Fais ce que je dis, pas ce que je fais - Tyna Esteves - E-Book

Fais ce que je dis, pas ce que je fais E-Book

Tyna Esteves

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Beschreibung

« Fais ce que je dis, pas ce que je fais ! » Cette maxime, révélatrice d’une duplicité insidieuse, trace le fil rouge des parcours de Carole et Clarisse. Diplômée, Carole persuade son amie d’intégrer une institution où la rigueur s’impose en règle absolue. Pourtant, derrière cette discipline apparente se profilent des épreuves inattendues. Très tôt, leurs vies sentimentales sont marquées par des relations pernicieuses, où des apparences séduisantes dissimulent des âmes destructrices. À quarante et trente ans, elles apprennent que les masques peuvent charmer pour mieux meurtrir, et que les illusions les plus brillantes cachent parfois les blessures les plus profondes. Ce roman plonge au cœur des faux-semblants, interroge les artifices de l’existence et incite à affronter les vérités qui forgent l’âme.

À PROPOS DE L'AUTRICE  

Tyna Esteves exerce comme photographe dans le Berry. Son objectif révèle les subtilités du visible, tandis que sa plume explore les nuances de l’âme humaine. Passionnée par l’observation des comportements, elle consacre son temps libre à l’écriture pour offrir des réflexions profondes sur la nature humaine.

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Seitenzahl: 376

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Tyna Esteves

Fais ce que je dis,

pas ce que je fais

Roman

© Lys Bleu Éditions – Tyna Esteves

ISBN : 979-10-422-5627-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Bien plus qu’un roman

À mes filles

Même par amour quel qu’il soit, ne devenez jamais cet être que vous ne voulez pas être !

Après :

Soyez charitables

Mais ne vous laissez pas abuser.

Soyez avenants

Mais ne vous laissez jamais posséder.

Soyez douceur

Mais ne vous laissez pas croquer.

Soyez libres

Ne vous laissez jamais encager.

Affirmez convictions et pensées

Sans jamais craindre d’être catalogués.

Soyez assez justes et surtout, francs du collier

Cela vous évitera bien des regrets…

MGV

Prologue

Faisant partie à part entière, même si parfois l’envie de nous en extirper nous prend de court, des Homo sapiens sapiens qui composent notre dite Humanité, nous sommes tous (je dis bien « tous ») physiquement, intellectuellement et surtout, heureusement ou malheureusement psychologiquement différents. Pourtant, nous venons tous (ou presque) au monde dans ce même berceau nommé familial. Nous y naissons tous, et là c’est incontestable, avec un verso ou bien une face. Bon d’accord, on l’appelle mignonnement aussi visage ; si l’on préfère cette nomination-ci. Et même, celui qui a tendance à faire de nous un ange, ou pas. Quelle que soit l’appellation donnée, nous n’en sommes aucunement responsables de sa forme ni des traits qui la composent : on a la tête que l’on nous a faite. Par contre, on sera à jamais responsables de celle que l’on décidera de se façonner !

En grandissant, comme tout bouille d’ailleurs, notre tête (celle conçue par nos parents), face, verso ou visage change, mais le regard, lui, est toujours le même et demeurera, à jamais, inchangeable. Et bien sûr, il n’a rien à voir avec celui que l’on finit par avoir sur le monde, vu que celui-ci s’appelle, entre autres, constat. En prenant de l’âge et cette maturité qui nous vient inéluctablement avec le temps, en même temps que nous nous forgeons un ego, nous nous créons un recto, ce que nous appelons communément apparence. Pour certains, les simples êtres humains que nous sommes sur cette Terre, c’est sans nul dessein, vu que nous avons œuvré pour que l’ego qui est notre « Je » reste noble. Ou alors si bien sûr que si ! Et c’est bien l’un des plus légitimes, puisque c’est celui de vouloir se protéger de la scélératesse qui de loin et de près empoisonne, empeste et mène des êtres à la soumission, à l’abandon et à la peur qui règnent en maître en ce si bas monde. Alors que pour certains autres que sont ceux qui ont tout fait pour que l’ego devienne pernicieux, de pauvres inhumains qui vivent sur cette même terre, c’est pour en nourrir des très noirs et l’un d’eux qu’est celui de pouvoir meurtrir les autres, sans en avoir l’air et sans en éveiller les soupçons.

Et… il n’y a rien de plus déconcertant que de se réveiller un beau jour en se disant que tout être est doté d’un envers, mais aussi, d’un magnifique ou d’un effrayant avers. Avers qui est ce paraître dans lequel l’Homme enfouit l’animal qu’il est ou qu’il pourrait être. Tout du moins, l’instinct de l’un d’eux. Et bien sûr, je vous donne dans le mille : c’est celui que secrètement il nourrit qui est le même dont, aussi secrètement, il se sert pour se rapprocher ou s’éloigner des autres (ou carrément de perdre ces mêmes autres en jouant et se jouant d’eux, tantôt avec son envers tantôt avec son avers). Mais également pour avancer dans la vie que parallèlement il se construit pour fuir et s’y enfouir, instinctivement.

L’Homme s’en défend et n’aura de cesse de le faire parfois même en singeant l’humain, tel un singe. Mais tout comme ce dernier, il l’est et du coup le restera, un animal. Ce qui peut dérouter l’animal le plus humain, c’est que pour des raisons qui sont propres à chacun, il ne soit pas prêt à se défaire de cet instinct qui en fait de lui un et un, plus bestial qu’humain !

Oui, oui, la vision diffère selon les gens et les besoins ombilicaux de chacun !

Si aujourd’hui, à l’ère où l’emballage du non-être détient la primeur sur le contenu du vrai être, certains donnent de leur temps et de leur personne sans compter et sans nul retour espérer ! D’autres, vivant dans une large palette de paraîtres et un ineffable mépris des êtres qui donnent humainement en choisissant d’être vrais plutôt que de le paraître, reçoivent encore et encore, sans s’octroyer aucune limite. Pire, étant devenus victimes d’un besoin immonde de posséder entièrement l’autre, atteints d’une insatiabilité chronique, ils pensent que ça leur est tout simplement dû !

