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Depuis leur naissance, Lein et ses sept compagnons sont enfermés, coupés du monde et de la lumière du soleil. Chaque jour, ils s’entraînent sans relâche, à la frontière de l’épuisement, cherchant à atteindre l’état qui pourrait les libérer. Tandis que ses amis commencent à développer leur pouvoir, Lein se heurte à un vide, un gouffre intérieur qu’il ne parvient pas à combler. Les jours passent, l’espoir vacille, et l’ombre de l’échec grandit. Toutefois, au fond de lui, un frémissement persiste. Quelque chose d’énorme attend de surgir. La question reste : quand cela arrivera-t-il, et à quel prix ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Passé par un cursus scientifique,
Milan Azar a toujours nourri un profond amour pour les mots, qu’il considère comme une porte vers d’autres mondes. Une idée, griffonnée sur un coin de papier, a donné naissance aux premières lignes d’une histoire devenue une véritable aventure littéraire.
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Seitenzahl: 465
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Milan Azar
Horizon : Nabla
Tome I
Entre trois murs
Roman
© Lys Bleu Éditions – Milan Azar
ISBN : 979-10-422-6781-0
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Dans un univers artificiel se dresse une cité en plein milieu du désert, sous la lumière d’un astre qui ne se couche jamais derrière l’horizon, restant toujours immobile dans le ciel. Ses habitants y ont une autre définition du temps : un jour dure vingt-huit mille huit cent quatre-vingts battements, soit environ huit de nos heures. Un battement, c’est le battement du cœur, une seconde. Un cycle dure sept jours.
Ces mêmes habitants, bien que vivant dans le désert le plus aride qui soit, ne connaissent presque pas la sensation de soif, celle-ci est assouvie par les fruits dont ils se nourrissent régulièrement. Cela leur permet d’accomplir tous les efforts physiques, même les plus ardus. Parmi eux, certains habitants sont différents. Tandis que la majorité des personnes sont considérées comme normales, dix pour cent de cette population est dotée de capacités physiques et mentales hors norme. Ils sont programmés génétiquement à développer force et endurance physiques, agilité pour le combat ou pour les déplacements, une vue hors du commun, parfois tout cela en même temps.
Aujourd’hui, le professeur Law Throle, trente et un ans, débute l’entraînement de huit élèves qu’il doit aider à découvrir cette capacité incroyable, aussi communément appelée « instinct ». Depuis leur naissance, il y a quatorze ans, il les a regardés grandir, et maintenant qu’il sait qu’ils sont capables de développer leur instinct, il a pour mission, non, plutôt comme objectif, de les entraîner afin qu’ils réveillent en eux cet instinct. La difficulté de l’entraînement qu’ils vont commencer leur permettra de rapidement le découvrir, mais ils auront besoin d’un grand nombre de cycles pour le maîtriser complètement.
Mais il est arrivé à l’époque de leur naissance un événement qui les rend encore plus différents. C’est pour cela que depuis toujours, ils sont enfermés dans le même bâtiment et n’ont jamais connu la réelle lumière du jour. Cette différence, ils ne peuvent la deviner, ils ne peuvent la comprendre pour l’instant. C’est pour cela qu’ils seront accompagnés par leur professeur jusqu’à ce qu’ils sachent, qu’ils comprennent ce qu’ils sont réellement. En attendant ce moment, ils doivent s’entraîner et devenir plus forts.
Dans quel but chercher à réveiller leur instinct ? Ils ne le savent pas. Enfermés dans le même bâtiment depuis leur naissance, leur seul objectif désormais est de s’entraîner pour découvrir ce qui se cache à l’extérieur. Mais s’ils y arrivent, ils auront droit à une vie intense, remplie de défis, de dangers et de volonté de se surpasser. Ainsi débute la mise grand jour de l’instinct de huit jeunes garçons, Chris, Shawn, Tray, Kelvin, Cole, Éris, Hilto, et Lein.
Trente-deuxième cycle d’entraînement.
Lein se réveilla en sursaut. Sa nuit avait été étrange : il ne se souvenait pas du moment où il s’était endormi, et ne se souvenait plus très bien non plus de son rêve. Cela le surprit puisque, d’habitude, il sautait de son lit pour le raconter à ses camarades. Il s’imaginait souvent contempler un plafond bleu clair au-dessus de lui, dans lequel brillait une énorme boule de lumière blanche. Cette même boule de lumière le réchauffait et le réconfortait.
Mais cette fois-ci, il n’avait même pas eu l’impression d’avoir dormi, comme s’il avait été simplement placé dans un lieu noir en attendant de se réveiller. Il se souvint qu’une voix rouillée lui avait donné des conseils : « Tu dois accomplir de grandes choses, afin que ceux qui te suivent accomplissent l’impossible. » Mais au vu de son état à son réveil, Lein se disait que tout cela devait bien n’être qu’un rêve, plus farfelu que d’habitude. Accomplir de grandes choses, pensa-t-il. Faudrait déjà que j’arrive à réveiller mon instinct. Il dort mieux que moi, celui-là.
Un peu perdu, Lein se remit un instant les idées en place. Il était dans sa chambre, dans leur bâtiment de vie, avec ses sept camarades d’entraînement. Les lits étaient placés le long de trois pans de murs, un peu espacés les uns des autres pour que l’on puisse passer de chaque côté. Sur le dernier pan s’ouvraient les douches et l’unique urinoir. En sortant de la chambre, il se retrouverait dans la salle d’entraînement, une grande salle au sol bleu foncé, aux murs de granite gris, et au plafond de bois marron. De grandes fenêtres placées en hauteur faisaient entrer la lumière en direction de la chambre. Il y avait aussi, à une vingtaine de pas de la chambre, la salle à manger, où ils mangeaient en compagnie de Mr Throle, leur professeur d’entraînement, un pain et un fruit, matin et soir. Et au fond de la salle à manger se trouvait l’infirmerie, où l’on mettait les blessés en attendant que le médecin vienne s’en occuper. Cette salle contenait un lit haut, une couverture sur un tabouret de bois, et un grand lampadaire pour voir clair, puisque la lumière des fenêtres de la salle n’entrait pas beaucoup dans cette pièce.
Le premier jour du cycle, celui des cours théoriques, était passé. Ce jour se déroulait avec deux autres groupes d’entraînement, qui ne s’entraînaient pas avec lui le reste de la semaine. Pendant les cinq jours suivants, il n’avait que ses sept camarades comme compagnons pour s’exercer. Le seul jour où tous les groupes pouvaient s’exercer ensemble, c’était le septième et dernier du cycle, le jour libre. Durant ce jour, ils faisaient ce qu’ils voulaient dans le bâtiment, y compris se reposer s’ils le souhaitaient. Puis ils apprendraient de nouvelles théories, et s’entraîneraient de nouveau. Tout cela dans une boucle dont ils ne connaissaient la fin.
L’entraînement de Lein avait débuté alors qu’il venait d’avoir deux mille deux cents cycles, soit un peu plus de quatorze ans. Idem pour ses camarades d’entraînement. Avant cela, ils étaient aussi dans ce bâtiment, mais ils faisaient des choses beaucoup moins sérieuses, et bien moins dangereuses : leurs journées se résumaient à développer de façon douce leur corps et leur esprit. Ils appelaient « professeur » ceux qui s’occupaient d’eux. Mais depuis plus de onze cycles maintenant, ils s’accomplissaient de manière beaucoup plus intense et violente. Et leurs nouveaux professeurs, excepté leur professeur d’entraînement, leur martelaient la tête en cours théoriques.
