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C’était un troisième dimanche de décembre. Parmi les passagers d’un Airbus, qui attendent ce matin leur départ pour Paris dans une salle de l’aéroport de Doha, se trouvent trois hommes avec la ferme intention de prendre plus tard le contrôle de l’avion et de le projeter contre la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine, souhaitant ainsi causer une explosion avec des conséquences dramatiques pour Paris. Ailleurs, au bord du canal Saint-Martin, un jeune homme attend la femme de ses rêves et n’imagine pas les évènements qui vont bousculer sa vie si tranquille jusqu’à ce jour-là…
A PROPOS DE L'AUTEUR
Par le biais de chacun de ses ouvrages, Peter Stieglitz se donne pour mission d’informer les lecteurs de tout sujet qui les concerne. Dans une atmosphère dramatique, Faut-il évacuer Paris ? dénonce les risques de la proximité d’une centrale nucléaire des habitants de la ville de Paris.
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Seitenzahl: 204
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Peter Stieglitz
Faut-il évacuer Paris ?
Roman
© Lys Bleu Éditions – Peter Stieglitz
ISBN : 979-10-377-5171-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Pour Tifany
Marcel MorelLe pilot de l’Airbus
Carmen CollinUne hôtesse de l’air
Pierre CollinLe mari de Carmen
Myriam DantonUne hôtesse de l’air
Tamara CaponeUne jeune infirmière
Valentin NollingerUn jeune chômeur
Margot DurandUne femme de la bourgeoisie
Francis MallonUn peintre
Monique MarvinUne femme de banlieue
Tomas SchneiderUn touriste allemand
Luca DelonUn pianiste
Joana KantUne étudiante des Beaux-Arts
Pascal PillonPropriétaire d’une villa à Neuilly
Brigitte PillonLa femme de Pascal
C’est le troisième dimanche de décembre. Une journée maussade s’annonce par la grisaille des nuages passants sur les toits de Paris. Dans les maisons, on dort encore. Un silence paisible, rarement troublé par le bruit d’une voiture ou le roucoulement d’un pigeon, et personne ne se doute d’un danger qui pouvait menacer ce monde tranquille bien abrité derrière ses murs et confiant dans son destin.
Mais parmi les passagers d’un Airbus qui attendent ce matin leurs départs pour Paris dans une salle de l’aéroport de Doha, se trouvent trois hommes, décidés à prendre plus tard le contrôle de l’avion et de le projeter contre les réacteurs de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine, causant une explosion avec des conséquences dramatiques pour Paris.
À Doha, il est maintenant neuf heures et à la sortie arrière de l’aéroport, l’équipage de l’avion se prépare à son service. Le commandant de bord, Marc Morel, s’attend à un vol de routine et ne s’inquiète pas des orages violents annoncés que l’avion devrait traverser pendant son vol. L’hôtesse Carmen Collin répond à un clin d’œil du copilote, Kevin Lacroix, avec un sourire amusé. La veille au soir, il avait frappé à la porte de sa chambre, mais en vain, car elle ne voulait pas commencer une aventure, cette dernière nuit avant les retrouvailles avec son mari. À côté d’elle, une autre hôtesse, Myriam Danton, attend son retour à Paris avec une certaine impatience, car c’est son dernier vol avant ses vacances, qu’elle veut passer à la montagne et elle se hâte de monter sur les skis pour traverser la forêt enneigée, en se laissant inspirer par ce paysage plein de magie et de rêveries.
Lorsque l’avion fut ravitaillé, on commence à charger les bagages dans l’avion. Un homme, occupé du transport des valises dans la soute, fixe son regard sur une valise blanche, marquée d’une croix rouge. Il la prend et la porte à l’intérieur de l’avion pour la déposer dans le coffre à bagage au-dessus du dernier siège de la cabine. Comme il est informé de son contenu, des médicaments importants et un masque à oxygène destiné à un passager en cas d’une crise d’asthme, il ne s’en doute de rien et ne peut pas savoir, que dans le double fond de cette valise se trouvent trois pistolets chargés bien cachés entre plusieurs feuilles d’aluminium.
Après que le personnel d’entretien eut quitté la machine, l’équipage inspecte une fois de plus toutes les rangées de sièges et les coffres à bagages, mais ne trouve rien de suspect. Un peu plus tard, arrive déjà le bus avec les passagers. Une hôtesse vérifie leurs cartes d’embarquement et souhaite à tout le monde la bienvenue à bord.