La vraie question est : est-ce si évident, si facilement décelable ; est-il visible à l’œil nu tout ce déferlement de défaillance humaine ?

En nous la posant, comme ça, de but en blanc dans le but de nous éclairer. Sans même nous baser sur le fait qu’il faille l’avoir un jour vécue ou subie ou l’avoir déjà observée, sans pour autant la côtoyer de loin ou de près, ladite défaillance. Subitement, cela nous paraît comme une évidence d’apparence simple et la réponse, nous apparaît d’une rude flagrance !

Le foutu PARAÎTRE serait bien l’EMBALLAGE du NON-ÊTRE…

Première partie

Parce que nos actes font ce que nous sommes et nos pensées les plus secrètes souvent la personne que nous aimerions être ! Conscients que nous serons à jamais assujettis à l’originaire faillibilité de l’humain. Ce que nous aimerions être et ne pas seulement paraître, ce sont des êtres bien solides, bien herculéens, bien lucides, bien moins naïfs…

1

Dissimulant sous des éclats de rire et de sourires des plus éclatants, comme si elles pouvaient d’elles-mêmes ficher le camp, de ces tristesses qui amenuisent la résistance à un nombre innombrable déjà existant. Traînant ce boulet, ce fardeau qui est ni plus ni moins qu’un amas de peines ! Motivée, toujours prête à tendre la main jusqu’à s’oublier soi-même, Carole s’est souvent butée aux difficultés de la vie. La sienne, et celle des autres définitivement parfois envolées. Suivant les périodes, à certains moments, au cours de quelques-unes de ces dernières années, des jours durant, elle n’a cessé de se convaincre en répétant :

« Non ! Il n’est pas vain et encore moins insensé, ton combat. Et ce n’est pas non plus le diable qui souffle que si tu ne l’as pas encore gagné, c’est parce que tu n’emploies pas de bonnes armes ! S’il existait une méthode mieux qu’une autre pour affronter telle ou telle épreuve ou une façon plus efficace qu’une autre pour traverser telle ou telle tempête, avec l’âge on le saurait… Non, tu ne crois pas ! Perso, je pense que s’il y avait des bonnes ou de mauvaises façons de livrer bataille, autres que résister, car résister, c’est déjà la livrer, cela se saurait. J’ai vu des êtres méthodiquement sûrs d’eux, donc théoriquement armés, se perdre en chemin. D’autres, malheureusement, s’éteindre pour avoir perdu toute envie de se battre, et ainsi toute raison de rester en vie. J’ai également assisté, accompagné et vu des êtres de tout âge gagner de ces batailles que, tu vois, j’aurais perdues mille fois. Et d’autres dont leur seule force, la seule arme qui leur restait et qui était encore intacte, était celle de vouloir s’en sortir vivant ! Alors tu sais, au diable, les bonnes mœurs et les voix des saintes convenances ! Si la seule et unique arme dont tu disposes est de crier, crie-la, ta colère. Hurle-la même, si cela te soulage un tant soit peu. Casse-moi les oreilles autant que tu peux, si cela te permet de dépasser la toute première marche des nombreuses que tu as encore à gravir. Élève-la, ta voix, si elle t’élève au rang de ta paix ! Une fois que tu auras dépassé ce stade, les douleurs que toi seule peux ressentir s’estomperont. Les nuages noirs imposés par cet état d’âme, enfin épars, ne s’enchevêtreront plus. Armée de cette magnifique vertu, qu’est la patience, l’une de celles si difficiles à apprivoiser que tu finiras par t’en remettre au temps. Temps qui est non seulement l’un de ses alliés, mais aussi l’un des meilleurs remèdes à ces attentes qui causent à un cœur déjà affligé bien de pires maux. Enfin en paix avec toi-même, ce qui voudrait dire que ça aura marché. Que tu auras donc fait les bons choix ! En un très court instant, tout changera. Tout aura changé, seulement, parce que tu l’auras bel et bien décidé. À ce moment-là, et seulement à ce moment-là, à peine tu auras le temps de penser que si pour moi 4 + 6 égalent dix, pour toi, 5 + 5 feront toujours dix, que déjà tu te rendras compte qu’inévitablement la roue ne pourra que commencer à tourner. Et je ne parle pas de celle du moulin de la rivière, pour laquelle, désirant tant la voir en état de marche, tu serais prête à utiliser toute ton huile de coude. Et elle serait utilisée en vain, je préfère autant te le dire. Car celle-ci a déjà fait son temps, et donc ne tournera plus jamais. Même si de toutes tes forces, tu désirerais, tu venais à l’aider… »

Ces phrases et bien d’autres encore Carole ne les a surtout pas hurlées, ce n’est pas dans ses habitudes, mais presque criées à Clarisse. Sa confidente. Sa sœur de cœur. Son autre, dans une amitié perdurant depuis leur plus tendre enfance.

Carole et Clarisse se connaissent depuis toute fin de la moyenne section de maternelle. Elles fréquentent la même école depuis que les parents de la deuxième ont emménagé dans le même quartier que la première.

L’école publique, séparée par les cours de récrés et un grillage haut et rigide, va de la maternelle au collège.

Carole, une petite fille au tempérament quiet et docile, est née à Paris et la puînée, elle a une sœur aînée. Clarisse, née en Acadie, est une fille unique et une puce montée sur ressort, assez rebelle et quelque peu sauvage.

Le duo a longtemps échangé de petits bonjours tout timides. Ces derniers sont toujours accompagnés de regards tout aussi furtifs. Malgré la timidité et la furtivité des instants, ils sont chargés d’une complicité visible et guère indubitable. Complicité, qui va les rendre inséparables lorsqu’ensemble elles pratiquent la danse et prennent, deux fois par semaine, des cours de piano. Cependant, ce n’est qu’en troisième année de primaire qu’elles se promettent, dans une amitié où le miroir et l’ombre ne font qu’un, une fidélité sans aucune brisure ni extrémité. Et, bien évidemment, c’est celle qui dit : « à la vie… à la mort ». Celle qui va à l’infini et au-delà de croyances et même des espérances, c’est certain.