Il tourna la tête lorsqu’il entendit un autre lit frémir : c’était Shawn, qui se levait pour aller manger. Lorsqu’il s’aperçut que Lein était réveillé, il l’appela :
— Hé, Lein ! Tu viens manger avec moi ? chuchota-t-il alors qu’il se dirigeait déjà hors de sa chambre.
— J’arrive.
Shawn était, comme Lein, un garçon plein d’énergie. Ils avaient toujours adoré jouer ensemble, depuis qu’ils étaient tout petits. Shawn, c’était aussi un talent inné pour la course. Dès qu’il fallait courir, il était le premier arrivé, largement avant les autres. Il trouvait même parfois ennuyant que personne n’arrive à sa cheville. Alors, quand ils devaient courir longtemps, Lein tentait parfois de le suivre, de maintenir sa cadence. Mais il finissait toujours par se faire distancer et rattraper par les autres. Shawn avait aussi tendance à beaucoup s’inquiéter pour les autres, et pour tout en général. À toujours réfléchir, il prenait peu de temps pour se concentrer sur lui, et dormait peu la nuit.
À l’image de leurs capacités physiques, Lein et Shawn ne se ressemblaient pas beaucoup. Shawn faisait une longueur de main de plus que Lein, et était plus fin que lui. Les mollets et les cuisses de Lein étaient plus marqués, tandis que les jambes de Shawn étaient plus élancées. Aussi, Lein avait de courts cheveux noirs comme la nuit et les yeux marron, orange à la lumière, et Shawn avait une chevelure blanche comme le jour, mi-longue, et les yeux vert clair. Mais malgré leurs différences physiques, il n’existait pas meilleure amitié que la leur.
Lein sortit de son lit. Lorsqu’il se leva, il sentit une vive douleur dans sa jambe. Il grimaça, ne sachant plus depuis quand il l’avait. J’ai rêvé que ça me faisait mal quand je bougeais, cette nuit… se dit-il. J’ai dû me taper dans mon sommeil. Puis il se mit en route jusqu’à la salle, en faisant attention à ne pas réveiller les autres. Ils ont encore un peu de temps, songea-t-il. Il valait mieux ne pas les réveiller pour éviter de les mettre de mauvaise humeur. Cette journée n’allait pas être plaisante pour tous. Les cycles d’entraînement commencent à peser, remarqua Lein en s’appuyant sur sa jambe endolorie.
Au moins, il n’était pas fatigué, et il pourrait sans doute endurer cette douleur aujourd’hui. Si elle venait à empirer, Mr Throle lui dirait sûrement d’aller à l’infirmerie pour se faire soigner par le médecin pendant la nuit. Mais Lein ne comptait pas en arriver là. D’un pas décidé, il ferma discrètement la porte, puis se dirigea vers la salle à manger. Shawn l’y attendait.
— Tu as bien dormi ? lui demanda le garçon aux cheveux blonds.
Lein secoua la tête.
— Pas trop. Ce n’étaient pas mes rêves de d’habitude. Et toi ?
— Pareil. Je ne dors jamais beaucoup, mais cette nuit était vraiment bizarre. J’ai eu l’impression qu’on m’arrachait une partie de moi-même pour m’en mettre une autre.
— J’ai eu ce genre de sensations aussi… Comme si j’étais hors de l’instant présent. J’ai l’impression que j’avais déjà rêvé de ça il y a très longtemps, à une époque où je n’aurai pas pu m’en souvenir.
— En tout cas, je préfère quand je rêve que je coure sans m’arrêter… Dis, tu crois qu’on va encore faire la même chose que les autres deuxièmes jours ? lui demanda Shawn, les yeux brusquement concentrés sur sa nourriture.
— Comme d’habitude, répondit Lein. Hier, on a eu les cours théoriques, donc aujourd’hui c’est le combat à mains nues, et demain ce sera le parcours.
— Je ne comprends pas pourquoi on doit continuer de faire tous les exercices, se demanda Shawn en commençant son petit déjeuner. Je sais que je ne les réussirai jamais, et c’est toujours la même chose. Jamais je ne battrai quelqu’un de doué au combat. Par contre, j’ai vraiment besoin de courir même si c’est pas évident dans ce lieu.
— Il en faut sans doute pour tout le monde. Il faut qu’on ait chacun l’occasion de s’exprimer, au moins un jour.
— Oui, mais on ne pourrait pas faire chacun l’exercice qui nous plaît ?
— On devrait s’entraîner chacun dans son coin, alors, répondit Lein. Et ce n’est pas ce que notre professeur nous apprend. On doit s’exercer dans tous les domaines de manière régulière. Et je te rappelle que, moi, je n’ai pas d’exercice où je suis plus fort que tous les autres.
Shawn eut un petit mouvement de désolation. Il avait oublié ce détail, et il détestait rappeler à Lein qu’il n’avait pas un domaine de prédilection. Lein n’était pas mauvais au combat, mais il ne rivalisait pas avec Tray, son camarade expert du combat rapproché, capable de battre ceux qu’ils appelaient les deux « costauds », Kelvin et Cole. Lein ne pouvait même pas espérer battre Tray, car il n’avait pas encore vu surgir son « instinct de combattant », tandis que Tray, lui, l’avait lors de chaque combat qu’il faisait de manière sérieuse. C’était cet instinct qui rendait le camarade de Lein presque invincible au sein du groupe.
— Tu sais très bien pourquoi nous faisons tous ces entraînements, Shawn. Nous devons devenir assez forts pour sortir de ce bâtiment. On nous a jugés capables de le faire, alors nous devons y arriver. Si un jour, nous devenons comme notre entraîneur, nous pourrons sortir d’ici et voir l’extérieur. On peut progresser dans tous les domaines, que ce soit ceux où l’on est déjà très bons, ou ceux où l’on a des difficultés. Nous devons tout donner pour progresser et être encore meilleurs.
— D’accord, je le sais bien, rétorqua-t-il. Mais je n’ai pas l’impression de progresser.
— On progresse tous, même si l’on ne s’en rend pas compte. Mr Throle nous l’a dit plusieurs fois déjà. Il est là pour jauger notre évolution, et quand il pensera qu’on sera devenus presque aussi bons que lui, on ira voir l’extérieur. Mais pour ça, il faut s’améliorer partout.
— Peut-être… La seule chose que je demande, moi, c’est de pouvoir courir tous les jours.
— Mais regarde Kelvin, tu crois qu’il accepterait ?
Shawn pouffa de rire.
— Qu’est-ce qui vous fait rire, les maigrichons ? lâcha une voix grave.
C’était Kelvin, justement, qui était apparu derrière eux sans qu’ils s’en aperçoivent. Ils se retournèrent brusquement lorsqu’ils l’entendirent.
