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La chanteuse Melly Flores disparaît brutalement après avoir annoncé à son entourage une décision cruciale et inattendue influant sur son avenir. La police enquête sur ce fait divers qui agite la capitale. Le producteur de la vedette, Emeric Fisher, anéanti, s’adjoint alors les services d’un détective privé qui s’avérera essentiel dans sa découverte de la vérité.
À PROPOS DE L'AUTEURE
Caroline Zander a imaginé ce premier roman alors que son activité professionnelle diminuait, lui laissant le temps pour l’écriture. Architecte de métier, cinéphile et férue de faits divers, elle a travaillé à la construction d’une histoire contemporaine et inscrite dans son temps.
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Seitenzahl: 509
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Caroline Zander
Face B
Roman
© Lys Bleu Éditions – Caroline Zander
ISBN : 979-10-377-6364-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.
La voix d’Emeric se noya dans le vacarme ambiant. La musique électro avait monté d’un ton, les basses tambourinaient dans les poitrines. Les visages éclairés par la lumière stroboscopique affichaient des expressions saccadées, au rythme du tapage lancinant. Melly avait choisi l’endroit : le Studio B. Cette boîte de nuit, du 15e arrondissement, se situait dans le quartier qu’elle habitait autrefois. Une arène moderne et clinquante où les danseurs se contorsionnaient en tempo tels des gladiateurs. Elle en connaissait le propriétaire qui savait rester discret sur sa présence, tout en la chouchoutant à chacune de ses visites.
Melly Flores, la chanteuse à succès depuis une dizaine d’années, avait réussi l’exploit de garder un pan de sa vie secret, à l’heure où chaque sortie publique déclenchait une déferlante de photos, selfies et autres tweets sur les réseaux sociaux. Ses apparitions calculées étaient si rares qu’elles devenaient exceptionnelles et précieuses. Ce soir, elle avait décidé de sortir. Changer d’air et décompresser. Tout un programme. Elle avait imaginé qu’elle pourrait passer une dernière soirée entre amis, sans jugement ni représentation. La chanteuse avait pris seule, une décision capitale, quelques jours auparavant et piaffait à l’idée de la partager avec son entourage le plus proche. Espérant que tous, lui donneraient leur aval, elle appréhendait en réalité qu’ils encaissent brutalement la nouvelle. Melly avait donc appelé deux amies, Isabelle et Jeanne, ce cher Andres était forcément de la partie et bien sûr Emeric serait présent… Elle n’avait aucun doute sur la réaction des filles : ses copines de toujours formaient le cercle rapproché de sa garde, partageant une amitié franche, claire et solide. Quant aux garçons, elle en attendait une réaction plus épidermique et amère, des mecs quoi !
Le début de soirée s’était écoulé tranquillement. Tous avaient d’abord grignoté un morceau dans l’appartement de la vedette qui avait préparé avec soin cette petite réception. Jouer les marmitons à la maison lui procurait pleine satisfaction, réalisant avec le temps, que le meilleur moyen d’échapper aux paparazzis, restait la planque à domicile. Lorsque tous furent réunis, accoudés au plot central de son immense cuisine immaculée, picorant sur le plateau les bouchées préparées par leur hôte, Melly leva son verre de vin blanc et choisit de prendre la parole :
Les convives échangèrent un regard surpris, voire inquiet. Andres, lui, souriait comme s’il savait à quoi s’attendre ou connaissait la chute de cette drôle d’histoire.
Comme des supporters réagiraient à un but marqué par leur équipe, Isabelle et Andres explosèrent dans un cri et des applaudissements, en face l’équipe qui avait encaissé, resta médusée. Jeanne souffla la première :
Emeric enchaîna :
Pour la première fois depuis qu’elle avait lâché cette information, telle une bombe, Melly reprit la parole. Cette fois, elle avait posé son verre, et les mains à plat sur le comptoir, se pencha en avant comme pour occuper le centre du cercle. Elle fit un tour de table avec les yeux et finit par se planter dans le regard d’Emeric.
Andres qui n’avait encore rien dit enchaîna :
Emeric le fusilla du regard :
Melly avait arrêté net la dispute. Elle avait évidemment envisagé que les personnes qui gravitaient dans son petit univers réagiraient de manière différente, mais pas aussi violemment. De toute évidence, les non-dits et les rancœurs minaient leurs relations à tous. Elle avait toujours considéré Andres comme un vrai ami : ils partageaient la musique, il leur était arrivé de composer une ou deux chansons ensemble… C’était un frère de cœur. Elle aimait sortir et voir le monde avec lui : il était insouciant parfois puéril, mais dans son équilibre personnel, il faisait pencher la balance un peu plus du côté du bonheur. En face, Emeric, le mentor devenu le manager, ne semblait plus voir en elle qu’un produit marketing. Sa belle rencontre avec la jeune chanteuse Mélanie Forestier s’était transformée en affaire de management et de gestion de carrière de Melly Flores.
