Folie meurtrière - Logan Lambert - E-Book

Folie meurtrière E-Book

Logan Lambert

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Beschreibung

Au cours de l’automne 2014, une série de meurtres ébranle la capitale française. En moins d’un mois, trois prostituées, appartenant à un réseau de proxénétisme, sont brutalement assassinées. Sur chaque scène de crime se trouve une empreinte de main ensanglantée. Alors que la lieutenante de police Patricia Monroe et ses collègues mènent des enquêtes nuit et jour, Débora Logan, une journaliste ayant surnommé le criminel « le Tueur à la Main Rouge », semble s’intéresser de trop près à l’affaire. Quelque temps après un quatrième homicide, Débora se retrouve captive. Dès lors, une course contre la montre s’enclenche entre le meurtrier et Patricia qui tente de la sauver. Ainsi, les motivations de l’assassin, liées au passé de ses proches et susceptibles de mettre sa famille en danger, ne resteront pas un secret pour la jeune femme.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Féru de la littérature policière, Logan Lambert s’évade dans cet univers qui, au-delà de l’aspect de la résolution d’enquête, l’emmène à s’identifier aux personnages de l’histoire. Avec Folie meurtrière, il propose un récit de parents, d’amis et de policiers dévoués qui ont pour objectif de trouver un équilibre entre la justice et la sécurité dans un monde périlleux.

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Veröffentlichungsjahr: 2022

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Logan Lambert

Folie meurtrière

Roman

© Lys Bleu Éditions – Logan Lambert

ISBN : 979-10-377-6390-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Introduction

— La police vient tout juste de retrouver le corps d’Amandine Lombard, la dernière victime en date du Tueur à la Main Rouge. Ce serial killer, qui s’en est déjà pris à un nombre conséquent de prostituées, sévit en région parisienne depuis près d’un mois. En effet, en l’espace de vingt-huit jours, il a été impossible pour les représentants des forces de l’ordre de Paris de mettre le tueur hors d’état de nuire, malgré une mobilisation de l’intégralité des services de police.

— Débora...

— Combien de jeunes femmes innocentes auront-elles encore à mourir avant que ce criminel ne se retrouve derrière les barreaux ? Et surtout, ce maniaque sera-t-il arrêté un jour, ou parviendra-t-il à assassiner toutes les prostituées de Paris ?

— Coupez, s’il vous plaît.

— On est en droit de se demander si l’incompétence des services de l’ordre sur cette affaire ne serait pas liée à une mauvaise volonté, les meurtres de plusieurs prostituées, elles-mêmes enfreignant la loi française, les arrangeant très clairement.

— Coupez, bon sang !

La communication depuis le plateau avec la journaliste Débora Logan est coupée, et le journal de 20H reprend normalement, entre le présentateur et les invités. Certains d’entre eux sont des policiers, d’autres des psychologues et un des rares criminologues que compte le territoire français est également présent. Semblant tous ignorer le passage de Débora à l’antenne, ils commencent à parler du profil de l’assassin, comme ils le font sur une périodicité régulière depuis le début des meurtres.

Mais il s’en fiche. Il en a assez vu. Ce ne sont pas les diagnostics psychiatriques ou les menaces de poursuites judiciaires qui l’atteignent. Autrement, il s’en prendrait à la totalité de la population. Lui sait parfaitement pour quelles raisons il agit et il ne laissera pas une reporter ternir son image, alors qu’il ne recherche simplement qu’une forme de justice.

Que les journalistes dévoilent à la population ce qui s’est passé est un fait, mais le traiter de « maniaque » ? Cela ne passe clairement pas. Il serre fortement ses poings, tentant de se contrôler afin d’éviter de casser tout ce qui est cassable autour de lui.

COMMENT OSE-T-ELLE ?

Il la connaissait d’avant, il aurait dû s’y attendre.

Elle doit payer...

Il reprend peu à peu ses esprits.

Il se dit finalement qu’il doit prendre son mal en patience jusqu’au lendemain, où il pourra mener les policiers dans un guet-apens. Il se rend désormais compte qu’il doit accélérer la cadence. Il a assez attendu et il est temps d’écrire le chapitre final de l’ouvrage qu’il avait commencé à rédiger.

Sa colère est beaucoup trop intense, et il ne peut pas attendre.

Plus maintenant.

Chapitre 1

Debora et Patricia

— Coupé !

— Quoi ? Je n’arrive pas à croire qu’ils m’aient interrompue alors que nous étions en direct !

Débora Logan relâche brusquement son micro au niveau de sa hanche, et soupire. Ramone lui avait déjà dit de s’y habituer, mais finalement elle pense qu’elle ne s’y fera jamais. Lui, qui pouvait se vanter d’avoir le titre de caméraman de la journaliste française faisant le moins l’unanimité de l’histoire de la télé, ça ne l’avait pas surpris.

Mais pour Débora, c’était une autre paire de manches, elle ne voyait pas les choses sous cet angle. Elle est reporter, elle est bien supposée divulguer les informations qu’elle détient au reste de la population, non ? Pourquoi constamment la censurer de la sorte ?

— Disons que tu t’es légèrement emportée. Les propos que tu as tenus à l’encontre de la police étaient...

— Justifiés, le coupe-t-elle. Nous ne sommes pas en sécurité. Tu n’es pas une femme, Ramone. Tu ne peux pas comprendre.

