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Avant Invisibilis, Dina n’était personne. Désormais, elle est une princesse extraterrestre sur qui la survie de l’univers repose, l’héritière du trône, celle dont parle la prophétie. Seulement, elle est loin de correspondre à cette jeune femme brave et forte que tous s’attendent à voir. Les ténèbres et le doute l’entourent, mais elle ne peut se fier à personne. Sur Invisibilis, les secrets règnent en maîtres et rien ni personne n’est vraiment ce qu’il prétend être, pas même elle…
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Seitenzahl: 550
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Coraline Bertrand
Invisibilis et la descendante d’Artanis
Roman
© Lys Bleu Éditions – Coraline Bertrand
ISBN : 979-10-377-7612-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À Adèle et Gabrielle
Prologue
Je vais vous raconter une histoire qui relève du fantastique et qui pourtant fut la mienne. Je vous écris depuis mon année porte-bonheur, 221 – en année extraterrestre. Cette année-là, mon monde aurait dû être détruit, mais un léger sursis lui a été accordé.
Ce n’est pas pour me vanter, mais par ailleurs, c’est un peu grâce à moi que la fin du monde n’est plus pour demain. Oui, bien sûr, je n’étais pas seule, comme toujours, les héros n’avancent pas totalement en solitaire. Seulement, je ne me qualifierais pas d’héroïne.
Vous vous demandez sûrement qui je suis et pourquoi je vous parle ? Voyez-vous, la réponse est très simple, je ne voulais pas garder cette fabuleuse aventure pour moi toute seule. Quant à mon identité, elle ne peut pas être révélée pour le moment, mais au fil de l’histoire vous saurez qui je suis.
Quand la fin du monde fut évoquée, une sorte de prophétie, d’annonce donnant un espoir est parvenue jusqu’à mes oreilles. Cette prophétie m’a rendue plus forte, et j’ai obtenu le don de pouvoir tout connaître des personnes qui croisent ma route. Mon devoir était donc de transmettre notre périple au monde entier.
Pour beaucoup d’entre nous, l’histoire commença avec la première annonce, en janvier 202, à la naissance de Dina.
Dina était adorable comme tous les bébés, elle avait de jolies petites pommettes roses, de grands yeux bleus et quelques petites mèches de cheveux châtains qui volaient un peu partout. Mais voilà, elle n’était pas comme tous les enfants car, voyez-vous, elle était à moitié originaire d’une autre planète, Invisibilis.
Cette planète était invisible aux yeux de tous, d’où son nom, elle gravitait dans une autre galaxie que celle de la Terre, mais leurs destins étaient liés. Elle possédait une pierre géante d’où elle puisait son pouvoir, cette pierre la rendait invisible et procurait des dons inimaginables à ses habitants tels que la possibilité de contrôler les éléments ou encore de se déplacer plus vite que la lumière elle-même.
Dina, cette si fragile enfant, possédait le pouvoir de changer le destin des objets du quotidien, comme de faire jaunir le papier d’un livre sorti de l’imprimerie, ou encore d’enflammer une pierre.
Son père, Edwin, était un homme froid à la musculature imposante et aux cheveux grisonnants. Il avait été le roi de cette planète invisible, avant de se marier et de céder le trône à son frère, Richard.
Sa femme Victoire, une jeune et douce terrienne, avait transmis sa beauté à sa fille qu’elle aimait par-dessus tout. Victoire était dotée d’un pouvoir hors-norme pour la Terre, elle avait le don de se métamorphoser en animal.
Edwin, quant à lui, appartenait à une race particulière sur Invisibilis, les « Spatio Monde », des personnes pouvant se déplacer de planète en planète en une fraction de seconde. À eux deux, ils étaient la promesse d’un monde nouveau.
La famille paternelle de Dina vivait sur la planète invisible. Richard, son oncle, un homme mince, aux cheveux blancs, était un roi formidable et juste. Il avait pour capacité d’être en symbiose avec toutes ses cellules, ce qui lui permettait de se mouvoir plus aisément.
Il avait épousé une Invisibilisienne, Argantel, une femme incomprise que l’on traitait souvent de folle dans sa manière d’agir. Elle avait de longs cheveux de jais reconnaissables entre mille par la profondeur de leur noirceur. Son destin était de mourir cette année-là, en 202, d’une maladie que l’on ne trouvait que sur Invisibilis et qui lui faisait perdre le contrôle de son don d’invisibilité.
Ensemble, ils avaient eu deux enfants, Azénor et Adrien.
La première, dix-sept ans à cette époque, avait un tempérament à la fois calme et explosif. Elle ressemblait trait pour trait à sa mère et possédait le même don qu’elle, l’invisibilité, en plus de son autre faculté de « médium des vivants » : elle pouvait voir l’âme de chacun. Cette pauvre enfant était muette et communiquait par l’esprit.
Le second, Adrien, alors âgé de trois ans, un petit garçon intelligent et timide, avait lui aussi hérité des traits de sa mère. Cependant, contrairement à sa sœur, il n’en avait pas eu les pouvoirs, le sien était similaire à celui de sa cousine Dina : contrôler l’avenir des objets.
Ces quelques individus allaient jouer un rôle plus ou moins important dans la survie de leurs planètes respectives. C’était la moindre des choses dans la mesure où ils avaient contribué à leur anéantissement.
Pour moi, la fin du monde commença en décembre 202, le jour du décès d’Argantel, dont la date reste encore incertaine.
Ce jour fatidique fut marqué par deux évènements : le décès de la reine, donc, mais aussi la transmission de la prophétie.
Les derniers mots d’Argantel pour sa fille sur son lit de mort furent les suivants :
« Quand la médium l’annoncera, alors la reine, l’animal, la métamorphe et le trio s’allieront contre le voyageur du temps. »
Princesse
1
En l’an extraterrestre 220
Selon le peuple d’Invisibilis, Dina était leur véritable sauveuse, pourtant, ce n’était qu’une jeune fille plus âgée que moi, m’ayant volé la vedette pendant un certain temps.
Elle n’avait rien d’héroïque. Elle était naïve, trop gentille et elle ne prenait pas d’initiative. En cela, elle me ressemblait un peu. Elle se passionnait pour les étoiles et tout ce qui y touchait, elle aurait aimé devenir astronome.
Le jour de ses dix-huit ans, la vie de Dina Teravain changea à jamais.
Elle se promenait tranquillement dans la petite commune de Leominor – lieu où Edwin avait atterri la première fois qu’il était allé sur Terre, et où elle vivait désormais –, observant d’un regard distrait les alentours.
Soudain, elle sentit comme une présence qui la suivait, elle se retourna, mais il n’y avait pas l’ombre d’un chat. Elle crut d’abord qu’elle avait rêvé. Si elle se faisait attaquer, il n’y aurait personne pour la défendre, personne pour l’entendre crier. Son cœur battait légèrement plus vite. Elle resserra ses bras autour de sa poitrine recouverte d’un long manteau beige tout à fait élégant.
Le vent soufflait, faisant s’envoler ses boucles châtains. Il était encore tôt, le soleil se levait à peine.
Le soir, Dina s’organiserait une petite fête en tête à tête avec elle-même pour fêter ses dix-huit ans. C’était un évènement quand même ! N’ayant pas d’ami, et ses parents étant partis en voyage d’affaires pour le mois, elle n’aurait pas eu d’autre choix que de rester seule toute la journée.
Alors qu’elle s’était résolue à continuer son chemin, elle croisa un homme. Pourtant, elle pensait n’avoir vu personne. C’était un vieux monsieur aux cheveux grisonnants et à la grosse bedaine. Il portait une redingote et une queue-de-pie rouge, un pantalon beige sous lequel il avait enfilé un collant blanc qui ne semblait pas très chaud pour ce temps hivernal.