Melly reprit encore :
Le débat avait ensuite continué : Jeanne restée discrète depuis le début, s’était ralliée à Emeric, mettant en avant la brutalité de cette annonce, les conséquences sur la carrière et le public de la chanteuse. Isabelle, qui avait applaudi au scoop, ne jurait que par le bien-être de son idole : son besoin de quitter Paris, de changer de vie, elle le respecterait.
Une fois la tension retombée, et quand chacun eut digéré à sa manière la décision livrée par la vedette, Melly proposa en personne de « Sortir… fêter ça ! ». Emeric secoua la tête, peu convaincu par l’engouement de sa protégée, mais Isabelle, Jeanne et Andres répondirent par un « OK ! » Il se plia à contrecœur, à la volonté du petit groupe.
Emeric répondit du tac au tac :
Melly coupa court à la discussion qui reprenait un tour détestable :
Elle avait prononcé ces derniers mots avec un sourire qu’il n’avait pas vu sur ses lèvres depuis des mois : avec ce sourire, elle séduisait le monde entier mais ce soir s’y ajoutait un trait de défi. Elle avait décidé seule. Elle avait envisagé seule, un avenir différent.
Il était minuit trente passé lorsque le taxi s’arrêta rue Balzac. Un ancien cinéma reconverti en night-club accueillait une clientèle jeune et branchée. Sous l’auvent carrossé d’inox, des clubbers s’agglutinaient dans l’ancien hall, d’autres échappaient au tumulte ambiant pour fumer sur le trottoir. Des photos noir et blanc d’acteurs occupaient les cadres autrefois dédiés aux affiches de film. La façade métallique s’étirait jusqu’à une double porte. Melly descendit la première du taxi, pour s’engouffrer sans hésitation dans le couloir sombre. Un des videurs, le plus petit, râblé, avait ouvert la lourde porte métallique tandis que le second, le grand costaud, se plaça sur le trottoir les bras en croix, tel un agent de la circulation.
Mais tête baissée, le petit cortège fila de la voiture à la discothèque sans répondre au colosse. Seule, Jeanne, qui fermait la marche, osa un geste de la main pour remercier les deux hommes. Au bout du couloir, des éclairs filtraient sous la porte, en rythme, les basses commençaient déjà à marteler les tympans. Sous la lumière blafarde de l’éclairage de sécurité, Jacky, le propriétaire, attendait ses clients VIP.
Il l’embrassa, serra la main d’Emeric qui la suivait et enchaîna deux bises aux filles. Comme s’il cherchait quelqu’un sur un quai de gare, il reprit :
Andres remontait le couloir, tout sourire, dégrafant son blouson de cuir.
Revenant vers la porte encore fermée, Jacky mit son bras autour de l’épaule de Melly et se rapprocha pour lui parler.
Il marqua un temps et posa sa main sur la poignée :
Lorsqu’il ouvrit la porte, Melly crut prendre une gifle. Tel un marteau piqueur, elle sentit dans la poitrine, le rythme effréné de la musique électro et une rampe de projecteurs la balaya, l’éblouissant une seconde. À cet instant, elle se demanda si c’était une si bonne idée de venir, ce soir, dans le temple de la légèreté et du superficiel. Il pouvait être midi ou minuit, on était dans Paris ou à Londres, hors du temps et plus de repères. Mais après tout, c’est ce qu’elle était venue chercher : se perdre et disparaître comme engloutie par la foule noctambule.
Après avoir monté un escalier métallique, Melly en tête, découvrit l’espace que leur avait réservé Jacky : tel un cocon, une banquette courbe et enveloppante tournait autour d’une table basse en verre.
Melly fit le tour de la table en marchant, caressa la banquette de velours et s’arrêta près de la rambarde. Le propriétaire avait en effet réaménagé le balcon de l’ancien cinéma et créé trois espaces identiques, isolés les uns des autres, surplombant la salle principale de la boîte de nuit. Accoudés à la barre métallique, les clients VIP pouvaient observer les danseurs qui s’ébrouaient, plus bas. Au fond, derrière le bar, des images étaient projetées, transformant les barmaids en ombres chinoises. Jacky expliqua qu’il pouvait, grâce à cet écran, imaginer n’importe quelle ambiance. Ce soir, il avait choisi le thème « Gravity » : les images de planètes et d’espace envahissaient la toile.
Melly s’installa au centre de la banquette. Emeric et Andres prirent place de part et d’autre. Il lui sembla qu’elle se tenait là, entre deux adversaires, arbitre d’un combat dont l’enjeu était finalement son propre avenir. Enfin, Jeanne et Isabelle profitèrent un moment du surprenant panorama.
