Fais-moi vivre ! - Edouard Texereau - E-Book

Fais-moi vivre ! E-Book

Edouard Texereau

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Beschreibung

Un cours de piano, un océan, un voyage dans l’espace, une opération séduction, une télévision qui s’allume toute seule, un abattoir, un agent secret… entre autres. Mélange d’univers variés, histoires réelles ou imaginaires, ces nouvelles sont un théâtre où l’adversité tient le premier rôle et met les différents personnages en prise directe avec leurs sentiments. Peur, agacement, haine, détermination, désir, stress, courage, « Fais-moi vivre ! » explore une large palette de sentiments humains.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Edouard Texereau a toujours été un lecteur assidu. Son intérêt pour un genre littéraire particulier varie par période. Les plus importantes sont la période polar  et la période nature humaine, spiritualité . Il s’initie depuis un an à l’écriture de nouvelles créatives. Ses expériences de vie, ses lectures, ses films vus sont ses principales sources d’inspiration pour inventer personnages, décors et intringues, donnant ainsi la place à son imagination et à sa sensibilité.

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Seitenzahl: 78

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Nouvelles

Pour Anouk

Avant-propos

Le recueil de nouvelles que vous tenez entre vos mains est le résultat d’une année de formation à l’écriture de nouvelles. Les registres et les genres des nouvelles qui le composent sont différents, ce qui explique son caractère hétérogène. Les textes y sont agencés de manière chronologique. Le recueil a pour thème central la diversité des sentiments éprouvés par l’être humain lorsqu’il fait face à l’adversité, une situation qui le dépasse. Attendez-vous donc à ce que la lecture de ce recueil ne soit pas un long fleuve tranquille ! À l’image des variations d’état interne que nous vivons tous quotidiennement, la cohérence de ce recueil vient de son changement de nature permanent. Bonne lecture et bon voyage !

1. Leçon de piano en russe majeur

Nous sommes en septembre 1990. J’ai 5 ans. Ma grande sœur, plus âgée que moi d’un an, m’accompagne au cours. La salle de piano est idéalement située, car deux cents mètres la séparent de la maison. Et sur le même trottoir. Pas de rue à traverser !

Le temps est maussade. Les nuages gris et bas sont poussés par un vent assez fort qui arrache les feuilles orangées des arbres et les fait tourbillonner dans le ciel. Il a plu récemment, car le sol est encore humide. Typiquement une ambiance de rentrée des classes.

Je n’ai jamais fait de piano. Je ne sais pas du tout à quoi m’attendre. Il est vrai que cela m’inquiète un peu. Heureusement, ma grande sœur est là. Sa présence me rassure. Le trajet me semble long, moi qui n’ai que deux petites jambes pour marcher.

Au bout de quelques minutes, voilà que nous arrivons devant la modeste maison qui accueille les cours de piano. Elle est située au sommet d’une petite butte que l’on gravit grâce à un escalier d’une dizaine de marches. Tout comme la maison, celui-ci est composé de grosses pierres grises en granit partiellement recouvertes de mousse et débouche sur un palier qui permet d’accéder à la porte d’entrée. D’un vert foncé délavé, elle n’invite pas vraiment à être franchie. L’ensemble donne une impression de tristesse et de lourdeur.

Une fois entrés, nous nous trouvons dans un petit couloir sombre et étriqué. La tapisserie aux couleurs passées se décolle par endroits, le carrelage au sol constitué de petits carreaux marron et beige donne envie de pleurer, l’éclairage est vraiment faible. Et cette odeur ! On se croirait dans un vieux grenier plein de poussière et de vieilleries ! J’ai l’impression d’avoir fait un saut dans le temps et de me retrouver dans les années 50. Le cours se déroule dans une salle au bout du couloir, sur la gauche. Pour y pénétrer, il faut ouvrir une porte blanche jaunie par le temps avec, en son centre, une large vitre rectangulaire opaque.

Le professeur m’accueille. D’origine russe, il colle parfaitement au décor. Lui aussi semble d’une autre époque. Il me paraît vieux, grand, plutôt mince. Ses cheveux bruns coiffés en arrière laissent apparaître un front légèrement ridé. Il porte des lunettes avec des verres un peu sombres. Son gilet sans manches vert foncé comme la porte d’entrée cache une chemise à la couleur beige plus que douteuse.

La salle de piano est conforme à l’entrée. Ses murs recouverts de moquette côtelée d’un rouge profond viennent soutenir l’impression de sombreur provoquée par le parquet grinçant marron foncé. De taille modeste, elle accueille le piano droit noir légèrement recouvert de poussière, une chaise pour le professeur, un tabouret pour l’élève et une petite table en formica qui longe un mur et devant laquelle sont disposées deux autres chaises. Je me sens pris au piège, sans échappatoire possible. L’anxiété s’installe doucement enmoi.

