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Leyla, une femme malmenée par la vie, vit une fin de soirée brutale la nuit de ses trente-neuf ans. À la suite d’une remise en question de son existence, elle essaie d’analyser son parcours et tout ce qui l’a poussée à devenir la dame qu’elle est aujourd’hui. Les blessures cruelles que lui ont infligées tous les gens qu’elle a croisés mais également le mal qu’elle s’est imposé demeurent parfois difficiles à comprendre. Peut-on envisager un avenir après un passé si chaotique ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Grande lectrice de roman noir dès son plus jeune âge,
Marie-France Couture a toujours voulu être la Stephen King québécoise. C’est à la suite d’un congé technique après un accident que ce récit a émergé d’elle dans le plaisir et la souffrance.
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Seitenzahl: 170
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Marie-France Couture
Je n’étais pas prête pour la guerre
Roman
© Lys Bleu Éditions – Marie-France Couture
ISBN : 979-10-377-8674-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.
Ce récit a émergé de moi comme on accouche d’un enfant, dans le plaisir et la douleur. Un roman où s’entremêlent si étroitement la fiction et la réalité au point où moi-même, j’y perds le vrai du faux.
Merde, seulement 5 h 15 et j’en suis déjà à mon deuxième café, je sais je suis une lève tôt. J’ai toujours préféré le matin au soir. Dans la pénombre de l’aurore, le seul dénouement possible est que le jour se lève. Il sera peut-être ensoleillé, couvert ou encore pluvieux, mais le jour se lèvera indubitablement sur un jour où tout est encore possible, un jour qui apporte avec lui l’espoir d’un jour meilleur alors que le coucher de soleil n’apporte sans surprise que noirceur, une noirceur qui parfois peut nous sembler durer une vie. J’aimerais bien savoir qui d’autre que moi se lève à 5 h du matin le jour de ses quarante ans par contre. Je mets la faute sur la préménopause parce que clairement s’il y a un jour où l’on devrait profiter de faire la grasse matinée c’est bel et bien le matin de ses 40 ans, mais clairement le problème vient de moi et non de mes hormones. Oui moi qui digère mal d’avoir à affronter la quarantaine alors que je me sens encore dans la fleur de l’âge, peut-être qu’en me levant si tôt j’ai le sentiment de vivre pleinement chaque journée ou alors la journée d’hier a laissé plus de traces dans mon esprit que je ne l’aurais imaginé. J’étais bien loin de me douter en me levant hier que ma vie allait prendre un tournant tout aussi radical qu’inattendu. Que toute la réalité à laquelle je croyais encore il y a à peine quelques heures allait s’effondrer en me laissant aussi confuse qu’amère, mais je dois l’avouer je sens soudainement monter en moi un soupçon d’excitation… L’excitation que l’on ressent avant d’ouvrir un cadeau, ce mélange doux-amer de joie et d’anticipation.
