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Entre deux pays, "Gabriel" trace un chemin singulier. De l’errance libre d’Aix-en-Provence à la rencontre d’un père espagnol, ivre de liberté, ce recueil de nouvelles autobiographiques vous invite dans un univers fait de situations atypiques, où le regard unique de l’auteur sur le monde éclaire chaque instant. Un voyage décalé et drôle dans lequel l’amour filial et la quête de soi se croisent à chaque page.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Diplômé des Beaux-Arts d’Aix-en-Provence,
Gabriel Sánchez Gruffy nourrit depuis toujours son travail pictural par l’écriture. À travers "Gaby", un autoportrait littéraire traversé de situations saugrenues, il raconte comment l’amour filial éclaire chacun de ses pas.
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Seitenzahl: 62
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Gabriel Sánchez Gruffy
Gaby
© Lys Bleu Éditions – Gabriel Sánchez Gruffy
ISBN : 979-10-422-7013-1
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Alicante – août 1971
Catherine Gruffy se rendit à Alicante rejoindre les membres de la famille Penalva durant l’été de ses quinze ans. Le destin la fit apercevoir Gabriel Sánchez Alenda marchant au parking de la résidence El Paraiso.
— C’est lui ! l’artiste peintre à la musique forte.
Les Penalva avaient de quoi se plaindre suite au vacarme assourdissant qu’il avait occasionné, et ce durant une bonne partie de la nuit dans cet enclos de brique rouge surélevé de palmier. La résidence rythmait les nuits de l’artiste au son de ses cassettes audio. Sa stature d’indien à la démarche de cow-boy rehaussée d’une paire de sabots et d’une chemise blanche à pantalon noir disparut dans le bar « el Paraiso » où il exposait ses tableaux à la thématique bohémienne.
Catherine passa l’été de ses vingt ans à fréquenter ce lieu et attendit l’auteur de ces toiles l’après-midi durant. Père et mère sont sur le point de se rencontrer. Sa robe de gitane et ses chaussettes haut la cuisse intriguèrent l’Hidalgo.
Alicante – 23 janvier 1977
Cette nuit-là Gabriel fixa le portrait de Catherine de couleur pastel. Celle-ci redoubla de vigilance à ce que leur futur nouveau-né, de sexe masculin, beau de surcroît, fût un grand artiste, un grand peintre.
Je naquis le vingt octobre à neuf heures à l’hôpital « du champ de l’amour », lieu de torture privilégié durant la guerre civile espagnole. L’avenir peu rassurant pour un nouveau-né vivant dans cette contrée nous amena à quitter l’Espagne pour Marseille. Maman se maria avec Jérôme Deschamps de Boishebert qui me reconnut comme son fils et ils donnèrent naissance à mon frère Thomas.
Village de Fuveau – 1985
Je m’apprête à dessiner un bonhomme sous le regard affûté de ma mère. Lassé d’imiter mes camarades de classe, mon stylo enlaça d’une façon frénétique les lignes donnant corps à ma silhouette d’homme : la main du père s’était exprimée à travers la mienne. Maman m’encouragea dans cette voie, baccalauréat de rigueur.
J’ai appris ce jour-là mon métier, mon parcours scolaire et la naissance d’un deuxième papa à la vie tumultueuse.
Sa carte postale me fut adressée, avec comme première indication : « Observe tout ». Alimentée d’une photo m’indiquant son repère paradisiaque, les pieds dans l’eau, la Floride en Espagne : l’Albufereta.
Nous partîmes le rejoindre le mois qui suivit. À peine installé à la terrasse d’un café surplombant le parking du « Paraiso », sa silhouette se dessinait à travers un grillage d’acier. Premier souvenir vraiment palpable : sa rencontre sonore. Le cri de ma chair mis à nu, décharné dans cet enclos délabré. Maman fit écho à sa demande en lui présentant la paume de sa main et ses cinq doigts ouverts :
— La cinco !
Adolescent, je compris sa préoccupation temporelle : être au guichet de banque avant sa fermeture. Celle qui me valut de sacrées processions suite à la liasse de billets qu’il allait claquer de bar en bar, jusqu’à m’écrouler sur le sommier la nuit tombante.