Il était très étrange.
Dina s’arrêta pour l’observer en essayant d’être le plus discrète possible, mais la discrétion chez elle était inexistante.
L’homme la remarqua – bien qu’il fût à l’autre bout de la rue – et la rejoignit en une fraction de seconde. La fille d’Edwin sursauta et poussa un petit cri aigu qui me fit bien rire. Il lui agrippa alors le bras et l’embarqua vers son destin.
En l’espace de quelques instants seulement, ils se retrouvèrent bras dessus, bras dessous dans le hall d’entrée d’un immense château. Partout où elle posait les yeux, tout n’était qu’élégance drapée d’or. Un gigantesque escalier recouvert d’un beau tapis rouge en velours se tenait devant elle.
Dina avait la bouche grande ouverte, ébahie, et je ne cesse de me tordre de rire à ce souvenir.
Richard, son oncle et le roi d’Invisibilis, se tenait en haut de l’escalier central. Bien que les marques de l’âge se voyaient sur son visage, il n’en restait pas moins majestueux. Il était habillé de la tenue officielle des rois de cette planète : une queue-de-pie blanche et or avec une redingote et un pantalon assortis. Il fit signe à Augustin – le Spatio Monde qui avait conduit Dina en ce lieu – de disposer.
Il descendit les marches tranquillement avec toute la grâce que lui conférait la maîtrise totale de son corps. Richard conduisit sa nièce – qui n’avait plus assez de souffle pour parler – jusqu’à son bureau, d’où il exerçait ses fonctions.
La pièce était plus sobre que le reste de la demeure. Les murs étaient recouverts d’une tapisserie ancienne et mal entretenue, plusieurs bibliothèques étaient sur le point de s’écrouler sur le sol, ployant sous le poids des livres en désordre. Richard s’avança vers le bureau en chêne qui trônait au centre de la salle, et s’installa confortablement sur le fauteuil en tissu rouge usé qui se trouvait derrière le meuble. Il s’y accouda et contempla Dina.
La jeune fille ne lui prêtait guère d’attention, elle était occupée à détailler chaque parcelle de la pièce. Elle retira son long manteau et le prit entre ses bras. La température n’était pas la même ici-bas, il y faisait plus chaud. Elle remarqua alors la personne qui la fixait, se figea et retint une nouvelle fois son souffle.
Ayant attiré son attention, Richard commença l’explication qu’était en droit de demander Dina :
« Salutation, Dina. Je me nomme Richard et je suis le roi de cette planète, ainsi que ton oncle. Désormais, tu es en âge de concourir pour tenter ta chance et revendiquer le trône d’Invisibilis, c’est là le souhait de ton père.
— Excusez-moi, mais comment se fait-il que vous me connaissiez, et puis c’est quoi “Invisibilis” ? Vous avez bien dit trône ?
— Une question à la fois, je te prie. Étant donné que je suis le frère d’Edwin, il est bien normal que je connaisse sa fille, répondit Richard, un brin amusé.
— Oui, bien sûr, mais mon père n’a pas de frère, s’étonna la jeune fille.
— Il y a beaucoup de facettes de la personnalité d’Edwin que tu ignores et, par conséquent, tu ne sais rien de son passé, répondit le roi d’un air lugubre.
— Alors, racontez-le-moi, s’exclama Dina, déterminée.
— Chaque chose en son temps. J’aimerais avant tout te parler de l’endroit où tu as atterri. Tu es ici sur mon lieu de travail, le château d’Invisibilis. Je suis ce que l’on pourrait appeler chez toi un extraterrestre, et toi, tu es une hybride, semi-terrienne, semi-invisibilisienne. »
Dina s’était accoudée à une bibliothèque pour ne pas tomber sous le coup de la révélation, elle fit signe à son oncle de continuer.
« Notre peuple a déjà fait plusieurs expéditions sur Terre, il en a adopté certaines langues comme le latin, le français, l’anglais, l’espagnol et l’allemand, ainsi qu’une partie de ses cultures. Nous avons une technologie qui surpasse – et de loin – celle de la Terre. Les travaux de nos scientifiques sont essentiellement enfermés dans un sous-sol. Ils travaillent isolés afin de ne pas être gênés. Mais ce qui nous caractérise vraiment, ce sont nos pouvoirs.
— Vos pouvoirs ? » demanda Dina, interloquée.
Le roi hocha la tête en signe d’approbation.
« Tu en possèdes un toi aussi, Dina.
— Lequel ?
— Je pense que tu as déjà la réponse à cette question. »
Elle réfléchit, baissa les yeux sur ses mains, puis regarda son oncle dans les yeux, faisant s’entrecroiser leurs deux regards.
Elle savait quel était son pouvoir, elle l’avait toujours su.
Quelqu’un frappa à la porte, la faisant se retourner en sursautant.
Un homme musclé, aux cheveux noir corbeau, entra. Il n’avait plus rien du petit garçon qu’il était autrefois, hormis l’intelligence. Son regard était dur quand il le posa sur sa cousine, celle-ci recula contre le mur, effrayée. Il eut un petit sourire satisfait qui donna l’envie à sa cousine de le frapper. Il s’arrêta, bien droit, devant le bureau de son père, il respirait l’animosité.
« Adrien », lâcha froidement Richard à l’intention de son fils.
Le roi se reprit et présenta le nouveau venu à sa nièce qui était restée blottie contre les étagères :
« Dina, je te présente mon fils unique, Adrien.
— Bon… bonjour, je m’app… » balbutia Dina, mal à l’aise face à cette montagne noire.
Sans qu’elle puisse finir sa phrase, il la coupa d’un ton mielleux alors qu’il la regardait comme si elle n’était qu’un animal sans défense :
« Je sais qui tu es », répondit simplement Adrien en lui serrant la main.
Elle put apercevoir à ce moment-là une bague avec une sorte de cristal blanc qui brillait à son doigt. Le jeune homme de vingt et un ans se tourna vers son père en ignorant délibérément l’adolescente qui se tenait dans la pièce.
« Vous m’avez fait venir pour m’annoncer quel sera le concours, je suppose ?
— C’est exact, répondit-il avant de se tourner vers sa nièce. À chaque fin de règne, Invisibilis organise un concours où chacun peut tenter sa chance afin d’accéder au trône, les seules conditions exigées étant d’avoir entre quinze et neuf cents ans. »
Dina avait manqué de s’étrangler à l’évocation des neuf siècles d’existence, mais cela faisait trop d’informations d’un coup, si bien qu’elle ne posa pas de question à ce sujet pour le moment.
« Cette année, le concours aura un enjeu particulier, continua Richard en prenant une voix grave. La fin du monde est pour bientôt. Il y a de cela dix-huit ans, Azénor, ma très chère fille, s’est enfuie juste après m’avoir transmis un message de ma défunte épouse, Argantel. »
Il reprit son souffle, envahi par les émotions. Bien qu’il fît au mieux pour le cacher, Adrien était lui aussi toujours aussi affecté par la disparition de sa sœur et de sa mère.
« Une annonce, comme voulait que je l’appelle Azénor, qui contenait exactement les mots suivants : “Quand la médium l’annoncera, alors la reine, l’animal, la métamorphe et le trio s’allieront contre le voyageur du temps.” Je vous charge de retrouver les individus dont parle l’annonce et personne à part vous ne doit être mis dans la confidence », conclut Richard d’un ton solennel en regardant sévèrement les deux personnes devant lui.
Dina se redressa bien droite et s’approcha de son oncle.
« Et si je ne veux pas, si je ne veux pas me prêter à tout ceci, si je ne souhaite qu’une chose, retrouver ma maison et me faire couler un bon bain chaud pour tout oublier ?
