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KB12 est un animal de laboratoire ayant subi une greffe effectuée par Gaëtan et ses collaborateurs scientifiques. Au bout d’une longue période d’observation, les résultats de son évolution ne sont pas visibles. À la suite de cet échec, Gaëtan se trouve devant un dilemme : faut-il l’euthanasier ou le garder vivant tout en sachant qu’il mourra tôt ou tard ? Après concertation avec ses pairs, il lui laisse la vie sauve, ignorant qu’au quinzième mois, le cerveau de KB12 se modifiera contre toute attente pour donner naissance à un mutant. S’ensuivra alors une odyssée invraisemblable, chaque jour apportant son lot de nouveautés.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Patrice Bourderioux a été happé par les démons de l’écriture après la parution de son premier roman "Misuzu" en 2020 aux éditions Les trois colonnes. Il est l’auteur des ouvrages "Substitution" et "Substitution II – Une identité remarquable" publiés aux éditions Le Lys Bleu en 2023.
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Seitenzahl: 158
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Patrice Bourderioux
Inanimal
Un autre monde
Roman
© Lys Bleu Éditions – Patrice Bourderioux
ISBN :979-10-422-3016-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Cette histoire est une pure fiction même si certains éléments factuels ont contribué à son origine…
J’ai éprouvé le besoin de raconter cette histoire. Peut-être qu’au fil des pages, vous douterez de sa véracité. Après tout, pourquoi pas ? Mais qu’en est-il vraiment ? Vous ne le saurez qu’en parcourant chacune d’elles, les unes après les autres. Peut-être vous entraîneront-elles dans les coulisses de l’inimaginable, de l’inconcevable manipulation, consciente, des hommes.
Parfois, le temps n’a pas de prise sur les évènements. Qui pourrait affirmer que le destin est la conséquence de l’inattendu. Le sort de chacun ne dépend-il pas de son propre comportement plutôt que du hasard ? Il n’y a pas de loi de la destinée, seulement des choix assumés. La fatalité ne nous déposséderait-elle pas de nos sens ?
Au début, tout aurait pu être différent, mais vraiment différent, si ce n’était la pugnacité exacerbée d’un homme qui modifia, consciemment, l’ordre naturel des choses. Entre eux, rien ne les rassemblait, tellement ils étaient dissemblables.
Les circonstances, plus que le hasard, les placèrent sur la même orbite.
Il est des journées particulières. Celle-ci en était une. Gonzague s’était absenté en début d’après-midi. Moi, j’étais restée bien au chaud dans le salon. L’automne avait ceci de merveilleux, malgré le ciel gris qui couvait au-dessus de Toulouse, je pouvais admirer les magnifiques couleurs automnales qui drapaient les arbres le long de la Garonne. À leurs pieds des feuilles mortes aux teintes rousses, se parant de jaune soleil, de rouge et de marron s’alanguissaient, lassées d’un été caniculaire passé à se déshydrater dans les houppiers. Il faut dire que pour moi aussi l’été fut chaud. Je ne pouvais pas m’empêcher d’assimiler ces couleurs chaudes à la copie du tableau de Claude Monet Automne sur la Seine, Argenteuil, accroché dans le cabinet de Gonzague. Lors de ses absences, à défaut de m’ennuyer, un brin de curiosité m’animait. En vérité, tout m’intéressait. Même le futile. Souvent, il me prenait l’envie de paresser en laissant choir mon regard le long des murs enduits de Stucco blanc où paradaient des copies de grands maîtres. Parfois, durant ses consultations je le surprenais, silencieux, cloîtré, plongé dans les croûtes exposées çà et là, lesquelles se réfléchissaient dans la baie vitrée à certaines heures de la journée. Il était ailleurs… quand je dis ailleurs, non pas qu’il n’écoutait pas ses patients, bien au contraire. Je dirais que c’était pour lui une manière détournée de se concentrer, de se détacher de lui-même pour ouïr en silence les pensées primitives qui demeuraient en eux, ses patients…