Jacky se tenait encore debout, il demanda, tournant la tête pour balayer tout le monde du regard :
Le propriétaire du club disparut dans l’escalier. Melly sentit qu’elle devait débloquer la situation. Emeric n’avait pas desserré les dents depuis qu’ils avaient quitté l’appartement, Andres lui, paraissait ailleurs ! Heureusement, la musique s’entendait moins dans son « coin », elle espérait qu’ils pourraient parler…
Emeric hocha la tête, bien sûr qu’il avait raison. Il déchanta quand il entendit Melly ajouter :
La nuit avança et la première bouteille de Champagne vite descendue : les filles carburaient aux bulles, c’est plus léger, disaient-elles… Emeric n’avait pris qu’un whisky, Andres, égal à lui-même, avait bu les deux. Il avait sûrement fait d’autres mélanges encore, passant près d’une heure, à gesticuler le long du bar. Melly et ses amis l’observaient depuis le balcon, amusés par sa silhouette qui se découpait devant l’écran. La barmaid avait dû le supporter un moment. Jeanne et Isabelle faisaient des allers et retours entre la piste de danse et l’alcôve. À chaque voyage, elles rapportaient à ceux qui voulaient bien les écouter, leurs rencontres sur le dancefloor, leurs flirts près du bar. En s’affalant sur la banquette, une coupe à la main, Isabelle raconta :
En se tournant vers Melly restée assise, elle continua :
Emeric fusilla Isabelle du regard. Celle-ci comprit qu’elle en avait peut-être trop dit et enchaîna avant que Melly ne réponde :
Isabelle plongea dans son verre, Melly sourit et brandit sa coupe vers Emeric :
Elle se dressa, trop vite, et tituba entre la table et la banquette, manquant de s’effondrer. Elle avait beaucoup bu et le balcon lui sembla tanguer sous ses pieds. Elle reprit ses esprits pour déclarer un peu solennellement, agitant son verre vide :
Emeric la fixa. À ce moment, Andres débouchait de l’escalier, tout sourire, tenant son verre du bout des doigts. Melly l’aperçut et lui cria presque :
Emeric, jusqu’ici resté assis, alors que Melly trépignait toujours, s’éjecta de la banquette. La colère montait. Décidément, le comportement de la chanteuse devenait insupportable.
Elle attrapa le bras d’Andres pour opérer un demi-tour et l’entraîna vers l’escalier.
Avec un coup de pied, en rage, Emeric renversa la table basse : le verre brisé et les glaçons du seau à champagne se mélangèrent sur le sol. Il resta figé et Isabelle bouche bée. Ni l’un ni l’autre ne bougea. Le tapis d’éclats, qui scintillait au sol, était infranchissable.
Après avoir dévalé l’escalier, Melly, toujours accrochée au bras d’Andres, s’engouffra avec lui dans l’issue de secours. Ils poussèrent la porte vers l’extérieur d’un même élan pour se retrouver expulsés face aux videurs, à l’air rigolard.
Il avait mis son doigt sur la bouche comme un enfant et expliqua qu’il voulait partir discrètement avec la jeune femme qui l’accompagnait. Melly n’avait plus dit mot depuis qu’ils avaient dégringolé les marches. Après la montée d’adrénaline, le contre coup. Elle sentit la fatigue l’envahir : les jambes cotonneuses avec l’ivresse, un brouillard s’abattait autour d’elle. Elle perçut la voix d’Andres :
Andres tendait son casque vers Melly. Elle l’enfila. Dans un éclair de lucidité, elle se demanda comment Andres pouvait penser à lui faire porter un casque mais n’hésitait pas une seconde à conduire son engin, bourré. Elle reconnut, que bien qu’éméché, Andres avait démarré au quart de tour, descendu le trottoir sans une hésitation et s’était lancé dans la rue à tout ber zinc. Les bras autour de la taille du pilote, Melly sentit que la vitesse et l’air frais qui lui fouettait le visage la revigoraient. Le casque d’Andres était léger et seule la petite visière rabattue lui protégeait les yeux.
Dans la boîte de nuit, Emeric, toujours sur le balcon, avait réussi à se sortir de son piège de cristal. Le dos appuyé à la rambarde, il sortit son portable de sa poche et appela le numéro de Melly. Alors qu’il levait la tête pour approcher le téléphone de son oreille, il comprit en un éclair que la situation se compliquait encore : là, sur la banquette, la pochette de Melly. Il entendait les premières sonneries dans son portable quand il aperçut les flashs filtrer sous le rabat du sac à main.