— Hein, quoi ? fit Shawn, soudainement gêné. On disait que tu n’aimerais pas courir trop souvent. Mais on ne faisait pas allusion à ton…
— Tu as raison, dit Kelvin tandis qu’il croquait dans un morceau de pain, moi je préfère mettre des coups de poing, rigola-t-il en mettant un coup de coude amical à Shawn. Mais c’est vrai que ma corpulence m’aide au combat. Heureusement qu’on a le combat à main armée le lendemain de la course. Ça me change les idées, même si on est encore limités par les mouvements, vu qu’on ne s’affronte pas réellement avec l’arme.
Il était vrai qu’avec sa largeur, soit Lein et Shawn réunis (le professeur appelait d’ailleurs Kelvin « double Lein », car leurs visages se ressemblaient beaucoup), Kelvin ne craignait presque personne lorsqu’il s’agissait de s’affronter au corps-à-corps. Lein ne parvenait pas encore à esquiver ses coups, et cela se traduisait souvent par une marque foncée sur sa joue. Heureusement, il savait que Kelvin, même si son corps était incroyablement développé pour son âge, ne s’amusait pas à mettre toute sa force. C’était un gars très gentil et prévenant, Lein ne prenait simplement pas le risque de le mettre en rogne, histoire de s’assurer de voir le lendemain.
Shawn se tint l’épaule : Kelvin avait dû appuyer à un endroit où il avait mal. Mais il n’était pas du genre à se plaindre si cela concernait le haut de son corps. Ils continuèrent donc de manger tandis que les autres arrivaient et s’installaient. Leur petit-déjeuner se résumait à du pain et des fruits de toutes les couleurs. Aucun d’eux ne savait d’où venait cette nourriture. Lorsque l’un d’eux tentait de le demander à leur entraîneur, Mr Throle, il ne répondait jamais autre chose que « À ce moment, elle est devant toi, donc mange ». C’était un mystère, mais comme la nourriture était bonne, ils se posaient moins de questions sur sa provenance que sur les manières qu’ils pourraient trouver pour progresser. Même si, d’après leurs professeurs, la nourriture, en plus de leur permettre de ne pas ressentir la faim, les aidait beaucoup dans le développement de leur corps et leurs capacités.
— Lein, Lein ! l’appela Shawn. Tu fais quoi ? Mange ! Les autres sont arrivés après toi et ils ont presque fini. On va devoir aller se changer bientôt.
Lein ne s’était même pas rendu compte qu’il s’était perdu dans ses pensées. Le temps passait vite quand il réfléchissait. Sauf quand il s’agissait des cours théoriques. Il avait beau faire des efforts, il ne comprenait rien à la « science ». Les discours des professeurs étaient tellement ennuyeux que cela devenait un exploit si personne ne dormait lorsqu’ils annonçaient la pause.
Il y avait cependant deux avantages aux cours théoriques : ils avaient lieu le premier jour donc cela lui permettait de se remettre de la semaine (surtout quand il s’endormait) et d’être encore plus reposé qu’après le jour libre ; et ceux qui comprenaient ce que les professeurs disaient pouvaient aider les autres à améliorer leur technique lors des entraînements, le reste de la semaine. Maintenant que ce jour était passé, il pouvait se concentrer sur ce qui importait réellement pour lui : s’entraîner.
Lein observa Chris, le seul génie de leur groupe – ils étaient trois lorsque les quatre groupes étaient réunis pour le premier et le dernier jour – qui quittait la table, l’air anxieux. Ses lunettes rondes lui donnaient de petits yeux, qui s’agrandissaient de peur à l’idée de combattre. Il faisait partie de ces quelques intellos qui se régalaient à écouter les professeurs et à boire leurs savoirs le jour des cours théoriques.
Mais le reste de la semaine était pour lui autrement plus difficile. Pas très grand, maigre, et sans muscle apparent, il n’était doué dans aucune discipline d’entraînement, même pas un peu dans une comme Lein. Il avait cependant de bons conseils à donner aux autres, même si lui n’était pas apte physiquement à les appliquer. C’était lui qui avait expliqué à Lein que, pour esquiver les coups de Kelvin, qui était droitier, il fallait qu’il se déplace à gauche, car l’élan que Kelvin aurait donné à son bras le permettrait de mieux le contrer s’il esquivait à droite. « En plus, avait-il ajouté, tu pourras le frapper sans qu’il ne puisse utiliser son bras gauche. » En fait, se disait Lein, la force de Kelvin en faisait une grande faiblesse, une fois que le coup était évité. Mais ça, c’était parce que Mr Throle avait demandé à Kelvin de démarrer la trajectoire de ses poings plus à droite, pour rendre l’Esquive encore plus difficile à faire.
— Allez, lâcha-t-il à voix haute en se levant, aujourd’hui je vais réussir à battre Kelvin.
— Bon courage alors, dit Shawn, moi je pense que je n’y arriverai jamais. Je suis rapide, mais pas agile, l’entraînement au corps-à-corps n’est pas fait pour moi.
— Regarde-moi, Shawn, lança Lein, les yeux menaçants, mais plein d’espoir. On y arrivera. C’est pour ça qu’on se prend des pains. Pour faire en sorte de ne plus en reprendre. Et puis, si je réussis à esquiver Kelvin, je pourrai les lui rendre autant que je le voudrai, car j’aurai le niveau pour le battre. C’est pour ça que je réussirai l’Esquive, même si ça doit me demander encore des cycles d’entraînement.
Shawn baissa les yeux. Lein comprit alors pourquoi il avait peur d’affronter Kelvin. S’il prenait trop de coups, il risquait de ne pas pouvoir courir comme il le souhaitait deux jours après, lors du jour de course. Lein n’avait pas ce problème, puisque l’exercice qui lui correspondait le mieux, c’était le combat au corps-à-corps. Mais il avait encore beaucoup de progrès à faire pour atteindre le niveau de Tray, le spécialiste de l’exercice.
Et il devait commencer par réussir l’Esquive. L’Esquive, c’était LE geste qui montrait que celui-là maîtrisait son corps et ses appuis au beau milieu d’un combat. Le geste traduisait aussi une réelle détermination, car être fort seulement physiquement ne suffisait pas pour pouvoir attaquer l’ennemi, même si le mouvement était réussi. En somme, le jour où Lein réussirait l’Esquive, il serait un vrai combattant.
Mr Throle, leur professeur d’entraînement, arriva dans la salle :
— C’est l’heure de se préparer, les enfants. Je veux vous voir prêts d’ici cent battements !
— D’accord, Mr Throle ! répondirent en chœur les enfants.
Mr Throle était une personne bien plus charismatique que les autres professeurs. Il était grand, sa couleur de peau était un peu foncée, et il avait des yeux vert clair qui pétillaient de bonne humeur. Il trouvait toujours les mots pour motiver sa troupe, même dans les moments difficiles. Avec son expérience de l’entraînement, il avait toujours d’excellents conseils à donner, notamment pour améliorer certaines choses au combat. Tout le monde le respectait, même si, dans les bons moments, certains n’hésitaient pas à le taquiner en lui proposant d’effectuer les exercices, ce à quoi il répondait qu’il en était capable, mais qu’il ne voulait pas donner la solution du problème. Ce genre de conversation répandait la bonne humeur et la motivation au sein du groupe.