— Et toi Débora, tu n’es pas une prostituée. Jusqu’à preuve du contraire, le tueur ne s’en prend pas aux journalistes.

— Pour l’instant. Il sévit depuis moins d’un mois. Il n’est pas trop tard pour changer de mode opératoire.

— En tout cas, s’il voit ton intervention au journal, il risque d’être sacrément remonté contre toi, esquisse Ramone dans un chuchotement à peine audible que son interlocutrice a pourtant parfaitement entendu.

Débora regarde Ramone, l’air anxieuse. Elle ouvre la bouche et s’apprête à répondre à son caméraman lorsqu’elle est soudainement interrompue par une autre voix.

— Je ne pense pas qu’il soit le seul.

Débora et Ramone se tournent en direction de la provenance de la voix. La journaliste reconnaît immédiatement la femme qui se tient face à eux.

Patricia Monroe, trente-six ans, agent de la Brigade Anti-Criminalité. Elle arbore une très courte coupe de cheveux bruns soignée, des yeux marron, des lèvres discrètes et est de corpulence relativement mince. Elle est habillée d’une veste en faux cuir noire autour d’un haut sombre, d’un jean noir et de bottes... noires. Vestimentairement parlant, elle semble s’imposer en étant paradoxalement à la fois remarquable et discrète. Bien qu’elle ait un brassard orange siglé « police » autour du bras droit, elle ne semble clairement pas prête à partir en intervention à tout moment. Cela dit, on peut deviner au niveau de sa hanche droite la forme de son pistolet semi-automatique soigneusement rangé dans l’étui autour de la poche de son jean. Son regard se porte avec insistance sur Débora.

— Lieutenant Monroe.

— Mademoiselle Logan.

Ramone est légèrement mal à l’aise.

— Je vois que vous arrivez toujours rapidement sur le lieu de chaque meurtre.

— Sans vouloir vous offenser lieutenant Monroe, ce n’est pas compliqué d’arriver sur une scène de crime avant vous. Ressentez-vous un malaise général dans votre vie professionnelle causé par l’affaire du Tueur à la Main Rouge ?

— Rangez votre dictaphone, Débora. Et demandez à votre homme de couper la caméra.

— Désolé, je ne voulais pas vous importuner, répond Ramone en abaissant sa caméra, l’air gêné. Sa petite taille, sa corpulence fine et ses petits yeux bruns accentuent l’innocence qu’il tente de simuler devant chaque représentant des forces de l’ordre. En effet, bien que Ramone soit le caméraman de la reporter la plus détestée des services de police parisiens, il ne cherche pas à avoir d’ennui et préfère se faire tout petit, quitte à laisser de côté sa fierté.

Patricia ne lui adresse pas un mot ou un coup d’œil. En effet, elle soutient Débora du regard lors de leur conversation, conversation qui s’apparenterait d’ailleurs davantage à une altercation verbale qu’à un simple échange de formalités.

Débora, quant à elle, lève les yeux au ciel en entendant Ramone s’excuser auprès de Patricia, tant elle est consternée par la manière dont il se laisse faire par cette dernière. Il ne lui faut pas beaucoup de temps avant de replonger son regard dans celui de Patricia, et d’esquisser un petit rictus malicieux et insupportable dont elle a le secret. Ce genre de sourire de petite journaliste en quête de sensations fortes a le don d’énerver Patricia, et cela peut se lire sur le visage de la policière.

— Cela impacte peut-être votre vie privée, alors ? continue Débora comme si de rien n’était, tout en souriant.

— Ça suffit, Débora. Lâchez-moi la grappe ! Vous n’étiez pas supposée être à l’antenne, en plus de ça ?

— C’est une longue histoire, réplique Ramone en souriant comme un idiot.

— Ramone, la ferme, s’énerve Débora en effaçant son sourire malicieux. Ses yeux deviennent plus sombres, et son visage plus fermé. Patricia a touché un point sensible, sans réellement le savoir.

Débora est effectivement une journaliste qu’on voit souvent au journal de 20 h, et pourtant, elle a du mal à s’exprimer pleinement face aux spectateurs. Le fait qu’on l’ait coupée à l’antenne quelques minutes plus tôt n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Cela ternit son image, mais ce n’est pas ce qui la dérange le plus. Elle aimerait juste pouvoir parler au nom du peuple français en tant que journaliste, profession qui lui permet d’avoir davantage l’occasion de s’exprimer publiquement que le reste de la population française. Pour elle, l’interdiction de critiquer certaines méthodes employées par les forces de l’ordre dans un journal télévisé est une atteinte à la liberté de la presse. C’est son avis, et elle y est bien attachée.

Patricia remarque le changement d’expression faciale de Débora, mais ne comprend pas bien pourquoi. Cela dit, ce n’est pas comme si ça la touchait. Pas tant que ça, en tout cas. Avoir une reporter dans les jambes alors que vous traquez un tueur en série n’est pas la meilleure manière d’être efficace dans votre travail.

Débora décide de s’éloigner, après avoir adressé un regard noir à Patricia. Ramone la suit, toujours avec sa caméra dans les mains et abaissée au niveau de ses genoux. Il paraît un peu perdu, et échange furtivement un regard avec Patricia en signe d’aurevoir.