— Tu n’as pas le choix. À ce que je sache, tu ne peux pas te déplacer de galaxie en galaxie, tu es donc prisonnière jusqu’à ce que mon père en décide autrement, ou si tu préfères, jusqu’à ce que tu échoues au concours », répondit Adrien, d’un ton moqueur.
Son cousin se retira, laissant flotter cette phrase funeste dans la pièce, ainsi qu’une légère odeur de parfum pour homme. Dina resta donc seule avec son oncle. Celui-ci enchaîna son monologue autour de l’annonce, éludant le fait qu’il la gardait prisonnière :
« Je pense que la prophétie parle de toi, ma chère petite, tu dois sûrement être la reine. Je sais déjà qu’Azénor est la médium, c’est elle qui a annoncé la prophétie, elle m’a dit qu’elle se réaliserait cette année.
— Si je ne deviens pas reine, me relâcherez-vous ? »
Il ne répondit pas, fronçant les sourcils d’un air inquisiteur. Dina continua donc sur un autre sujet :
« Avez-vous fait part de vos hypothèses à votre fils ?
— Non, je ne peux pas lui faire confiance car, si j’ai raison, il ne sera jamais roi, et il risquerait de réagir violemment face à cette vérité. »
Dina n’eut aucun mal à s’imaginer le jeune homme en colère pour une raison aussi futile.
« Il va te falloir des gardes du corps, tu ne connais pas encore assez bien notre monde pour t’y aventurer seule. Aussi, je t’enverrai dans les jours qui viennent un messager pour te conduire à la Grande Maison, en ce lieu tu trouveras les réponses à tes questions », affirma Richard.
Dina était quelque peu perturbée, cela faisait trop d’informations d’un seul coup. Elle sursauta lorsqu’elle entendit la porte du bureau s’ouvrir juste derrière elle. Trois jeunes filles d’à peu près son âge entrèrent dans la salle, suivies d’Augustin, le vieil homme qui l’avait emmenée au château.
« Je te présente donc Augustin, mon second, le Spatio Monde qui t’a conduit jusqu’à moi, et ses nièces Marguerite, Alexa et Amélie, de la plus âgée à la plus jeune, s’exclama le roi d’un air joyeux. Ils seront tes gardes du corps. Pour le moment, je n’ai ni le temps, ni l’envie de t’expliquer ce qu’est un Spatio Monde ou tout autre sujet concernant notre planète, tu l’apprendras en temps et en heure en visitant la Grande Maison. »
La jeune fille se contenta de hocher la tête. L’aînée des nièces d’Augustin s’approcha pour saluer Dina.
On disait toujours de Marguerite qu’elle ne faisait pas son âge. Elle avait deux cent vingt-quatre ans, pourtant on la croyait toujours dans la vingtaine. Elle était quelque peu extravertie et manipulatrice, une fille redoutable si on ne l’avait pas dans notre camp. Elle avait de longs cheveux verts, de la même couleur que sa robe de soie qui se posait délicatement sur ses jambes blanches, et elle avait de beaux yeux bleus identiques à ceux de ses sœurs. Elle pouvait contrôler la nature.
Vint ensuite le tour d’Amélie, plus jeune de seulement quatre ans. Ses cheveux blond platine cascadaient joliment sur la robe qu’elle portait, assez simple et de couleur blanche. Elle était si timide qu’elle ne s’impliquait que très peu dans les conversations. Cela lui venait de son pouvoir qui lui permettait de maîtriser la glace qui se pliait alors à sa volonté. C’était un don que l’on associait souvent à des personnes solitaires.
La dernière, Alexa, âgée de deux cent vingt-deux ans, hésita avant de venir saluer la nouvelle venue. Elle n’aimait pas le changement et ne faisait confiance à personne. Elle avait des cheveux aussi flamboyants que les flammes qu’elle contrôlait. Elle ne portait pas de robe, mais un ensemble très féminin, rouge sang, lui permettant de se mouvoir avec facilité dans l’éventualité d’une bagarre.
Richard annonça à sa nièce qu’elle dormirait dans une demeure conçue spécialement pour assurer sa protection et permettre la présence d’une garde rapprochée.
Dina se laissa guider dans les couloirs du château par ses nouveaux « gardes du corps », qu’elle considérait à ce moment-là plutôt comme des geôliers. La fatigue se fit ressentir alors qu’elle sortait du bâtiment à la nuit tombée pour se rendre dans sa « prison ».
Elle contempla le ciel à la recherche de la Terre qu’elle venait de quitter, mais elle ne vit qu’une multitude d’étoiles se ressemblant toutes.
La Grande Maison
2
Dina se réveilla tout doucement à la lueur des rayons naissants de l’astre équivalent à notre soleil. Elle s’étira à la manière d’un chat, ses boucles châtains étaient éparpillées sur l’oreiller, simplement vêtue d’une petite robe en dentelle rose pâle. Elle mit quelques secondes avant de réaliser où elle se trouvait.
La nouvelle princesse était allongée dans la chambre de sa forteresse. Elle devrait vivre entre ses murs blindés pendant tout un mois – le délai avant le dénouement du concours.
La pièce était dépourvue de meuble – excepté le lit – et affichait une couleur bordeaux du plafond jusqu’au sol en passant par les murs. L’unique fenêtre laissait entrer un peu de lumière dans la chambre et égaillait la journée de la future reine.
Quelqu’un frappa à la grosse porte en fer. Dina répondit :
« Je vous en prie, entrez ! »
Il s’agissait d’une femme d’âge mûr – neuf cent soixante et onze ans pour être précise. Elle s’appelait Maya et était guérisseuse. Maya vivait par-delà les montagnes derrière le château avec un peuple de nomades. Ses courts cheveux brun-gris étaient attachés au niveau de sa nuque et ses yeux scrutaient la nouvelle avec insistance. Elle était assez grincheuse et n’aimait pas la compagnie de la cour, mais la curiosité l’avait poussée à venir jusque-là.
Elle s’était fait passer pour une domestique quelconque et apportait maintenant ses vêtements à Dina. La jeune fille se sentit rougir sous le regard pénétrant de Maya. Celle-ci s’inclina comme le faisaient tous les Invisibilisiens de rang inférieur en présence de la famille royale et lui tendit ses habits. Elle dit d’un ton sec :
« Dépêchez-vous de vous habiller, je dois vous faire visiter la demeure avant l’arrivée de votre guide pour vous rendre à la Grande Maison. »
Maya s’apprêtait à repartir lorsque Dina l’interpella :
« Excusez-moi, mais puis-je savoir à qui j’ai l’honneur ?
— Je m’appelle Maya, je viens d’une contrée lointaine, je travaille à la Grande Maison en tant que guérisseuse.
— Mais qu’est-ce donc que cette “Grande Maison” ?
— Il s’agit du pilier de notre monde. En ce lieu résident un musée, une école d’élites, une bibliothèque, un observatoire, la salle des machines et un hôpital.
— Cela fait beaucoup pour un seul endroit, s’étonna Dina.
— Si vous voulez des réponses, il faut vous y rendre. Que cherchez-vous à savoir ?
— Je ne sais pas, il y a tellement de choses que j’ignore encore sur cette planète, murmura-t-elle.
— Ne vous inquiétez pas, mais prenez garde, certains mots ne peuvent être prononcés », répondit-elle d’un ton lugubre.
La vieille femme sortit de la pièce pour laisser à Dina le temps de se changer.
Elle enfila donc la belle robe en soie rose pâle qui lui avait été apportée. Quelques minutes après, elle suivit Maya dans les couloirs de sa forteresse qui se révéla être moins grande que ce qu’elle aurait pu s’imaginer.
Les lieux manquaient fortement de charme. En dehors de la chambre de Dina, tout était fait d’un métal argenté.
La maison comptait trois chambres, une petite cuisine, une salle de bain commune et une immense salle d’armes.
