Feu mon Frère - Hugues Drappier - E-Book

Feu mon Frère E-Book

Hugues Drappier

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Beschreibung

Stanislas a un secret qu’il partage peu : son frère est mort d’une overdose quelques années auparavant. Les souvenirs l’obsèdent au point qu’un jour il décide de retrouver ceux qui ont conduit son aîné à sa chute afin de les exterminer.


A PROPOS DE L'AUTEUR
Hugues Drappier a déjà publié Les Voyageurs aux éditions de l’Harmattan et L'Entreprise aux éditions Le Lys Bleu.

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Seitenzahl: 151

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Hugues Drappier

Feu mon frère

Roman

© Lys Bleu Éditions – Hugues Drappier

ISBN : 979-10-377-5533-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Du même auteur

– Les Voyageurs, l’Harmattan, 1997 ;
– L’Entreprise, Le Lys Bleu Éditions, 2019.

Message de l’auteur

Ce texte comporte des scènes de sexe explicites et d’ultra violence, clins d’œil à Guillaume Apollinaire, Bret Easton Ellis et Quentin Tarantino.

Il est donc réservé à un public averti.

Quand ils auront achevé leur témoignage, la Bête qui monte de l’abîme leur fera la guerre, les vaincra et les tuera.

Apocalypse, 11-7

Orange

Prenez garde à vous-mêmes. Si ton frère a péché, reprends-le ; et, s’il se repent, pardonne-lui.

Luc, 17-3

I

Je plie sous le coup.

La douleur m’a frappé à l’estomac. Insidieusement, elle remonte mon abdomen, s’empare de mes poumons, les broie. Ma respiration se fait difficile. J’essaie, tout en sachant que c’est inutile, d’adopter un souffle régulier, de vider ma tête.

Je m’appuie contre un mur. J’aimerais le pénétrer pour me rendre invisible des passants qui par humanisme ou curiosité m’entourent. Je les chasse, les persuadant de ne pas s’inquiéter : j’ai fréquemment ce genre de malaise et habite à deux pas. Pourtant, la distance me séparant de mon domicile me semble démesurée. Les clés glissent dans mes doigts trempés de sueur. Maints efforts me sont nécessaires pour entrer dans mon studio. Je verrouille la porte, vomis dans les w.c. un cheeseburger récemment avalé, m’allonge sur le lit. Je saisis l’oreiller pour le presser fortement contre mon ventre, comme si je pouvais ainsi exorciser le mal. Rapidement, je renonce, laisse les tristes souvenirs resurgir. Les murs de ma chambre pâlissent jusqu’à atteindre une teinte blanc cassé. Le carré de la pièce s’étire pour former un long couloir où résonnent mes pas, ceux de maman, et ceux de Claude, mon beau-père.

Je suis ce qu’on appelle un frêle adolescent. Mais ce jour me fera passer brutalement de l’insouciance enfantine à la gravité adulte. Je vais devenir responsable. Je devrai affronter de plein front les problèmes qui se présenteront. Tout, dorénavant, me pèsera.

Ce corridor aux néons qui ternissent les visages paraît infini. L’homme qui nous attend à son extrémité se rapproche comme au ralenti. Il porte un costume marron dont je me souviendrai toujours. Un bouton manque à la manche gauche. Ses yeux, du même marron que son costume, sont d’une extrême douceur. Lorsque nous nous saluons, je sens, malgré mon abattement, que sa poigne est molle. Il s’adresse à Claude :

— Monsieur, voulez-vous me suivre pour l’identification du corps ?

Un téléphone sonne dans un bureau mitoyen. Je tremble. La sonnerie est la même que celle qui a vibré dans l’appartement, une heure plus tôt, quand la police nous a signalé que ton corps avait été retrouvé, qu’il fallait venir.

J’ai insisté pour accompagner maman et Claude. Ils n’avaient pas envie d’entrer en conflit avec moi, ils m’ont laissé les suivre.

Dans la voiture, j’ai prié. Je me suis dit que ce n’était pas possible, qu’il s’agissait de quelqu’un d’autre. J’ai pensé à ce que serait ma vie sans toi et un grand vide m’a envahi. J’ai serré la poignée de la porte. Celle-ci s’est divisée en cinq quand j’ai fermé les yeux, et tes doigts ont entrelacé les miens. Je me suis senti un peu mieux. Puis, la voiture s’est arrêtée. Le charme s’est rompu.

Maman crie. Elle veut venir avec Claude, elle veut te voir. Sa voix claque. Elle n’est plus humaine. Son visage se modifie chaque fraction de seconde. J’y vois la petite fille qu’elle a été, puis la vieille femme qu’elle sera.

Je ne sais pas qui me présente un banc et me dit d’attendre là. Je refuse.

— Non. Je viens aussi. Brice est mon frère.