Jeanne et Isabelle s’étaient finalement rejointes sur le balcon, toutes deux sonnées après la scène qui s’était déroulée sous leurs yeux. Isabelle se tourna vers Emeric :
Emeric lança le numéro d’Andres. Après cinq sonneries, il tomba sur la messagerie :
La moto fonçait dans Paris. À cette heure de la nuit, les rues s’étaient vidées. Melly ne savait plus depuis combien de temps ils roulaient, mais à nouveau la fatigue l’envahissait. Avec le ronronnement du moteur et la nuit avançant, elle craignit de s’endormir. Elle sentit le téléphone d’Andres vibrer sous sa main, dans la poche du blouson. C’est à ce moment qu’elle réalisa qu’elle avait quitté le Studio B sans son sac. Pas de papiers, pas de portable. Un brin d’angoisse s’insinua alors dans son esprit. Elle dépendait totalement d’Andres.
Elle avait crié pour couvrir le bruit du moteur. Cette machine, Andres en avait rêvé : le plus gros scooter du marché, surpuissant, capable de rivaliser avec certaines motos lui avait-il expliqué le jour où il était arrivé au bas de chez elle, fier comme Artaban, un grand sourire aux lèvres. Il détenait enfin son jouet. Cette nuit, quand Andres se pencha et tourna sa tête de moitié pour lui répondre, elle reconnut le même sourire. Il aimait rouler à bloc, il lui plaisait aussi de partir sur un coup de tête. Ses cheveux au vent, les yeux embués par l’air et la vitesse, il cria en retour :
Resté au Studio B, Emeric comprit enfin qu’il avait mal réagi. Il aurait dû courir, les rattraper avant qu’il ne soit trop tard. Maintenant, il arpentait le trottoir en invectivant les deux gorilles :
Le plus petit tenta de se justifier :
La situation devenait maintenant claire : Melly avait disparu dans la nuit, sans son portable ni ses papiers, emmenée par Andres, le champion de l’insouciance et du laisser-aller réunis. Le jeune homme montrait une désinvolture qu’Emeric jugeait dangereuse… Il resta de longues minutes, désemparé sur le trottoir. Jacky le propriétaire et les deux filles l’avaient rejoint pour former une cellule de crise spontanée. Elles proposèrent d’appeler quelques connaissances communes pour tenter de pister la chanteuse. Emeric en fit de même, contactant son réseau pour trouver des informations. Après une demi-heure, à passer des coups de fil ou échanger des textos, Emeric recadra Isabelle et Jeanne.
Les filles partagèrent le taxi pour rentrer chez elles. Emeric attendit en compagnie du patron de la boîte qu’un autre chauffeur arrive. Jacky s’était voulu rassurant. Pour lui, Melly et Andres rentreraient au petit matin. Au mieux, sortie de sa léthargie, elle l’appellerait depuis chez elle, au pire, Emeric la trouverait comateuse dans son canapé, émergeant d’une nuit de folie.
Il était presque midi, pas de nouvelles. Emeric décida d’aller vérifier l’appartement de Melly. Il possédait un double de clé, confié par la chanteuse, lors de sa première visite dans ce superbe loft. Elle avait expliqué son geste en affirmant qu’il était celui qui avait rendu tout cela possible. Cet appartement, il lui en revenait une part en quelque sorte.
On était samedi et quand il s’engagea rue Blomet, toutes les places étaient occupées. Il restait une chance : empiéter sur le parking moto qui s’étendait le long du trottoir. Emeric se rappela s’être demandé l’utilité de ce si grand emplacement pour les deux roues. Aujourd’hui, il saluait sa dimension. Tant pis pour les PV, il y avait urgence. Il abandonna son coupé sport, tous feux clignotants, qui répondit d’un BIP à l’impulsion de la télécommande. Une fois franchi le petit portail qui séparait la courette de la rue, Emeric ouvrit la porte en haut du perron, grâce au badge. Il grimpa les deux étages du grand escalier lumineux pour se trouver rapidement, sur le palier de l’appartement de Melly, sonna et colla son oreille sur le bois verni mais ne perçut aucun bruit. Il cogna enfin directement à la porte, mais sans attendre une éventuelle réponse, l’avait déjà déverrouillée…
Répétant le prénom, il arpenta chaque pièce. Dans le séjour, aucune trace. Le grand canapé d’angle était désespérément vide. Le scénario de Jacky ne se réalisait pas. Les trois chambres désertes. Dans la cuisine traînaient les verres et quelques bouteilles laissés en plan, à la suite de leur départ précipité, la veille au soir. Melly avait coupé court d’un geste du bras aux tentatives de nettoyage de Jeanne et Isabelle.
Emeric ne pensait pas que le « on » englobait véritablement Melly. La femme de ménage s’en chargerait lundi.