Ramone rejoint Débora un peu plus loin. La jeune femme s’est assise sur un banc à quelques dizaines de mètres de l’immeuble actuellement perquisitionné par la police. Débora est recroquevillée en boule sur elle-même, le front contre les genoux. Ses longs cheveux bruns frisés sont légèrement agités par le vent, dévoilant son teint métissé et une partie de ses yeux, noisettes perçants, eux-mêmes couverts par un fin trait d’eye-liner.

Ramone s’approche de la journaliste, qui lève ses yeux vers lui. Sa petite mèche de cheveux roux débordant sur son front et sa barbe inexistante ont toujours conduit Débora à le comparer à un jeune prépubère. La majorité du temps, Ramone insupporte Débora, mais dans le bon sens. Ils sont loin d’être ennemis, leur relation s’apparente davantage à celle de cousins éloignés mais qui restent plutôt complices lorsqu’ils se voient. Cela dit, ils ne viennent pas du même monde. Ils ont du mal à communiquer, et se parlent rarement en dehors du cadre professionnel. Malgré tout, Ramone sait quand Débora va mal, et souhaite la réconforter.

— Tu as l’air à cran. Tu devrais peut-être prendre quelques jours de congés Débora Logan, alias la journaliste parisienne la plus détestée de la BAC.

Débora lève sa tête en direction de Ramone, et se redresse, tout en restant assise. Elle adopte désormais une position droite et élancée, ce qui lui donne un air déterminé. Elle tente de camoufler ses yeux tristes, en arborant une mine davantage énervée.

— Ramone, tu te fiches de moi ? Je ne vais pas abandonner ! lance-t-elle en criant presque.

— Tu es toujours à l’affût de tout ce qui se passe à Paris depuis vingt-huit jours. Tu peux bien rester en retrait quelque temps. Je t’assure que tu n’es pas la seule reporter de la ville.

— Mais je suis la seule reporter de la ville à autant me focaliser sur l’affaire du Tueur à la Main Rouge. Des milliers de femmes ont peur, pour elles, pour leurs filles, leurs sœurs, leurs mères, leurs épouses même, que sais-je ? Elles ont besoin de savoir ce qui se passe !

— Débora...

Elle lui coupe la parole.

— Rien de ce que tu dis ne me fera changer d’avis, Ramone. Tu sais très bien à quel point je suis bornée.

— Et comment... souligne Ramone.

— Je vais continuer à suivre l’affaire du Tueur à la Main Rouge, et je n’en ai rien à faire de ce qu’en pensent le journal de 20H, Patricia Monroe ou le reste des services de police. Je vais continuer. En revanche, si toi tu veux prendre quelques jours de congé, tu peux. Je t’y incite même fortement.

— Je comprends. Tu ne veux pas m’avoir dans les pattes.

Débora ne répond pas, mais Ramone sait ce que ça signifie. Si elle avait répondu, ça aurait été une confirmation de ce qu’il pensait.

— Bien, je te laisse tranquille. Tente tout de même de te reposer un minimum.

Ramone s’éloigne en traînant sa caméra, qui frappe contre ses mollets à chaque fois qu’il fait un pas, ce qui n’est pas sans lui donner un air un peu stupide. Débora le regarde partir, avant de tourner son regard vers les policiers autour de l’immeuble dans lequel a été retrouvé le corps d’Amandine Lombard.

Comme elle l’a dit à Ramone, Débora ne peut pas abandonner. Cette affaire lui tient à cœur, et elle va devoir continuer.

Seule.

Chapitre 2

La quatrième victime

Après s’être débarrassée de Débora et de son caméraman, Patricia se dirige en direction de l’immeuble au sein duquel résidait la victime. Un large bâtiment entièrement blanc, vide de couleurs primaires et sans vie, du moins de l’extérieur. Même les fenêtres des appartements sont soit cachées par des volets fermés, soit ne laissent transparaître aucune lumière puisque les pièces y sont plongées dans l’obscurité. S’il n’y avait pas des dizaines de policiers aux alentours, on n’aurait jamais pu deviner qu’il y a eu un meurtre dans cet immeuble car on pourrait supposer que personne n’y vit.

Patricia s’avance pour enjamber une marche, et se dirige vers la porte d’entrée. Elle salue plusieurs de ses collègues – dont certains qu’elle ne (re) connaît pas –, ainsi que des membres de la police scientifique. Les murs de l’intérieur de l’immeuble sont également dépourvus d’une autre couleur que du blanc terni par le temps. On peut cependant reconnaître quelques traces noires sur les murs, et parfois même sur le sol.

La policière est soudainement interpellée par l’un de ses collègues et amis, Marc Lecomte. C’est un homme ayant la quarantaine, plus petit que Patricia, de corpulence mince, les cheveux noirs courts, les yeux marron. Elle et Marc ont une relation amicale, ils se connaissent depuis presque huit ans. Elle est heureuse de le retrouver après quelques jours de congés, mais la situation ne prête pas réellement à sourire.

— Salut, Marc. Où est le corps ?

— Toujours aussi directe, répond sarcastiquement Marc.

— On ne perd pas de temps.

— Le corps est en haut, dans l’appartement numéro six. Je ne l’ai pas encore vu, mais je t’accompagne. Claire est déjà sur place.