J’ai beau avoir les yeux grands ouverts, je n’arrive pas à mettre la main sur mon paquet de cigares, rien pour m’aider à me sentir en vie ! Je sais, fumer, ce n’est pas bon pour la santé bla bla bla, mais comme les gens lâches aiment bien le dire ; je choisis mes batailles et dans mon cas par paresse je ne choisis que celles que je suis certaine de gagner. J’admire mon père, hier il fêtait ses 35 ans sans fumer. J’imagine que le fait qu’il soit mort l’a grandement aidé à arrêter. Le désavantage d’habiter dans un petit village d’à peine 800 âmes c’est que tu ne peux pas courir à 5 h 15 du matin sans soutien-gorge jusqu’au dépanneur. À coup sûr je vais tomber sur cette vieille Ginette le regard rempli de jugement qui se dira sûrement ; encore cette paumée de Leyla qui doit sortir tout droit du bar… Si seulement c’était ça Ginette. Elle n’a aucune idée de la soirée que j’ai passée hier, mais elle se ferait un malin plaisir à extrapoler avec ses amies du 3e âge toutes les bêtises que j’ai bien pu faire hier, moi la dévergondée du village, en offensant le seigneur et notre belle religion, en faisant de multiples péchés de chair avant le mariage. En passant, Leyla c’est moi, désolé mon manque de délicatesse, je ne me suis pas présenté. Leila, 40 ans encore tout frais, pas d’enfant, un travail acceptable, mais qui ne reflète en rien l’étendue de mes talents du moins les talents que je crois posséder puisque si je regarde l’étendue de mes diplômes on y constate surtout un grand manque de motivation. J’ai à mon actif plus ou moins 45 formations débutées et à peine 4 terminées. La motivation, c’est l’histoire de ma vie. Pas qu’elle fut toujours absente, bien au contraire, mais c’est plutôt qu’elle a cette fâcheuse tendance à n’être qu’éphémère. Et quand je dis éphémère ce n’est pas un euphémisme ho non, elle arrive du jour au lendemain sur son grand cheval blanc sans avertissement et naïvement je me dis que cette fois c’est la bonne. Oui cette fois enfin je vais terminer ce superbe projet sur lequel j’ai mis tout mon cœur, du moins pour un très bref instant puisque c’est au moment où je m’y attends le moins qu’elle repart aussi vite qu’elle s’est pointée. Pour une raison que j’ignore ou encore que je préfère ignorer, ma vie jusqu’à présent n’a été qu’un éternel recommencement. C’est toujours le même « patern », désolé pour l’anglicisme. Je galère de travail en travail sans but précis, mais avec mille et un projets en tête, changeant de travail et de logement comme les gens normaux changent de chemise. La routine m’épuise, la stabilité me tue. La seule constante dans ma vie a été l’instabilité, l’instabilité, ce sentiment de me tenir toujours sur la corde raide est une sorte de réconfort, c’est enivrant, enveloppant… Comme une grande couverture de laine épaisse tricotée par une grand-mère. Je me sens étrangement réconforté par ce que le commun des mortels trouve extrêmement inconfortable, soit l’instabilité, la peur, l’inconnu. Cependant pour la première fois en 40 ans je me sens vraiment à ma place dans la société et j’aspire à un peu de stabilité. Autant qu’une fille semi-diplômée de 40 ans puisse trouver sa place quelque part, du moins jusqu’à ce matin je le pensais vraiment.
C’est fou comme un simple chiffre peut vous faire prendre conscience de toute une vie, une vie qui au départ vous a paru une éternité puis qui soudainement semble arriver au début de la fin. Tu te couches un soir avec le sentiment que si tu meurs pendant la nuit tu as tout vécu, tu n’as aucun regret puis tu te réveilles le lendemain et ça te saute aux yeux… Tu n’as pas envie que ça se termine, non pas ainsi. Tout ce que tu as vécu ne fait aucun sens si tout s’arrête maintenant. Mais tu es maintenant, et déjà trop vieille pour entreprendre quoique ce soit, trop vieille pour tout recommencer. Ce qui pour une fille comme moi est terrorisant puisque la seule chose que je sais faire c’est recommencer à zéro encore et encore, tout flusher et repartir à neuf comme si la vie était éternelle et que tu pouvais te permettre de continuellement recommencer. Cependant, il est désormais trop tard pour tout recommencer, mais est-il vraiment trop tard pour terminer un chapitre et en débuter le dernier ?