Elles s’arrêtèrent devant la plus grande pièce de la demeure, la salle d’armes, où se trouvaient les trois sœurs chargées de la protéger.
Marguerite et Amélie étaient assises côte à côte et lui souriaient, tandis qu’Alexa frappait de toutes ses forces sur un sac au centre de la pièce. La rouquine lui accorda un bref regard glacial et se lança immédiatement dans les explications suivantes tout en s’entraînant :
« Notre peuple est un peuple pacifiste, mais il arrive que parfois les tensions éclatent. Ce n’est pas arrivé depuis maintenant quatre-vingts ans, ce qui n’est pas mal pour ces manipulateurs, dit-elle en crachant le dernier mot.
— Alexa, voyons, c’est de personnes d’influence que tu parles, notre oncle en fait partie, alors, un peu de respect, je te prie, essaya de la tempérer Marguerite.
— Que s’est-il passé il y a quatre-vingts ans ? » demanda Dina, intéressée.
Maya intervint dans la conversation en fusillant les trois jeunes filles du regard.
« Vous n’avez pas à le savoir, princesse. Ce qui s’est passé cette année-là fut une erreur monumentale, il ne faut pas en parler à haute voix. Nous en payons le prix encore aujourd’hui, et cela est dû aux personnes de votre rang, vociféra-t-elle.
— Maya, nous sommes tous responsables, rectifia Marguerite.
— Certains plus que d’autres », répondit la principale intéressée en tournant les talons.
Dina ne comprit pas l’échange qui venait de se dérouler sous ses yeux. Le sombre passé de mercenaire d’Alexa était probablement responsable de l’agressivité qu’elle témoignait à Dina, mais celle-ci ne pouvait pas s’en douter à ce moment-là.
Il était l’heure pour la princesse d’avoir enfin les réponses qu’elle attendait tant. Le messager du roi avait frappé à la porte d’entrée.
Il s’agissait d’Antonin, un homme à tout faire, âgé de quatre siècles, qui travaillait à la Grande Maison. Il avait les cheveux grisonnants et contrôlait la littérature, c’est-à-dire qu’il pouvait assimiler le contenu de n’importe quel livre en un seul regard. Tout en entrant dans la demeure, il paraissait essoufflé. Il s’épongea le front avec un mouchoir dégoulinant déjà de sueur, et s’adressa à Augustin qui venait également d’arriver :
« Il pleut dehors, nous devrions nous dépêcher si nous ne voulons pas que les diamants grossissent.
— Quels diamants ? » demanda Dina, surprise.
Tous la fixèrent, mais ne prirent pas le temps de lui répondre. Les gardes du corps s’étaient réunis pour la visite à la Grande Maison et s’avançaient déjà vers la sortie. Antonin avait raison, il pleuvait, il ne s’agissait pas d’eau, mais de diamants reflétant mille couleurs, qui tombaient du ciel dans une mélodie enchanteresse. Le soleil se reflétait dans les pierres, sous le regard émerveillé de la princesse.
Bien qu’encore loin, la Grande Maison paraissait déjà grande, et plus on s’en rapprochait, plus ses dimensions paraissaient démesurées. Elle était même plus grande que le château lui-même. Une immense porte en or d’où des inscriptions latines se détachaient : « Sic itur ad astra », « c’est ainsi que l’on s’élève vers les étoiles », leur faisait face. Antonin les fit entrer. Ils furent immédiatement accueillis par une jeune femme blonde, habillée en tailleur noir, débordant d’énergie, un large sourire sur le visage.
« Bonjour, je me présente : je m’appelle Athénaïs. Permettez-moi de vous emprunter notre très chère Dina pendant que vous visitez ce bâtiment fabuleux. Ce sera probablement la seule fois où elle pourra être séparée de vous pendant le mois qui s’annonce, accordez-lui la liberté qu’il lui reste.
— Qui êtes-vous plus précisément ? demanda Alexa d’un air soupçonneux.
— Ne me reconnaissez-vous pas ? J’ai été l’une des plus grandes combattantes du roi Richard, je travaille aujourd’hui comme gardienne de la Grande Maison. Le souverain m’a confié la mission de répondre aux questionnements de sa nièce », dit-elle en fixant Alexa comme si elle menaçait de révéler un lourd secret.
La rouquine baissa les yeux, elle était gênée de ne pas avoir reconnu Athénaïs.
L’ancienne combattante était une femme très sympathique, d’un siècle, elle ne tenait pas en place. Elle possédait une force extraordinaire qui lui avait valu d’avoir une place de choix dans l’armée.
Elle conduisit Dina jusqu’à la bibliothèque qui se trouvait au centre du bâtiment.
Le lieu était magique. Il y avait des étagères débordantes de livres à perte de vue. Le livre n’était-il pas la plus belle source d’inspiration ?
De simples caractères noirs sur des pages blanches, s’alliant pour former un récit qui traversera le temps, la passerelle entre les esprits, l’âme de l’auteur rendue publique, une rivière inépuisable de savoir, d’imagination et de communication.
Deux personnes étaient déjà présentes dans la salle.
Les deux jeunes gens riaient aux éclats tout en rangeant des bouquins. Il s’agissait de Valentine et de son petit ami, Maël.
Valentine était un peu originale, elle avait de longs cheveux ondulés d’une magnifique couleur myosotis –, ce qui était rare, même sur Invisibilis. Elle portait des teintes vives et joyeuses, telles que du vert et du jaune. Elle aimait beaucoup lire, se passionnait pour les sciences et était très optimiste. Elle avait le don de Spatio Monde.
Maël était quant à lui très posé et terre-à-terre, il portait un costume gris, très simple. On aurait pu croire qu’il pardonnait facilement quand quelqu’un le contrariait en voyant son tendre sourire, pourtant, ce n’était pas le cas, car il n’oubliait jamais rien, c’était là sa particularité.
Ils s’arrêtèrent de bavarder en apercevant les deux femmes qui arrivaient. Deux autres filles entrèrent en courant dans la bibliothèque.
Elles étaient toutes les deux blondes, l’une avait la peau plus blanche que l’autre, c’était même impossible d’avoir le teint plus pâle qu’elle.
Celle-ci s’appelait Coralise, elle avait deux siècles et était, comme Athénaïs, une ancienne combattante aux ordres du roi, son pouvoir lui permettait de contrôler les ouragans. Comme son don, elle était froide et agressive.
L’autre fille n’était autre que Laina, une jeune femme d’une vingtaine d’années, dont le corps pouvait produire de l’électricité. Elle était assez coquette, avec un tempérament explosif. Elle entretenait un amour secret pour Adrien, qui ne la remarquait pas le moins du monde.
Laina hurla si fort à l’intention des deux amoureux qu’elle fut entendue dans toute la bibliothèque :
« Non, mais qu’est-ce que vous faites encore là ? La salle doit être libérée pour la nièce du roi !
— Laina, ne fais pas de scène devant la fille qui va potentiellement prendre le trône, souffla Coralise, épuisée par le comportement de sa camarade.
— Comment ça ? » demanda-t-elle, surprise.
Elle regarda dans la direction d’Athénaïs et son teint basané vira au rouge vif. La princesse se tenait à côté d’elle, observant avec une admiration réelle les étagères surchargées de livres. Coralise fronça les sourcils tout en s’adressant à la gardienne qui escortait Dina :
« Nous ne vous attendions pas si tôt. L’heure, c’est l’heure.
— Parfaitement, approuva Laina en hochant la tête. Comment se fait-il que vous soyez déjà ici ? »
Dina s’étonna du manque de respect dont faisait preuve le peuple d’Invisibilis à son égard depuis son arrivée, mais elle ne fit aucune remarque, laissant Athénaïs gérer la situation.
« Ils ont dû partir plus tôt à cause de la pluie qui s’annonçait violente pour le reste de la journée, expliqua Athénaïs.
