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Extrait : "Il y avait une fois un roi et une reine qui n'avaient qu'une fille. Sa beauté, sa douceur et son esprit qui étaient incomparables, la firent nommer Gracieuse. Elle faisait toute la joie de sa mère ; il n'y avait point de matin qu'on ne lui apportât une belle robe, tantôt de brocart d'or, de velours ou de satin. Elle était parée à merveille, sans en être ni plus fière ni plus glorieuse."
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Seitenzahl: 43
Veröffentlichungsjahr: 2015
EAN : 9782335055863
©Ligaran 2015
Il y avait une fois un roi et une reine qui n’avaient qu’une fille. Sa beauté, sa douceur et son esprit qui étaient incomparables, la tirent nommer Gracieuse. Elle faisait toute la joie de sa mère ; il n’y avait point de matin qu’on ne lui apportât une belle robe, tantôt de brocart d’or, de velours ou de satin. Elle était parée à merveille, sans en être ni plus fière ni plus glorieuse. Elle passait la matinée avec des personnes savantes qui lui apprenaient toutes sortes de sciences ; et l’après-dinée, elle travaillait auprès de la reine. Quand il était temps de faire collation, on lui servait des bassins pleins de dragées, et plus de vingt pots de confitures : aussi disait-on partout qu’elle était la plus heureuse princesse de l’univers.
Il y avait dans cette même cour une vieille fille fort riche, appelée la duchesse Grognon, qui était affreuse de tout point : ses cheveux étaient d’un roux couleur de feu ; elle avait le visage épouvantablement gros et couvert de boutons ; de deux yeux qu’elle avait eus autrefois, il ne lui en restait qu’un chassieux ; sa bouche était si grande, qu’on eût dit qu’elle voulait manger tout le monde ; mais, comme elle n’avait point de dents, on ne la craignait pas ; elle était bossue devant et derrière, et boiteuse des deux côtés. Ces sortes de monstres portent envie à toutes les belles personnes : elle haïssait mortellement Gracieuse et se retira de la cour pour n’en entendre plus dire du bien. Elle fut dans un château à elle, qui n’était pas éloigné. Quand quelqu’un fallait voir et qu’on lui racontait des merveilles de la princesse, elle s’écriait en colère : « Vous mentez, vous mentez, elle n’est point aimable, j’ai plus de charme dans mon petit doigt qu’elle n’en a dans toute sa personne ! »
Cependant la reine tomba malade et mourut. La princesse Gracieuse pensa mourir aussi de douleur d’avoir perdu une si bonne mère ; le roi regrettait beaucoup une si bonne femme. Il demeura près d’un an enfermé dans son palais. Enfin les médecins, craignant qu’il ne tombât malade, lui ordonnèrent de se promener et de se divertir. Il fut à la chasse : et, comme la chaleur était grande, en passant par un gros château qu’il trouva sur son chemin, il y entra pour se reposer.
Aussitôt la duchesse Grognon, avertie de l’arrivée du roi (car c’était son château), vieillie recevoir et lui dit que l’endroit le plus frais de la maison, c’était une grande cave bien voûtée, fort propre, où elle le priait de descendre. Le roi y fut avec elle, et voyant deux cents tonneaux rangés les uns sur les autres, il lui demanda si c’était pour elle seule qu’elle faisait une si grande provision : « Oui, Sire, dit-elle, c’est pour moi seule ; je serais bien aise de vous en faire goûter ; voilà du canarie, du saint-laurent, du champagne, de l’hermitage, du rivesalte, du rossolis, persicot, fenouillet ; duquel voulez-vous ? – Franchement, dit le roi, je tiens que le vin de Champagne vaut mieux que tous les autres. » Aussitôt Grognon prit un petit marteau et frappa, toc, toc ; il sort du tonneau un millier de pistoles. « Qu’est-ce que cela signifie ? » dit-elle en souriant. Elle cogne l’autre tonneau, toc, foc ; il en sort un boisseau de doubles louis d’or. « Je n’entends rien à cela ! » dit-elle encore, en souriant plus fort. Elle passe à un troisième tonneau, et cogne, toc, toc ; il en sort tant de perles et de diamants, que la terre en était toute couverte. « Ah ! s’écria-t-elle, je n’y comprends rien, Sire, il faut qu’on m’ait volé mon bon vin, et qu’on ait mis à sa place ces bagatelles. – Bagatelles ! dit le roi, qui était bien étonné ; vertuchou ! madame Grognon, appelez-vous cela des bagatelles ? Il y en a pour acheter dix royaumes grands comme Paris. – Eh bien, dit-elle, sachez que tous ces tonneaux sont pleins d’or et de pierreries : je vous en ferai le maître, à condition que vous m’épouserez. – Ah ! répliqua le roi, qui aimait uniquement l’argent, je ne demande pas mieux ; dès demain si vous voulez. – Mais, dit-elle, il y a encore une condition, c’est que je veux être maîtresse de votre fille comme l’était sa mère ; qu’elle dépende entièrement de moi, et que vous m’en laissiez la disposition. – Vous en serez la maîtresse, dit le roi, touchez là. » Grognon mit la main dans la sienne ; ils sortirent ensemble de la riche cave, dont elle lui donna la clef.
Aussitôt il revint à son palais. Gracieuse, entendant le roi son père, courut au-devant de lui ; elle l’embrassa, et lui demanda s’il avait fait une bonne chasse. « J’ai pris, dit-il, une colombe toute en vie. – Ah ! Sire, dit la princesse, donnez-la-moi, je la nourrirai. – Cela ne se peut, continua-t-il ; car, pour m’expliquer plus intelligiblement, il faut vous dire que j’ai rencontré la duchesse Grognon, et que je l’ai prise pour ma femme. – Ô ciel ! s’écria Gracieuse dans son premier mouvement, peut-on l’appeler une colombe ! C’est bien plutôt une chouette. – Taisez-vous, dit le roi en se fâchant, je prétends que vous l’aimiez et la respectiez autant que si elle était votre mère : allez promptement vous parer, car je veux retourner dès aujourd’hui au-devant d’elle. »