Claire Ellis est une médecin légiste qui est également une amie proche de Patricia et dans une moindre mesure, de Marc. Elle a toujours été digne de confiance, tant au niveau professionnel qu’amical. Claire est probablement la personne en laquelle Patricia a le plus confiance. C’est avec plaisir que les deux femmes se retrouvent à l’étage, en face de la porte entrouverte de l’appartement numéro six. Claire ne sourit pas à Patricia, mais son expression faciale indique clairement qu’elle n’est pas mécontente de la retrouver. Ses yeux bruns incrustés dans son visage au teint métis fixent Patricia d’un air compatissant, presque comme si quelque chose de dramatique allait lui arriver.

— C’est si horrible que ça ? demande Patricia.

— Comme les trois précédentes victimes, elle a été étranglée. Pas de surprise de ce côté-là. Mais... il y a autre chose.

— Je veux tout de même voir.

Marc, n’ayant toujours pas vu la victime non plus, est également interloqué quant au comportement de Claire. Finalement, la médecin légiste se retourne, pousse la porte, et les laisse entrer. Patricia et Marc s’avancent dans un long couloir obstrué par quelques meubles et rempli de portes toutes fermées, à l’exception de celle de la salle de bains et du salon. Il y a en effet quelques policiers dans l’appartement, mais Patricia analyse visuellement les alentours. Si le tueur est bel et bien entré par effraction – comme le laissaient supposer les traces apparentes de coups au niveau de la porte d’entrée –, comment cela se fait-il que la victime ne se soit pas débattue ?

Patricia, Marc et Claire pénètrent dans la salle de bains.

Claire se tourne vers ses collègues, l’air anxieuse, et adresse à nouveau le même regard empathique à Patricia.

Marc se recule face à cette surprenante scène, et se tourne vers Patricia.

Patricia observe avec attention le spectacle macabre qui se dresse face à elle.

Un spectacle étrangement familier...

Tout se passe au niveau de la baignoire. La victime, Amandine Lombard, a été étranglée. Cela dit, il est impossible de bien discerner les ecchymoses autour de son cou, puisque ces dernières sont camouflées par une corde en nœud coulant. Celle-ci trouve son maintien dans une attache de son extrémité à la barre de fer retenant le rideau de douche, et séparant la baignoire du reste de la pièce. La victime a donc été étranglée et pendue.

Patricia recule, choquée. Elle sait parfaitement pourquoi Claire a hésité à la faire entrer, ou pourquoi elle et Marc la regardent avec compassion désormais. Tous les trois savent pourquoi. C’est le même mode opératoire que pour une ancienne affaire difficile.

Claire s’avance doucement vers Patricia.

— Je suis sincèrement désolée. J’ai conscience que ça te rappelle de mauvais souvenirs.

— Il est impossible que ce soit une coïncidence. C’est trop... ressemblant, articule difficilement Patricia.

— C’est clair, réplique Marc sans réellement réfléchir.

Claire le regarde d’un air désapprobateur, avant de se tourner vers son amie.

— Tu n’es pas obligée de rester, Patricia.

— Je ne suis pas revenue pour que tu te débarrasses aussi facilement de moi, renchérit Patricia en esquissant le sourire le plus factice que Claire n’ait jamais vu de toute sa vie. Mais Claire se dit que son amie, à qui l’affaire du Tueur à la Main Rouge tient à cœur, a besoin de savoir. De toute manière, pour l’instant, rien ne relie Patricia au serial killer... en dehors de cette mise en scène.

Patricia regarde aux alentours. Sur le mur, une empreinte de main ensanglantée, appartenant probablement à la victime. Si le Tueur à la Main Rouge est surnommé ainsi, c’est parce que cette empreinte est en quelque sorte sa signature sur chaque scène de crime. Il fait saigner la main droite de sa victime après l’avoir assassinée, et dépose avec cette dernière une empreinte délicate sur une surface plate, généralement un mur. Les psychologues pensent qu’il s’agit d’une manière pour le tueur de représenter sa supériorité sur ses victimes : en effet, la main ensanglantée contre une surface représenterait l’appel au secours, l’ultime espoir, la dernière chose qu’est capable de faire une personne lorsqu’elle se fait attaquer... D’autres experts ont également avancé l’hypothèse comme quoi cette main rouge était une référence aux menstruations, toutes les victimes du tueur étant jusqu’ici des femmes. Ce sujet fait encore débat pour le moment. En revanche, personne n’a encore réellement réussi à comprendre pourquoi le serial killer s’en prenait exclusivement à des prostituées, toutes rattachées au même réseau de proxénétisme. Il y a bien évidemment eu de nombreux suspects, voire suspectes, mais rien de bien concret jusqu’à présent. Qui plus est, le fait que le tueur change si soudainement de mode opératoire surprend Patricia.

La jeune femme s’avance dans la salle de bains, afin de constater la baignoire, qui est vide. Marc a un millier de questions qui lui passent par la tête, alors il préfère directement demander à Claire :

— Peux-tu nous faire un rapport ?

Claire se lance. Cela risque d’être long.

— Il est encore trop tôt pour vous confirmer quoi que ce soit, mais voici mes hypothèses. Le tueur est entré par effraction, tandis que la victime était en train de prendre un bain et n’entendait pas ce qui se passait.