Parmi les passagers, il y a un grand Bédouin dans une chemise noire avec un keffieh à carreaux rouges et blancs sur sa tête. Il avait réservé une place en première classe. Deux jeunes hommes le suivent, portent son bagage à main, le déposent dans le coffre au-dessus de son siège, et s’installent ensuite à l’arrière de la cabine. Une fois tous les passagers montés dans l’avion, un steward leur montre comment mettre leur gilet de sauvetage et leur demande de boucler leur ceinture de sécurité. Peu de temps après, le commandant de bord, Marc Morel, dirige l’Airbus sur la piste. Maintenant, c’est à lui que les passagers confient leur vie, mais ils savent aussi qu’il n’est pas le tout-puissant.
Le décollage se déroule sans problème et un peu plus tard, on commence à servir le petit-déjeuner aux passagers de la première classe. Lorsque l’hôtesse Carmen Collin se penche vers le Bédouin, pour lui mettre son plateau, il la fixe d’un regard admiratif, car le sourire de cette jeune femme, belle et attractive, rayonne de bonheur et de la gentillesse. En ce moment, il regrette peut-être qu’elle aussi doive perdre sa vie dans cette horreur infernale, qu’il avait planifiée. Mais pour réaliser son plan comme prévu, il lui faut d’abord prendre le contrôle de l’avion sans occasionner le moindre dégât qui pourrait causer son crash avant d’atteindre la centrale nucléaire.
***
À Paris, ce dernier dimanche avant Noël, il y a du monde dans les rues et sur le boulevard Haussmann les gens s’arrêtent devant les vitrines des grands magasins décorées de cadeaux et de jouets pour les enfants. Tout Paris semble attendre Noël avec impatience et se réjouir à l’avance des fêtes de fin d’année. Malgré le froid, les clients du Café de la Paix, confortablement installés à la terrasse chauffée par des radiateurs, boivent leur café, les hommes feuilletant un journal, les femmes, dont quelques-unes emmitouflées dans un manteau épais, observant les allées et venues sur le boulevard.
De nombreux touristes se promènent aussi au Quartier latin, d’autres descendent l’escalier du pont neuf pour regagner les berges de l’île de la Cité. Sur la Seine, glissent lentement les bateaux-mouches avec des touristes qui admirent le superbe panorama des vieilles bâtisses qui s’érige devant leurs yeux. Les pâles lueurs du soleil percent la grisaille des nuages et se reflètent sur la coupole dorée du dôme des Invalides.
Dans un immeuble de la rue Beaurepaire habite Valentin Nollinger, un jeune homme de dix-huit ans, qui vient de terminer sa formation d’imprimeur. Malgré son diplôme, il se trouve maintenant au chômage, car la plupart des imprimeries, automatisées et digitalisées, ont plutôt besoin d’informaticiens. Pourtant, Valentin n’est pas du tout mécontent de sa situation, qui lui permet d’organiser sa journée comme il lui plaît, sans le moindre souci pour son pain quotidien, car il vit encore chez sa mère, Nadine Nollinger.
S’il fait beau, Valentin se rend au canal Saint-Martin et jette là-bas sa canne à pêche dans l’eau. D’habitude, il s’installe sous un pont piéton qui mène de la rue Richerand au quai de Valmy à l’autre rive du canal. Il aime le calme de cet endroit et rêve parfois d’îles lointaines, naviguant dans son imagination vers une baie tranquille, où le sourire d’une jolie femme lui fait croire à quel point elle est heureuse de son arrivée.
Valentin est un rêveur, aimant les endroits tranquilles et les coins cachés. Il cherchait le silence et ne répondit jamais aux signes des touristes sur les bateaux qui passent sur le canal. Certains d’entre eux gesticulaient avec leurs smartphones en espérant un sourire du jeune pêcheur pour l’éterniser par une photo. Après le passage du bateau, quand les feuilles des arbres se reflétaient à nouveau dans l’eau toute lisse, sillonnée de temps en temps par une grosse carpe près de lui, Valentin retrouvait son monde paisible, avant qu’il fût à nouveau dérangé par quelqu’un qui escaladait les marches de fer du pont au-dessus de lui. Parfois, c’était une femme dans une tenue élégante, qui voulait se faire remarquer par le son métallique de ses stilettos. Il y avait chaque après-midi à la même heure aussi une jeune femme, qui venait de l’hôpital Saint Louis par l’avenue Richerand et traversait ensuite le pont sans le moindre bruit, avant de disparaître de l’autre côté du canal dans la rue Beaurepaire.