Il se rendit à l’évidence : il n’avait aucune idée de l’endroit où pouvait se trouver la chanteuse. Les quelques contacts qu’ils avaient en commun n’avaient donné aucune nouvelle. Les filles, Jeanne et Isabelle se désespéraient aussi. Bien sûr, il avait laissé plusieurs messages à Andres et celui-ci ne répondait toujours pas. Le portable de Melly, qu’Emeric avait gardé sur lui, n’avait même pas sonné depuis la veille ! Pas même un SMS n’était tombé depuis sa fuite. Car c’est bien de cela qu’il s’agissait : la jeune femme s’était échappée… Quelques notifications s’étaient affichées sur l’écran mais le téléphone était verrouillé. Même si le producteur était assez proche de sa protégée pour posséder les clés de son logement, il ne l’était pas au point de connaître son code secret de déverrouillage. Ce téléphone était devenu le point d’entrée de l’univers intime de la chanteuse, plus caché et plus protégé encore que son appartement lui-même, et cette entrée-là lui était interdite.
Après avoir fait le tour des pièces, Emeric s’affala dans le canapé pour réfléchir à la situation. Celle-ci devenait de plus en plus inquiétante. Andres avait pu la conduire n’importe où : chez lui en premier, chez un copain pour finir une soirée de perdition… Un accident était ce qu’il craignait le plus. L’image du scooter lancé à pleine vitesse dans Paris lui traversa l’esprit. La prochaine chose à faire était d’aller vérifier l’appartement d’Andres, ensuite il faudrait se résoudre à demander de l’aide…
Andres habitait près du cimetière Montparnasse, Emeric se rappelait la rue, son nom était inoubliable : rue Froidevaux. Andres avait lâché quelques jeux de mots, expliquant même qu’il avait hésité à louer l’endroit, simplement à cause de son adresse. Mais le charme de ce petit deux-pièces de plain-pied avait pris le dessus. Emeric ne s’y était rendu qu’une seule fois depuis les trois ou quatre ans que l’ami de Melly l’occupait. Il n’était pas sûr de retrouver l’adresse exacte. Le portail quadrillé vert en métal qui fermait la cour sur la rue, restait le principal souvenir qu’il gardait de l’entrée. Emeric était reparti de chez Melly, avec un sentiment de tristesse et d’angoisse mélangées. Une vingtaine de minutes plus tard, il rejoignait le quartier du cimetière Montparnasse. Il avait emprunté la Rue de Vaugirard puis l’avenue du Maine, pour remonter lentement la rue Froidevaux et se laisser ainsi le temps de repérer les lieux. Là, entre deux arbres il reconnut le quadrillage vert et la façade de l’immeuble qui donnait sur la cour. Il gara sa voiture dans la première rue perpendiculaire. En revenant sur ses pas pour atteindre l’entrée, Emeric réalisa qu’Andres avait décidément bien choisi ce quartier : de l’autre côté de la rue, la clôture du cimetière formait une muraille de verdure impénétrable et la rangée d’arbres sur chaque trottoir, s’ajoutait au charme de cette artère. Enfin, Emeric s’arrêta devant la grille. Il vérifia que le portillon était bien fermé et en même temps sonna au boîtier qu’il avait aperçu en arrivant : heureusement, Andres avait noté son nom sur le bouton du bas, utilisant un simple adhésif alors que les autres occupants affichaient des plaques avec leurs noms en lettres typographiées. Toute l’inconstance du jeune homme se résumait dans cette vulgaire étiquette. Comme il le craignait, Emeric n’obtint aucune réponse. À travers les barreaux du portail, il jeta un œil dans la cour : il ne voyait pas le scooter d’Andres, qui, lui semblait-il, avait la possibilité de le garer juste devant sa porte d’appartement. Cette porte, Emeric pouvait l’apercevoir, frustré de ne pouvoir y frapper directement. Il recula de quelques pas pour réfléchir à une solution, bloqué devant ce portail et démuni. La rue était calme, peu de circulation en ce début d’après-midi et seuls quelques piétons parcouraient les trottoirs à l’ombre des acacias.
Tout à coup, la jeune femme, en legging et noir et débardeur rose, qu’Emeric avait aperçue, arrivant à grandes enjambées, ralentit sa course en même temps qu’elle portait les mains à ses oreilles. Elle finit par s’arrêter à sa hauteur, sans prêter attention à lui, resté planté sur le trottoir. Elle retira ses écouteurs et sortit un trousseau de clés d’une petite poche dans son dos. Emeric saisit sa chance :
La joggeuse avait déjà entrouvert le vantail et le retenait d’une main quand elle se retourna :
La jeune femme le toisa : ce garçon s’exprimait plutôt bien et faisait assez classe, habillé d’un pantalon de toile et d’un pull léger à même la peau, ne ressemblant en rien aux types, un peu paumés qu’elle avait vus défiler chez son voisin.