Tout le groupe se leva et fila dans les vestiaires pour se changer. Cette pièce était, avec la petite chambre de Mr Throle, située entre la salle à manger et la chambre des élèves. Leurs vêtements d’entraînement étaient tous les mêmes : un short noir, des chaussettes blanches et un t-shirt blanc également, avec leur nom inscrit dessus. « Il est écrit au niveau de votre cœur », avait dit Mr Throle lors du premier jour d’entraînement, « car c’est le cœur qui permet de vivre, comme vous l’avez vu en cours théoriques. C’est aussi lui qui vous permet d’effectuer des efforts comme ceux que vous ferez désormais ». Lein avait arrêté d’écouter et regardé à moitié. Il avait assez mangé de théorie la veille.
Il s’habilla en vitesse pour être prêt à temps, s’assura qu’aucun vêtement ne le gênait, puis partit en direction de la salle d’entraînement. Cet endroit était bien moins coloré que les fruits qu’ils mangeaient au début de la journée. Des murs gris, et un plafond marron. Seul le sol était bleu, mais épuisé par les pieds qui le martelaient sans cesse. D’un autre côté, ils n’avaient aucun risque d’être dérangés dans leur entraînement par des couleurs trop claires, ou par le reflet de la lumière sur le sol.
Mr Throle préparait le matériel, c’est-à-dire qu’il n’installait rien. Pour le combat rapproché, ils avaient uniquement besoin de savoir frapper et esquiver. Ils combattaient à même le sol et sans le moindre équipement, en chaussettes. Lein fit un test pour s’assurer qu’il pourrait tenir ses appuis lors du combat : il se propulsa dans toutes les directions, sur sa jambe droite, sur sa jambe gauche, sans jamais tomber. C’est bon signe, se dit-il, les vêtements sont au point pour battre Kelvin. Reste à savoir si leur porteur le sera aussi.
— Waouh, tu es en forme aujourd’hui, Lein, s’exclama Shawn depuis l’autre extrémité de la salle. Kelvin n’aura qu’à bien se tenir !
Il le rejoignit à son allure, c’est-à-dire très vite, et fit le même test.
— C’est génial ! cria Shawn avec enthousiasme. Les vêtements sont en parfait état !
— Oui, ils ont été changés hier, expliqua Mr Throle. C’est moi qui en ai fait la demande.
— Waouh ! Merci Monsieur !
— On est obligés de progresser, aujourd’hui ! s’écria Tray.
Lein s’interrogea un instant sur le fait que Mr Throle en ait fait la « demande ». Pour une demande, il devait y avoir un destinataire. Puis il se dit que les vêtements devaient venir du même endroit que la nourriture. De l’extérieur.
— Dis, Lein, lui demanda Shawn, quand tu disais « battre Kelvin », tu voulais juste dire « l’esquiver », hein ?
— Si j’arrive à l’esquiver, je n’ai plus qu’à le faire tomber, lui répondit-il. S’il tombe, je l’ai battu.
— OK, soupira Shawn, je crois que je vais d’abord commencer par la lutte. Si je pouvais éviter d’avoir à affronter un des deux costauds, ça m’arrangerait.
— Comme tu veux. Mais, Shawn, n’oublie jamais que c’est en progressant qu’on saura ce qu’il y a à l’extérieur. C’est là-bas que tu pourras courir comme tu le veux, pas ici.
— L’extérieur…
Les yeux vert clair de Shawn se mirent à pétiller d’envie. Lein, dont la détermination ne faisait qu’augmenter, vit que Kelvin arrivait. Ce dernier cria :
— Alors, avec qui je commence aujourd’hui ?
— Par moi, dit Lein en cognant son poing contre son autre main.
— C’est quand vous voulez, les enfants, lança Mr Throle. N’oubliez pas que vous devez tous affronter au moins une fois un des deux costauds, Kelvin ou Cole, avant la fin de la journée, ajouta-t-il en faisant lâcher un regard craintif à Shawn.
Lein et Kelvin se mirent en position. Lein souffla un long moment. Il allait affronter une personne qui faisait deux fois son poids, avec un poing presque aussi gros que sa tête à lui. Aucun doute qu’un seul coup de sa part atteignant sa cible pouvait envoyer son esprit dans le plafond. Mais Lein savait ce qu’il faisait. S’il était prêt à se faire frapper, et à tout donner jusqu’à ne plus pouvoir se relever, c’était pour montrer à ses camarades qu’il était capable d’être fort dans un domaine, d’avoir lui aussi son instinct. Car il savait que c’était en découvrant son instinct qu’il découvrirait ce qu’il y avait à l’extérieur de ce bâtiment.
Présentation de personnage : Lein
Taille : 1m61
Poids : 47 kg
Yeux : marron noir
Cheveux : noirs
Couleur préférée : blanc
Nourriture préférée : le pain
Quand il était petit, il essayait de monter les murs pour atteindre les fenêtres, car il croyait que s’il restait longtemps proche de la lumière ses cheveux deviendraient clairs comme ceux de Shawn.
Lein fixait Kelvin intensément. Il savait ce que ce dernier était capable de faire lorsqu’il combattait. Lein n’avait probablement pas le quart de sa puissance. Mais ce qu’il avait plus que tous les autres, c’était sa volonté, et il savait que le mental était important dans un combat. Mais pour cela, il ne faudrait pas qu’il s’effondre dès le premier contact avec Kelvin.
Les deux adversaires lancèrent leur cri de combat, et Kelvin envoya le premier coup. Son poing, d’abord courbé vers la gauche de Lein, arriva en suite face à lui. Lein tenta de l’arrêter en se protégeant des deux mains. Il était vrai que les chaussettes aidaient à ne pas glisser, mais comme Kelvin avait beaucoup plus de force que Lein, ce dernier se pencha en arrière, et dut presque s’aplatir par terre pour ne pas perdre l’équilibre.
Lein se dit qu’il aurait pu, à ce moment-là, volontairement lâcher son Kelvin en reculant, puis se projeter horizontalement sur son adversaire pour le surprendre. Mais le combat venait de commencer, et Kelvin le verrait venir trop facilement, et pourrait le parer avec un simple coup de genou. Lein se contenta alors de se servir de la force de Kelvin pour faire un bond en arrière et se détacher de son adversaire. Ouf, juste à temps, pensa-t-il. J’ai failli perdre l’équilibre.
Le combat allait pouvoir vraiment commencer : il allait devoir esquiver le coup de poing de Kelvin.
— Tu es prêt pour tenter une première fois ? lui lança Kelvin avec un regard entendu.
Lein hocha la tête et se plaça à portée de son adversaire. Il prit une grande inspiration et fixa un instant l’endroit où son pied allait devoir prendre appui. Le temps semblait soudain passer moins vite : le coup de Kelvin arrivait sur lui au ralenti. Ses mouvements à lui aussi étaient plus lents. Tandis que le poing lancé de Kelvin s’approchait peu à peu de lui, il se déporta à gauche, et prit appui pile à l’endroit qu’il souhaitait. Son adversaire l’ayant raté, Lein se jeta sur lui et lui saisit les épaules.
— C’est bon ? demanda Kelvin. Tu sais à quel endroit tu dois changer de direction ?
— Exactement celui que je viens de prendre, lui répondit Lein.