Au lycée, elles se querellèrent parfois. Comme tous les adolescents, on aurait envie de dire. Le plus souvent pour des babioles ou des broutilles. À cause des autres ou de leurs multiples turpitudes, elles finissent aussi quelquefois par se bouder, pas longtemps ! Comme la fois où Clarisse vexe l’un des petits cons de copains à Carole. Il convient de dire quand même qu’il est de ceux qui ne peuvent s’empêcher de la ramener, de ceux qui ont toujours quelque chose à dire et de louches trucmuches à redire. En la ramenant pour la énième fois, ce matin-là, le pauvre bougre épuise sa patience et déclenche une révolte latente. Lasse, agacée d’avoir encore à le lui rappeler et de ce fait à se justifier, Clarisse répond d’un ton assez élevé : « Et non, monsieur, l’Acadie ne se trouve pas en Italie, mais dans la côte est du Canada. Et puisque tu es bouché à l’émeri ou stupidement sourd, on y parle, entre autres, le français ! Tu serais bien plus intelligent au lieu de faire ton intéressant, en commençant, primo, par perfectionner ton français, secundo, par approfondir tes connaissances en Géo. Au moins, cela t’éviterait de dire de telles conneries et au demeurant, de m’obliger à te reprendre devant ceux que tu veux impressionner ! » Ce qui n’a servi à rien, il a bel et bien recommencé le lendemain, ce qui laisse supposer qu’un petit con est plus idiot qu’un petit imbécile !

Elles se font la tête parfois des heures et même parfois des jours durant, sans à aucun moment se fâcher. Sans jamais se lasser de leur flagrante différence ou se fatiguer d’avoir des points de vue divergents et des panoramas de vie totalement différents. D’année en année, elles ont évolué et se sont vues évoluer sans jamais se jalouser. Mois après mois, ensemble elles ont traversé les meilleurs vents, mais aussi des plus mauvais qui puissent exister, et des plus destructeurs qui plus est, sans pour autant changer de cap, de camp, d’objectif. Jour après jour, sans jamais se dire « qu’est-ce qu’elle peut me faire suer, celle-ci ! » telles des sœurs siamoises, emphatiquement, cela s’entend, c’est coude à coude qu’elles vivent chacune leur vie. Qu’elles vont de l’avant !

Bien que souvent séparées par le temps et leurs emplois du temps et rôles différents au sein de la même institution. Vivre côte à côte, même si la plupart du temps c’est par la pensée, leur permet d’évacuer des pressions, d’excréter des stress, de mieux faire face à certaines incompréhensions, d’encaisser des peines, des malheurs, des désarrois divers et variés. Oui, surtout de ceux que l’on doit essuyer lorsque l’on décide d’avoir une vie qui diffère de celle des autres ou que l’on prend le chemin d’une existence atypique ô combien enviée par ces mêmes autres !

Encore heureux qu’elle l’ait été et qu’elle le soit toujours d’ailleurs double, et doublement solide, leur emblématique gouttière. Ainsi elle a pu, peut et pourra encore évacuer (sûr) deux fois plus et (certain) beaucoup plus vite tout style de torrents, surtout les plus putrides, de ceux qui ne peuvent être causés et faire déverser certaines gens. Oui, de ces gens qui le sont autant.

Qu’est-ce que l’on s’imagine ? On pense qu’ici-bas tout le monde est beau, tout le monde est gentil !

Et bah, non, hélas !

Si, il y a des rencontres comme la leur… de celles qui s’installent tranquillement en rentrant par la porte « Confiance » et que jamais elles ne sortiront par la porte de la « Traîtrise » ! De celles qui sont suprêmement intenses, dont la simple furtivité d’un face-à-face fait de merveilles auprès d’un moral au ras des pâquerettes. De celles qui font qu’un simple échange de regards rend les heures moins nébuleuses et une journée moins mitrailleuse. De celles où une très courte entrevue mêlée à un sourire à tomber peut faire chavirer, dans le bon sens, bien évidemment, l’être à la barre du voilier qu’est la vie la plus ébranlée. De celles où un regard sain et totalement furtif donne lieu à de beaux et détendus parcours dans l’existence à mener. De celles qui nous éloignent du maudit négatif, nous ôtent des épines, nous étanchent des pleurs, nous rassérènent des douleurs, nous espacent des nuages les plus noirs, nous éloignent de tous maux, juste avec des mots. De celles qui, lorsque nous sommes perdus dans un monde qui ne nous correspond guère, nous éclairent, nous y empêchent un enlisement permanent. De celles qui nous proposent leur vision non pas pour avoir un quelconque ascendant, mais par un seul et pur souci qu’est celui d’autrui. De celles qui se trouvent elles-mêmes dans le noir et nous relèvent quand même lorsque l’on trébuche. De celles qui malgré leur fragilité, nous saisissant d’une poigne solide, nous permettent de cheminer sur un chemin nous paraissant tout à coup moins escarpé. De celles qui nous tenant compagnie un moment, une minute, une heure, une journée, un mois, une année et même quelquefois une vie entière, nous comblent de joie. De celles qui nous hissant au rang où l’on doit être, qui est ni plus ni moins que celui de leur autre, nous rendent la vie moins tragique et on ne peut plus magique. De celles qui nous prouvent que ce n’est pas parce qu’un cœur a déjà énormément servi en perdant et gagnant d’autres cœurs qu’il est ou sera un jour fatigué de tout ressentir et de tant aimer. De celles dont les invisibles liens s’inscrivent non seulement dans la durée, mais aussi dans chaque millimètre de notre chair. De celles dont on ne pourrait se passer et jamais nous ne nous en déferons.