Quand tu es né avec un physique plutôt flatteur comme le mien ; 5 pieds 5 (je vous rassure tout de suite je ne mesurais pas 5 pieds 5 à la naissance ce qui aurait vraiment déplu à ma mère, mais maintenant je les porte vraiment bien), mince, longs cheveux roux bouclés et de magnifiques yeux verts de surcroît. Quand tu es belle tu es loin de t’imaginer que la vie t’en fera baver autant, dans l’imaginaire collectif les gens avec un physique agréable sont perçus comme ayant un avantage marqué sur les autres, peut-être que dans mon cas ça m’a grandement désavantagé ou était-ce qu’un malheureux hasard je ne le saurai jamais. Je me suis toujours considéré comme une femme sexy, même quand je vais faire mon épicerie en jeans et décoiffée j’attire les regards, je transpire le sexe à plein nez comme le dirais mon amie Karine. J’ai bien dit mon amie et oui puisque je n’en ai qu’une, la vie étant ce qu’elle est, elle ne fait rarement de cadeaux à une fille comme moi. Les aimants à mecs pour une raison que j’ignore ont tendance à éloigner les filles, elles se retrouvent comme moi rapidement isolées. Les autres comme je les appelle, les filles normales, se lient contre toi pour t’en faire baver encore davantage comme si nous étions une menace à leur survie. C’est pour cette raison qu’au fil des années qui ont passés je n’ai conservé qu’une seule amie, peut-être aussi n’avais-je pas les aptitudes sociales nécessaires pour évoluer en société, ça je ne le saurai jamais. Je ne saurais décrire notre relation si particulière entre moi et Karine, mais j’ai l’impression qu’elle fait partie de moi. Elle me connaît mieux que je ne me connais, elle est toujours sans jugement et son opinion et d’une telle justesse, tel un ange tombé du ciel pour me sauver de moi-même, j’aurais aimé la rencontrer plus tôt dans ma vie peut-être que les choses auraient été bien différentes. Bon j’ai suffisamment parlé de moi avant de tomber dans les sentiments je vais de ce pas me mettre un soutien-gorge et courir jusqu’au dépanneur acheter des cigares. Courir est un bien grand mot utilisé ici pour décrire l’empressement avec lequel je me sauve puisqu’à fumer comme je le fais, je ne peux malheureusement pas courir, mes poumons n’y survivraient pas. Je suis mince certes, mais en forme ça non. L’alcool et le tabac ont vite fait irruption dans ma vie pour ne jamais me quitter, c’est clairement la seule chose qui a été stable dans ma vie tout au long de ces années. L’autodestruction est innée en moi, je crois, j’ai l’impression que je suis née comme ça, ou peut-être pas…
Dans la vie, j’ai toujours pensé que tous naissaient égaux et que l’avenir qui t’attendait était proportionnellement lié aux efforts que tu lui mettais. Permettez-moi maintenant d’en douter puisque des efforts j’en ai mis, peut-être pas toujours aux bonnes places, mais Dieu sait que j’en ai mis. La veille de mes 5 ans, j’ai eu droit à un réveil tout aussi brutal qu’inattendu, le décès de mon père. Je ne garde qu’un vague souvenir de cette époque, je me vois assise dans le sous-sol de l’église avec une petite robe blanche et une fleur rouge à la main. Est-ce vraiment un souvenir ou c’est sorti tout droit de mon imagination, ça je ne le saurai jamais. Je ressens des sentiments, mais je n’ai pas d’images claires ; des pleurs, des non-dits, un sentiment profond d’abandon. J’ai l’impression que personne ne fait attention à moi, je me sens seule, je ne comprends pas pourquoi tous me laissent tomber. Je suis trop petite à cette époque pour comprendre que leur peine à eux est plus profonde et grande que la mienne puisqu’eux savent ce qu’est la mort, eux ont connu mon père, eux savent que dorénavant rien ne sera plus jamais pareil. J’ai à cet instant compris que la vie ne serait pas douce avec moi. Qui débute dans la vie en perdant le peu de choses qu’elle possède ? Je dis posséder, mais on comprend que mon père n’était pas ma possession, mais plutôt une partie de moi. Même si à l’époque je ne le sais pas encore, je vais passer le reste de ma vie à chercher cette partie de moi, cette partie qui va me manquer chaque jour de ma triste existence. C’est cliché de dire qu’une fille élevée sans père cherchera