Un rituel hebdomadaire où je déambulais torse nu dans les rues chargées de pollution, surchauffé d’un soleil écrasant. J’acceptais bien volontiers les tournées offertes du père où chaque verre trinqué équivaut à mon éducation ibérique. Les mots ne furent d’aucune utilité, ses coups de sang parsemés d’onomatopées comblaient nos conversations.
Alicante – juillet 1994
Sa rencontre me permit d’endosser le rôle d’un fils d’Espagnol accompagné par ce nouveau père lu sur un carton timbré, un mythe vivant d’après ma mère.
Enfin garé au pied de son immeuble après une journée en route, il apparut, les joues tailladées, marchant d’un pas décidé en direction d’une grille installée depuis peu afin d’accéder à son étage. Sa complainte nous étant partagée, maman l’interpella par son prénom. La nervosité se volatilisa au contact de leur bouche : un baiser frénétique coagulé de sang, étalé par leurs mains sensuelles.
Il me tendit la main, m’exclamant un « Siempre » d’affiliation tout en me fixant l’âme, ses jambes arquées ancrées au sol, torse nu, jean coupé haut la cuisse, chaussettes blanches aux spirales bleu, blanc, rouge ajustées sous le mollet.
J’observais d’un sourire malicieux ce nouveau monde s’offrir à moi depuis ma tour de contrôle dominant le parking. C’est à ce moment précis qu’une fourgonnette rentra en scène, libérant sa garde civile à l’embarquer au commissariat. Le rideau de taule claqua leur départ, seul le bras de mon père dépassait d’une lamelle de fenêtre entrouverte, m’indiquant alors sa bonne situation par son pouce relevé. Il réapparut à une table de terrasse la nuit tombante, ce fut l’occasion de le mitrailler de photo depuis notre balcon, tout allait si vite.
Ses joues tailladées étaient le fruit d’une dispute avec sa compagne. Celle-ci infligea sa jalousie en perçant les pneus du véhicule de ma mère en guise de protestation. L’Espagne était bel et bien au rendez-vous.
Je partis le rejoindre chaque été accompagné d’amis nombreux afin de leur faire vivre l’impensable. L’art à son paroxysme, engendré par un grabuge constant généré par cet homme sans sommeil. S’enivrant l’esprit jour et nuit, plaisantant avec le monde des vivants, idolâtré comme l’un des leurs.
J’ai toujours pensé qu’il en faisait trop pour me convaincre que tout était possible : « Difficile, mais pas impossible. » Mais à la vue du flash-back de plaisir qu’il exhalait auprès de son entourage par sa seule présence, il s’est peut-être retenu.
Aix-en-Provence – juillet 1995
La jeunesse aixoise avait pris l’habitude de squatter un garage aménagé en appartement durant l’été de mes seize ans. Deux portes battantes s’entrouvraient sur un couloir sans fond. Assis sur un sofa de fortune, l’obscurité camouflait l’humidité émanant d’une cave située sous mes yeux. Un garçon de mon âge entra et s’assit instantanément à mes côtés. Les mains jointes, sa nervosité se manifestait par le ressort de ses chevilles ; il observait, tout comme moi, le suintement d’une alcôve et semblait attendre un signe. Comment un individu avec un tel dynamisme pouvait-il rester assis aussi longtemps à côté d’un inconnu sans une parole échangée ? Chaque seconde passée à ses côtés me rapprochait de lui. Je lui proposai de m’accompagner en Espagne, lui présenter mon père. Il accepta mon invitation.
Alicante – août 1995
Le père ouvrit la porte en grand et rebondit avec fracas. À peine vêtu d’une serviette de bain de couleur rose autour de sa taille et d’une paire de babouches, il m’exclama comme quoi il a « chié dans le lait ! », véritable expression d’allégresse espagnole. Je lui présente Louis, qui sur le coup ressemblait étrangement à mon père : petit, cheveux bruns mi-longs à la mâchoire carrée. Ce qui prêtait à confusion notre lien de parenté à tout venant.
— Tu es l’ami de mon fils, tu es mon ami ! Bienvenue à la maison.