Après s’être présenté, avoir pris mon cahier et l’avoir posé sur la table, il m’invite à m’asseoir sur le tabouret. L’air inquiet, je regarde ma sœur qui s’est assise près de la table, et m’exécute. C’est parti pour trente minutes de souffrance. Il me demande de jouer une noire. J’appuie sur une touche noire. Première engueulade. Il me montre comment faire puis me demande à nouveau de jouer une noire. Je ne comprends rien, il m’a montré une touche blanche ! Je suis désemparé. M’aurait-on menti sur les couleurs ? Ou est-ce moi qui me serais trompé dans cet apprentissage ? Avec sa grosse main, il me saisit l’index droit et appuie sur une touche blanche. Aïe ! Il me fait mal. Il me serre le doigt trop fort et l’écrase sur une touche blanche en répétant de sa grosse voix rauque : « C’est ça, une noire ! » J’entends surtout le roulement du R slave qui résonne dans mon oreille. J’ai peur, je veux partir, le cours me semble interminable, mon esprit est complètement embrouillé. En gardant mon index dans sa main, il l’appuie ensuite sur une touche noire en me répétant que c’est aussi une noire. Je suis totalement perdu. Puis, il me demande de jouer une blanche. J’hallucine ! Je ne sais plus quoi faire. D’un geste désespéré, plein de doute, j’appuie timidement sur une touche blanche. Deuxième engueulade. De la même manière, il me reprend l’index et l’écrase plusieurs fois, plus fort et plus longtemps sur une touche blanche en me soufflant dans les oreilles : « C’est ça, une blanche ! » De la même manière, il me prend le doigt et l’appuie tout aussi fort et aussi longtemps sur une touche noire. De la même manière, il me répète que c’est aussi une blanche. La vache ! C’est donc ça, le piano ? Les postillons russes volent sur mon visage tandis que mon cerveau abdique. Je suis à l’agonie. Je n’essaie plus de comprendre. Mes oreilles bourdonnent, mon index a rendu l’âme. Pourquoi est-ce que je subis un tel traitement ? Qu’ai-je fait de si grave pour mériter un tel sort ?

Finalement, la leçon s’achève. Je suis sauvé ! Je descends fébrilement du tabouret, soulagé, encore sonné par cette avalanche de violence. Puis, le professeur se lève et se dirige d’un pas lourd vers la table. J’entends alors le crissement du crayon gris en bois du tyran qui note sur mon cahier les exercices à faire pour le prochain cours.

Il ne le sait pas encore, mais je n’apprendrai jamais le piano à la méthode russe.

2. Le grandbleu

Pour la première fois de sa vie, Edouard va traverser l’océan Atlantique sur un voilier. Le catamaran est amarré le long d’un ponton. Il fait beau, le ciel est d’un bleu resplendissant, l’air est à 26 °C. Une légère brise irise l’eau de la marina. Ce sont les conditions habituelles d’un mois d’avril à Saint-Martin, aux Antilles. Edouard fait partie de l’équipage pour convoyer le bateau jusqu’à La Ciotat, près de Marseille. Cette idée le réjouit beaucoup. Il embarque comme chef mécanicien et second capitaine. Cela signifie qu’il est responsable de la partie technique sur le bateau. Il s’occupe des deux moteurs, bien sûr, mais aussi des deux groupes électrogènes, du dessalinisateur et des réseaux fluides. Sur le pont, il assiste le capitaine pour les manœuvres portuaires et participe aux quarts pour s’assurer que tout se passe bien à bord et sur l’eau. L’équipage, mixte et franco-italien, est constitué de sept personnes.

Cela fait deux jours que le capitaine est arrivé. Les préparatifs vont bon train. Edouard s’occupe des moteurs et des groupes électrogènes. Faire les vidanges, remplacer tous les filtres. Partir sur des bases saines. Il est plus confortable de faire ce genre de travail à quai, tranquillement. Il apprend également à faire connaissance avec sa nouvelle monture, tant sur l’aspect technique que sur l’aspect administratif, avec le capitaine. Le courant passe tout de suite très bien avec lui, comme avec le reste de l’équipage. Le cuisinier, quant à lui, s’occupe d’approvisionner le bateau avec tous les produits alimentaires nécessaires. Fruits, légumes, viande, poisson, produits secs, rien n’est oublié. Il est aidé dans sa tâche par un autre équipier. Les autres membres d’équipage s’affairent à ranger le bateau. Tout le matériel susceptible de bouger est soigneusement saisi. Il règne une bonne ambiance au sein de l’équipage. La qualité des relations humaines est particulièrement importante dans ce contexte. Côtoyer les mêmes personnes en huis clos durant plusieurs semaines peut mettre les nerfs de chacun à rude épreuve. Edouard en sait quelque chose. Car, pour l’avoir déjà vécu, travailler sur un bateau dans une ambiance délétère est vraiment lourd. Très lourd.