plus tard dans toutes ses relations l’attention et l’amour de celui-ci qui lui ont tant manqué, mais je dois me rendre à l’évidence que dans mon cas ça s’est avéré plutôt exact. Je n’en ai jamais voulu à la vie de m’avoir enlevé mon père si tôt, mais étrangement à lui oui ! Je sais que ce n’était pas de sa faute bien entendu, que c’était le fruit d’un malheureux hasard s’il s’est retrouvé cette nuit-là sur la route d’un chauffard ivre, mais pour une raison que j’ignore je lui en veux à lui. J’ai ressenti un terrible abandon, comme si l’on m’avait enlevé une partie de moi et cette partie c’était mon âme. Je me sentais vide de l’intérieur. Je suis persuadé au plus profond de mon être que ma vie avec un père aurait été bien différente, aurait été meilleure, enfin c’est ce que j’aime penser. Avoir des parents, un encadrement de la bouffe dans le frigo aurait sûrement fait de moi une personne différente. Une meilleure personne ça je ne sais pas, mais une personne différente ça j’en suis convaincue. Certes, je n’ai pas été élevé par mon père, mais des pères j’en ai eu, à un point tel qu’il me serait difficile, voire impossible, de les énumérer !
La mort de mon père a signé le début de la fin pour ma mère. Ma mère c’est un bien grand mot pour désigner une femme qui s’est ramassée veuve à 26 ans avec un bébé de 5 ans sur les bras, un enfant qu’elle n’avait clairement pas voulu qui plus est. Je ne sais pas si ma mère m’a un jour aimé, puisque moi je ne sais pas ce qu’est l’amour, car à l’évidence j’en ai toujours été privé. J’ai toujours eu l’ultime conviction que Caroline n’avait jamais voulu d’enfant contrairement à mon père, qu’elle avait cédé à sa demande par peur de le perdre. Elle avait un tel manque d’amour d’elle-même qu’elle le cherchait dans les hommes qu’elle rencontrait, peut-être en avait-elle été privée elle aussi toute sa vie. Cette conviction de n’avoir pas été désiré s’est avérée un fait quelques années plus tard, un aveu secret d’une amie à ma mère saoule un soir de débauche. Est-ce vraiment ce qui est arrivé, est-ce que je peux vraiment me fier à une fille saoule un soir de brosse ça je ne le saurai jamais, mais au fond de moi je le sens, je le ressens. J’ai été élevé sur une ferme, je dis bien que j’ai été élevé sur une ferme puisque les seules fois où l’on s’est vraiment occupé de moi j’imagine que c’est pendant les 5 premières années de ma vie où j’ai habité avec mes parents à la ferme. Mais vous voyez même ça je n’en suis pas certaine, hormis le fait que je n’en conserve aucun souvenir, rien dans mon histoire ne me laisse penser qu’on s’est déjà occupé de moi. Les seuls indices qui me portent à croire qu’on a déjà pris soin de moi ce sont les rares photos que je conserve de cette époque, une époque qui en photo me semble heureuse. Des photos de moi et mon père collé sur le divan, mon père couché avec moi dans ma bassinette ou encore nous 2 sur un 3 roues. Des photos de moi et ma mère je n’en aucune ni de cette période ni d’aucune autre d’ailleurs. On comprendra que dans ma vie le point tournant a été la mort de mon père, cette mort qui a tout fait basculer. Je crois que dans la vie nous naissons avec un côté sombre et un côté lumière et que chaque personne que nous rencontrons tout au long de notre chemin nourrit une de ces deux facettes de notre personnalité. Je vais classer mon père dans la catégorie lumière puisqu’il est bien connu qu’on idéalise toujours les gens qui sont absents. Comment pourrait-on rester fâché envers une personne décédée ? Le cerveau est ainsi fait, il oublie rapidement les mauvaises expériences de la vie pour ne laisser place qu’aux beaux souvenirs. Cette théorie ne s’applique en général qu’avec les personnes décédées puisque pour les autres je garde des souvenirs indélébiles de toutes les merdes qu’elles m’ont fait endurer. Je crois que ce vieil adage s’applique surtout aux veuves puisque tout au long de sa vie ma mère a recherché le fantôme de mon père. Elle l’a tellement idéalisé qu’il lui a été impossible de rencontrer quelqu’un d’autre, personne n’a jamais à ses yeux été aussi bon et aussi doux que mon père. Peut-être cherchait-elle seulement aux mauvais endroits ?