Il était toujours très important de répéter ses gestes une fois à vitesse ralentie. Même si ces moments pouvaient être assez gênants quand les autres regardaient, cette phase était capitale pour connaître la coordination de ses mouvements. Lein avait bien vu quel angle il devait avoir pour être le plus efficace possible, et cela allait peut-être lui permettre de réussir, ou au moins s’améliorer dans le geste de l’Esquive.
— C’est quand même chiant, fit Kelvin. Je sais que tu vas partir à droite, mais Mr Throle m’a dit de cogner là où tu es, quoi qu’il se passe. Tu sais que je t’apprécie, Lein, mais quand je sais que tu vas partir à ma droite, la seule chose que j’ai envie de faire, c’est d’anticiper et cogner à droite.
— Quand t’es dans un combat avec Tray, tu penses à taper à droite ou en face de toi ?
— En face de moi, répondit Kelvin en repensant aux seuls combats qui avaient l’air de vraiment l’intéresser. Mais je sais que Tray esquiverait à gauche si je tapais à droite. Il le voit toujours venir. Ça ne me sert à rien de taper à droite avec lui. Tout ce que je peux espérer c’est qu’il ne parvienne pas à l’esquiver. Mais ça devient de plus en plus difficile. Il est déjà très fort, et il trouve toujours le moyen de s’améliorer, ce petit con…
Quand Kelvin appelait Tray « petit con », c’était un surnom affectueux puisqu’il traduisait surtout le fait que c’était le seul du groupe assez fou pour provoquer Kelvin en duel. Il lui avait une fois baissé le short pour le provoquer l’obliger à le combattre alors que Mr Throle avait crié la fin de la journée. Kelvin s’était vite rhabillé pour que personne ne le voie, et avait chargé Tray avec fureur.
Lein regarda Tray qui s’entraînait avec l’autre costaud, Cole. Il connaissait si bien ses mouvements qu’il n’avait même pas besoin de se fixer un repère au sol. C’était comme si, quoi qu’il arrive, il parvenait à faire toujours le même geste, sans jamais se tromper de point d’appui, et ce avec une agilité et une dextérité impressionnantes. Il savait aussi utiliser sa force, puisque ses appuis lui permettaient d’engranger une telle vitesse qu’il parvenait à faire tomber Cole, l’autre « costaud », qui était presque aussi lourd que Kelvin. Ses cheveux bruns filaient derrière lui lorsqu’il s’élançait, et ses yeux gris malicieux pointaient toujours son adversaire, même lorsque celui-ci était au sol.
— Putain ! cria Cole. Il me bat à chaque fois maintenant ! Hé, Kelvin, tu veux pas t’occuper de lui et me laisser cogner les autres ?
— Non, je m’entraîne avec Lein pour l’instant. Et justement, tu devrais faire des efforts pour essayer de le vaincre. Toi aussi, tu peux encore progresser. Affronter Tray ne peut être que bénéfique, surtout si tu perds. Ça va t’obliger à avoir un vrai instinct, pas que ta force de brute.
Cole marmonna quelque chose d’inaudible, puis se releva, tranquillement. Cole était plus ou moins apprécié dans le groupe : c’était une forte tête qui s’énervait souvent pour un rien, mais il semblait bien moins réactif quand il s’agissait de s’entraîner sérieusement. Il avait tendance à se reposer un peu trop sur ses lauriers. Cela agaçait d’autant plus Kelvin que celui-ci cherchait à installer une compétition entre Cole et lui pour savoir qui était le meilleur « costaud ». Mais Cole, qui semblait penser que Kelvin était déjà meilleur que lui, ne montrait pas de signe d’intérêt à ce duel à distance. Le seul moyen que Kelvin avait trouvé pour motiver son rival, c’était d’aller jusqu’à le piquer dans son orgueil pour qu’il puisse trouver en lui l’envie de montrer qu’il valait quelque chose.
Mais son caractère faisait parfois rire les autres, surtout quand il s’agissait d’une mauvaise foi évidente et exagérée. D’ailleurs, il est moins pénible qu’avant, depuis qu’on a commencé les entraînements difficiles. Ça a dû l’obliger à se concentrer sur lui-même, plutôt que de nous embêter. Il faisait exprès de nous faire mal ou de nous voler nos pains pour qu’on pleure, mais il a arrêté. De toute façon, Lein ne pleurerait plus maintenant. Pas après tout ce qu’on a enduré dans nos entraînements.
— Bon, cette fois-ci, on commence vraiment, dit Kelvin. Tu es prêt, Lein ?
L’intéressé tourna brusquement la tête.
— Plus que jamais ! cria l’autre.
Pour faire l’Esquive, il allait devoir basculer son corps à gauche, puis faire glisser sa jambe gauche pour se déplacer le plus rapidement possible, et enfin repartir en avant sans perdre de vitesse. Son geste devait être précis et efficace pour qu’il le réussisse. Mais il n’avait plus le temps de réfléchir : le poing de Kelvin arrivait droit vers sa tête.
Pendant qu’il commençait son action, il se rendit compte – trop tard – que les chaussettes l’empêcheraient de glisser comme il le faisait avant. En effet, il ne bougea que très peu, et il prit la droite de Kelvin en pleine face. La puissance du coup le fit pivoter, puis un deuxième lui fit manger le sol. La tête lui tourna un peu. Il essuya le sang qui s’était mis à couler de sa lèvre, puis se releva tant bien que mal.
— Alors, c’est tout, Lein ? En fait, c’est encore pire que d’habitude ! Attends de voir quand je ne retiendrai pas mes coups !
La pique de Kelvin était destinée à le motiver encore plus, et non à le rabaisser. Merde, se dit Lein, les chaussettes m’empêchent de glisser. Il va falloir que je trouve une autre façon de me déplacer. Le coup le sonna un instant, si bien que son adversaire s’était dédoublé devant lui. Ça recommence… pesta intérieurement Lein. Ce n’était pas souvent bon signe quand ce genre de choses arrivait, surtout si rapidement. Mais ce moment de trouble se calma : il n’y avait de nouveau plus qu’un Kelvin devant lui.
La remarque de son adversaire avait porté ses fruits : Lein était plus motivé que jamais. Même si Kelvin venait à mettre toute sa force, ce qu’il ne faisait jamais, Lein serait prêt à l’affronter. Il savait qu’il était moins fort que lui, pourtant rien n’empêcherait Lein de tout donner. C’était ce jour qu’il se dépasserait, qu’il serait aussi bon que les autres. Je n’ai jamais eu la chance de briller sur un domaine, comme les autres. C’est le moment pour moi. En regardant la lumière éclatante provenant des fenêtres, Lein eut une petite larme à l’œil, pensant à tout ce qu’il s’était infligé pour devenir comme ses camarades, mais il l’essuya rapidement en feignant d’effacer la sueur sur son front.
Il allait se relever pour repartir au combat, mais Mr Throle, qui avait fini de donner les consignes aux autres qui commençaient par la lutte, s’approcha de lui.
— Tu comprends maintenant pourquoi ces chaussettes sont plus un inconvénient qu’un avantage ? Elles vont vous obliger à esquiver correctement votre adversaire, en prenant les bons appuis. Vous ne pourrez pas réussir l’Esquive sur un « coup de chance ».