Il y a aussi de ces autres… celles qui rentrent inopinément par la porte « Crédit » et ne peuvent ressortir que par celle appelée « Félonie » ! De celles où rien qu’une très courte entrevue, nullement voulue, peut devenir une abomination pour celui qui ignore avoir été vu. De celles où par simple inadvertance, sans nulle intention de maladresse ou d’offense, un regard manqué ou non accordé peut déclencher le venin de l’être venimeux qui ne vivant que du mal qu’il peut faire à l’autre, tumultueusement, l’espérait. De celles où un simple croisement nourri, de façon fantasmatique, chimériquement en silence, et surtout sournoisement, à sens unique peut amener celui qui le nourrit à une forme de folie et l’être le plus équilibré : celui qui le subit, à devenir suicidaire. De celles qui nous paraissent saines et au final le sont si peu qu’elles arrivent à pourrir, parfois à jamais, l’intégralité de notre existence. De celles sous ces masques bien ajustés, que sont la gentillesse et la bienveillance si bien feintées ; au départ de pures jumelles de la philanthropie, en raison de leur foutue impermanence, et parce que notre seule différence est cet allocentrisme ou cette absence de philophobie qui ne peut heurter qu’un ego nourri à coups de vieux et difformes oripeaux que sont la causticité, la malveillance et la peur de devoir mourir idiot, jettent notre vie dans une satanée inconstance. De celles qui, parce que perfidement orchestrées, parfois nous esquintent à jamais sans que bien souvent nous décelions ce qui les anime. Il est de ces rencontres qui nous plongent dans le noir le plus incertain, juste pour l’amour du gain… de celles dont on se passerait bien. Celles dont on a des fois tant de mal à éviter ou celles dont on aimerait bien pouvoir se débarrasser, seulement, cela ne dépend pas toujours de notre seul et unique vouloir.

Eh oui, il faut le savoir !

Si aujourd’hui Carole est peinée, grandement choquée et même à vie probablement médusée, en tout cas : marquée, froissée, bousillée. Oui, oui, vraiment bousillée. Et, vu ce qui lui arrive, il y a vraiment de quoi l’être. Son amie Clarisse a aussi son lot de tribulations. Et pour ne rien cacher, il nous suffirait d’essayer de défroisser la feuille de papier, sur laquelle quelqu’un se serait férocement acharné et pas qu’une seule fois d’ailleurs, pour comprendre dans quel état elle a pu, peut et pourra encore bien se trouver !

***

Il y a quelques années, et cela ne date pas d’hier

À mille lieues de penser que de tels êtres pouvaient ainsi exister, Clarisse se retrouve embrigadée, copieusement astucieusement, peu à peu attirée dans le lacis inextricable d’une véritable machine à broyer. Le détenteur de cette dernière est quelqu’un qui peut être un démon et un ange à la fois. Son côté ange lui vient d’une apparence. En réalité, il est en fait une espèce de phagotrophe en plus d’un misérable amphitryon. Quelqu’un qui, pour nourrir ce qui à mesure du temps est devenu son seul autre, et le seul dans lequel il se reconnaît, se transforme en ce prédateur hors pair. Et ce, dans un temps qui lui est imparti. Pour ce faire, il ne broie ni de végétaux ni d’autres animaux comme lui, d’ailleurs. Non, bien sûr que non, seulement des hommes et des femmes en chair et en os. Et, juste de gentilles gens. Sensiblement, seulement les plus sensibles !

Même si les prémices d’une traque ineffable impulsée par l’horrible chose qui demeure et tant qu’il vivra demeurera en lui (oui, on appelle bien un loup qui s’en prend à un pauvre animal, un animal, non !) remontent à la toute fin de l’ancien millénaire. Les grandes lignes de l’histoire astringente imposée par le duo de choc, histoire qui aujourd’hui encore n’est toujours pas close et qui d’après Carole ne pourra se finir que de façon dramatique, elles par contre nous plongent en tout début de l’actuel qui est le nôtre.

Au milieu des années 2000, Clarisse, presque trentenaire, est une jolie rousse qui, où qu’elle passe, ne laisse pas les hommes indifférents. Le prédateur, lui, est un grand brun qui passe l’autre partie de son temps libre à la salle de musculation, pour se conserver en se défoulant sur autre chose que sur des gens et surtout, pour avoir de quoi les titiller, pour mieux les mésestimer en arborant un physique dépourvu du moindre pet de graisse.

Si Clarisse ne fait pas et en est loin de faire ces vingt-huit ans, lui fait, sans nulle exagération, bien quinze de plus ! Les cinq de trop lui viennent de vices retenus et trop longtemps contenus que même sa jolie rouflaquette, très à la mode, ne peut ôter ou atténuer. Les autres années, elles, sont bien réelles, même si elles se retrouvent mêlées au fait qu’il le veuille. Et, paradoxalement, il veille à tout prix à ce qu’on le pense triste ou peiné. Sinon pourquoi prendrait-il un air qui le rend si marqué ?

En tout cas, cela n’a pas l’air de le gêner. Peu lui importe que ses traits soient bizarres pour ne pas dire anormalement tirés. Au contraire, se faire plaindre pour provoquer l’occasion de se plaindre est son plus grand atout !

Et alors qu’est-ce que cela serait si, en plus du masque prêté par sa fonction, l’une des plus honorables, il ne portait pas cette cape que lui offre un dehors d’humain d’une apparence normale ?

Nous serions même tentés de nous demander à quoi il pourrait bien ressembler, si, en public, il ne mettait pas celle qui, n’étant qu’un parement de façade dans une belle forme de mascarade, cachant une forme de décrépitude, fait de lui un ange. Un ange, un quelque peu vieilli ou un tantinet très renfrogné. Des faits qui en effet pourraient lui donner cet effet disgracieusement ridé ! Sauf si, l’un dans l’autre, tout n’est que tout simplement par lui singé. Avec ce genre de singes, oh, pardon, c’était trop tentant ! Avec ce genre d’individus, tout est possible. Avec ces prédateurs-là, tout sans exception doit être envisagé.