Gonzague était brillant. Un quadra bien calé dans ses pompes. Certains de ses proches disaient qu’il était un personnage atypique, « un restaurateur de l’âme ». Ce grand garçon, au teint brun, menait une vie simple, presque monacale. De son état, il était psychiatre. Il apaisait les souffrances des gens tourmentés. Après de longues et fastidieuses études à l’institut des Neurosciences translationnelles de Paris, il exerça durant plusieurs années en milieu hospitalier avant de gagner le fauteuil douillet de son cabinet libéral. Les yeux de Gonzague, que dis-je ! ses billes noir intense avaient la faculté de se figer dans les moments de concentration extrême, plus aucun stimulus ne venait perturber ce regard dont la profondeur invitait à la soumission. Pour ma part, j’appris au fil des jours de notre vie commune à percer certains de ses secrets. Cela ne fut pas facile. Au début, j’eus du mal, beaucoup de mal. Il me fallut de la persévérance pour parvenir à la sérénité. Il était persuadé que j’étais atteinte d’une forme d’autisme. Les jours passèrent et le mystère demeura. Toutefois, il s’était armé de patience. Juste ce qu’il lui fallut pour établir une relation, quasi normale. Cela me permit de m’épanouir sans trop de stress. L’adoption est un sacerdoce. D’ordinaire, il aimait se confronter à l’inconnu, souvent en totale méconnaissance du niveau des difficultés qui l’attendait. Il ne reculait devant rien. Il osait. Ce fut selon ce précepte qu’il m’adopta. Je compris qu’au fur et à mesure que je grandissais, qu’il me préservait de ma vie d’avant. Comme s’il voulait qu’elle n’eût jamais existé. Je me fondais dans le présent tout en restant amnésique à mon passé. Mes origines reposaient dans les abîmes.
Les premiers mois de mon adoption s’avérèrent déconcertants, dissonants. Comment dirais-je ? Son attitude manquait de naturel. Le moindre oubli de sa part devenait un évènement, une « affaire ». Il était tellement absorbé par son métier qu’il en oubliait, parfois, ma présence. J’avais observé qu’il soliloquait. Probablement, était-ce là l’attribut du célibat ? Du lever au coucher du soleil, dès lors qu’il était dans son espace privé, il disait à voix haute ce qu’il pensait tout bas. Il fallut s’en accommoder et de toute évidence cela me permit de développer mes sens en un temps record. De toute façon, je n’avais pas le choix. C’était ainsi. On choisit ses amis, on ne choisit pas ses parents… l’adage n’a pas pris une ride.
Je garde en mémoire un instant magistral. Celui du premier jour où je fus en mesure de comprendre ce qu’il disait. Il ignorait ma précocité. Qu’elle fut intellectuelle ou bien sensorielle ! Ce jour-là, je reçus un présage, un fait nouveau se produisit. Ce mardi matin, vers 11 heures, il me confia à la concierge qui logeait au rez-de-chaussée. Paulette n’était pas du genre à s’embarrasser de la vie. Je le compris au premier regard. Sous son apparente bonhomie, elle cachait un esprit qui avait plus d’un tour dans son sac. Aussitôt Gonzague parti, elle me refila quelques jouets pour occuper ma solitude et plus tard la pitance nécessaire pour satisfaire mon appétit. La messe était dite, Paulette pouvait reprendre ses mots croisés en toute quiétude en me laissant divaguer à mon gré dans sa loge. À 16 heures, Gonzague réapparut. Il me récupéra. Il glissa un billet dans la main de Paulette en récompense du service rendu. Nous regagnâmes l’étage supérieur en empruntant l’escalier commun. Il sentait le parfum à plein nez. J’avais, il faut le dire, l’odorat très développé. Cette sensibilité sensorielle avait été diagnostiquée à ma naissance. Elle était génétique. Une fois la porte de l’appart refermée, il me rendit ma liberté. Il accrocha son manteau à la patère du couloir puis ôta ses pompes en sautillant sur un pied, tel le héron dans sa phase de sommeil. Aussitôt, il chaussa ses Charentaises qu’il portait à longueur de journée, y compris durant les consultations. Il se frictionna les mains avec un mouchoir imbibé d’une solution hydroalcoolique. Encore un « TOC » Trouble Obsessionnel Compulsif… Eh oui ! Même un psychiatre peut être atteint de ce type de comportement. Oh, rassurez-vous, il vous dirait que nous sommes tous, sans y faire attention, touchés par ces phénomènes. Bref, nous reviendrons plus tard sur ce type de pathologie. Il serrait tellement de paluches qu’il éprouvait le besoin permanent de chasser les indésirables pathogènes. Après tout, n’était-ce pas normal ? Alors que le jour s’approchait de la nuit, il passa de l’état d’excitation à la désexcitation. Une idée lui trottait dans la tête. Il prit son téléphone et composa un numéro. Ses yeux brillaient tels des diamants. Il dut attendre plusieurs rappels de sonnerie avant que l’autre ne répondît. Je sus de suite que la personne était au bout des ondes au moment où il bascula sur haut-parleur. Elle était là, une voix de femme. Il ne prononça pas son prénom. Ils se parlèrent une bonne demi-heure. La discussion portait sur un passé récent. Quelques heures s’étaient écoulées entre le moment où ils s’étaient quittés et l’instant présent. Le ton était feutré, presque chuchoté, une joute poétique s’installait.
