L’Amour de Jarmen - S.E. Smith - E-Book

L’Amour de Jarmen E-Book

S.E. Smith

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Beschreibung

Lui est un monstre qui découvre qu’il a un cœur ; elle est une femme qui veut rester anonyme…
Jarmen D’ju n’a aucun souvenir de sa vie passée. Ils lui ont été volés dans le laboratoire où il a été transformé en monstre. Son sauvetage lui permet de retrouver la liberté, mais il sait qu’il n’aura jamais la vie qu’il veut. En tant qu’être composé à moitié de matière organique et à moitié de composants mécaniques, il devra toujours se cacher, et trouver une partenaire n’est pas une option, car qui pourrait aimer un monstre ?
Jane Doe se réveille à bord d’un vaisseau extraterrestre, hantée par les souvenirs de son ancienne vie, une vie dont les tragédies ont failli la tuer. Secourue et protégée par sa nouvelle famille du cirque, elle sait qu’on lui offre une seconde chance, mais là d’où elle vient, la chance tourne vite et le bonheur n’est rien de plus qu’une illusion. Elle pense qu’il en sera de même ici jusqu’à ce qu’elle rencontre un extraterrestre qui tient plus de la machine que de l’homme.
Dans le plus improbable de tous les endroits, Jarmen découvre qu’il a un cœur et Jane trouve le seul homme de la galaxie capable de faire disparaître ses cauchemars. Un simple instant bouleverse leurs vies à tout jamais et force Jarmen à prendre une décision qui pourrait changer l’histoire de l’univers.
Aidé d’amis insolites, Jarmen parviendra-t-il à défier le temps ? Où la mort finira-t-elle par revendiquer son dû ?
Auteur de renommée internationale, S.E. Smith propose deux nouvelles histoires d’action pleines de romance et d’aventure. Débordant de l’humour qui la caractérise, de paysages éclatants et de personnages attachants, il est certain que ce livre deviendra un nouveau favori des fans !

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Seitenzahl: 376

Veröffentlichungsjahr: 2024

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L’AMOUR DE JARMEN

S.E. SMITH

REMERCIEMENTS

Je voudrais remercier mon mari Steve de croire en moi et d'être assez fier de moi pour me donner le courage de suivre mes rêves. J'aimerais également remercier tout particulièrement ma sœur et meilleure amie, Linda, qui non seulement m'a encouragée à écrire mais a également lu le manuscrit. Et également mes autres amis qui croient en moi : Jennifer, Jasmin, Maria, Rebecca, Gaelle, Angelique, Charlotte, Rocío, Aileen, Julie, Jackie, Lisa, Sally, Elizabeth (Beth), Laurelle, et Narelle. Les filles qui m'aident à continuer !

Et un merci tout particulier à Paul Heitsch, David Brenin, Samantha Cook, Suzanne Elise Freeman, Laura Sophie, Vincent Fallow, Amandine Vincent, et PJ Ochlan, les voix fantastiques derrière mes livres audios !

—S.E. Smith

L’Amour de Jarmen

Les Seigneurs de Kassis Tome 6

Copyright © 2024 par Susan E. Smith

Publication E-Book en anglais avril 2023

Publication E-Book en français mars 2024

Couverture par : Montana Publishing

Traduit Par : Charlotte Spender

Relu Par : Gaëlle Darde

TOUS DROITS RÉSERVÉS :

Cette œuvre littéraire ne peut être reproduite ou transmise sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, y compris la reproduction électronique ou photographique, en tout ou en partie, sans l'autorisation écrite expresse de l'auteur. Aucune partie de l’œuvre de l'auteur ne pourra être utilisée pour l'entraînement d'une IA sans l'autorisation écrite expresse de l'auteur. Tous les personnages et événements de ce livre sont fictifs ou ont été utilisés de façon fictive, et ne doivent pas être interprétés comme étant réels. Toute ressemblance avec des personnes vivantes ou décédées, des événements réels ou des organisations est strictement fortuite et n'est pas voulue par l'auteur.

Résumé : Jarmen, un guerrier génétiquement modifié qui n’a aucun souvenir de son passé, défiera le temps et l’espace pour sauver l’Humaine qu’il aime.

ISBN : 9781959584995 (livre de poche)

ISBN : 9781959584988 (eBook)

Romance (amour, contenu sexuel explicite) | Science-Fiction (Extraterrestres) | Paranormal | Action/Aventure | Fantasy

Publié par Montana Publishing, LLC

& SE Smith de Florida Inc. www.sesmithfl.com

RÉSUMÉ

Lui est un monstre qui découvre qu’il a un cœur ; elle est une femme qui veut rester anonyme…

Jarmen D’ju n’a aucun souvenir de sa vie passée. Ils lui ont été volés dans le laboratoire où il a été transformé en monstre. Son sauvetage lui permet de retrouver la liberté, mais il sait qu’il n’aura jamais la vie qu’il veut. En tant qu’être composé à moitié de matière organique et à moitié de composants mécaniques, il devra toujours se cacher, et trouver une partenaire n’est pas une option, car qui pourrait aimer un monstre ?