— Cela veut-il dire que Dina restera plus longtemps que prévu en ces lieux ? demanda Valentine, curieuse.
— Certainement, oui, répondit Athénaïs. Maintenant, si vous voulez bien nous laisser.
— Cela est bien dommage, j’aurais aimé rester », fit Valentine en faisant la moue.
Maël l’embrassa en lui chuchotant que ce serait pour une autre fois.
« Allez, venez et dépêchez-vous », lança Laina en essayant de se faire respecter tout en s’adressant aux employés indisciplinés.
Enfin seules, Dina et Athénaïs s’installèrent à une table pour discuter.
« Qui étaient ces personnes ? demanda Dina.
— Ceux qui rangeaient les bibliothèques étaient nos meilleurs élèves venus nous aider pendant leur temps libre, tandis que les deux autres ne sont que de simples employées. Ne faites pas attention à eux. »
Dina hocha la tête, pensive, puis demanda :
« Combien d’années vivent les Invisibilisiens ?
— Un millénaire exactement. Jusqu’à nos vingt ans environ, notre corps vieillit de la même manière que celui des Terriens, au-delà, notre processus de vieillissement ralentit considérablement.
— Si cela n’est pas trop indiscret, puis-je vous demander votre âge ?
— Oui, j’ai un siècle. Quel âge me donneriez-vous ?
— Je dirais… vingt ans. »
La femme blonde acquiesça en riant gentiment.
« J’ai entendu dire que les années étaient différentes ici, continua Dina.
— Oui, nous sommes en l’an 220, répondit Athénaïs avant même que la princesse ne puisse formuler sa question.
— Je ne sais pas quoi vous demander d’autre, soupira Dina.
— Alors, je vais faire au mieux pour vous résumer l’histoire de notre peuple et sa situation actuelle. »
Elle inspira puis commença son récit :
« Votre père, le roi Edwin, appartient à la race des Spatio Monde, je ne m’attarderais pas sur le sujet pour le moment. Il y a de cela deux siècles, il a découvert ce qui était pour nous une nouvelle planète, la Terre. Il fut tant absorbé par cette découverte qu’il délaissa le trône, à tel point qu’il en vint même à abdiquer en faveur de son frère, Richard, afin de pouvoir rejoindre ce nouveau monde. Il y a vingt et un ans de cela, Edwin tomba amoureux d’une terrienne, votre mère, et la demanda en mariage. Victoire était alors âgée de vingt-neuf ans. Il était fou amoureux, pour elle, il aurait commis l’irréparable. Je pense que cela répond à vos questions, conclut Athénaïs.
— Qu’entendez-vous par “il aurait commis l’irréparable” ? »
Elle lui offrit son plus beau sourire tout en éludant la question en lui proposant du thé qu’elle refusa. Dina sourit en retour, elle n’allait pas s’arrêter là :
« J’insiste, j’aimerais vraiment savoir de quoi il s’agit, c’est mon père tout de même. »
Athénaïs refusa clairement d’en dire plus, son visage s’étant fermé alors qu’elle se levait pour quitter la salle. Dina la retint par le bras.
« Attendez, ne partez pas, j’ai une dernière question à laquelle vous pourriez sûrement répondre ! »
Elle ne répondit pas, mais resta tout de même pour l’écouter.
« Que s’est-il passé il y a de cela quatre-vingts ans ?
— Une guerre terrible entre deux partis très influents à la cour.
— Vous n’avez pas l’intention de m’en dire plus ? »
Elle soupira avant de se rasseoir pour continuer :
« D’un côté, il y avait les Spatio Monde, et de l’autre le Carré des Logicos, des personnes d’une intelligence et d’un savoir supérieurs dès leur naissance. Ce sont des pouvoirs que l’on pourrait qualifier de “dominants” par le nombre important de personnes qui les détiennent. D’un côté comme de l’autre, ils se croyaient plus fort que tout le monde et voulaient s’emparer du trône. Des combats terribles s’en suivirent. Le roi Richard avait été obligé d’y prendre part. Votre oncle mit un terme à la guerre en anoblissant les deux partis. Il prit pour conseillers personnels un Spatio Monde et un Logico. Beaucoup racontent que ce n’est pas la vraie raison qui a conduit à la paix, mais sur ce sujet-là je ne peux rien vous dire, il vaut mieux ne pas en parler. », dit-elle en baissant la voix.
Dina fut surprise, plus elle en apprenait, plus elle avait de questions, et pour une fois j’étais bien d’accord avec elle.
Contrôler ses pouvoirs
3
Dina regardait les diamants tomber, par la fenêtre, elle n’allait pas pouvoir rentrer de si tôt.
Athénaïs était partie et l’avait laissée avec ses gardes du corps.
La pluie était plus violente et c’était magnifique. Les diamants, de toutes les couleurs, produisaient des cercles de lumière en touchant le sol dans une musique rythmée que l’on entendait à peine à travers les vitres épaisses.
Dina ferma les yeux et se concentra sur les bruits environnants. À force de persévérance, elle entendit enfin le son des diamants touchant le sol dans de légers petits cliquetis pouvant ressembler à de la musique, elle sourit et commença à bouger la tête en rythme sans se préoccuper du reste.
Alexa la regarda bizarrement, elle la prenait pour une folle. Amélie vint alors se placer devant elle et entrouvrit légèrement la fenêtre pour que le chant de la pluie se fasse mieux entendre.
La jeune fille blonde la prit par le bras et l’invita à danser au rythme des diamants qui tombaient. Elles furent bientôt suivies par la sœur aînée, Marguerite. Elles bougeaient chacune de leur côté en essayant de se coordonner, ça avait l’air marrant. Alexa les regardait d’un air sévère et exaspéré, pendant qu’Augustin riait de leur joie de vivre.
Soudain, Adrien arriva dans la pièce, il n’avait pas l’air content, mais il se reprit en voyant sa cousine. Il se racla la gorge pour qu’elles arrêtent leur danse :
« Que se passe-t-il ici ? J’ai été dérangé dans un travail de la plus haute importance parce qu’une personne a ouvert l’une des fenêtres. Si les vitres sont insonorisées, ce n’est pas pour qu’on les ouvre quand il y a de la pluie !
— Oh, mais on s’ennuie, ne voulez-vous pas danser avec nous, mon prince ? » le taquina Alexa qui ne perdait jamais une occasion d’embêter Adrien.
Adrien ne répondit pas tout de suite et fixa Alexa, énervé. Il reprit son calme et un petit sourire se dessina sur ses lèvres pâles.
« Dina, voulez-vous bien me suivre ? Si vous vous ennuyez, j’ai trouvé une activité qui vous plaira sûrement, dit Adrien d’un air malicieux.
— Elle vous suivra seulement si nous pouvons venir avec elle, répondit Marguerite.
— Ce ne sera pas nécessaire, je suis son cousin tout de même, et puis nous ne sortirons pas du bâtiment.
— Nous pouvons lui accorder le bénéfice du doute, proposa Amélie en posant une main sur l’épaule de son aînée. Si Dina est d’accord…
— Je vous suivrai, cher cousin. »
Dina appuya sur le mot « cher » d’un ton ironique. Elle se demanda ce qu’il allait lui proposer, elle espérait que ce serait aussi intéressant que de danser au rythme envoûtant de la pluie et de ses lumières.
Ses gardes du corps avaient fermé la fenêtre, elle se retrouvait plongée dans un silence oppressant en compagnie de son cousin. Ils étaient tous les deux dans le bureau d’Adrien, lui, assis sur la table, et elle, sur le fauteuil du prince.
Il y avait aux abords d’une fenêtre, un magnifique bureau en bois d’ébène très bien entretenu – contrairement à celui du roi.