Premier signe d’alerte pour Patricia. Comment l’assassin a-t-il pu rentrer chez Amandine au moment précis où celle-ci prenait un bain ? Le timing est bien trop parfait. Surtout qu’il n’y a pas de fenêtre dans cette pièce de l’appartement. Elle doute que ce soit le fruit du hasard, et en conclut que le bourreau a observé sa proie au préalable... depuis l’extérieur de l’immeuble. Probablement avec des jumelles, une longue-vue ou encore le zoom d’une caméra d’un appareil électronique adapté. Tout est possible, à ce stade.

— Il a ensuite pénétré dans la salle de bains sans toucher à quoi que ce soit. Il a à peine poussé la porte qui était probablement déjà entrouverte. Peut-être qu’Amandine était endormie dans sa baignoire, qu’elle n’a pas eu le temps de remarquer son agresseur entrer, ou bien qu’elle s’est débattue dans l’eau. Comme vous pouvez le voir, il n’y a aucune trace indiquant que la victime se soit débattue. Pas hors de la baignoire, en tout cas. Il l’a étranglée avec une corde comme toutes les autres, et a retiré le bouchon de la baignoire afin de faire disparaître l’eau.

— Pas de traces d’ADN ? demande Patricia.

— Malheureusement, non. Vous savez tout comme moi que nous avons affaire à un individu extrêmement méthodique dans sa manière de procéder.

— Ou à un cordiste, renchérit Marc à nouveau, alors qu’il aurait mieux fait de tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de prendre la parole.

Patricia et Claire le regardent avec insistance.

— Je suis désolé... Admettez qu’on ne peut pas écarter cette hypothèse. La manière dont il a pendu la victime est remarquablement soignée, même si ce ne sont pas les termes appropriés.

— En effet, il s’est énormément appliqué, répond Claire. Ce que je peux confirmer, c’est qu’il a bien laissé la signature de la main ensanglantée sur le mur après avoir étranglé sa victime mais avant de l’accrocher à la barre de fer avec le nœud coulant. On ne sait pas exactement comment il s’y est pris, mais il est clair et net que la méthode utilisée pour avoir une précision pareille a été chronophage.

— Les voisins n’ont rien vu ou entendu ? demande Patricia.

— Non, il a été discret. De toute manière, selon les rares personnes présentes à leur domicile aujourd’hui que les collègues ont pu interroger, personne ne se parle vraiment dans cet immeuble. C’est le concierge qui a découvert le corps en poussant la porte d’entrée de l’appartement, qui était déjà entrouverte. En ce qui concerne le tueur, pour une précision et une prise de temps pareille, il est sans aucun doute venu ici en sachant qu’il allait passer à l’acte. C’était bel et bien prémédité, tout comme pour les trois premières victimes. De plus, il est probable qu’il ait utilisé deux cordes différentes, une pour étrangler la victime, et une autre pour la pendre. Celle que nous avons en face de nous. Il était préparé. Ce n’est donc pas un excès de colère soudain. C’est pour cette raison que je ne pense pas que ce soit un simple psychopathe qui se laisse aller à ses pulsions, n’en déplaise à Débora Logan qui semble croire qu’elle en sait davantage sur le tueur que nous. Il est très méthodique dans sa manière de procéder, et très réfléchi.

— Voilà qui donnera matière à réfléchir à la psychologue...

— C’est peut-être un copycat ? balance Marc sans conviction.

— Je pense que tout est possible, en effet. Mais ça voudrait dire qu’on a deux tueurs en série sur les bras, qui s’en prennent aux prostituées du même réseau de proxénétisme. Les meurtres risquent rapidement de doubler.

— Si c’est un copycat, vous pensez qu’il est possible qu’il cherche à m’atteindre personnellement ? demande Patricia de façon hasardeuse.

— Oubliez le copycat. Peut-être que c’est bel et bien le véritable Tueur à la Main Rouge, et qu’il en a appris davantage sur toi, Pat. Désormais, il cherche à t’atteindre pour fragiliser les forces de police, suggère Marc.

Patricia retient cette idée dans un coin de sa tête, bien qu’elle n’y réponde pas. Marc Lecomte est sans conteste l’officier le plus maladroit que Patricia n’ait jamais eu l’occasion de rencontrer, notamment dans sa manière de s’exprimer. Mais parfois, cela peut s’avérer très utile, presque ingénieux...

— Dans ce cas, il pourrait également s’en prendre à vous, renchérit Patricia en fixant tristement ses amis.

— Ah, tu penses ? répond Marc en ayant l’air gêné.

Claire ne répond pas, et préfère continuer à analyser la scène de crime après avoir redressé ses lunettes sur son nez. Elle a probablement loupé des dizaines d’indices. Patricia se tourne vers Marc :

— Je vais inspecter le reste de l’appartement. Tu viens avec moi, Marc ?

— Je vais rester avec Claire quelque temps. Je te rejoins bientôt.

— Bien. De toute manière, je suppose que la commandante est dans le coin.

Maggie Cohen est la supérieure hiérarchique de Patricia et de Marc depuis environ deux ans. Il est clair que la relation qu’entretient Patricia avec Maggie n’est pas aussi forte que celle qu’elle a avec Marc ou avec Claire. Cependant, les deux coéquipières ne sont pas pour autant en mauvais termes, bien qu’elles aient eu quelques désaccords par le passé. Patricia sort de la salle de bains, laissant Claire et Marc parler seule à seul.