Un après-midi, elle passa si près de Valentin, que leurs regards se croisent et elle le saluait avec un sourire amusé, se demandant peut-être, pourquoi il pêchait à cet endroit, où il devrait jeter les quelques poissons qu’il attraperait retour à l’eau, car un panneau près du pont indiquait, que les poissons pêchés ici ne devaient en aucun cas être consommés à cause du niveau élevé de pollution de l’eau. Ainsi sa canne à pêche, qu’il tenait entre ses mains, était aussi inutile que la vieille poutre, qui flottait près de lui sur l’eau. Mais si un homme en train de se noyer s’accrochait à elle, cela pourrait lui sauver la vie. Ainsi, certaines choses, d’apparence sans valeur, avaient un sens pour Valentin.
Le jour suivant, il ne s’intéresse guère aux rares poissons qui nagent près de lui dans l’eau. Il observe plutôt l’avenue Richerand en direction de l’hôpital Saint-Louis, d’où elle devait venir à chaque instant. Lorsqu’il la voit enfin, elle marche plus vite que d’habitude, d’une allure visiblement pressée. Elle se hâte vers le pont et monte son escalier sans lui prêter la moindre attention.
Le samedi, il l’attend en vain et le dimanche aussi. Mais le lundi, à sa grande surprise, elle s’approche du pont plus tôt que d’habitude. Il la remarque, quand elle est déjà en train de monter l’escalier. Mais une fois là-haut, elle se retourne tout à coup vers lui avec un sourire plutôt amusé. Se moquait-elle de lui, de cette pêche si inutile ici, de ce passe-temps infantile ? Au même moment, un gros poisson tirant à sa canne à pêche demande son attention. Il le libère du crochet et le jette dans l’eau. Quand il dirige ses regards à nouveau sur le pont, elle s’éloigne déjà sur l’autre rive du canal vers la rue Beaurepaire. Mais aujourd’hui, elle avait de nouveau souri et maintenant, son sourire était encore partout, se reflétait sur l’eau et dans ce ciel bleu au-dessus des arbres. Ne voulant voir rien d’autre, il ferme ses yeux et se laisse emporter par ses rêveries.
Plus-tard dans la soirée et bien couché sous la grande couverture de son lit, il attend leur prochaine rencontre avec une telle impatience, qu’il s’imagine déjà tant de choses, voulant faire avec elle.
Mais le lendemain matin, quand il ouvre les volets de sa fenêtre, une averse s’abat sur les toits des maisons en face et le vent fouette les rideaux avec une telle violence, qu’il ferme la fenêtre aussitôt. Toute la matinée, il espère que la tempête se calmerait et son regard glisse encore et encore sur des toits d’ardoises en face vers le ciel gris et sombre.
L’après-midi, malgré le mauvais temps, il retourne au canal en se protégeant de la pluie par le parapluie de sa mère. Il ne quitte pas sa place, ne pense pas un moment à retourner à la maison et à se retirer dans le confort de sa chambre, car cette femme, qui peut arriver à chaque instant ne mérite pas une telle trahison. Il s’imagine déjà sa déception, quand elle venait et le cherchait en vain. Le temps passe et sous leurs parapluies les gens se hâtent vers leur voiture ou la station de métro la plus proche, mais celle qu’il attend n’est pas parmi les femmes qui s’approchent du pont. Quand les réverbères de la rue Richerand s’allument et leurs lumières ne laisse guère distinguer les personnes passant à la hâte sous leurs reflets, il renonce enfin à l’attendre et rentre aussi déçu que déprimé à la maison, pensant que quelqu’un l’avait attendue devant l’hôpital et ramenée à la maison dans sa voiture, pour s’occuper ensuite d’elle dans l’intimité de sa chambre. Mais Valentin écarte aussitôt cette possibilité si insupportable qui ne veut plus y penser.
