectif avant le bar. Un mec est là, pas plus vieux que lui, répandu au sol et bloquant la porte de ses grosses godasses au bout renforcé dont Mauvaise-Nouvelle ne connaît pas la marque. Mais elles ont de la gueule et elles doivent valoir un paquet estime-il. Par contre, de gueule, le propriétaire des grolles, il en a pas. Le blond ne voit rien d’autre qu’une tête à la tignasse rasée et rouge vif. « Déchet de l’humanité » pense Mauvaise-Nouvelle en contemplant le gars vautré à ses pieds. Il lui met un coup de basket vicieux dans la cuisse, un de ceux qui réveille même les plus paresseux. Le jeune ne sursaute même pas et Mauvaise-Nouvelle a eu la nette impression que son coup ne s’enfonçait pas beaucoup. L’autre a l’air plus solide que prévu dans son large pantalon à carreaux écossais qui lui donne l’air d’un clown. Mauvaise-Nouvelle ne fait pas l’erreur de se pencher mais il ne se met pas assez vite sur la défensive. Un coup d’une des énormes godasses lui fait plier le genou droit puis sa cheville se tord sous les efforts conjugués des deux pieds armés de son adversaire. Il plie complètement pour sauver sa cheville et plonge vers le gars qui n’a plus qu’à le cravater pendant sa chute en roulant sur lui-même et Mauvaise-Nouvelle se retrouve avec un coude en travers de la gorge et la main gauche de son adversaire qui lui a saisi le paquet à travers le jean. Deux yeux vert gris sont braqués dans les siens et une voix qui passe des graves aux aiguës sous l’effet d’une haine contenue en disant « Tu bouges, j’t’éclate la gueule et les burnes. Capiche ?»

Mauvaise-Nouvelle en a vu d’autres au foyer et il lâche aussitôt du leste, le gars est plus jeune que lui c’est certain. Il prend son air de grand frère fâché en soufflant dans ce que l’autre lui laisse d’élasticité au larynx.

« Cool, j’ai pigé. Où t’as appris à te battre ? »

Le kepon se redresse dans un seul mouvement et c’est son tour d’observer Mauvaise-Nouvelle étendu.

« J’dormais pas. Suffisais de parler »

« Ok, c’est bon. Excuse. » Mauvaise-Nouvelle a pris son air buté-soucieux qui peut passer pour une caricature de remords si on n’est pas trop regardant.

« En tout cas explique où t’as appris. J’suis candidat. »

« A Drancy, école de close-combat. Y’a des champions chez nous, des vrais bêtes de concours. Moi, j’me défends. Un point un trait. » Mauvaise-Nouvelle a fini par se redresser, il est juste resté au sol un peu plus longtemps que normal, histoire de montrer qu’il le prenait à la cool. Il s’aperçoit maintenant de son erreur d’appréciation, le gars mesure cinq bons centimètres de plus que lui et doit peser dix kilos de plus. Un t-shirt blanc moule ses biceps. Des cuisses et un cul moulé dans du latex noir pointe au centre de son torse avec une légende circulaire. « La caverne d’Ali Baba. » Une cible rouge orne la position supposée de la rondelle.

« Bon dieu t’es une tafiole ou quoi ? »

« Non c’est pour les meufs, juste pour qu’elles se trompent pas sur mes goûts. » Mauvaise-Nouvelle ne moufte pas, qu’un type aussi jeune ait déjà un code pour les femmes le laisse pantois mais il n’en montre rien. Il agite les épaules ce qui est un signe d’énervement. Au foyer la place se fait autour de lui quand il est dans cet état. L’autre continue à l’observer calmement comme si de rien n’était. Mauvaise-Nouvelle questionne

« Ton blaze c’est quoi ? »

« Sid comme Vicious et toi ?»

« Mauvaise-Nouvelle, comme les infos à la téloche. »

Sid part d’un grand éclat de rire qui le détend « Ah ouais et ton nom de famille c’est Nouvelle, Mauvaise ça te va bien. »

« Écoute Ducon j’étais venu pour chier, j’y vais « Sid étend son bras pour bloquer l’accès

« Je vais pisser d’abord, dac ? » Les épaules de Mauvaise-Nouvelle s’agitent, il détourne les yeux pour que Sid ne voit pas la haine qui brûle. Sid prend son temps, il doit se laver les dents et Mauvaise-Nouvelle a la pêche à la porte de parachutage. Il serre les dents et tente d’oublier ses tripes en bataille. La porte s’entrouvre enfin, elle coulisse vers l’intérieur; Mauvaise-Nouvelle ne réfléchit pas, il donne une grande poussée de l’épaule. Sid est repoussé dans le cabinet contre la paroi. Avant qu’il reprenne ses esprits Mauvaise-Nouvelle a déjà fait faire trois allers retours à la porte. Le punk en a pris un coup par la tête, il grogne entre le panneau du chiotte et la portière. Mauvaise-Nouvelle a enfoncé son épaule dans le bois laqué et appuyé ses pieds sur le montant, il est légèrement de biais. Il donne de la pression dans ses jambes et la porte s’enfonce un peu, c’est mou maintenant derrière.

« Moi c’est le foie que j’vais t’éclater, à la poignée de porte, ils pourront toujours chercher l’arme du crime. T’es un vrai connard, c’était que le premier round et t’as gagné aux points.»

« Arrête je vais foxer. » Mauvaise-Nouvelle relâche un peu la pression

« Tu sais ce que c’est le kalahari toi ? » Sid éructe

« Non , j’men tape du kala chose »

« Et toi, tu veux savoir d’où j’tiens mon art ? De Bagnolet mon pote, du foyer de Bagnolet. Oublie pas l’adresse pour la passer à tes champions, je leur refilerai quelques conseils. »

Déjà la haine reflue, le laisse un peu hébété.

« Ok, Ok laisse-moi sortir, il me faut de l’air. » Mauvaise-Nouvelle ouvre la portière et le vaincu sort se tenant le ventre, une marque violacée au milieu de son front concurrence le rouge de ses tifs. Le blond est grand seigneur.

« Attend moi, j’vais poser. J’t’offre un verre après ? » Il n’attend pas la réponse et se met en position pour libérer un des trésors de la caverne d’Ali Baba. Soulagé, torché, les mains et le visage hydratés il ressort plus fringant. Sid n’est pas fier, il a recensé les dégâts, battu à plate couture et il préfère éviter le troisième round. Ils partent en direction du wagon-restaurant sans parler, Sid passe devant, penaud, pendant que Mauvaise-Nouvelle, nouveau Roland, sifflote à l’arrière garde.

Ils sont devant deux bifs, le nez collé à la vitre qui fait défiler la campagne jaune. Mauvaise-Nouvelle tend à Sid une des clopes du paquet fraîchement acheté. Le jeune la prend et l’allume à la flamme que fournit le briquet nacré de la pute au creux du poing de Mauvaise-Nouvelle.