Ils s’échangeaient des souvenirs sucrés. Je compris qu’elle avait été son alibi, son échappatoire. La raison de sa fugue du jour. Ils avaient déjeuné ensemble. Tous deux s’étaient ensuite retrouvés dans un ailleurs douillet pour s’affronter dans un corps à corps sous la voûte céleste d’une alcôve propice aux dons de l’amour. Elle jouissait encore de ce moment. La voix de la dame était suave, par ricochets des ondes sensuelles s’en dégageaient. Étonnamment, Gonzague paraissait habité par une grâce divine. Cupidon occupait son cœur. C’était la première fois que je le vis ainsi. À aucun moment, ils ne parlèrent de moi. Sans doute ignorait-elle mon existence. Quand il eut raccroché, je ne pus m’empêcher de l’imaginer. Je ne la connaissais pas et pourtant en dépit de l’impossible j’avais partagé avec Gonzague un instant de jouissance verbale avec cette inconnue. J’avais été fascinée, envoûtée par le timbre de sa voix. Ses mots étaient parvenus jusqu’à moi. Je les avais reçus comme une gourmandise. Ce fut encore ainsi les mardis suivants, mon père adoptif honorait ses rendez-vous hebdomadaires. Une comptine enchantée s’opérait, jusqu’au jour où les mardis commencèrent à s’espacer puis ils se turent. Gonzague redevint le Gonzague des premiers jours.
N.B. : Avant d’écrire les prochains chapitres, il me paraissait nécessaire de t’expliquer mes origines. Pour cela, il faut revenir quelque temps en arrière. J’y vais… n’aie pas peur, ne sois pas étonné. Le pire comme le meilleur se tutoient.
Mon histoire commença le soir de l’anniversaire de Gonzague. Ce dernier fut invité chez des amis, Gaëtan et Emerine, tous les deux chercheurs en neurosciences. Gaëtan avait beaucoup insisté auprès d’Emerine pour organiser cet anniversaire, chez eux. Le jour venu, Emerine paraissait contrariée. Dès son arrivée, son mari s’accapara de Gonzague. Il lui fit l’éloge de son épouse qui venait d’être distinguée pour ses recherches sur l’agrammatisme. Emerine connut Gonzague à son adolescence, donc bien avant qu’elle ne rencontrât Gaëtan. Les années passèrent sans défaire la profonde et sincère amitié qui les liait. Un attachement bien plus fort qu’un amour sans lendemain. Emerine n’avait jamais révélé à Gonzague son attirance pour lui. Par dépit, plus tard, elle en fit son témoin de mariage. Une manière pour elle de le marier par contumace. Par la suite, les deux garçons apprirent à se connaître. Ils devinrent amis. Tous étaient revenus, après une décennie passée à Paris, exercer à Toulouse, la ville natale de Gaëtan. Sur les bords de la Garonne, place du quai, Saint-Pierre, s’ouvrait sur la façade d’un immeuble cossu, en pierres de taille roses, l’immense baie vitrée du cabinet de Gonzague. L’insolente vue permettait d’apercevoir les Pyrénées dans la lointaine Occitanie. Le brillant psychanalyste qu’était devenu Gonzague avec les années de pratique vous amenait, fort de sa science, à voyager dans le néant, l’intemporalité. Il était le passeur. Il avait l’art de faire coïncider les mots avec les maux avant d’apaiser les souffrances de ces derniers. Bref, il était le docteur de la remémoration, de l’histoire de l’âme, de l’histoire de soi… en s’en tenant à la règle incontournable édictée par Freud : « Je l’ai laissé libre de son commencement » en d’autres termes, chaque analysé devait être maître de ce qui lui venait à l’esprit. Gonzague était un inconditionnel de Lacan pour autant que Freud tint sa place de doctrinaire.