Claude me sourit.

— D’accord, Stan.

Il prend ma main. J’aime beaucoup cet homme. Il est gentil. Tu ne l’appréciais pas car il est le deuxième mari de maman et tu as refusé qu’il te serve de père. Moi, je l’ai accepté parce que je n’ai pas vraiment connu papa.

L’immensité de la pièce dans laquelle nous pénétrons me surprend. Peut-être mon impression est-elle due à l’absence de mobilier et à la position parfaitement centrale du lit à roulette recouvert d’un drap blanc. Blanc comme les murs. Blanc comme la blouse de l’homme qui soulève le drap après un signe du costume marron.

Maman détourne un visage éteint qu’elle plonge dans l’épaule de Claude. Il l’enlace fortement. Elle suffoque :

— Oh, Claude, ce n’est pas possible… Ce n’est pas possible ! Brice est mort ! Mon fils est mort ! Il est mort, mort !

C’est bien toi qui es sur le lit. Tu es mort. Ton visage est blanc et tes lèvres sont bleues, ce qui prouve bien que tu es mort. Tes cheveux sont sales, poussiéreux. Ta barbe a un peu repoussé. Ta figure n’a aucune expression. C’est celle d’un mort.

Je m’approche. Je passe ma main sur tes joues. Ta peau est froide. Je pose mes lèvres sur ta bouche. Tu ne m’embrasses pas comme d’habitude. Tu n’ouvres pas les yeux, tu ne me souris pas, tu ne me dis pas « C’est toi, mon Stan ». Non. Tu es mort.

Maman hurle. Claude et l’homme à la blouse l’entraînent hors de la pièce. On parle de lui faire une piqûre. Nous restons seuls, l’homme au costume marron, toi, et moi.

Je me dis que je dois pleurer. Je me répète que c’est fini, que je ne te verrai plus jamais, que nous ne discuterons plus, que nous ne nous serrerons plus l’un contre l’autre en disant que le reste du monde n’a pas d’importance, que nous nous aimons, et que c’est bon d’être frères. Tu es mort.

Mais les larmes refusent de couler. Je lève les yeux. L’homme au costume marron me regarde. Sa tête est ronde. Ses cheveux sont coupés très court. Son iris est marron comme son costume auquel il manque un bouton à la manche gauche. Il a l’air de me comprendre. Il m’est sympathique. Je lui explique :

— C’est mon grand frère. Et il est mort.

Il plisse les lèvres pour former un sourire qui n’en est pas un. Il hésite avant de passer sa main dans mes cheveux.

— Mon pauvre bonhomme…

II

Où étais-je, il y a une heure ? Qu’est-ce que je faisais, il y a une minute ? À qui ai-je dit cette phrase ? J’ai des trous. Après réflexion, je parviens à les combler, mais il est agaçant de perdre la maîtrise de soi.

Pourtant, s’il m’arrive de ne plus me souvenir de ce que j’ai fait la veille, notre histoire reste claire dans mon esprit. Quoique la mémoire soit si sélective…

Le lion rugit. La peur me fait hurler. Je me jette à ton cou. Tu me serres en riant. Papa s’amuse de ma frayeur avec toi. Julie, l’amie de papa, me passe la main dans les cheveux pour me rassurer. Je n’ai que trois ans, tu es vraiment idiot de te moquer ainsi de moi. C’est, de plus, la première fois que je vais au zoo de Vincennes, que je découvre toutes ces espèces animales. Mais bon, tu es si content de passer le week-end avec papa que tu t’esclaffes pour un rien.

Nos parents viennent de divorcer. Tu détestes Claude, le nouveau mari de maman dont elle attend déjà un enfant. Moi, je m’accommode de cette situation. Tu comprends, je ne connais pas vraiment papa, je n’ai pas, comme toi, vécu dix ans avec nos véritables parents. Claude est gentil, attentionné. Tu le considères comme un imposteur uniquement parce que papa est ton dieu. Tu ne vis que pour le temps que tu passes avec lui.

Je regrette, je n’ai pas à adopter ton point de vue. Trois ans après la naissance de Lydie, maman et Claude nous donnent un autre demi-frère, Romain. Nous formons une gentille famille de quatre enfants. Il n’y a que toi pour la critiquer âprement. Pourquoi tentes-tu toujours de me convaincre que ce foyer n’est pas le nôtre, que nous sommes à papa et Julie ?

C’est vrai que nous nous amusons beaucoup lors de nos vacances sur la Côte d’Azur. Nous passons nos journées sur la plage. Tu t’efforces d’être maladroit dans la construction de châteaux de sable, le ramassage des coquillages, pour que je puisse parfois te battre. Nous nous gavons de ces beignets que vendent les adolescents pour se faire de l’argent de poche. Et puis qu’est-ce que c’est beau, la mer avec toi ! Je ne pourrai jamais plus m’empêcher de pleurer quand je la verrai.