Emeric lui emboîta le pas. Elle avait repris sa course pour atteindre la porte située une vingtaine de mètres plus loin et se planta au pied des deux marches en tendant les bras, pour inviter Emeric à sonner. Il poussa d’abord le bouton de sonnette avec la même étiquette que sur le portail. Comme aucune réponse ne venait après les premiers ding dong, il tambourina en criant le nom d’Andres. Après une minute d’efforts, il descendit les marches pour rejoindre la jeune voisine qui l’observait les bras croisés, impatiente.
Machinalement, Emeric reprit lentement le chemin vers la rue, dépité. Il pivota enfin pour demander une dernière faveur à la jeune femme :
Sans un mot, la joggeuse décrocha son téléphone fixé à son biceps par un brassard, et le tendit à Emeric. Celui-ci entra son prénom, son numéro et rendit le portable.
Le portail franchi, Emeric vit la jeune femme à travers les barreaux, les mains sur les hanches. Elle l’observait pour vérifier qu’il quittait bien la place et exécuta un petit salut militaire avant de tourner les talons.
De retour, à sa voiture, Emeric s’assit au volant. Il faisait trop chaud dans l’habitacle, il descendit la vitre pour poser son coude à la portière. Les yeux sur son portable, il réfléchit. Plusieurs solutions s’offraient à lui : continuer à mener sa petite enquête avec des moyens qui venaient de montrer leur limite ou alerter la police pour obtenir de l’aide au risque de fuites. Comment travailler à la recherche de Melly sans provoquer un raz de marée médiatique et une déferlante sur les réseaux sociaux ? Quoi qu’il soit arrivé, Melly ne voudrait pas de cela, elle qui a toujours cherché à se protéger… Après quelques minutes, Emeric se décida à passer les premiers appels qui, il en était sûr, déclencheraient une série d’évènements imprévisibles.
Pierre Lemeneur interrompit Emeric, pour lui demander de se calmer. Il sentait en effet toute la crispation voire l’angoisse du jeune homme. En tant qu’avocat du producteur depuis cinq ans, il le connaissait assez pour reconnaître son sérieux, son implication dans les affaires de la chanteuse, bref un charisme plutôt rare dans ce monde de la musique. Fisher n’était pas le genre à paniquer ou s’agiter pour un rien.
Emeric, entendit tout juste son avocat lui expliquer qu’il avait un contact. Il enverrait par SMS le nom de la personne qu’il pourrait rencontrer et une heure de rendez-vous. Pour le moment, le mieux était qu’Emeric rentre chez lui.
Il suivit les conseils de Pierre Lemeneur. Ceux-ci s’étaient, jusqu’à aujourd’hui, toujours avérés très judicieux : lors de la bataille judiciaire entre Melly et sa jeune sœur ou quand un parolier leur avait cherché des poux à propos d’une chanson et d’un supposé plagiat… Bref, l’avocat avait tenu son rôle à merveille et avait su les défendre et les épauler parfaitement. Emeric comptait maintenant sur son aide et sa fidélité jusqu’ici sans faille.
Arrivé chez lui, sur les coups de quinze heures trente, Emeric réalisa qu’il avait le ventre vide, que la faim le tiraillait ajoutant à sa sensation de fatigue. Il est vrai qu’il s’était couché très tard, ou très tôt ce matin et avait dormi en pointillés, inquiet du sort de Melly et d’Andres. Il n’était parti vers l’appartement de la chanteuse, qu’après avoir avalé un simple expresso. L’estomac noué d’inquiétude, rien d’autre n’aurait pu passer.
Il se prépara donc, un encas avec quelques tranches de jambon et du pain de mie et les cornichons ajoutèrent une touche finale à son festin. Dans l’attente du message de Pierre Lemeneur, sur la suite à donner à l’affaire, Emeric avait besoin de se changer les idées. Installé dans son sofa, il attrapa la télécommande. Le large écran s’alluma sur un match de foot. Une opposition Bordeaux-Strasbourg ne l’aurait pas passionné en temps normal, mais aujourd’hui il se sentait prêt à regarder n’importe quoi pour se vider l’esprit.
On arrivait à la fin du temps réglementaire et le score affichait un triste 0-0, quand Emeric reçut le message qu’il attendait :
J’ai pu contacter le Capitaine Stéphane Lombard de la B.R.P. Il peut nous recevoir tout à l’heure à 19 h dans ses locaux. Je passe vous prendre chez vous à 18 h 30 ? Cdt. Pierre.
Décidément, l’avocat avait encore assuré, obtenant le contact et le rendez-vous en moins de deux heures, et tout cela un samedi après-midi. Il écrivit en réponse :
OK pour 18 h 30. À tout à l’heure. Merci. Emeric.
À l’heure tapante, Emeric, attendait au pied de son immeuble. Il reconnut la BMW grise qui s’engouffrait dans la rue et leva le bras pour se signaler au conducteur qui s’arrêta pile devant lui. Il traversa devant le capot pour venir prendre place dans la berline. Une poignée de main suffit aux deux hommes pour se saluer et Pierre Lemeneur démarra en trombe.