La semaine suivante, il l’attend tous les jours sous une pluie battante, mais en vain. Il plut toute la semaine. De temps en temps, il y avait même une averse de neige et les gens se gardaient bien de monter les escaliers glissants du pont, car il y avait un autre pont à quelques minutes d’ici, qui pouvait être traversé en toute sécurité sur un trottoir bien sablé. Avait-elle aussi décidé de faire ce détour ? Peut-être devrait-il l’attendre là-bas ? Comme il n’y avait guère un pêcheur qui s’exposait aux regards des gens dans une tempête de neige, il décide de l’attendre sous le porche d’une maison, d’où il pouvait observer ce pont. Mais c’était une nouvelle déception, car elle n’était pas parmi toutes ces femmes, qui passaient à la hâte devant ses yeux et s’éloignaient ensuite sous leurs parapluies de ses regards.
Ce troisième dimanche en décembre, en pensant qu’elle ne travaillait pas le week-end, Valentin ne va pas au canal et décide le matin de se consoler de ces échecs avec une grande crème et des croissants croustillants dans le petit café de la rue Beaurepaire. Même si sa mère lui offrait toujours des repas selon ses préférences, elle trouvait les croissants de la boulangerie trop chers, car elle obtenait dix fois plus de pain pour le même prix.
Le café était autrefois un bistrot et les hommes discutaient au comptoir de leurs paris hippiques ou d’un match de foot. Mais ce matin, il y a peu de monde et Valentin se retire avec son assiette à une table près de la fenêtre. Dehors, le soleil perce enfin les nuages et promet peut-être une nouvelle rencontre avec elle le lendemain.
***
Dans un petit studio sous le toit d’un autre immeuble de la rue Beaurepaire, habite l’infirmière Tamara Capone. Elle venait tout juste de passer son examen et travaille maintenant à l’hôpital Saint-Louis. En congé aujourd’hui, elle se prépare ce matin à faire quelques courses. Bien protégée par son épais manteau en laine, elle descend avec un panier à la main les escaliers au troisième étage et frappe à la porte de madame Rosenfeld. La vieille femme avait perdu son mari dans un accident, il y a quelques années, et avait subi d’autres coups du destin dans sa longue vie.
Le 16 juillet 1942 à l’aube, quand débuta l’arrestation des juifs parisiens, sa mère l’avait, quelques minutes avant, confiée à sa voisine qui cacha l’enfant dans sa chambre. Le lendemain, avec l’aide d’un prêtre, la femme amena l’enfant juif chez des paysans près de Chartres, qui le cachèrent dans leur ferme jusqu’à la fin de la guerre. Puis une tante de Sarah le ramena à Paris. Mais ses parents et ses frères et sœurs n’étaient jamais revenus. Après avoir terminé ses études, Sarah trouva un emploi dans une bibliothèque. Et maintenant, elle a quatre-vingt-dix ans et une gentille Marocaine s’occupe de son ménage.
En connaissant la passion de la vieille femme pour la littérature, Tamara la visite de temps en temps pour lui lire des poèmes de Verlaine et Baudelaire ou une histoire de Guy de Maupassant. Mais ce matin, elle fait la liste de ses achats et quitte la maison pour se rendre au marché de la halle de Saint-Quentin.
En passant devant le café de la rue Beaurepaire, elle se fait remarquer par Valentin, en train d’observer les gens dans la rue par la fenêtre du café et cette jeune femme sur le trottoir d’en face attire aussitôt son attention, car après un coup d’œil sur ses tennis bleus, il est sûr, que c’est celle, qui l’avait attendu toute la semaine sous la pluie prés de son pont au canal, mais en vain. Et maintenant, aussi surpris que content, il prend rapidement le dernier croissant de son assiette et sort du Café pour la suivre. Comme son habitude, elle avance à grands pas, allure d’une certaine fierté, car on est à Paris et une femme aussi belle et attractive comme elle, doit se donner une apparence un peu hautaine envers les autres pour ne pas être embêtée par n’importe qui.