Il fait beau en cette journée d’été, tirant presque à sa fin. C’est samedi. Les gens, pour certains venus de Belgique, de Suisse et même du Luxembourg, pourraient en profiter. Longeant les bords de la Seine, ils pourraient seuls ou en famille se promener au milieu des couples poussant des landaus, pour les uns, et des poussettes-cannes, pour les autres. À la terrasse d’un café, s’attabler et profiter des rayons tempérés du soleil, au lieu d’avoir envie de s’enfermer. Qui plus est, dans un lieu où la lumière est tout sauf celle du jour. Mais non ! Comme d’habitude, l’amphithéâtre regorge d’êtres, de bonnes gens ! De ceux et celles qui, visiblement, se sentent concernés. Et en l’occurrence, aussi, de gens qui le devraient et ne le sont pas du tout, « bons ». Ou si, par un intérêt ou un vice caché. Les intéressés, les bons, eux, sont là pour la thématique dont il est sujet. Thématique qui, aujourd’hui, est plus que jamais d’actualité. De nos jours, dans notre millénaire bien ancré, les gens se rendent accros à tout et n’importe quoi ! Et parfois, cela les rend aveuglément fous !

Seuls quelques trois voire quatre fauteuils semblent inoccupés. Tout le monde est assis. Sauf un petit groupe. Ils sont cinq, trois femmes et deux hommes. Ce sont les intervenants, dont un addictologue belge. Ils sont de tout âge. On y trouve des jeunes et des moins jeunes. Faisant partie des premiers, Clarisse discute tranquillement au milieu d’eux. Noyé dans la masse, au troisième rang, confortablement assis sur le deuxième fauteuil de la rangée de droite, le prédateur n’a d’yeux que pour elle. Déjà, ce qui l’agace d’emblée un tantinet voire beaucoup, c’est qu’elle ne lui adresse aucun regard. Même pas une œillade plus ou moins furtive ! De ce fait, elle lui fait déjà l’affront de ne pas le remarquer. Seulement, comment le pourrait-elle ? Clarisse n’est là pour personne et pour tout le monde à la fois. Alors que ceux et celles qui sont présents sont venus en partie pour l’écouter, donc un peu pour elle, quand même.

L’individu en question, lui, est surtout là pour elle. Rien que pour elle, dis donc. En temps normal, on pourrait la jalouser, avoir envie de lui marmonner : « Mais quelle veinarde, cette Clarisse ! » Et bah, vu ce pour quoi il est là, il vaudrait mieux s’en abstenir ! Et de l’envier et de lui murmurer, une telle boutade.

En plus d’une vénusté à couper le souffle qui émane de son être tout entier, il décèle en Clarisse tout ce qui est mort en lui. Elle est lumineuse, joyeuse, vivante, généreuse, un peu moins sauvage qu’elle n’était rebelle et belle qui plus est. Oui, elle est très belle. Et cela tout de suite l’obsède. Une voix, provenant de ses sombres profondeurs, lui crie qu’il faut absolument tout en elle anéantir. Quand elle lui dit tout, c’est tout ! Pour ce faire, il doit tuer sa grâce, sa joie de vivre, sa lumière, son aura, sa beauté qui n’a rien à voir avec sa joliette anatomie, mais bien avec la joliesse de son âme. En fait, il doit broyer tout ce qui rend un être beau et unique. Tout ce dont il n’a jamais pu ou voulu se délecter, en plus de ce à quoi il a renoncé pour obéir, de ce qu’il a dû éliminer pour devenir la personne hideuse qu’il est.

Poussé, impulsé et aiguillé par cette voix ô combien pernicieuse, il est parti pour imaginer tout un tas de choses ! Ces choses sont des plus laides, des plus abjectes, des plus immorales, des plus perfides, des plus bestiales, des plus inhumaines, des plus sanguinaires, ce qui est normal pour quelqu’un qui se doit de broyer l’autre. Tout ce qu’il a de plus hideux, certes, seulement, il en est viscéralement accro. De cette laideur, infligée à autrui, il en dépend de A à Z. C’est comme n’importe quelle addiction. Pourtant, Clarisse en sait des choses sur ces drogues tueuses de tout. Oui, mais, par rapport aux autres drogues, celle-ci est bel et bien en lui. Elle l’habite. Elle est sa pulpe ; celle qui coule dans ses veines et qui a pris racine en chaque millimètre de son être. Il pourrait s’en défaire en la délogeant, en l’évacuant, en la déracinant, en lui demandant de ficher le camp. Vouloir le faire, c’est pouvoir. Et pouvoir, c’est s’en donner les moyens ! Mais son esprit est faible et son âme est dénuée de ce cœur qui fait que l’Humain est. Alors, elle lui est entièrement imposée par celui que sa faiblesse a rendu plus fort. Du coup, c’est lui qui commande. Et depuis un bout de temps déjà, celui qui commande et le commande dans le but de le rendre encore plus minablement faible tout en se maintenant infamant en vie, c’est son vil et surdimensionné ego ou « Je ». Avec ce dernier, il frôle le fil du rasoir sans jamais se couper, le bord de la folie sans y entrer. Puis, la récompense psychique arrive : une forme de décompensation le fait sortir de lui et il en est ravi.

Cela peut paraître fou, hallucinant et même pas croyable, mais ils sont cul et chemise. Ensemble, ils traquent leur proie et pour ce faire, ils échafaudent aussi les scénarios les plus fous. De ceux qui finissent par composer un seul et unique film. Un film qui pendant un moment vertigineux, oui, vertigineux, car si lorsque l’on est visé tout s’accélère, tout tourne aussi en boucle dans la tête du prédateur. Jusqu’au jour où le film devient le projet à mener à bonne fin. Et la fin de l’être que la tant convoitée représente, c’est ce projet. Le leur, coûte que coûte !