Même si je garde un souvenir heureux de mon père, le sentiment de manque que sa mort m’a apporté va me poursuivre tout au long de ma vie. Un souvenir doux et difficile à la fois, le sentiment que ressent un junky après sa première dose. Elle a tellement aimé qu’elle essaie toute sa vie d’avoir le même « hi », plus elle consomme moins ce sentiment est intense. C’est comme ça que je me sens, plus je cherche à reproduire ce bonheur, plus le vide en moi se creuse, plus ma peine s’alourdit.
Les premiers souvenirs que je conserve de ma mère ne sont pas très joyeux, aucun des souvenirs que j’ai d’elle ne l’est d’ailleurs. Pour les besoins de la cause, nous l’appellerons Caroline. J’ai toujours appelé ma mère par son prénom du plus loin que je me souvienne, puisque je ne ressens aucun lien qui nous unit. Pour donner un surnom à quelqu’un ou encore la nommer d’un petit mot affectueux nous devons de prime abord ressentir de l’affection ou de la proximité pour cette dite personne. J’ai toujours pensé que c’était moi le problème que j’étais incapable d’aimer, que j’étais née comme ça. Puis un jour, j’ai compris que pour développer de l’amour ou de l’affection pour quelqu’un nous les êtres humains nous avons besoin de développer des liens et que ces liens n’étaient pas innés, exception faite de notre progéniture puisque sinon il y a belle lurette que l’espèce humaine ce serait éteinte. Dans le cas de Caroline, c’est différent, elle n’a jamais été en mesure psychologiquement de me porter aucune marque d’affection que ce soit, je ne sais pas si c’est dû à un traumatisme ou si elle est née comme ça, mais le lien parental était absent chez elle. Certains diront que les liens qui ne sont pas innés peuvent se développer, mais elle, elle en était incapable, en y pensant, c’était certainement dû au fait qu’elle dispersait son affection aux nombreux hommes qui passaient dans son lit. D’une certaine façon, je crois qu’elle a passé sa vie elle aussi à chercher mon père.
Quand je pense à ma mère, la première chose qui me vient en tête c’est sans aucun doute l’odeur de vomi, cette odeur si caractéristique de mon enfance. Cette odeur puissante et âcre qui vous colle au nez. Caroline buvait chaque soir à s’en rendre malade, qu’elle soit triste ou heureuse importait peu, elle buvait jusqu’à vomir. Elle n’était ni belle ni laide, mais elle était charismatique, un vrai aimant à paumer. Pour être capable d’affronter la vie elle avait besoin d’aide et dans son cas l’aide c’était l’alcool. Chez moi il n’y avait jamais une goutte d’alcool, ce qui est plutôt étrange pour une alcoolique, non Caroline était une buveuse sociale. Quand je dis social, ça implique indubitablement des hommes. Elle avait ce grand besoin de se sentir désirable et désirée, un besoin si profond et insatiable qu’elle buvait pour oublier. Elle buvait pour oublier, elle buvait pour célébrer, elle buvait pour survivre. J’imagine qu’oublier un mort, faire un trait sur une vie qu’on avait tant aimée, ou encore idéalisée n’était pas chose simple puisqu’elle buvait tellement qu’elle finit par se perdre elle aussi. Elle finit par se perdre ou était-elle déjà perdue et mon père lui a servi de phare qu’un bref instant, c’est l’hypothèse la plus plausible à mes yeux.