L’apéro s’éternisait. Emerine se trouvait face à Gonzague. Cela ne s’était pas produit depuis longtemps. La jeune femme aux longs cheveux roux dévisageait son ami comme si elle le voyait pour la première fois. Ses yeux verts plongeaient dans le noir des siens à la recherche d’une présence. La sienne. Gaëtan s’était absenté momentanément. Le silence occupait l’espace, seul le bruit feutré des respirations emplissait la pièce. Les deux amis s’effleuraient du regard. Emerine souriait d’un sourire empreint de légèreté. Sa fossette au menton était en harmonie avec celles de ses pommettes rosies sous l’effet d’une émotion cachée. À l’intérieur de ce court moment insolite, presque pesant, il lui tardait que son mari réapparaisse afin d’effacer les traits de son émoi.
Elle n’eut pas longtemps à attendre. La porte du rez-de-chaussée claqua sous la poussée du vent d’autan. Ce vent qui souffle sur le midi toulousain au printemps et à l’automne. Un vent à décoiffer les oies du Capitole.
Emerine se leva promptement de son fauteuil en murmurant des mots, presque inaudibles. D’un geste souple de la main, elle s’adressa à son invité.
— Reste assis Gonzague. Je vais juste aider Gaëtan.
— Tu m’as l’air soucieuse. Y aurait-il quelque chose qui ne va pas ? s’enquit-il.
— Non, rassure-toi, tout va bien. Attends-toi, tout de même, à une surprise. Il prit un air étonné.
— Ah !
Sur ces entrefaites, la porte s’ouvrit. Gaëtan, tout sourire, tenait dans ses bras une boule de poils clairs, longs et soyeux. Un minuscule chiot. En guise de collier, il portait autour du cou un nœud papillon rouge et noir, aux couleurs du stade toulousain. Gonzague en resta bouche bée. Il n’en crut pas ses yeux. Gaëtan déposa le petit être sur ses genoux. La surprise était à la hauteur de l’évènement.
— Que se passe-t-il ? Ne me dites pas que cette pelote de laine est pour moi ?
— Eh bien si ! Gaëtan se réjouissait de t’offrir ce toutou, précisa Emerine d’un air embarrassé. Après tout, tu vis seul. Il agrémentera tes journées.
Aussitôt, Gaëtan reprit le fil de la conversation armé d’un sourire de circonstances.
— Je me suis souvenu de ton désir d’adopter un chien. Alors, j’ai saisi cette opportunité.
Tout en écoutant son pote, Gonzague caressait avec tendresse l’animal. Il semblait avoir bon caractère, voire apprécier les câlins. Le futur maître n’avait pas encore intégré cette nouvelle charge. Pas plus que le chien ne comprit qu’il changeait de mains. Gonzague devrait s’en occuper comme on s’occupe d’un nouveau-né. Dorénavant, ils formeraient à eux deux une famille recomposée. Gaëtan s’assit à côté d’eux, il se voulait rassurant auprès de son ami, pétri d’étonnement. Emerine proposa de porter un toast au nouveau venu afin de détendre l’atmosphère. Le champagne eut pour effet de libérer les appréhensions. La première question qui vint à l’esprit de Gonzague fut qu’il s’inquiéta des origines de l’animal ainsi que de son sexe. Concernant ce dernier point, la réponse parut évidente. L’animal couché sur le dos offrait au vu et au su de tous son anatomie. Aucun doute, il s’agissait d’une fille.
— Rassure-toi Gonzague, KB12 a été stérilisée. Cette jeune Lhassa Apso est un lion du Tibet. On dit qu’ils sont les gardiens des monastères. Cette race a la réputation de porter bonheur.
À ces mots, Gonzague semblait habité par la stupeur. Le sobriquet KB12 le désorientait, il ne comprenait pas. Ce cartésien se heurtait à la terminologie alphanumérique qui identifiait la chienne. Cela lui parut d’une froideur funeste.