Depuis une rupture extrêmement douloureuse, Clarisse s’occupe l’esprit tant bien que mal. Surtout, du mieux qu’elle peut. Pour ce faire, elle décide d’aider autrui. De servir son prochain, dans un bon nombre de choses et de causes en entrant dans quelques associations triées sur le volet.

C’est bien mieux que de s’en prendre aux autres, non ? Et qui plus est, de la façon la plus gratuite ! Comme le font certains, devenant de vrais paranoïaques. Ce qui fait et pour le coup totalement parano, le maudit duo. Comme si le monde était fautif de tous les maux de la terre. Là, en l’occurrence, c’est l’importance et l’espace qu’y occupent les bonnes gens, qui le gênent. Certains autres l’indisposent, et Clarisse fait vraisemblablement partie de ces autres.

Après s’être terrée dans son coin et avoir aussi assiégé tous les recoins de ce dernier. Après avoir déversé litres et litres d’eau salée, à l’abri de tous ces regards qui ne la comprendraient pas. Après s’être languie d’une décision prise et morfondue autant qu’elle a pu en se demandant si elle avait bien fait en choisissant cette option, plutôt qu’une autre. Un beau matin, prise d’un soubresaut, Clarisse s’écrie qu’elle ne peut tout de même pas passer le reste de sa vie ni à se cacher ni à se plaindre. Ni à gémir silencieusement dans l’un de ces silences si désarmants qu’ils étouffent nombre de gens ni à prendre ce chemin qui peut mener un jour ou l’autre un être humain à se détester de ne pas être heureux. Et encore moins, à prendre l’une de ces ruelles empruntées par ceux qui deviennent haineux envers et face aux autres. Ces autres, étant ceux qui n’ont rien à voir avec le fait que d’autres nous bousillent, et ce, parfois à jamais.

Eh oui ! C’est un choix. Et bien le nôtre. Mais aussi un devoir. Et notre devoir est celui d’œuvrer de notre mieux à être heureux. On a le choix et le devoir de le faire ainsi que la force nécessaire de se faire violence au fond de chacun de nous, pour ce faire. D’autant plus qu’il faut parfois aller le chercher ou un tant soit peu le provoquer, le joli et fichu dit bonheur. Il faut sortir, voir, toucher, sentir, que sait-on d’autre ! Peut-être, faire table rase, sortir, voir, toucher et sentir l’autre pour s’en sortir sans le tenir responsable. Et là, cette phrase toute prête qui dit : « chose plus facile à dire qu’à faire à vrai dire ! » s’impose !

Lorsqu’un mal, enfant du malheur, fait nous vautrer en faisant que la joie s’envole et par ricochet que le bonheur se vautre aussi ça fait un mal de chien. Ça torture jour et nuit sans répit. Ça lancine. Ça creuse en profondeur de fêlures existantes. Et, à mesure du temps, ça en remet même tartine sur tartine. Puis, arrivé à un moment, par la force des choses, on comprend que la vie n’est qu’un cocktail de ressentis et de vécus, qui nous en font voir de toutes les couleurs. Et, d’autres que les primaires de l’arc-en-ciel. C’est à ce moment-là, à cet âge dit certain que raisonnablement et de manière inexhaustible nous comprenons qu’en le dégustant, chacun à sa manière, c’est évident ne pouvant faire que l’instant d’après vienne avant celui d’avant, on aura toute sorte de sueurs, chaudes et froides. C’est à ce moment précis que l’on saisit qu’impénétrablement la vie est et à demeure, sera bel et bien un panaché d’âcretés et de douceurs ! Un breuvage que parfois nous dégustons longtemps du court au plus long moment. Un élixir dont seul Dieu sait que l’on ingurgite, à toutes petites cuillérées, ne pouvant les éviter ou même les recracher ces foutues âcretés de malheur et que nous nous délectons de toutes les douceurs du bonheur à pleines gorgées.

Oh le bonheur ! Ce bon vieil « heur » qui chasse le malheur, errant aujourd’hui ici et demain ailleurs…

Un jeune bachelier, qui a dû développer ce si beau sujet de philosophie, nous dirait que le bonheur est et ne sera incontestablement qu’une affaire de raison. Marcus, l’un de ces lycéens, faisant référence à ce stoïcien qui fut Épictète pour ne pas le nommer, nous dirait qu’il nous suffirait de nous en convaincre ; de nous dire qu’heureux nous sommes, pour l’être. Puis, nous voyant écarquiller les yeux, aussitôt il nous expliquerait que pour être heureux on se doit d’accepter tout ce qui ne dépend pas de nous ou de notre vouloir. En gros : tout ce que nous ne pouvons pas posséder et encore moins maîtriser. Or, lorsque, aucunement partisan du stoïcisme, de l’épicurisme ou d’une quelconque autre forme de philosophie, les pieds sur terre, on se sert de ce don originaire qu’est celui de réfléchir, cela saute aux yeux : cela équivaudrait à se plonger corps et âme dans une espèce de déni, à se mentir à soi-même pour la pérennisation du bien-être, pour que cet état émotionnel persiste. Quelqu’un de plus terrien nous dirait qu’aussi bien le bonheur que l’infortune sont une affaire d’appréciation. Or, qu’on le veuille ou pas, le bonheur est un état parmi d’autres, et l’un de ces états les plus agréables. La photographe de Dun sur Auron nous dirait, comme elle l’a tant de fois répété à ses enfants et petits-enfants, même si leur propre perception se dessine et devint toute autre, que le bonheur rôde et n’est et ne sera jamais très loin. Que voguant, il est partout et nulle part ! Que sans cesse, il nous bouscule. Que de la manière la plus imprévisible, il nous frôle. Que ne serait-ce que par la douceur d’une brise qui nous caresse la joue, il nous bise. Qu’à lui on se frotte constamment. Qu’à chaque infime moment, on le ressent ! Que le moindre instant de vie, sobrement, il en dépend. Sauf qu’il est invisible et lorsque l’on s’aperçoit qu’il était là tout près et nulle part ailleurs, qu’il nous tenait et que nous le tenions, c’est que, de manière indéniable, il est déjà, bien sûr, question de malheur. Elle dirait aussi que l’Homme est si compliqué et aime tant se compliquer la vie. Qu’un rien le perturbe. Qu’un rien le démoralise. Qu’un rien le fait vite verser dans le nihilisme ! Que les êtres humains, que nous soyons un « il » ou une « elle » pour ne pas dire un mâle ou une femelle, nous sommes toujours là à nous plaindre pour des superfluités. Alors, elle nous propose de bien harnacher nos viscères et nous invite à nous rendre au centre hospitalier George Sand de Dun pour ne pas le nommer. Dans n’importe quel service, là où elle se rend souvent pour réaliser des photos d’identité. Pour que nous puissions voir de nos propres yeux, entendre de leurs murmures dont nous ignorons l’écho, que les malheureux ne s’en plaignent guère. Que les malheureux, eux, dans les replis du couloir de la vie, vivent juste heureux avec leur malheur. Pour que nous comprenions qu’il n’y a rien de plus gratifiant que d’arriver, même malheureux, à rendre autrui heureux. Pour que nous retenions une fois pour toutes qu’en rendant les autres heureux, on ne peut qu’être heureux. Même si c’est pour eux, bons Dieux de bons Dieux !