Adrien la détaillait de haut en bas de ses yeux noirs, un léger sourire étirait ses lèvres.
Elle devait avouer qu’il était beau, ce devait être de famille, se dit-elle en souriant doucement. Selon moi, seul Adrien était réellement beau, les autres membres de la lignée royale ne l’égalaient pas le moins du monde.
Le jeune homme prit la parole :
« Alors, dis-moi, connais-tu ton pouvoir ?
— Oui, hésita Dina, mais j’ai l’impression que vous en savez plus que moi.
— Tu peux me dire “tu”, nous sommes cousins après tout. Et oui, j’en sais plus que toi pour la simple raison que nos pouvoirs sont identiques et que je le pratique depuis bien longtemps. »
Dina hocha la tête, ne sachant pas quoi dire, elle se demanda si elle n’aurait pas mieux fait de rester à la bibliothèque, à danser. Son cousin ne lui laissa pas le temps de se décider à quitter la pièce et reprit la parole en lui tendant un stylo quelconque qu’il avait trouvé derrière lui :
« Si tu le veux bien, j’aimerais t’aider à maîtriser ton don. Prends ce stylo et force-le à me faire écrire ce dont tu as envie.
— D’accord », soupira-t-elle.
Elle n’avait aucune envie d’exercer un pouvoir qu’elle ne maîtrisait pas, surtout en présence d’une autre personne, elle avait peur de le blesser, mais en même temps elle se disait que cela pouvait s’avérer amusant. Alors elle prit le stylo et lui insuffla sa volonté. Comme par enchantement, Adrien se sentit attiré par l’objet et l’homme prit rapidement une feuille de papier pour ne pas avoir à écrire sur sa main.
Des lettres se formaient au rythme des pensées de Dina. Quand ils eurent fini, Adrien massa son poignet endolori pour avoir écrit si vite. Dina prit la feuille de papier et la lut. Il y était écrit : « Pourquoi veux-tu devenir roi ? ».
« Faut-il que je réponde ? demanda Adrien.
— Oui, s’il te plaît.
— En fait, je ne sais pas trop, ma mère voulait que je le devienne, et puis, en tant que prince, ce n’est pas comme si j’avais le choix de participer ou non au concours, dit-il, absolument pas sincère.
— Oui, je comprends. »
Ils échangèrent un silence gêné, puis Adrien lui tendit une nouvelle fois le stylo avec un petit sourire triste, et lui dit :
« Tu n’as rien à faire, il suffit que tu prennes l’objet, je lui ai transmis mes souvenirs et quand tu le toucheras, il te les donnera.
— Bien. »
Elle prit délicatement le stylo, comme si c’était la chose la plus précieuse au monde. Des souvenirs qui n’étaient pas les siens l’envahirent alors.
Elle vit Adrien lorsqu’il était enfant. Il était tout petit et mince, quelques mèches de cheveux noirs lui tombaient dans ses grands yeux tristes, il était adorable. Il tenait dans ses petites mains délicates une montre à gousset argentée avec le prénom de Richard inscrit dessus en lettres d’or.
Le roi, son père était assis sur le fauteuil face à lui, il lisait un livre sans prêter la moindre attention à son fils alors âgé de trois ans.
Une frêle jeune fille de dix-sept ans, à la peau pâle et aux longs cheveux de jais, vêtue d’une longue robe blanche, arriva dans le salon.
« Azénor, tu es ravissante mon enfant. Comment va ta mère ? »
Dina entendit la réponse de la jeune fille sans que celle-ci ait à ouvrir la bouche. Il devait s’agir d’une télépathe ou quelque chose s’en approchant. Visiblement, sa mère était sur le point de décéder.
« Il va falloir s’y préparer », répondit Richard en prenant sa fille sur ses genoux.
À ces mots, un bruit sourd se fit entendre, Adrien venait de faire tomber la montre à gousset, des larmes coulaient sur ses joues blanches. Son père le gronda d’avoir rayé le bel objet et le lui donna, disant qu’il s’en rachèterait un dans la journée.
Dina revint à elle. Elle se trouvait toujours à la Grande Maison, dans le bureau d’Adrien et elle venait de voir son passé. Elle s’étonna que le stylo lui ait donné un regard extérieur et non pas les souvenirs du point de vue de son cousin, mais elle ne posa pas de question à ce sujet, ce n’était pas important.
« Pourquoi m’avoir montré cela ?
— Je voulais que tu comprennes pourquoi je veux devenir roi, mais aussi que tu saches toutes les possibilités de ton pouvoir.
— Explique-toi, je n’ai rien compris.
— Quand on est roi, un nombre incalculable de possibilités s’offrent à nous. Quand j’étais enfant, je pensais par ce biais pouvoir sauver tous les Invisibilisiens de la seule maladie pouvant les atteindre. Seulement, ce n’est pas si simple. Je souhaite devenir roi pour ma mère, elle avait confiance en moi et je ne la trahirais pas.
— Azénor, est-ce que c’est elle ma cousine ?
— Oui, c’est aussi pour cette raison que je t’ai montré ce souvenir, parce qu’elle y était. Azénor est ma sœur, elle est muette et atteinte de la même maladie que ma défunte mère. Néanmoins, elle possède un pouvoir très fort, elle est médium des vivants, elle voit au plus profond de nos âmes. Elle a aussi la faculté de se rendre invisible, mais ne peut plus la contrôler, voilà les effets de ce fléau qui touche mon peuple. Si on attrape cette maladie, on ne s’en rend compte que lorsqu’on perd le contrôle de notre don ou de notre corps. Quand on en est là, il est déjà trop tard, nous sommes sûrs de mourir. En revanche, tout dépend des personnes, la maladie peut nous tuer en un jour, comme en un siècle. Je te rappelle qu’un Invisibilisien vit normalement mille ans.
— Avez-vous trouvé un remède ?
— Aucun à ce jour », soupira Adrien.
Dina choisit de changer de sujet :
« Je n’ai pas très bien compris en quoi consistait mon pouvoir.
— C’est un don très complexe, et je n’en ai pas encore percé à jour toutes ses facettes. Il semblerait que nous puissions façonner les évènements à venir d’un objet ou d’un élément inerte – tel qu’un arbre ou une pierre – ainsi que son environnement immédiat en lui insufflant notre propre volonté. »
Elle fronça les sourcils, n’ayant pas mieux compris, puis posa rapidement une autre question pour ne pas paraître idiote :
« Et donc tu travailles ici ?
— Effectivement, je suis professeur. D’ailleurs, si tu le veux bien, j’aimerais que tu intègres mon école dès demain. Tu devras passer un test. Bien sûr, il sera adapté, vu que tu es terrienne. Qu’en penses-tu ?
— Ce serait enrichissant, j’accepte. De toute façon, je suis coincée ici, alors autant m’occuper », s’exclama-t-elle avec un grand sourire.
Effraction
4
La pluie avait cessé, Dina regardait le ciel d’un bleu limpide par la fenêtre. Quelques Invisibilisiens dans la rue s’affairaient à déblayer le chemin des diamants qui jonchaient encore le sol, remplissant à grands coups de pelles d’immenses poubelles.
Dina allait bientôt rentrer dans sa forteresse d’acier en compagnie de ses gardes du corps. Elle n’en avait pas envie. Parfois, elle se surprenait à penser que sa vie était peut-être mieux sans Invisibilis.
Si on lui avait dit il y a quelque temps de cela qu’elle venait d’une autre planète et qu’elle allait vivre une aventure aussi palpitante que dangereuse, elle aurait bondi de joie, mais aujourd’hui, sa vie de terrienne à la conquête des étoiles lui manquait.
Je ne pouvais pas comprendre ce qu’elle ressentait, je n’avais jamais eu d’autre but que de fuir la routine, être comprise par une autre personne que moi-même et ne pas sombrer dans la folie.