— Attends Gaëtan, ne me dis pas que cette peluche ne porte pas un autre nom ? KB12, ça ne ressemble à rien. Où l’avez-vous trouvée ? Bon sang de bonsoir, dites-moi d’où elle vient ?
— Cette identification est en rapport avec l’étude dont elle a fait l’objet : le K pour la protéine Kinase, le B pour biologie, le 12 pour marquer son âge.
— Putain, je ne le crois pas. Vous me refilez un cobaye à quatre pattes, tout droit sortie d’un labo. Je croyais que c’était interdit par la déontologie. Vous lui avez fait quoi à cette pauvre bête ?
— Gonzague, c’était un cas de conscience. J’ai suivi cette femelle de sa naissance jusqu’à aujourd’hui. Je n’ai pas pu me résoudre au fait qu’elle soit euthanasiée. J’ai obtenu l’accord du patron du labo de la laisser vivre. Et donc, j’ai pensé à toi. Elle est en excellente santé et n’est porteuse d’aucune maladie virale ou autre pathologie. Elle a eu tous ses vaccins.
— Ouais, cependant tu n’as pas répondu à ma question. Elle a fait l’objet de quels types d’expérimentations ?
Emerine, observait d’un air médusé son ami, interrogeant son mari. Elle portait sur lui un regard empreint d’une empathie qui allait au-delà d’une simple amitié. Elle s’offrait à lui de manière subliminale. Elle avait toujours en elle, enfouie au plus profond de son subconscient, ce voile pudique d’un amour jamais avoué. Gonzague, l’aurait-il perçu un jour, rien n’en était moins sûr ? Le temps avait chaviré avant de sombrer sans que jamais les sentiments en fussent rescapés.
— Gonzague, restons zen, observa Gaëtan. En attendant, si nous passions à table. De toutes les façons, si tu ne le sens pas, tu n’es pas obligé d’accepter. Je l’amènerai à une association, spécialisée… car nous, nous ne pourrons pas la garder.
— Tu me fous la pression, répondit Gonzague.
— Non pas du tout, rétorqua Gaëtan. Le psy devrait faire la part des choses, entre le désir et l’indifférence.
— Hop, ne rentrons pas dans cette béance philosophique. Cette réponse eut pour effet de libérer les consciences.
Gonzague excellait dans l’art de la rhétorique. Il était rarement dépourvu de grandiloquence, parfois teinté d’humour. Il savait convaincre ses interlocuteurs. Gaëtan comprit qu’il ne fallait pas s’exposer à cette fulgurance verbale. Lui était du genre enrobé de bonhomie, élevé au lait de la zénitude. Intimement, il savait que son choix était le bon. Il ne doutait pas que son ami, malgré sa réticence, adopterait KB12. Pour lui, c’était acquis… entre la poire et le fromage, il lui livrerait la réalité scientifique concernant sa progéniture. Il ne fallait pas gâcher la fête. Emerine ne le lui pardonnerait pas.
Le repas terminé, Emerine prépara le gâteau d’anniversaire. KB12 avait trouvé refuge sur l’un des fauteuils, tête contre queue, face à Gonzague. Ce dernier observait cet animal de laboratoire. Contre toute attente, il commençait à se faire à sa présence. Après tout, n’avait-il pas clamé maintes fois son intention de louer la présence d’un compagnon à quatre pattes ? Surtout, pas de chat. Il était allergique à leurs poils. Il se souvint que du temps où il était étudiant il avait partagé quelques moments agréables avec une belle jeune femme qui vivait en compagnie d’une chatte persane « Felis-catus ». Après une nuit d’ébats amoureux, elle se mêla à eux en s’infiltrant sous les draps encore tièdes. Elle avait ses habitudes. Ce qui ne convint pas à Gonzague qui fut pris d’une sensation étrange qui se manifesta par une rhinite et la gorge qui grattait. Aussitôt malgré l’heure matinale, il devait être 5 heures du matin, il s’était levé précipitamment en enfilant ses fringues à l’arraché et s’en était allé sans autres explications. Il ne revit jamais sa partenaire d’un soir pas plus que sa compagne à poils…