J’ai sept ans lorsque papa et Julie se tuent en voiture. Ouvre-moi, s’il te plaît. Ne reste pas enfermé comme ça dans ta chambre. Je voudrais tant être avec toi pour te consoler. Cela fait déjà trois jours que tu ne sors plus que pour aller aux toilettes. Je n’arrive pas à t’intercepter. Je colle mon oreille contre la porte. Je t’écoute gémir.

Maman appelle le médecin. Tu es alité pendant deux semaines. On te fait des piqûres tous les jours. La nuit, tes cris me réveillent. « Papa, papa, papa ! » hurles-tu.

Tu reprochais à notre père sa consommation de cigarettes. À présent, je m’habitue à te voir déambuler une gitane au bec.

Tu ne me parles toujours pas, mais tu fais attention à ne pas envoyer dans ma direction une fumée qui me fait tousser. Cela me touche, mais je préférerais que ta bouche émette un sourire ou un mot plutôt que ces volutes grises. Tes paroles, tes attentions me manquent.

Le reste de la famille est sorti faire des commissions. Tu es assis sur le canapé, plongé dans des pensées sans doute sombres que je désirerais tant pénétrer. Je m’installe à tes côtés. Je colle mon nez à ton pull. Il s’en dégage une odeur de sueur et de tabac froid. Tu ne lui laisses pas le temps de m’envahir. Tu te lèves pour te servir un grand verre d’alcool fort. Tu l’avales rapidement. Tu t’en ressers un autre. Cette situation se reproduit souvent. Jusqu’à ce que maman et Claude ferment le bar à clé…

Tes absences se répètent. Tu fuis le domicile. Tu rentres dans des états étranges. Tu te réfugies dans ta chambre. Je t’entends te coucher. Je frappe à la porte :

— C’est moi. C’est Stan.

Tu m’ouvres. Ta nudité me gêne. Sans mot dire, tu prends mon bras et m’entraînes dans ton lit. Le chauffage est à fond, la couette est épaisse. Pourtant, tu grelottes. Moi, j’étouffe. Tu me serres dans tes bras. Pourquoi es-tu si chaud ? Je transpire. Tes lèvres se soudent aux miennes. Tu ouvres nos bouches. Tu mêles nos langues. Tu aspires. Je ferme les yeux pour éviter ton regard embué. Tu saisis mes poignets, passes mes mains sur ton corps. Ta poitrine est douce quoique moite. Tu as des poils autour des seins, rares mais longs. Comment fais-tu pour garder un ventre aussi plat, aussi dur, sans pratiquer le moindre sport ? Ton sexe gonflé et ferme atteint ton nombril. Tu le glisses entre mes doigts. Tu soupires. Tu tètes ma langue avec avidité. Tu te cambres. Brusquement, tu t’écartes, tu me repousses. Les larmes forment des parallèles sur tes joues. C’est fabuleux d’entendre à nouveau ta voix après tout ce silence, même si elle est devenue plus rauque :

— Pardon. Pardon, mon bébé. Excuse-moi, Stan. Je t’en prie…

Mes mains, replacées au niveau de ton visage, sont inondées. Tu m’ordonnes de partir. Tu râles lorsque je bute contre la table de nuit et en fais tomber un cendrier plein.

La gifle que t’assène Claude te surprend. Tu marques un temps avant de réagir, de crier :

— De quel droit ? Tu n’es pas mon père.

— Peut-être. Mais s’il était encore là, il t’aurait corrigé de la même manière. Qu’est-ce qui t’a pris, Brice ? Tu as vu dans quel état est ta mère ? Tu te rends compte de ce que tu as fait ?

Tu tournes la tête dans ma direction. Tu sembles réclamer mon aide. Je n’ai aucun argument pour défendre un garçon qui s’est fait arrêter après avoir dévalisé une pharmacie, je suis désolé. Mon mutisme te fâche :

— Que je ne t’entende jamais l’appeler papa ! m’ordonnes-tu. Ce n’est pas lui, notre père, Stan. Il n’a pas notre sang. Toi et moi, nous n’avons rien à voir avec lui.

Ne me tire pas si violemment par le bras pour m’emmener dans ta chambre, tu me fais mal. Ne claque pas ainsi la porte. J’ai besoin de calme. Oui, prends-moi dans tes bras. Donne-moi un peu de ta douleur. C’est si bon quand tu es doux… Tu me respires. Tu me dis qu’il n’y a plus que nous deux maintenant. Sont-ce mes larmes ou les tiennes qui nous mouillent tant ?