Ce n’est pas pour rien que Voltaire disait : « le bonheur est souvent la seule chose que l’on puisse donner sans l’avoir et c’est en le donnant qu’on l’acquiert ».

Clarisse, elle, elle a mis un moment, mais elle l’a compris, acquis et mis en application. C’est pour cela qu’elle est, entre autres, une fervente féministe, une écologiste engagée, amoureuse et passionnée de nature de la nature… Concernant cette dernière, il faut dire qu’elle a vu juste puisque de nos jours (ce qui fait bien quelques années plus tard) les hérissons, par exemple, sont, bel et bien, en voie d’extension. Cela dit et pour que les choses soient claires : elle fait et participe à beaucoup de choses et beaucoup de causes qui lui tiennent à cœur, mais ne fait aucunement de la politique. Non, il est évident que Clarisse n’a rien à voir avec ceux qui font partie du parti Les Verts. Ni avec les « bobos » d’ailleurs que sont ceux qu’elle appelle de purs emmerdeurs. Les uns comme les autres, elle les pense changeants, totalement à côté de la plaque, tellement ils sont perchés.

Et… non, rien !

***

Ce jour-là, Clarisse n’est pas invitée à participer à un colloque sur les violences faites aux femmes. Ni sur la pérennité, ô combien fragile, de la faune et par rebond de la flore ! Mais à animer une conférence dédiée aux addictions en tout genre.

Elle est là, fière, digne et radieuse affichant des sourires plus radieux les uns que les autres. De ceux qui ne sont faits que pour cacher un mal profond, ou une douleur tout aussi profonde si l’on préfère. La sienne l’est et lui vient de ce passé qu’elle a tant du mal à entériner. Comme à chacune de ces interventions, son cœur est, et le demeure, serré. Ses larmes, elles, sont toujours prêtes à rouler pour venir lui chatouiller le nez. Ce n’est pas pour rien qu’elle s’y est tant investie, après avoir autant hésité et aussi longuement, réfléchi. Malgré sa profonde douleur, elle est là, ravie de participer afin de faire connaître les effets et méfaits que l’une d’elles cause et fait encourir ! Malgré sa peine, elle s’exprime avec une aisance originaire et originale. Lorsque Clarisse se lance dans quelque chose, il y a toujours une raison, quand ce n’est pas une cause à effet, pour le coup, là c’est le cas. C’est toujours à 1000 pour cent qu’elle y va, qu’elle le fait, qu’elle s’investit.

Clarisse a toujours été une femme passionnée, et libre, y compris dans ses choix. Si bien que, comme à chaque fois qu’elle intervient, aujourd’hui c’est pour celle-ci, d’autres fois pour d’autres causes, sa détermination stupéfie en nombre. Beaucoup de monde y participe, s’y intéresse, propose des idées et finit même par adhérer à l’association, comme elle l’a fait, d’ailleurs, avant d’y devenir une intervenante.

Parmi eux, s’est bien évidemment glissé un prédateur en proie à de la chair fraîche. Ou même peut-être plusieurs de ces êtres déchiqueteurs d’êtres : des animaux bestialement impulsifs et laidement compulsifs. Allons donc savoir ! D’autant plus que si déjà la faune, une cause qu’elle défend aussi bec et ongles, se meurt au milieu d’une flore également en péril, ce genre d’animaux est lui, en plein essor ! Oui, oui, déjà à ce moment-là, ils pourrissent la vie des autres autant qu’ils pullulent au gré de leurs envies dans un temps imparti. Ce qui fait qu’aujourd’hui on peut les croiser partout, à chaque coin de rue. Et même, n’importe où, deçà et delà de cette dernière.