— Tu n’es pas vraiment resté ici pour me faire la causette, pas vrai ? demande Claire.

— Comment t’as deviné ?

Claire lève les yeux au ciel.

— En fait, je suis resté ici pour te parler de Patricia.

— Je m’en doutais bien, affirme Claire en observant avec attention les traces sur la baignoire. Qu’est-ce qui te tracasse exactement ?

Marc est surpris par la question de son amie, tant la réponse lui semble évidente.

— Cette mise en scène, on sait parfaitement tous les deux ce que ça lui rappelle. Bientôt, elle ne traitera plus cette affaire de manière professionnelle. Ses émotions prendront probablement le dessus.

— Premièrement, j’ignorais que tu étais psychologue. Deuxièmement, sache que Patricia prend l’affaire du Tueur à la Main Rouge très au sérieux depuis le début. Elle en dort difficilement la nuit. Tu crois vraiment qu’elle n’a rien fait durant ses trois jours de congés pour tenter de rassembler des preuves sur l’assassin ? Bien sûr que si. Elle a même un peu délaissé Angelica, d’après ce que la petite m’a dit. Elle tient énormément à cette affaire, même sans... ça. Tu sous-estimes Patricia Monroe. Elle sait contrôler ses émotions. J’ai un passé difficile, moi aussi. Mais ça ne m’empêche pas de bien faire mon travail.

— Dois-je donc ne pas m’inquiéter ? C’est ce que tu me proposes, Claire ?

— Bien sûr que non. Mais ne traîne pas trop dans ses pattes, d’accord ?

Insatisfait de sa conversation avec Claire, Marc s’apprête à ressortir de la salle de bains lorsqu’il tombe nez à nez avec...

— Richard... lâche Marc, légèrement surpris par l’arrivée inopportune du médecin légiste. Tu vas bien ?

— Très bien. Je suis arrivé un peu en retard Claire, désolé.

Richard est un homme brun ayant la cinquantaine et mentalement légèrement perdu, même s’il est en très bonne forme physique et qu’il effectue un excellent travail. Il a du mal à entretenir une réelle relation avec ses collègues en dehors de Claire, qui est probablement celle qui est la plus attachée à lui. Richard représente un peu pour Claire ce que Marc représente pour Patricia en quelque sorte.

— Ça ne pose pas de problème, ne t’en fait pas. Je vais te briefer sur ce que j’ai analysé de la scène de crime jusqu’ici.

— Bon, je vous laisse entre vous les Experts.

Claire renchérit en adressant un sourire faussement enjoué à Marc avant qu’il ne quitte cette fois définitivement de la pièce.

Pendant ce temps, Patricia explore l’appartement d’Amandine Lombard, en croisant plusieurs de ses collègues dans le coin. Très vite, la policière remarque que la victime était quelqu’un d’artistique. Parmi ce qui saute le plus aux yeux, on remarque instantanément les reproductions d’œuvres célèbres comme Le Cri d’Edvard Munch, La liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix ou encore La jeune fille à la perle de Johannes Vermeer, toutes peintes sur de grandes toiles accrochées aux murs de la pièce qui fait à la fois office de séjour et de salle à manger. Patricia constate à quel point Amandine était douée. Une si talentueuse personne n’aura jamais la possibilité de partager son art au reste du monde... Cela lui a été arraché, de force, alors qu’il s’agissait probablement d’un loisir relaxant qui lui permettait de relativiser quant à sa situation financière précaire, et à ce qu’elle était contrainte de faire pour s’en sortir chaque mois. C’est pour cette raison que Patricia tient tant à toutes ses affaires, notamment quand il s’agit de meurtres. Elle se rend toujours au domicile des victimes pour voir ce qu’elles rateront maintenant qu’elles ne sont plus de ce monde. Cela tient énormément à cœur à Patricia. Elle sait que ça lui donne encore plus la rogne et donc la motivation d’arrêter leur assassin. D’ailleurs, elle était supposée être en congé jusqu’au lendemain, mais est tout de même venue aussitôt que Marc l’a prévenue.

Alors que Patricia observe avec attention le reste de la pièce, elle est surprise par une voix féminine familière :

— Je ne m’attendais pas à vous voir ici aujourd’hui, lieutenant Monroe.

Patricia se retourne et fait face à la personne qu’elle cherchait : Maggie Cohen. Le carré plongeant roux de la policière met en valeur son teint mat et ses yeux bruns qui traduisent une méfiance constante vis-à-vis de chaque personne qu’elle regarde. Cette impression est d’autant plus accentuée par le fait qu’elle porte des vêtements aux couleurs relativement ternes. Patricia fixe Maggie dans le blanc des yeux :

— Et pourtant me voilà.

— En réalité, j’étais sarcastique. Je m’y attendais. Je sais parfaitement que vous ne respectez pas toujours vos jours de congés, répond Maggie d’un ton presque amusé.

Presque.

— Oui, je suis venue ici car... Enfin bon, ma présence vous dérange ?

— Absolument pas. Plus on est de fous...

Maggie préfère ne pas terminer sa phrase compte tenu de la situation.

— Vous avez vu le corps ?

Maggie sait quel souvenir remémore le corps de la victime à Patricia, mais préfère ne pas parler de ce sujet.