Ta chambre était ton refuge. Maman et Claude en font ta prison. Je suis ton seul visiteur. C’est amusant, notre code. Je cogne un coup, puis deux, tu sais que c’est moi. Je suis si fier de ta confiance quand tu me révèles les innombrables billets de banque cachés sous ton matelas, que tu m’en donnes un peu en me disant d’aller voir tel individu. Je prends grand soin, sur le chemin du retour, du petit sachet rempli de poudre blanche. Je sais que tu y tiens. Tu m’accueilles avec un tel sourire que mon cœur en devient brûlant. Bien sûr que je le referai quand tu le souhaiteras, ce n’est pas la peine de me le demander.

Hélas, au bout de quelques mois, Claude s’aperçoit de notre manège.

Une semaine passe avant que tu ne t’enfuisses. Quatre jours plus tard, la police nous appelle. Nos pas résonnent dans un long couloir. Au bout nous attend un homme qui porte un costume marron auquel il manque un bouton à la manche gauche…

III

Elle ouvre le courrier. Je l’embrasse sur la joue. Elle est surprise. Elle semble toujours oublier que j’ai gardé les clés de l’appartement malgré mon déménagement.

— Ça va, maman ?

Elle ne sourit que de la bouche. Ta mort a vidé ses yeux de toute expression.

— Tu reçois toujours tes remboursements de la sécurité sociale ici, constate-t-elle. Tu n’as pas fait ton changement d’adresse ?

— Est-ce que c’est grave ? Je passe régulièrement, non ?

Elle soupire. Sa silhouette mince traverse le salon. Quand elle ouvre la porte de la cuisine, une odeur raffinée envahit la pièce.

— J’ai fait un poulet farci. Tu travailles ce soir ?

— Non.

— Parfait. Tu dînes avec nous alors ? Tu adores le poulet farci.

C’est toi qui en raffolais. L’amalgame l’aide sans doute.

— Bien sûr.

Je passe mes doigts sur la bibliothèque. Aucune poussière ne s’y colle. Maman fait le ménage de façon maniaque, suivant les conseils de son psychiatre qui a trouvé ce seul moyen pour remplir ses journées vides.

Devant une rangée de livres est placée une photo de nous deux. Je suis au premier plan. Tes bras entourent mes épaules. Ta tête est posée sur la mienne. Ton visage exprime le bonheur. D’un petit coup sec de la main, je renverse le cadre.

Ton image m’agace, tout comme cet appartement chargé de souvenirs. Je dois sortir. J’ai besoin d’air. Je dis à maman que je serai de retour vers vingt heures.

— Essaie de ne pas être en retard. Tu sais comment est ton père…

— Mon quoi ?

Ses mains tremblent. J’avais ta voix. Elle bafouille :

— Claude. Je voulais dire… Claude. Je… C’est l’habitude, tu comprends, Stanislas ? Je n’ai pas fait exprès, pardonne-moi.

Pauvre femme !

— Inutile de te mettre dans tous ces états. Tu es vraiment à la masse, maman. Tu ferais mieux d’aller avaler un de tes lexo-machin.

Je sais qu’elle va pleurer après que j’aie claqué la porte, mais je m’en fous. Elle n’est pas aussi innocente qu’elle voudrait l’être dans ta disparition. C’est ta mère, elle aurait dû te soutenir au lieu de s’effondrer et de laisser Claude tout régenter. Tu m’approuves de ne pas l’épargner.

— Bonjour. Comment va Stanislas Drouaux ?

— Comment va Mylène ?

Je ne t’ai pas encore parlé de cette fille aux cheveux auburn, au regard océan, au visage d’ange. C’est ma petite fiancée, même si rien n’est concrétisé entre nous. J’ai envie d’elle, la réciproque est évidente, nous nous attendons. La longueur de ses jambes me fascine. Une démarche et un sourire provocateurs. Mais elle n’a rien à voir avec ta Salomé. Mylène a beaucoup plus de classe.

Notre rencontre remonte à six mois. Cédric, mon meilleur ami qui vit en province, l’a draguée à la terrasse d’un café lors de sa dernière visite à Paris. Elle est venue à notre table, mais c’est avec moi qu’elle a échangé son numéro de téléphone. Nous habitons tout près. Nous nous croisons souvent, comme aujourd’hui. Nous nous appelons fréquemment pour discuter. Je lui parle de tout, sauf de toi.

Je l’invite à prendre un verre. Elle commande un thé, moi un kir. Elle passe sa main dans ses cheveux pour les gonfler. Elle rit :

— Qu’est-ce que tu as à me regarder bêtement comme ça ? Tu m’énerves.

Elle prononce ces derniers mots avec une petite moue adorable.

— Pourquoi ?

— Parce que. Tu me fixes, comme ça, il n’y a rien de pire pour m’exciter.

— Et alors ? C’est bon, l’excitation.

— S’il te plaît, Stan. Ton humour à quatre sous…

Nous nous taisons. Le silence est doux.