Si Lein n’y parvenait déjà pas, et que la difficulté augmentait, il pourrait de suite voir ses espoirs de réussir ce fameux geste s’envoler. Mais non, il n’abandonnerait pas. Comme il l’avait dit à Shawn lors du petit déjeuner, il prendrait le temps qu’il fallait pour y arriver. Tray avait réussi, alors pourquoi pas lui ?
Lein ne comprenait pas pourquoi il ne parvenait pas à imiter les mouvements de Tray. Il le regarda à nouveau pour essayer de saisir la différence. Peut-être qu’il n’avait pas sa rapidité d’exécution, mais ce n’était la seule chose qui lui manquait : Tray, lui, glissait toujours malgré les chaussettes agrippantes. Ou alors… peut-être justement qu’il ne glissait pas. En observant attentivement Tray, Lein se rendit compte qu’il ne touchait pas le sol quand il se déplaçait, mais qu’il le frôlait ! D’accord ! se dit Lein, c’est pour ça qu’il disait qu’il pourrait s’améliorer. S’il ne touchait le sol qu’au moment de l’appui, ça l’arrangeait de ne pas glisser pour se projeter vers son adversaire.
C’est fou, se dit Lein, quand on allait au ralenti, je ne faisais pas glisser mon pied afin de le poser là où je souhaitais prendre mon appui. Mais à vitesse réelle, inconsciemment, je le faisais glisser parce que les chaussettes étaient glissantes. C’était un leurre. Et Mr Throle le savait très bien, il voulait probablement voir qui aurait l’idée de ne pas glisser avec les premières chaussettes. Peut-être même qu’il avait les chaussettes agrippantes avec lui depuis le tout début de nos entraînements. Mais il a attendu plusieurs semaines avant de nous montrer la solution. Oui, les solutions ne sont pas toujours visibles.
Il se dit que Tray devait avoir des appuis vraiment exceptionnels pour ne pas glisser lorsqu’il avait les chaussettes glissantes. Son camarade pouvait encore beaucoup s’améliorer, s’il avait désormais le bon matériel pour réussir son geste. Enfin, Lein n’avait pas le temps de réfléchir à ça maintenant. Ce qui comptait, c’était de reproduire le mouvement aussi bien que Tray le faisait, et de le faire encore mieux s’il en avait l’occasion. Il savait maintenant comment il allait réussir l’Esquive. Et rivaliser avec Kelvin. Je dois faire attention, se prévint-il, je peux encore déraper même avec ces chaussettes. C’est-ce qui me serait arrivé tout à l’heure, si je n’avais pas reculé à temps.
Il remarqua aussi que Mr Throle lui avait dit que ce n’était pas un avantage, comme pour l’enfoncer dans l’erreur. C’était probablement un test, pour voir s’ils étaient capables de repérer la solution sans aide. Il avait dû dire à Tray de ne rien me dire, pensa Lein. En voyant son regard illuminé, Mr Throle comprit qu’il avait trouvé la solution, et lui décocha un large sourire. Son regard lui dit ensuite « c’est à toi, maintenant, de coordonner tes mouvements pour progresser, et réussir ». Et Lein était prêt à le faire.
Devant sa motivation encore plus forte, Lein se remit debout en moins de deux, et fit signe à Kelvin qu’il était prêt à continuer. En criant de rage, Lein se lança sur lui, tenta de parer son coup avec ses bras en se mettant sur son genou droit, et réussit à le repousser en y mettant toute sa force. Kelvin tenta de le frapper du gauche pour le renverser. Mais Lein avait prévu ce coup, et se servit de la position qu’il avait – et qui était un moment de faiblesse aux yeux de Kelvin – pour se projeter à droite et passer ainsi sous l’épaule gauche de Kelvin. Il roula et se releva, faisant face à son adversaire. Kelvin se retourna vers lui.
— Tu as réussi à parer deux coups d’affilée ? Félicitations, mais tu ne m’as encore battu, donc viens, qu’on en finisse !
— Nous sommes tous les deux debout, Kelvin.
Plus loin, Shawn était à la lutte avec Chris, et Éris, le maître du parcours, affrontait Hilto, le meilleur manieur d’armes du groupe. Ayant regardé en direction de Lein et Kelvin, Shawn demanda à Chris de s’arrêter. Il ne pensait pas que Lein pouvait faire face à Kelvin aussi longtemps : il résistait, l’esquivait parfois, mais surtout il se relevait tout le temps. D’habitude, il était au sol avant que Shawn n’ait eu le temps de faire passer Chris par-dessus son épaule. Là, il avait déjà pu le faire trois fois, et Lein, de son côté, n’avait pas encore taché le sol de son sang. Ce jour semble être différent des précédents pour Lein, se dit Shawn. Quelque chose faisait que Lein était plus déterminé et plus fort que les autres deuxièmes jours. Toutefois, il n’avait pas encore réussi à faire l’Esquive. C’était ce geste qu’il devait faire pour que cette journée devienne unique.
En observant Kelvin, il comprit que celui-ci se retenait encore un peu. C’était probablement pour cette raison que le combat durait. Pour l’instant, il laissait Lein s’exprimer, comprendre son stade de progression, mais, quand il serait vraiment sérieux, ce serait probablement plus compliqué pour son meilleur ami. Peut-être que Kelvin avait compris que Lein se sentait dans un bon jour, et qu’il cherchait à monter progressivement l’intensité du combat, pour ne pas annihiler tous les espoirs de Lein en un seul instant.
— Bon, on reprend ? demanda Chris en essuyant son t-shirt couvert de poussière. On va se faire engueuler par Mr Throle si on continue à glander.
Shawn s’essuya le front. Il transpirait de partout et ses vêtements étaient déjà humides. Il n’appréciait pas le contact avec les autres personnes, alors pour le combat, c’était encore pire. Mais il n’avait pas le choix, et ces sensations restaient désagréables même s’il les connaissait depuis longtemps maintenant. Chris transpirait autant que lui : Shawn avait l’impression qu’ils se combattaient sous la douche.
Le garçon aux cheveux blonds ne put s’empêcher de repenser au fait que, même si c’était un génie, Chris n’avait pas sa langue dans sa poche. Il l’avait même bien pendue. Ce trait de caractère avait surpris les professeurs, mais cela lui avait permis d’être apprécié au sein du groupe, de ne pas seulement être vu comme une tête en cours théorique. Et puis, ses conseils lors des entraînements aidaient tout le monde.
— T’es sûr que tu ne veux pas enlever tes lunettes ? demanda Shawn. Tu risques de les casser si elles tombent.
— Non, sinon je ne vois pas assez bien. C’est déjà assez difficile pour moi, dit Chris en recalant ses lunettes rondes en haut de son nez. Le jour où elles ne seront plus sur mon nez, c’est que je ne pourrai plus combattre, ajouta-t-il avec détermination.
Shawn s’attarda un instant sur la matière qui composait les lunettes de Chris. Cette transparence lui rappelait celle des fenêtres qu’il y avait dans la salle. C’était comme ça que la lumière passait dans la salle. Des objets peuvent créer de la lumière, d’autres la laissent passer. Beaucoup de choses sont comme ça. Si quelqu’un est vivant, ça ne sert à rien s’il est seul, s’il n’y a que lui qui existe. Il va forcément créer des choses qui n’existent pas pour se sentir vivant, pour transmettre cette lumière. Shawn se secoua pour se reconcentrer sur l’entraînement. Il lança un regard entendu à Chris, qui le lui rendit.