— Oui, rien à m’annoncer de ce côté-là. Claire m’a également énoncé ses hypothèses. Je sais que les membres de la police scientifique travaillent encore à approfondir leur expertise. Ce que je voudrais savoir, c’est qui était exactement la victime.

— Amandine Lombard, vingt-six ans, célibataire et sans enfant. On n’a pas trouvé de famille ou d’amis, mais on cherche encore. Ce qu’on suppose donc pour l’instant être ses seules connaissances se rattachait à toutes les personnes côtoyant le réseau de proxénétisme auquel s’en prend le Tueur à la Main Rouge depuis vingt-huit jours. Elle n’avait pas d’activité professionnelle officielle, elle percevait donc une allocation chômage et parvenait difficilement à joindre les deux bouts. C’est ce que laissent supposer l’état de son frigo ainsi que certaines lettres envoyées par les propriétaires de l’immeuble, par les fournisseurs d’eau et ceux d’électricité.

— Elle était donc vulnérable financièrement, comme les trois victimes précédentes.

— En effet. C’est sans doute pour ça qu’elles se prostituaient, comme nous l’avions déjà supposé auparavant. De plus, elles étaient également potentiellement toutes les quatre vulnérables émotionnellement, puisque nous n’avons pas trouvé de famille pour n’importe laquelle d’entre elles.

— Ce bourreau est vraiment un lâche. Il sait très bien qu’elles étaient fragiles.

— En effet, c’est un lâche. Mais il n’est pas le seul. Le procureur en est également un pour refuser de mettre en sécurité les autres prostituées du réseau sous protection policière, ou d’instaurer un couvre-feu en ville par peur de manque de budget ou encore d’effectifs.

— Bienvenue à Paris, répond Patricia. Son ton sarcastique au possible trahit une lassitude générale des moyens qui sont mis en œuvre pour protéger la population depuis le début de l’affaire.

— De plus, un des rares criminologues que compte notre pays a avancé l’hypothèse comme quoi le Tueur à la Main Rouge s’en prenait à ces femmes car elles n’avaient pas de proches qui pleureraient leur disparition. De ce fait, il pourrait assouvir ses pulsions meurtrières sans faire souffrir d’autres personnes.

— Je doute que ce soit ça, surtout que ce serait loin d’être une excuse.

— La personne derrière tous ces meurtres ne réfléchit probablement pas comme vous et moi, lieutenant Monroe.

— Certes, mais admettez que pour quelqu’un qui veut tuer sans faire souffrir les vivants, laisser une signature sur chaque scène de crime et jouer avec la police depuis quasiment un mois n’est pas exactement la manière qui correspond le plus. Ça ne tient pas la route.

— Je sais bien. Malheureusement, on patauge tellement dans cette affaire que je me force à croire à ces théories fumeuses. Autrement, je perds pied. Et on sait très bien toutes les deux que je ne peux pas me le permettre. Ici, peu de policiers prennent cette affaire au sérieux. Plusieurs d’entre eux n’en ont rien à faire que des prostituées sans attaches familiales ou amicales se fassent brutalement assassiner. De plus, les civils n’ont pas réellement peur, contrairement à ce que pense notre chère journaliste Débora Logan.

Patricia soupire en repensant à son altercation avec cette dernière juste avant d’entrer dans l’immeuble.

— Toutes les femmes qui ont un emploi et une famille se pensent à l’abri. C’est peut-être le cas, d’ailleurs. Mais on ne sait rien de ce tueur. J’ai l’impression que la quasi-totalité de la population parisienne ne réagit pas comme il le faudrait, si tant est qu’il faille réagir d’une certaine manière.

Maggie jette un coup d’œil à ses collègues, qui discutent un peu plus loin de sorties au bar, plutôt qu’inspecter les lieux.

— En effet, personne ne réagit comme il le faudrait, le procureur le premier. C’est pour ça qu’on ne doit pas baisser les bras commandant, soutient Patricia en fixant Maggie dans le blanc des yeux.

— Je suppose que c’est pour ça que vous êtes venue. Il n’y a rien ici, malheureusement. Le tueur est trop méthodique, il ne laisse jamais aucune trace derrière lui. Je le sais d’avance, mais il faut bien que je respecte la procédure. Pourtant, je sais parfaitement que ce qui se trouve dans cet appartement ne nous aidera pas à retrouver la trace du tueur, ou encore d’éviter un autre assassinat. On perd notre temps ici, soupire Maggie.

— On ne sait jamais. Mais oui, au fond, je pense que vous avez raison. Pourtant, je reste ici pour encore une heure ou deux. J’attends une expertise plus poussée de la scène de crime par Claire.

— Vous ne rentrez pas chez vous ?

— Je ne suis pas simplement venue ici pour voir la scène de crime. Je suppose donc que je suis officieusement de nouveau en service à partir de maintenant.

— Vous n’êtes pas payée pour ça. Rien ne vous y force.

— Si. Cette scène de crime m’y force. Il y a eu une nouvelle victime, et à chaque fois qu’on en découvre une autre, je me dis que ça aurait pu être quelqu’un de proche de moi. Je me dis que ça aurait pu être ma fille.