Avant de traverser le boulevard Vaugirard, elle regarde autour d’elle en observant la circulation, mais sans le remarquer. Ensuite, elle avance dans la rue de Château d’eau vers la halle Saint-Martin. Maintenant, il est décidé à lui parler, en lui faisant croire, qu’il l’avait croisé par hasard. Il était encore en train d’effacer les traces du croissant de sa veste, quand elle s’arrête au stand de poissons et y regard l’offre. Valentin avance dans sa direction et la suit, quand elle quitte le stand et achète plusieurs légumes un peu plus loin. Maintenant il hésite, n’ose pas encore l’aborder et décide de l’attendre à la sortie. Lorsqu’elle y apparaît, elle le regarde d’un air surpris avant de le saluer avec un sourire. Remarquant ensuite qu’il ne porte ni un panier ni le moindre sac, elle ne croit pas à une rencontre de hasard et l’exprime sans détour.
— Vous m’avez attendu ici ?
— Oui !
— Et pourquoi ?
— Je ne sais pas.
Sa réponse l’amuse tellement, qu’elle éclate de rire avant de lui poser la prochaine question.
— Et maintenant ?
— Je vais porter votre panier ?
— Vous voulez m’accompagner ?
— Eh bien, comme nous vivons dans la même rue.
— Ah ça aussi, vous l’avez déjà découvert.
— Oui !
— Et quoi d’autre ?
— Que vous portez toujours ces tennis bleus.
— Ils vous plaisent ?
— Oui !
— Y a-t-il encore autre chose qui vous plaise concernant mon apparence ?
— Beaucoup !
Avec un sourire amusé, elle lui passe son panier, observe la circulation dans la rue, la traverse et descend le trottoir goudronné en face si vite, comme voulant fuir et éviter chaque entretien avec cet homme, qui la suit, car avant de continuer leur entretien, elle devrait réfléchir et penser à la suite de cette rencontre. Plutôt attirée par des hommes plus âgés que lui, elle ne se sent pas prête pour une aventure qu’il s’imagine peut-être. Alors, devrait-elle l’annoncer toute de suite afin d’éviter chaque malentendu ou lui laisser ses illusions en le tenant en distance avec la gentillesse d’une femme, qui ne veut pas blesser les sentiments de l’autre. Mais ce jeune rêveur ne cherchait peut-être rien d’autre, que le bonheur de l’instant, tout content maintenant, d’être si près d’elle, de pouvoir entendre sa voix, sentir son parfum et porter son panier. Alors, elle s’arrête, se retourne vers lui, sort une barre de chocolat de sa poche, le partage avec lui et lui propose de se tutoyer.
Ainsi il apprend enfin son nom et lui fait un compliment un peu maladroit.
— Tamara ! Un joli nom, qu’on n’oublie pas si vite.
— Tu vas encore pêcher cet après-midi ?
— Non, car le dimanche, il y a trop de bateaux sur le canal.
— Et les poissons se cachent ?
— Oui ! Et toi, que vas-tu faire aujourd’hui ?
— Je ne sais pas, ça dépend de la météo.
— Il pourrait neiger l’après-midi.
— Dans ce cas, je dois annuler ma promenade.
— Mais maintenant, il ne neige pas encore.
— Tu veux te promener avec moi ?
— Si ça ne te dérange pas.
— D’accord, mais je dois d’abord ramener le panier.
Quand ils arrivent à la porte d’entrée de la grande maison, dans laquelle elle habite et elle lui parle de son studio de deux pièces sous le toit, il lui pose aussitôt la question, qui l’intéressait désormais bien plus que toute autre chose.
— Tu habites seule là-haut ?
— Mais oui !
Avec un sourire tout content il attend qu’elle ouvre la porte pour lui passer son panier. Pendant qu’elle monte à l’étage et frappe à la porte de madame Rosenfeld, il pense à la suite de cette rencontre lui proposant une visite au cinéma ou une invitation au Café Prune tout près au quai du canal… Entre-temps, Tamara change ses vêtements et se prépare à son tour pour cette promenade.
Quand elle le rejoint peu de temps après en jeans et veste de cuir, elle lui semble plus jeune encore, que ses vingt-trois ans laissent croire. En se promenant le long des rives du canal, elle parle de son travail à l’hôpital et lui de son métier et des causes de son chômage, mais en lui confiant quand même, qu’il était plutôt content, d’avoir ainsi du temps pour faire ce qui lui plaisait. Mais ce matin, il s’intéresse d’abord à cette jeune femme, qui lui accorde cette chance inattendue d’une rencontre, dont il rêvait depuis des semaines. En se promenant avec lui, elle lui lance de temps à temps un sourire plutôt amusé, car maintenant, il veut tout savoir d’elle et lui pose enfin une question, qui lui semble plutôt anodine.