Les deux se lancèrent, Shawn fut le plus rapide à saisir l’autre : l’avant-bras gauche et l’épaule droit. Ainsi, Chris étant penché à droite, Shawn put le balayer avec sa jambe droite pour lui faire perdre l’équilibre. Il le plaqua au sol en continuant de lui immobiliser les bras. Chris eut beau tenter de se débattre et de le repousser avec ses jambes, Shawn le tenait trop fermement pour lâcher.
— Pff, t’as encore gagné, grogna Chris, ça fait chier.
— Ah bon ? fit Shawn. Pourtant ton pantalon n’est pas devenu marron.
— Celui de Mr Throle, par contre… cria Chris assez fort pour que l’intéressé puisse l’entendre.
— Quoi ? Non moi je suis trop vieux pour me faire caca dessus. Ça vous arrive encore à vous par contre, lorsque vous êtes trop entraînés dans un combat. Parfois, les vêtements doivent être lavés deux fois par Monsieur le nettoyeur pour être totalement propres. Et il n’aime pas le marron alors…
Shawn et Chris rigolèrent, puis Mr Throle leur indiqua, d’un regard toujours amusé, qu’ils devaient reprendre l’exercice. En effet, il valait mieux éviter de parler de ces choses-là qui étaient considérées comme tabou. Cette action était de loin la plus répugnante qui existait, avec le fait d’uriner. Heureusement, cela arrivait rarement, car ils n’avaient pas beaucoup de déchets de corps à éliminer. Mr Throle avait pris la plaisanterie à la légère, mais les enfants ne devaient pas s’attarder dessus.
— Il faut vraiment que tu apprennes à contrôler ton corps, Chris ! lança Tray en arrivant vers eux. Il n’est pas assez en avant au moment où ton adversaire t’attrape, c’est donc trop facile de te déséquilibrer. Même quand tu te lances sur ton adversaire, tu dois déjà savoir où tu vas l’agripper.
— Je sais bien, rétorqua Chris, mais je n’ai pas l’esprit assez vif pour ça. Dès que la situation dans le combat change, je ne sais plus quoi faire.
— On va essayer un truc, expliqua Tray. On ne s’est jamais affrontés. Mais je fais à peu près le même gabarit que Shawn, donc je vais prendre sa place. On se met l’un en face de l’autre, et tu choisis où tu vas m’attraper.
Chris, nerveux à l’idée d’affronter le meilleur du groupe en combat rapproché, retint sa respiration un instant. Puis il jaugea du regard où il poserait ses mains, et se lança. Tray l’esquiva sans crier gare, et tendit le pied sur la trajectoire de Chris, qui s’affala au sol.
— Déjà, tes yeux te trahissent. Essaye de choisir l’endroit où tu vas frapper sans le regarder, ça te rend imprévisible.
— D’accord.
Cette fois-ci, Chris parvint à le saisir. Il fallait dire que Tray avait moins cherché à l’éviter que la fois précédente.
— Ok, maintenant essaye de placer ton corps plus en avant pour être en situation de frapper l’adversaire tout en restant sur tes appuis.
Chris écoutait ce qu’il disait avec attention, et Shawn aussi. Normalement, ils ne devaient pas s’arrêter en plein milieu d’une séance. Mais comme Tray lui avait emprunté Chris et que Cole semblait à moitié mort, étendu au sol, il continua de regarder le garçon à lunettes se faire aider par Tray. Shawn jeta un coup d’œil vers le couloir menant à la réserve, contenant également la porte qui faisait passer de l’intérieur du bâtiment à dehors. Pourra-t-on sortir un jour ? se demanda Shawn. Lein en est persuadé, et c’est pour ça qu’il s’entraîne si dur, mais qu’y a-t-il dehors ? Moi, ça me fait un peu peur. Mais si j’ai plus d’espace pour courir, je suis prêt à sortir.
Cole se tourna vers le trio.
— Ouais, allez, Chris met-lui la pâtée au nabot ! cria-t-il.
— Cole, qu’est-ce que tu branles au sol ? s’emporta Mr Throle. On ne se repose pas tant que je ne l’ai pas dit.
— Mais, Monsieur, Tray est parti s’entraîner avec…
— Shawn ne fait rien, lui. Tu vas t’entraîner avec lui. Ça tombe bien, j’ai un exercice à vous faire essayer, à tous les deux. Ça va te faire un peu les nerfs, Cole. Venez vers moi.
Shawn accourut au pas de course, Cole se releva péniblement. Pendant ce temps, Tray avait fait tomber Chris en le basculant en avant, puis en arrière. Chris avait lâché sa prise, puis était tombé sur le dos.
— C’est là que ça devient difficile, expliqua Tray. Tu dois réussir à garder tes appuis, mais aussi à les modifier lorsque ton adversaire bouge. Tout ton corps doit travailler à ce moment-là.
Mr Throle commença ses explications pour Shawn et Cole :
— Cole, tu vas te placer ici, dit-il en désignant le centre de la pièce, et tu vas fermer les yeux. Shawn, tu te places où tu veux dans la salle et tu fonces en passant juste à côté de lui. Lorsqu’il est à ta hauteur, ajouta-t-il à l’intention de Cole, tu cherches à l’éjecter, mais sans mettre le poing. La paume de main uniquement.
— Quoi ? s’étonna Cole. Mais c’est quoi encore le but de cet exercice ? Pourquoi combattre les yeux fermés ? J’ai pas envie de devenir aveugle, moi !
— Fais-le, c’est tout. Tu as la meilleure ouïe du groupe, et de loin, alors je veux essayer cet exercice sur toi. Tiens, un bandeau pour être sûr que tu ne triches pas.
Les deux enfants se placèrent, sans vraiment comprendre. Mr Throle avait beau être un professeur sympa, il paraissait parfois bien mystérieux, en leur faisant effectuer des exercices aussi étranges. Tant pis, je vais le faire quand même, se dit Shawn, et puisqu’il m’a demandé d’aller le plus vite possible, c’est bien ce que je compte faire. Cole mit son bandeau – une découpe d’un t-shirt devenu trop petit – pour se cacher les yeux, puis Shawn changea de position pour ne pas être prévisible. Il se mit près de là où Lein et Kelvin s’entraînaient.
— Tu es prêt à tenter l’Esquive ? cria Kelvin.
— Plus que jamais, répondit Lein, les yeux brillants de la lumière de l’extérieur.
Lein va tenter l’Esquive, se dit Shawn. Cole allait rester aveugle un peu plus longtemps que prévu. Si Lein réussissait l’Esquive, il ne le manquerait pour rien au monde. Et puis ça va travailler les nerfs de ce mou du genou. Lein et Kelvin se placèrent à portée d’attaque l’un de l’autre. Si Lein parvenait à faire l’Esquive, il réussirait son premier exercice depuis le début de sa vie…
Présentation de personnage : Shawn
Taille : 1m68
Poids : 46 kg
Yeux : vert clair
Cheveux : blonds
Couleur préférée : blanc
Nourriture préférée : les fruits
C’est le premier du groupe à avoir réussi à marcher. Il est le plus grand du groupe après les deux costauds.