Alors, quand j’ai su pour cette autre planète, mon rêve s’était enfin réalisé. J’avais comblé ce vide en moi et ce sentiment de plénitude ne s’était jamais dissipé en un an.
Dina était assise dans la bibliothèque, Alexa vint la chercher, son visage était impassible, comme à l’accoutumée. Elle se leva calmement pour aller la rejoindre auprès de ses sœurs.
Amélie avait l’air soucieuse, tandis que Marguerite souriait d’une façon étrange. La rouquine croisa le regard de sa sœur aînée, et Dina crut apercevoir un léger sourire, ce qui l’inquiéta. Ce n’était jamais bon quand les deux sœurs souriaient de cette façon, la dernière fois que cela s’était produit, je l’avais amèrement regretté, et pour cause, j’avais fini enfermée dans les cachots d’Invisibilis.
Augustin était en train de lire dans son coin tout en les gardant toujours à l’œil. Il savait ce que ses nièces préparaient et il n’aimait pas cela, mais il ne les retiendrait pas, de toute façon il n’en avait pas la force. Personne ne pouvait s’opposer à elles, pour cela il fallait soit être fou, soit ne pas savoir ce qu’elles étaient réellement, à savoir, des mercenaires sans aucune peur.
Marguerite parla la première pour expliquer à Dina son plan qu’elle qualifiait de génial :
« Écoute, j’ai eu une idée, la pluie a cessé et nous devrions nous en aller, ce que nous allons faire semblant de faire. En vérité, nous allons rester pour fouiller dans les affaires de ton très cher cousin.
— Mais, pourquoi ! s’exclama la princesse, surprise.
— Tout simplement parce que nous ne lui faisons pas confiance, soupira Alexa, comme si c’était une évidence. Mais dis-moi, de quoi avez-vous parlé dans son bureau ?
— Cela ne te regarde pas. Toutefois, tu es en droit de savoir que je vais intégrer son école demain.
— Comment ça ? » s’étonna Alexa, sur le point de s’énerver.
Amélie essaya de la calmer en lui caressant doucement ses courts cheveux roux. Mais cela eut l’effet inverse et elle était à deux doigts de sauter sur la future reine. Marguerite l’arrêta à temps :
« Arrêtez, ne perdez pas notre plan de vue. Pour l’instant, ce qui est vraiment important, c’est de s’allier pour découvrir ce que cache Adrien.
— Et s’il ne cache rien, s’énerva Dina en foudroyant du regard sa garde du corps.
— Ce serait dommage pour lui parce que d’une façon ou d’une autre je m’acharnerais sur ton cousin, cela me détendra de t’avoir connu, cria Alexa à l’intention de Dina. D’ailleurs, je pense que lui aussi il va vite regretter d’avoir une cousine telle que toi, tu es insupportable, et je ne peux même pas te secouer puisque je suis censée te protéger, soupira-t-elle.
— Calmez-vous, s’il vous plaît, je n’aime pas les disputes, supplia Amélie, qui venait à peine d’ouvrir la bouche.
— Toi, je ne t’ai pas parlé. Alors, silence et obéis », cracha Alexa avec colère.
La jeune fille blonde baissa la tête, soumise. Voyant que leur débat prenait de mauvaises tournures, Augustin se décida à intervenir à sa manière. Il annonça le départ de la Grande Maison, elles n’avaient plus le choix, si elles voulaient comprendre les desseins d’Adrien c’était maintenant ou jamais.
Marguerite se leva et suivit son oncle, elle fut aussitôt imitée par ses sœurs et Dina.
Arrivés dehors, le Spatio Monde stoppa net. Il avait pris sa décision et il espérait que les jeunes femmes le suivraient dans ses choix.
« À cette heure-ci, le prince doit probablement faire cours, le bureau est libre, vous avez environ une heure, à vous de choisir quoi faire », dit Augustin en regardant une belle montre à gousset qu’il avait accroché à la poche de sa veste.
L’aînée sourit d’un air malicieux et un peu cruel. Des ronces poussèrent le long du mur de la Grande Maison. C’était son œuvre et elle en était fière.
Alexa fut la première à s’élancer. Quelques épines se plantèrent dans ses mains, mais elle n’y prêta pas attention. Une fois dans le bureau d’Adrien, elle fit signe aux autres de venir.
Dina, ne désirant pas se retrouver seule, n’avait plus le choix, elle devait grimper. Les ronces avaient beau être épaisses, elles n’étaient pas de très bonnes prises. Alors qu’Alexa était montée sans se poser de questions, elle devait faire attention au moindre de ses gestes pour éviter de prendre à pleine main les épines, et malgré cela, ses mains se couvraient de minuscules petits points rouge sang. Elle devait lutter pour ne pas tomber, mais tout était valable plutôt que de voir la satisfaction sur le visage d’Alexa.
La princesse arriva au bout de cinq minutes dans la pièce où l’attendait déjà la rouquine. Les deux autres sœurs arrivèrent peu de temps après.
La fouille allait pouvoir commencer. Alexa s’occupait du bureau pendant que les autres inspectaient les étagères. Il n’y avait rien de suspect dans ce lieu, seulement des livres concernant les matières qu’il enseignait.
Au bout d’un petit moment, la rouquine s’exclama qu’elle avait trouvé quelque chose d’intéressant. Dina s’approcha pour mieux voir.
Il s’agissait de feuilles de papier insérées dans un livre qui avait l’air assez ancien et en mauvais état. Néanmoins, la princesse réussit à lire le titre à moitié effacé : « La pierre Invisibilisienne ».
Marguerite arracha le livre des mains de sa sœur et le cacha derrière son dos. Elle enleva les documents qui étaient à l’intérieur, puis demanda à la rouquine de brûler le livre. Alexa s’exécuta immédiatement sans poser de questions, et l’ouvrage s’embrasa sous le regard étonné de Dina qui eut un mouvement de recul.
« Pourquoi avoir fait cela ? » demanda cette dernière, choquée.
Les trois sœurs se concertèrent du regard, puis l’aînée se décida à parler :
« Il vaut mieux que certains secrets perdurent. Ce livre aurait dû être détruit il y a longtemps et Adrien n’aurait jamais dû l’avoir en sa possession. Ce bouquin contient un grand savoir que nous avons essayé de cacher pendant quatre-vingts ans, je ne veux pas que tous nos efforts aient été vains. Alors, s’il te plaît, Dina, reste en dehors de cela, ça ne te regarde pas.
— Je pense que si, au contraire, et je l’apprendrais un jour ou l’autre. Je sais déjà qu’il y a un rapport entre cette pierre et la bataille qui a eu lieu il y a de cela quatre-vingts ans », répondit Dina, déterminée à découvrir la vérité.
Pendant ce temps, Amélie avait lu les documents qu’elle avait pris à sa grande sœur. Elle transmit aux autres filles ce qu’elle venait d’apprendre :
« Écoutez, je pense avoir fait une découverte. Je n’ai pas très bien compris de quoi il retournait, mais il y a une succession de dates et de noms qui pourraient peut-être nous être utiles.
— Qu’y a-t-il d’inscrit ?
— La plupart des mots sont effacés, mais j’arrive à lire “Agence”. Il y a aussi des dates : 193, 202 et 250. Je ne comprends pas ce que prépare ton cousin, mais je ne suis pas sûre que ce soit quelque chose de bon, dit Amélie en s’adressant à Dina, illustrant ce qu’elles pensaient toutes.
— Laissez-moi intégrer l’école, je pourrais enquêter sur Adrien plus facilement, supplia la princesse.