Lemeneur connaissait bien les lieux, depuis que les bureaux de la police avaient été transférés dans un bâtiment jouxtant le tribunal. Le quartier n’avait plus de secret pour lui. Dès la voiture garée, les deux hommes se dirigèrent à grandes enjambées en direction de ce grand immeuble de verre bleuté, désigné par l’avocat comme le nouveau « 36 ». Ils étaient en retard mais devaient d’abord se présenter à l’agent qui filtrait les entrées depuis son comptoir. Celui-ci leva le nez en guise de question et Pierre s’empressa de lui répondre.
Le jeune agent les dévisagea. Qu’est-ce que fichaient ces deux dandys dans les locaux de la police un samedi après-midi ? Il les aurait imaginés en route pour un restaurant chic de la capitale ou accoudés au comptoir d’un bar d’hôtel. Emeric avait enfilé une veste en lin avant de quitter son appartement et Pierre ne sortait jamais sans son blazer marine qui, porté sur une sempiternelle chemise blanche impressionnait toujours. L’agent n’ayant toujours pas fini de faire le tri dans ses pensées ni ouvert la bouche pour renseigner ses deux visiteurs, Lemeneur s’impatienta.
Enfin, le policier se décida à leur répondre.
Emeric et Pierre s’exécutèrent, déposant sur le comptoir et la carte d’identité et le passeport. Après une vérification sous les rayons d’un scanner, l’agent rendit les papiers et lâcha sans les regarder.
L’avocat prit les devants pour appeler l’ascenseur, et en émergeale premier au troisième étage. Lorsqu’ils atteignirent la porte vitrée avec le logo gravé de la BRP, ils comprirent qu’ils étaient arrivés. Tous les deux eurent le réflexe de scruter l’open-space qui s’étendait derrière la porte. Seule une femme, assise devant son écran leur tournait le dos. Les autres ordinateurs étaient éteints ou affichaient le logo de la police nationale. À peine avaient-ils franchi la porte de verre, qu’ils entendirent une voix venir de leur gauche.
Il les invita à entrer et s’asseoir, expliquant qu’il les attendait. Pierre Lemeneur fit les présentations et donna la parole à Emeric :
Adossé à son fauteuil, la lumière du jour commençait à baisser dans son dos, le Capitaine Lombard alluma la lampe posée devant lui. Alors, il s’avança vers ses interlocuteurs en posant ses coudes sur le bureau. Emeric put découvrir en détail le visage du policier éclairé par le cône de lumière : un regard acéré au-dessus du nez fin et des lèvres pincées. Il lui donnait une quarantaine d’années, mince presque maigre, un petit gabarit en définitive… La première question, qu’il posa, surprit Emeric.
Après une brève hésitation, Emeric raconta.
Lombard fit une pause, recula dans son fauteuil et attrapa son carnet et un stylo.
Emeric commença son récit de la soirée. Le policier l’interrompait de temps en temps afin de noter dans le détail, les heures, le nom de la boîte de nuit, les personnes présentes…
Maître Lemeneur prit la parole pour la première fois.
Emeric posa le téléphone devant lui en hochant la tête. Le policier fit glisser le portable de Melly près de lui et continua son exposé.
Emeric articula, médusé.
Emeric s’écroula sur sa chaise, le Capitaine Lombard avait décrit très froidement et en toute clairvoyance la situation actuelle. Le policier lança encore quelques questions.
Lombard prit quelques notes pendant une courte pause, entourant certains noms, tirant des flèches entre les colonnes d’informations qu’il avait accumulées. Il finit par le sujet qu’Emeric appréhendait d’aborder :
Il finit par poser des questions d’usage.
Emeric fit une pause alors que le Capitaine le fixait l’air interrogateur.
Lombard attrapa le portable et découvrit un portrait de la chanteuse, chevelure brune au vent, les yeux perdus vers le ciel, les bras croisés sur sa poitrine. Sur son décolleté, la clé brillait d’un éclat particulier : le regard convergeait forcément vers ce bijou, pas ordinaire et énigmatique… Emeric crut bon d’expliquer.