— Et pourquoi tu n’es pas encore mariée ?
Maintenant, elle exprime un certain embarras par un long moment de silence avant de lui répondre : « Mais je suis mariée ! »
Stupéfait, Valentin la regarde d’un air incrédule, se sent trahi, trompé par son sourire et ses propres illusions. En voyant sa réaction, aussi déçue que désemparée, elle se lance dans une longue explication.
« J’ai rencontré Roberto il y a deux ans dans un hôtel de Djerba où je travaillais à cette époque. Il m’a promis une vie meilleure en France et après notre mariage je me suis installée chez lui à Marseille. Mais je me suis vite rendu compte que j’avais affaire à un grand égoïste. J’ai travaillé dans un café au port et j’ai dû lui donner tout l’argent que j’y gagnais, même cela ne lui suffisait pas. Lorsqu’il essaya m’imposer d’autres jobs, pour gagner encore plus, exigeant même de m’offrir comme escort-girl sur le net, j’ai demandé le divorce et je suis partie. Heureusement, depuis mon arrivée ici, je n’ai plus entendu parler de lui. Maintenant, j’ai peur qu’il me trouve un jour ici à Paris, car il peut se montrer très violent. »
Plutôt perturbé par cette confidence, Valentin ne sait pas quoi lui répondre et se tait. Ils continuent leur promenade en silence, chacun occupé par ses propres pensées. Mais ensuite, c’est elle, qui lui pose des questions.
— As-tu une copine ?
— Non !
— Et pourquoi pas ?
— Car les filles n’aiment pas aller pêcher avec moi.
— Elles préfèrent peut-être des autres distractions.
— Oui !
Et ensuite, Tamara lui pose une question beaucoup plus intime encore.
— As-tu déjà couché avec une femme ?
— Oui, mais c’était une histoire sans importance.
Et comme il ne veut pas parler de cette autre femme, elle n’insiste pas d’en savoir plus. Mais cette histoire était quand même plus importante, qu’il veut maintenant admettre.
C’était un matin en septembre, quand il fit la connaissance de Mathilde. Habitant près du canal, elle travaillait dans un salon de coiffure au centre-ville et commençait parfois une brève liaison avec un de ses clients. Pourtant, elle aimait tellement sa liberté, qu’elle mettait fin à ses relations, dès que l’homme se montrait un peu trop possessif. Ainsi elle pouvait organiser sa vie selon ses propres idées. Mais un de ses amants en fut si déçu de la fin de leur liaison qu’il crevât un pneu de sa voiture à la tombée de la nuit et le lendemain matin, quand elle essaya de changer la roue, Valentin y passait par hasard et l’aida à monter la roue de secours. Ainsi, il fit sa connaissance et pour le récompenser, elle l’emmena dans sa voiture à la station de métro. Bien qu’elle ait dix ans de plus que lui, il la trouvait tellement séduisante, qu’il passa de temps en temps devant son immeuble quand elle montait dans sa voiture. Elle l’emmenait à la station de métro et l’invita un dimanche dans son appartement pour goûter un gâteau, qu’elle avait préparé pour lui. Bien installée à côté de lui sur son canapé, elle s’approchait de lui, pour s’occuper encore plus près de lui et un peu plus tard, elle l’amena dans sa chambre.
Le dimanche suivant, il voulut la surprendre avec un grand bouquet de roses, mais elle n’était pas seule chez elle et ne lui ouvrit même pas sa porte. Il était furieux et tellement en colère, qu’il donna un coup de pied dans la porte de la voiture, garée devant la sienne, car autant qu’il l’aimât, autant il était farouchement jaloux des autres hommes, qui la fréquentaient.
Mais depuis l’arrivée de Tamara sur ce pont, il ne s’intéressait plus à Mathilde.
Entre-temps ils étaient arrivés à une écluse du canal et Tamara dirige son attention sur une péniche, en observant la manœuvre de son passage.
En été, il avait du monde ici, des touristes et autres curieux, qui se bousculaient sur le quai pour voir une péniche dans l’écluse et filmer son passage avec leurs smartphones. Mais aujourd’hui, des pigeons se promènent sur les quais déserts et cherchent la nourriture, qu’on jette des bateaux en leur direction.