— Oui, ta proposition est à prendre en considération, répondit Marguerite. Si tu es amenée à devenir notre reine, je pense qu’il serait préférable que l’on te fasse confiance. C’est d’accord, tu iras à l’école de la Grande Maison. »
Ils étaient enfin rentrés chez eux. Dina sortit de la salle de bains, ses cheveux châtains encore mouillés, et son corps recouvert d’une simple robe en soie rose pâle qui descendait juste en dessous des genoux.
Elle traversa la pièce qui ne contenait qu’un lit, et s’allongea sur celui-ci. Elle tourna la tête vers l’unique fenêtre de sa chambre et contempla le ciel. Son esprit était en alerte, elle avait tellement de questions, mais elle n’arrivait pas à les formuler.
Elle soupira, demain serait un autre jour. Son cœur battit plus vite à l’idée de devoir passer l’épreuve de sélection à l’école de la Grande Maison. Elle savait pertinemment qu’elle gérait mal son stress et qu’elle allait probablement s’évanouir devant la grande porte.
Dina rit doucement. Même sur une autre planète, les évaluations lui faisaient toujours aussi peur. Allongée sur le dos, bras et jambes écartés, formant une étoile, les cheveux encore mouillés, elle regardait le ciel par la fenêtre. Puis elle finit par s’endormir.
Examens truqués
5
L’heure était venue pour Dina d’entrer réellement dans le monde d’Invisibilis. Le jour tant attendu et appréhendé était arrivé. La rentrée des classes.
La jeune fille se leva et s’étira, puis partit s’habiller. Elle enfila une petite tenue d’écolière modèle, jupe plissée bleu marine assortie avec les collants, bottines noires et chemisier blanc. Le roi lui avait vraiment fourni une vaste garde-robe. Elle sautilla un peu partout dans la pièce, trop enthousiaste à l’idée d’intégrer l’élite de la planète.
Dina retomba sur son lit à cette idée, le stress la submergeait. Sa main droite grattait convulsivement la peau de son bras, la brûlant et la faisant saigner légèrement. Mais elle ne pouvait s’arrêter, les émotions la submergeaient.
Il était encore tôt, elle avait une heure pour ne pas être en retard à son examen.
Marguerite lui avait donné des livres pour réviser la veille, elle alla les chercher à la hâte. Ils étaient posés sur le sol, et elle manqua de s’étaler dessus.
Elle inspira à fond et essaya de calmer le tremblement de ses mains quand elle prit un des bouquins. Elle le feuilleta, mais n’arriva pas à se concentrer. Son souffle était saccadé, ses mains étaient moites et elle tremblait. Dina décida de marcher un peu dans la salle pour se calmer, mais rien n’y fit, elle était sujette à une peur incontrôlable.
Maya entra alors sans prendre la peine de frapper et la fit sursauter. La femme d’âge mûr s’inclina devant la princesse et annonça :
« Vous devriez descendre prendre votre petit déjeuner, vous allez bientôt partir pour la Grande Maison. »
Dina hocha la tête, incapable de parler. Son ventre s’était noué rien qu’à l’évocation d’un repas. Elle serra ses bras contre son corps pour refouler son mal être, et se força à respirer normalement.
Elle descendit les marches de la demeure sur ses jambes fébriles. Arrivée dans la cuisine, elle croisa ses camarades de chambre, ils avaient tous les quatre l’air en pleine forme, comparés à elle… Elle soupira et s’assit pour tenter d’avaler un cookie.
« Stressée ? » demanda Augustin tout en souriant avec l’air bienveillant d’un père.
Elle hocha la tête en prenant une bouchée du biscuit.
« Ne t’inquiète pas, tout se passera bien, tu verras. Tu n’es peut-être pas aussi intelligente qu’une Logico, mais tu réussiras cette épreuve. On ne se connaît pas depuis longtemps, pourtant je sais que rien ne pourra t’arrêter, conclut le Spatio Monde.
— Merci, répondit-elle.
— De toute façon, tu n’as plus le choix, tu dois réussir l’examen si tu veux devenir reine, c’est ta seule chance d’être proche d’Adrien et de l’espionner, intervint Alexa. Le sort de la planète repose sur tes frêles épaules, autant dire que nous sommes déjà tous morts.
— Alexa, voyons, tu vas l’effrayer, soupira Marguerite. Néanmoins, tu as raison.
— Si vous êtes trop pessimistes, elle ne réussira pas, s’exclama Amélie. Ne t’inquiète pas, Dina, tu réussiras, j’en suis sûre. »
La jeune fille n’était pas plus rassurée, au contraire, elle n’avait retenu que les paroles d’Alexa. Son cœur battait à une vitesse folle, si cela continuait, elle allait faire un arrêt cardiaque.
Dina se tenait devant la Grande Maison, ses gardes du corps à ses côtés. Son cœur battait à tel point qu’il aurait pu sortir de sa poitrine. Elle avait peur et perdait ses moyens. Elle n’osait pas rentrer dans le grand bâtiment, elle était figée. Elle aperçut alors Antonin, l’homme à tout faire qui l’avait emmenée en ce lieu lors de sa dernière visite. Il vint à leur rencontre, un sourire pétillant posé sur ses lèvres.
« Princesse, comment allez-vous ?
— J’ai connu des jours meilleurs, je suis morte de peur, avoua Dina.
— Je comprends, c’est aujourd’hui que vous passez l’épreuve pour intégrer l’école. Laissez-moi vous accompagner, vos gardes ne sont pas admis dans les salles de cours, dit-il en jetant un coup d’œil aux personnes se trouvant derrière elle.
— Ce serait avec plaisir, merci. »
Il lui tendit son bras, qu’elle prit, hésitante.
La salle des examens était immense et elle était maintenant seule face à l’examinateur. Elle se sentit très vite toute petite, comme une souris perdue au milieu du désert à la merci de quelque prédateur.
Ses beaux vêtements devaient être trempés de sueur, mais elle ne s’en soucia pas.
Antonin l’abandonna à son sort quand Athénaïs arriva avec les fiches du test. Elle les lui tendit, puis partit s’asseoir à l’un des nombreux bureaux, la surveillant du coin de l’œil.
Dina disposait de seulement une heure pour répondre aux questions des quatre feuilles recto-verso. Une goutte de sueur vint s’écraser sur le papier pendant qu’elle commençait à étudier la première page.
Ce n’était que de la logique, il n’y avait pas tellement de calcul à faire pour cette première partie. Il fallait qu’elle découvre grâce à un petit texte qui était l’auteur du meurtre d’une jeune fille de quinze ans. Tout ceci était digne d’une enquête de police, et elle n’y comprenait pas grand-chose.
Elle inspira profondément par le nez pour se donner du courage. Il fallait absolument qu’elle intègre cette école, mais en même temps elle ne savait plus très bien pourquoi.
C’est vrai, elle n’avait jamais voulu être reine, elle ne demandait qu’une chose : continuer ses études en paix. Mais était-ce réellement ce qu’elle désirait ? Tout cela n’avait plus aucun sens pour elle, elle agissait seulement parce qu’on le lui demandait. Avait-elle vraiment fait ses propres choix un jour ?
Elle en doutait, à chaque fois on lui imposait un destin tout tracé, depuis sa naissance elle était destinée à cette planète et cette stupide prophétie : « Quand la médium l’annoncera, alors la reine, l’animal, la métamorphe et le trio s’allieront contre le voyageur du temps. ».
D’ailleurs, que signifiait-elle ? Elle soupira, elle était incapable de se concentrer. Tout cela en valait-il la peine ?
Un souffle d’air chaud vint caresser sa nuque. Dina se retourna en sursaut, mais il n’y avait personne.
Elle revint tout doucement vers sa feuille, le cœur battant. Toutes les réponses étaient déjà inscrites sur le sujet. Elle vérifia plusieurs fois le papier, stupéfaite. L’écriture lui ressemblait et d’après elle les réponses étaient pertinentes et probablement justes.