Cela faisait près d’une heure que l’entretien avait démarré et le Capitaine de police avait cerné cette affaire de disparition. Au départ, une disparition comme tant d’autres signalées dans leurs services, pensa-t-il, mais ici, il s’agissait d’une célébrité : une starlette, une cible potentielle d’un fan déséquilibré ou une proie d’un entourage étouffant ou intéressé. La chanteuse dépressive aurait-elle voulu tout plaquer, plus vite et plus tôt qu’elle ne l’avait évoqué la veille ? Il conclut leur conversation en expliquant à ses deux visiteurs, la procédure qu’il allait suivre. En accord avec eux, il allait d’abord à nouveau faire vérifier les logements de Melly et d’Andres, avant la nuit. La consultation des admissions aux hôpitaux et des rapports d’accidents serait la prochaine tâche à accomplir. Il pourrait aussi lancer une recherche sur le scooter… En ce qui concerne le portable d’Andres, qu’il serait envisageable de tracer, cette étape ne pourrait être franchie que si l’affaire passe entre les mains d’un Procureur. Pour cela, il faudrait que le magistrat qualifie cette disparition d’inquiétante… Alors, des moyens d’investigations complémentaires seraient mis en place.
Le Capitaine de police avait coupé court à l’entretien avec cette conclusion. Il se leva et tendit la main vers Emeric. Tous les trois se saluèrent et les deux visiteurs parcoururent le chemin de retour à leur voiture, sans dire un mot. Ils articulèrent tout juste, un « Bonsoir » à destination de l’agent de l’accueil, sans même le regarder. Chacun avait plongé dans ses pensées, ressassant l’entretien avec le policier.
Assis dans la berline, alors qu’il démarrait la voiture, l’avocat finit par demander.
Emeric se sentit épuisé et demanda à Lemeneur de le ramener directement chez lui. L’avocat, bienveillant, attendit d’être arrivé dans la rue, pour interroger son passager :
En ouvrant la porte de son appartement, l’idée lui passa par la tête que Melly l’attendait peut-être, pelotonnée dans son plaid dans l’angle du sofa. Mais, le séjour était plongé dans le noir, pas âme qui vive. Il pensa à Stéphanie, en allumant le salon. Stéphanie l’avait quitté, il y avait quatre semaines exactement. Elle lui avait fait une scène, lui reprochant d’avoir passé la soirée avec Melly, chez elle qui plus est ! La grande jeune femme, d’habitude si élégante, avait surgi chez lui à la mi-journée, telle une furie, perdue dans un sweat avachi, sur un jogging déformé et les cheveux relevés négligemment. Elle lui cracha toute sa colère.
Elle avait hurlé en pointant son doigt vers Emeric. Elle l’accusait et finit par livrer son verdict :
Il l’avait regardé alors, quitter l’appartement sans protester. Tel un électrochoc, la scène jouée par Stéphanie l’avait laissé pantois. Emeric se repassa le film des semaines précédentes : abandonnant la jeune femme à quelques tristes soirées, seule, alors qu’il essayait de requinquer Melly qui sombrait déjà. Stéphanie lui plaisait beaucoup mais il réalisa que ce qu’il aimait surtout, c’est qu’elle était reposante : d’une beauté lisse et sage, elle n’avait pas d’état d’âme à propos de son image. Auprès de cette compagne de caractère plutôt effacé, les mois s’étaient écoulés sans heurts, sans complications, mais sans magie non plus. Pour le jeune producteur, le constat de ce soir était consternant : il n’avait plus de petite amie ni de star à consoler.
Le scooter roulait toujours à vive allure et un frisson lui parcourant tout le corps, sortit Melly de sa torpeur. Elle comprit que malgré les soubresauts, elle s’était endormie, assommée de fatigue. Elle avait réussi à garder ses bras autour de la taille d’Andres, se laissant aller aux balancements de la machine et n’opposant aucune résistance à son pilote lorsqu’il se penchait dans les courbes. Mais le froid la saisissait maintenant. Elle ne savait plus depuis combien de temps ils roulaient. En regardant autour d’elle, une évidence la saisit, ils avaient quitté Paris : de petits pavillons noyés dans la verdure émergeaient de la pénombre et les réverbères et leur lumière orange défilaient sous ses yeux comme un clignotement. C’en était trop, ils devaient s’arrêter : la fatigue et la fraîcheur de la nuit avaient raison de leur escapade, Melly n’en pouvait plus.
En se redressant sur la selle du scooter, elle relâcha quelque peu son étreinte. C’est alors qu’elle sentit d’abord comme une compression de tout son corps puis, telle sur un siège éjectable, elle s’envola les bras encore autour d’Andres. Lui, avait lâché le guidon après le choc et se voyait propulsé vers le bas-côté. Melly comprit qu’elle allait retomber lourdement, la tête la première sur le bord de la route. Il lui semblait voir ces quelques instants défiler au ralenti : le scooter se couchant sur le côté, Andres près d’elle, planant les bras ouverts… Sa tête toucha le sol, la visière du casque vola en éclat et Melly sentit une vive douleur au visage : à mi-chemin entre une brûlure et un coup de poing. Ce fut tellement douloureux, qu’elle ne put réagir quand le reste de son corps percuta la terre : sa jambe se tordit sous son poids et son épaule s’écrasa dans l’herbe.