Chapitre 3

Vingt heures trente

Il est aux alentours de vingt heures trente lorsque Débora Logan rentre chez elle. Après avoir quitté l’immeuble dans lequel a été retrouvée la nouvelle victime du Tueur à la Main Rouge, la journaliste était passée prendre un plat à emporter au premier fast-food qu’elle rencontrerait en voiture. Se faire à manger n’était pas sa priorité. Elle ne voulait pas perdre une seule minute dans son travail.

Débora rentre dans son petit appartement d’une vingtaine de mètres carrés, et s’installe dans la pièce qui fait office de salon, en face de son ordinateur sur son bureau. Elle pose la nourriture qu’elle a emportée sur la table, et mange en faisant des recherches informatiques.

Elle compte bien analyser chaque article de presse et observer avec attention chaque vidéo traitant de l’affaire, même si cela lui prend la nuit. Il y a obligatoirement quelque chose qu’elle a dû malencontreusement ignorer. Que la police a dû ignorer. Elle est persuadée qu’une preuve peut mener à l’identité potentielle du tueur. C’est peut-être une idée farfelue ou irrationnelle, mais pour Débora, la définition d’une bonne journaliste ne va pas de pair avec un esprit cartésien.

Environ une heure plus tard, alors qu’elle a fini de manger et qu’elle est toujours concentrée dans son travail, prenant des notes sur un calepin envahi par les miettes de pain, le téléphone portable de Débora sonne. La jeune femme oriente son regard vers l’écran de l’appareil électronique. C’est Nathalie, sa meilleure amie, qui l’appelle. Débora décroche :

— Allô ?

— Allô, Débora ? Que fais-tu de beau ?

— J’étais en train d’enquêter sur le tueur.

— Je m’en doutais bien. Ramone m’a prévenu.

— Ce maudit caméraman ne sait donc pas garder sa langue dans sa poche, chuchote Débora.

— Tu préviens ton caméraman mais pas ton amie d’enfance. Devrais-je être vexée ?

— C’est juste que je n’ai pas jugé utile de te prévenir.

— Tu empêches Ramone de ne pas voir ton joli minois pendant plusieurs jours, le pauvre.

Débora lève les yeux au ciel, exaspérée par les remarques de son amie. Nathalie a toujours complimenté Débora pour la mettre en confiance, mais le passé de la journaliste l’empêche souvent de prendre une remarque positive au premier degré.

— Tu pourrais profiter de ces quelques jours en « off » pour te déconnecter un peu de l’affaire, et peut-être également prendre des nouvelles de ton père.

Nathalie venait de toucher un point sensible. Cela faisait déjà plusieurs années que Débora ne parlait plus vraiment à son père. Depuis le décès de sa mère en fait.

— Bon sang, Nathalie. Tu ne lâcheras donc jamais le morceau.

— Je te trouve bien trop impliquée dans l’affaire du meurtrier au doigt rose, balbutie Nathalie.

— Le Tueur à la Main Rouge, rectifie Débora. Et je pense que ce sont les autres qui ne sont pas assez impliqués.

— Tu as peut-être raison. Mais reconnais que je n’ai pas tort non plus quand je te dis que tu devrais recontacter ton père. Je sais que tu le souhaites, au fond de toi. Lui aussi. Incontestablement.

— Écoute, il se fait tard. Je suis un peu fatiguée, j’ai eu une dure journée. Le JT m’a coupée en plein direct tout à l’heure, et ça a littéralement mis mon moral à sec. D’autant plus qu’on a retrouvé une nouvelle victime. Je suis donc exténuée. Si je fais quoi que ce soit, je le ferai au plus tôt demain.

— D’accord, Débora. Je comprends que tu sois fatiguée. J’espère juste qu’il ne s’agit pas juste d’un de tes coups de bluff pour encore repousser ta décision à plus tard.

« Bien sûr que si », se dit Débora dans sa tête. En dehors du cadre professionnel, elle est la reine de la procrastination.

— Sache qu’il ne faut pas perdre trop de temps. La vie est trop courte. Tu ne sais pas ce qui peut lui arriver demain ni ce qui peut t’arriver à toi.

— Je sais, Nathalie.

— Je te laisse tranquille alors.

— D’accord. Je t’embrasse.

— Et toi, embrasse... Zach pour moi.

— Haha. Très drôle.

— Bisous !

Débora raccroche et repose son téléphone portable sur son bureau.

Zach Dubois. Elle avait presque oublié son existence. Il s’agit d’un homme que Débora a fréquenté pendant quelques mois. Leur relation était difficilement descriptible.

Ils se sont rencontrés dans un café, tandis que Débora était tranquillement installée seule devant son ordinateur portable. Au départ, les deux amies pensaient toutes les deux que Zach souhaitait parler avec la journaliste en raison de sa profession et de sa reconnaissance nationale, mais il s’est avéré que Zach ne regardait pas les chaînes d’information. Il n’avait donc aucune idée de qui était Débora Logan avant de l’aborder dans cette cafétéria, parce qu’il lui trouvait un charme, d’après ses propres mots. Zach était déjà venu chez Débora quelques fois, alors qu’elle ne savait même pas où lui-même habitait. Elle avait besoin de décompresser de tout le stress qu’impliquaient son travail et sa rupture familiale. Zach était un homme charmant, attentionné, calme, doux et à l’écoute. Il était également très mystérieux, ce qui a toujours intrigué Débora. Ils étaient comme deux amants. Ils ne se sont jamais rien promis.