Au demeurant, et aucunement à leur décharge, le long épisode épidémique que l’on vient de se prendre en pleine face n’arrange, et ne les arrange surtout, en rien. Bien au contraire. Qu’est-ce que l’on croit ? On ne peut pas avoir subi et assisté à la mort massive de la pauvre « empathie » et penser qu’étant donné que l’on s’habitue à vivre avec un virus capable de tuer en nombre, et pas seulement physiquement, tout va rentrer dans l’ordre. Si c’est le cas, on se fourre le doigt dans l’œil, ou carrément dans les deux. Des victimes, il y en a eu. Et d’autres victimes, il y aura. Néanmoins, ce ne sont pas de celles que l’on croit. Lorsqu’un cataclysme, quel qu’il soit, s’abat sur une société, quelle qu’elle soit, il fait des dégâts insoupçonnés ! Indéniablement, les répercussions d’une telle calamité ne cesseront de nous infliger encore et encore. D’autres victimes, victimes des victimes d’un procédé inhumain, afflueront. Il ne faut pas oublier que des mois durant notre société a subi une autre calamité appelée décervelage. Marteler aux pauvres êtres que nous sommes qu’il fallait voir l’autre non pas comme notre autre, mais plutôt comme un pesteux à ignorer, à ne pas approcher, à ne pas sentir, à ne pas toucher, a laissé des traces invisibles à l’œil ! L’épisode ignoble, ignoblement conjugué à une telle pratique, a conforté les prédateurs qui hésitaient. Des individus qui existaient déjà en nombre, certes, on ne dit pas. Ce qu’il y a, et ça bien sûr on ne nous l’avouera jamais, c’est qu’une telle chose ne peut qu’en façonner d’autres. Il ne faudra pas s’étonner si les 3 à 4 pour cent existant avoisinent dans les années à venir 10 voire 15 % de la population (hommes et femmes confondus). Il faut le savoir et pour éviter d’en être victime, il vaut mieux en être conscient. Voilà, c’est fait, il nous reste à connaître leur façon de procéder et nous serons parés !

Comme tout bon prédateur d’un style atrabilaire, tout en la guettant, en l’épiant faisant mine de rien, il va à la pêche aux renseignements. De ceux qu’il n’a pas encore, c’est évident. Pour ce faire, arborant sa position sociale, se servant de la gueule d’ange que cette dernière lui procure, il frappe à certaines portes. Pour les obtenir, muni de sa vraie gueule qu’est celle d’un persécuteur hors pair, il en soudoie même certains. Sans compter tous ces autres qui cèdent, dans le but de s’en débarrasser au plus vite avec l’espoir que quelqu’un puisse, à leur place, au plus vite le faire cesser !

La suivre, il va aussi le faire tranquillement, des mois, des mois et des mois durant. Mois qui composent les années… et des années !

Voilà qu’un jour, pas comme un autre pour lui et comme tout autre pour elle, l’observer, obsessionnellement, cela s’entend, de loin ne lui suffit plus. Il a depuis un bon moment déjà le numéro de son mobile. Le 06, tout comme la pléthore d’informations personnelles, lui a été soufflé par… un peu de patience, nous le découvrirons un peu plus tard. En même temps qu’elle. Là n’est pas le problème, ce qu’il faut savoir c’est que c’est à travers ce dernier qu’il l’aborde. Tranquillement, au vespéral d’un jour d’hiver naissant. Tranquillement, car tout semble anodin, gentillet, de bon ton et classique. Ce qui peut prêter à penser qu’il est doté, là encore, d’une grande aménité et qu’il la mêle exprès à de la petite agacerie. Que cette dernière est de ce fait volontairement utilisée pour éviter qu’on le pense trop cucul la praline quand même ! Ou alors que Clarisse est victime d’une joliette drague. Un peu lourde, puisqu’elle est un tantinet trop réitérée tout de même. Et surtout d’une manière idoine ; elle est fichtrement bien ficelée.

Il n’en est pas moins qu’il est là, partout, là où Clarisse se trouve. Visiblement, cela fait un bail. Le comble, c’est qu’après lui avoir décliné sa véritable identité, chose qu’elle pouvait vérifier, chose qu’elle a tout de suite faite, il le lui avoue. Comme ça de but en blanc, comme si cela relevait de la normalité. Le plus naturellement possible, il le lui écrit : « Je vous ai aperçue pour la toute première fois à l’automne 1998, plus précisément lors d’une fête, organisée en si grande pompe que si j’avais su je ne serais pas venu, ce qui aurait été vraiment dommage, finalement, par l’un des nôtres. »

Il a juste ou justement volontairement omis, pour encore mieux lui embrouiller l’esprit, de lui dire que le type en question, depuis, elle l’a comme voisin. Même que son amie Carole l’appelle monsieur le fanfaron de service !

Bien sûr, elle l’ignore. Mais là, étant donné qu’il ne fait rien par hasard, le but est quand même plus de la mettre en confiance. De rendre les louanges plus authentiques, les compliments plus crédibles et les mots plus doucereux. Pas vraiment à ses oreilles, mais bien à sa vue. Parle pour que je te voie, s’applique en temps normal, à des gens normaux, dans ce cas précis, ce serait plus : agis vite pour que je comprenne !

Comme elle ne le sait pas, Clarisse n’en fait pas cas ni des manières ni du simulacre d’ailleurs. Il faut dire que ce dernier est tellement bien mené, que l’aveu lui paraît tout aussi exempt du moindre signe fallacieux. Donc, pour elle, il est loin d’avoir un quelconque vice trivial. Pire, elle ne le croit pas. Attention, elle ne le prend en aucun cas pour un jocrisse. Alors, le voir comme le petit chafouin, qu’il est en réalité, parmi tant d’autres, n’en parlons pas. Elle sait cependant que la bêtise est humaine et pour l’instant il se trouve que la sienne est tout, sauf désobligeante. C’est d’ailleurs aussi ce qui lui donne à penser qu’il est totalement inoffensif.

« Oh, c’est juste celle de quelqu’un qui ne sait pas quoi faire et qui meuble son temps à faire l’intéressant en y rajoutant un peu de zèle ! » se dit-elle avant de le manifester à son amie Carole qui s’empressant de confirmer, insiste pour qu’elle continue dans la lignée. Celle de se rapprocher de lui, bien entendu, sans penser à mal. Juste en pensant et en le lui répétant pour la énième fois qu’il serait peut-être temps qu’elle passe à autre chose. Et tourner la page implique une nouvelle vie dans sa vie, et sa vie dans d’autres bras que ceux de son ex.

Elles sont toutes deux à mille lieues de penser qu’il peut tuer de braves gens, juste avec des mots et que pour ce faire il ne manque pas d’habilité.