Lein s’était placé en face de Kelvin, qui avait déjà serré le poing. La tension était plus que palpable. D’un côté, Lein allait devoir mobiliser tout son corps pour réussir l’Esquive, que seul Tray réussissait jusqu’à maintenant. De l’autre côté, Kelvin devait jouer le jeu et frapper son adversaire comme s’il était dans un vrai combat, pour que Lein fasse une Esquive valide. Lein devait rivaliser avec la puissance et la force de Kelvin afin de tenir son niveau de combat. Les deux camarades devaient se battre comme si leur vie en dépendait. Car notre vie en dépend, pensa Lein. Si je n’arrive pas à sortir d’ici, je ne sais pas ce qu’il se passera.
Du coin de l’œil, Lein vit que Shawn était parvenu à s’arrêter quelques instants pour l’observer. Les deux amis étaient probablement autant stressés l’un que l’autre. Shawn, malgré le fait qu’il s’inquiétait tout le temps, savait ce que représentait le fait de réussir un exercice pour Lein. C’était pour ça qu’il l’avait toujours encouragé à faire de son mieux, même si ça devenait dangereux. Allez, se dit-il, tous les coups que tu t’es pris, toutes les marques sur tes joues, c’était pour ce moment. Montre aux autres ce que tu vaux. Toi aussi, tu vas avoir ton exercice de prédilection. Shawn inspira profondément, s’apprêtant à voir Lein en sang d’ici quelques instants. On fait ça pour voir ce qu’il y a dehors.
Shawn pouvait voir une lueur déterminée dans le regard des deux combattants. Ils étaient bel et bien trois à souhaiter que Lein réussisse ce mouvement si difficile. Kelvin, même s’il était capable d’être féroce au combat, ne tapait jamais les autres par plaisir. Il avait déjà cassé la mâchoire de Tray peu de temps avant qu’il ne parvienne à faire l’Esquive, et il s’était senti très mal le soir, et n’avait presque pas dormi la nuit. Le lendemain, il avait été si content de le voir debout qu’il avait dû changer de short. Non, Kelvin ne cognait que pour le combat.
Shawn s’efforça de ne pas faire de bruit pour ne pas déranger.
— Lein… dit Kelvin.
Ses paroles furent enchaînées d’un cri guerrier. Son poing fonça droit vers le torse de Lein qui le para, comme la première fois, avec les bras tendus. Mais, cette fois-ci, il était parvenu à ne pas reculer. Il tenta même de se projeter sur Kelvin pour le renverser. Les deux se saisirent les mains, et, sous la force de son adversaire, Lein se retrouva les genoux à demi pliés. Kelvin n’a plus qu’à lui faire une balayette et il sera cloué au sol, se dit Shawn. C’était imprudent de la part de Lein de se jeter de cette façon sur Kelvin.
Kelvin s’apprêtait à mettre en pratique les pensées de Shawn : son pied gauche allait abattre sur le creux des genoux de Lein, et cela le mettrait à terre. Contre toute attente, Lein parvint à se dégager des mains de Kelvin – qui avait commencé à les relâcher pour faire tomber Lein au sol quand il l’aurait fauché – et à la vitesse de l’éclair, s’appuya sur son tibia lancé pour se séparer de Kelvin en effectuant un saut vrillé sur la droite de ce dernier. Il se réceptionna de façon un peu maladroite, mais faisant face, debout, à son adversaire.
— Incroyable… murmura Shawn.
Le combat continua et Lein para encore une ou deux fois le poing surpuissant de Kelvin. Leurs mains commençaient à rougir, et tous les deux suaient à grosses gouttes. Mr Throle arriva derrière Shawn. Bien qu’il n’était pas intervenu sur le sublime geste qu’avait réalisé Lein, il l’avait vu dans son intégralité, et semblait très impressionné. Lein n’avait jamais fait ce genre de geste avant, pensa Shawn. Est-ce que son instinct commence à naître ? Probablement que oui, puisque Mr Throle avait d’ailleurs demandé à tout le groupe d’arrêter un instant afin de venir observer le combat. Si Lein était en train de réveiller son instinct de combattant, tout le groupe devait y assister. C’était la coutume. Tandis que tous restaient derrière Shawn et leur professeur, Tray vint se placer juste à droite du garçon blond.
— C’est incroyable, le regard qu’ils ont, lui dit-il, admiratif. On peut y observer à la fois une amitié indestructible, et aussi le courage et la force mentale d’un combattant prêt à tout donner. Je n’aimerais pas avoir à les affronter lorsqu’ils sont comme ça !
En effet, les coups ne se retenaient plus. Kelvin n’avait jamais frappé si violemment, même lorsqu’il était vraiment énervé. Mais Lein résistait, et ne voulait montrer aucun signe de faiblesse. Leurs regards ne se quittaient pas, s’encourageant même à continuer de manière plus intense. Le sol commençait à se tacher de sueur et de sang.
Lein était complètement focalisé sur les mouvements de son adversaire. Peut-être que les autres se combattaient encore, ou qu’ils étaient en train de manger en attendant que le combat soit terminé. Mais Lein n’en avait que faire. Si vous êtes là, regardez-moi me battre contre Kelvin, et voyez ce que je vaux vraiment, se disait-il. Alors que tout était flou autour de lui, la seule forme qui persistait dans son champ de vision, c’était Kelvin. Lein serra les dents, prêt à souffrir s’il le fallait.
Kelvin se prépara à envoyer un énième poing en direction de la tête de Lein. En voyant que celui-ci s’était décalé légèrement vers sa droite, Kelvin pivota alors son corps dans la direction de son adversaire. Sans crier gare, Lein se servit de son appui créé avec sa jambe pour repartir dans le sens inverse, et pivota sur son pied gauche. Au bout d’un tour complet, il prit appui sur sa jambe droite et fonça sur Kelvin. Celui-ci prit l’uppercut en pleine face et recula de plusieurs pas. Il commença à saigner du menton. L’élan de Lein fut coupé sous la puissance du choc. Kelvin tenta de s’essuyer, mais Lein ne lui en laissa pas le temps. Il se projeta à nouveau sur son adversaire, et un nouveau duel de force s’installa entre les deux rivaux. Sous l’impact, les mains dans les mains, ils se retrouvèrent presque nez à nez, chacun pouvant sentir l’haleine de l’autre. Leur tête devenait rouge à cause de l’effort, et leurs grimaces auraient pu être mémorables si elles n’avaient pas eu lieu dans un moment aussi intense.
Malgré la différence de corpulence, Lein parvenait de plus en plus, au fur et à mesure du combat, à résister à la force de Kelvin. Ils reculaient chacun leur tour, mais aucun n’était résolu à abandonner. Sur les quelques instants où ils avaient un peu de répit dans leur combat, Lein laissait ses jambes légèrement pliées, signe qu’il faiblissait, lui aussi, de plus en plus. Son regard de braise était toujours plongé dans celui de Kelvin.
— Je n’ai jamais vu l’un de nous dans un état pareil, remarqua Chris. Si ça continue, ils risqueraient de se faire vraiment mal, s’inquiéta-t-il.
Shawn n’osait pas parler, mais il pensait la même chose. Mais vu leur état, c’est impossible d’intervenir sans en prendre une.
— Tu sais bien qu’on ne peut pas faire arrêter le combat, lui répondit Mr Throle.