Jane Doe se réveille à bord d’un vaisseau extraterrestre, hantée par les souvenirs de son ancienne vie, une vie dont les tragédies ont failli la tuer. Secourue et protégée par sa nouvelle famille du cirque, elle sait qu’on lui offre une seconde chance, mais là d’où elle vient, la chance tourne vite et le bonheur n’est rien de plus qu’une illusion. Elle pense qu’il en sera de même ici jusqu’à ce qu’elle rencontre un extraterrestre qui tient plus de la machine que de l’homme.

Dans le plus improbable de tous les endroits, Jarmen découvre qu’il a un cœur et Jane trouve le seul homme de la galaxie capable de faire disparaître ses cauchemars. Un simple instant bouleverse leurs vies à tout jamais et force Jarmen à prendre une décision qui pourrait changer l’histoire de l’univers.

Aidé d’amis insolites, Jarmen parviendra-t-il à défier le temps ? Où la mort finira-t-elle par revendiquer son dû ?

LISTE DES PERSONNAGES

Jarmen D’ju (Unité 482) – destiné à être avec Jane Doe

Ajaska Ja Kel Coradon – ambassadeur de l’Alliance, père de Torak, Manota et Jazin

Torak Ja Kel Coradon – accouplé à River Knight

Manota Ja Kel Coradon – accouplé à Jo Strauss

Jazin Ja Kel Coradon – accouplé à Star Strauss

Gril Tal Mod – accouplé à Madas Tralang

Trolis – guerrier/traître tearnat, fils de Gril, beau-fils de Madas, tué par River Knight

Progit – guerrier/traître tearnat, tué par River Knight

Armet – capitaine de la garde de Jazin

Shavic – guérisseur à bord du vaisseau de guerre de Torak

Conseiller Rai Marc

Conseiller Grif Tai Tek – traître, travaille avec la rébellion

Kev Mul Kar – capitaine de la garde de Torak

Dakar – vrai nom Adron, frère de Kev Mul Kar, espion travaillant sous couverture en tant que le capitaine de la garde de Tai Tek

Ristéard Roald – accouplé à Ricki

Joren Tralang – frère cadet de Madas

Humains/Membres du cirque

Jane Doe

River Knight

Star Strauss

Jo Strauss

Walter Bailey

Nema Bailey

Suzy

Curly

Marvin (extraterrestre déguisé en Humain, kor d’lur)

Martin (extraterrestre déguisé en Humain, kor d’lur)

Ricki Bailey Roald

Stan – génie de l’informatique pour le cirque

Marcus le Magnifique

Jon Paul

Luc

Vivian Davidson

Samuel Davidson

La maison de Kassis

Maison nord – maison principale, dirigée par Torak. La maison principale accueille le prochain dirigeant de la maison de Kassis et est la résidence principale de Torak, bien que son père soit encore en vie et dirige toujours Kassis

Maison sud – salles de conférence, salles à manger, une aile médicale, d’autres chambres d’amis pour les dignitaires en visite et des pièces pour divertir les invités

Maison est – la maison est est dirigée par Manota et est connue comme la deuxième maison de Kassis. Elle a été construite presque à l’identique de la maison nord, excepté les quelques modifications apportées par Manota.

Maison ouest – également connue sous le nom de troisième maison de Kassis, elle est dirigée par Jazin

Terminologie

Vieux kassisan :

« Kil mai ta eff mauway ! » : Arrêtez-vous et identifiez-vous !

« Ki taka makki » : Je viens en paix.

Latin :

« dic nomen tuum » : Dis ton nom.

Histoire de Kassis

Les anciens textes racontent que le peuple de Kassis faillit disparaître lorsque son monde fut attaqué par une race d’extraterrestres cruels qui voulaient y éradiquer toute forme de vie.

Zephren, le dieu de la guerre, ses deux fils et ses trois filles arrivèrent sur le monde de Kassis voilà des milliers d’années, la nuit où les lunes jumelles de Kassis s’alignèrent pour n’en former plus qu’une. L’on raconte que cela ne se produit qu’une fois tous les deux mille ans. Le ciel prit une teinte violet foncé à cause de la violente tempête qui faisait rage dans les cieux. Dans la tempête, cinq grands vaisseaux apparurent dans le ciel au-dessus des dernières villes de Kassis, chacun commandé par l’un des grands dieux et déesses.

L’on raconte que c’est ainsi que les quatre maisons de Kassis furent formées, dans le but de rendre le monde de Kassis plus fort.

Elpidios

Ristéard Roald – accouplé à Ricki Bailey, grand dirigeant d’Elpidios

Commandant Mena Rue – ancienne amante d’Ajaska

Draka

Unité 626 – assassin génétiquement modifiée pour le compte des Drakas, renommée Charon par Luc

Général Palatine Namla – commandant draka

Docteur Seanna Labyrinth – responsable des recherches drakas

Lieutenant Hast – assistant du général Namla

Commandant Cerberus Teivel – responsable du laboratoire de recherches sur la lune Ala’mont, père de Seanna Labyrinth.

PROLOGUE

Laboratoire secret,

Sur la lune Ala’mont :

— Détruisez tout, ordonna le général Cerberus Teivel d’une voix tonitruante par-dessus le bruit des tirs laser et des alarmes.

Jarmen D’ju était assez conscient pour sentir la profonde vague de panique qui avait déferlé dans la salle avant même que Cerberus n’entre en trombe dans le laboratoire. La rage froide dans la voix du commandant draka l’arracha aux brumes de la douleur qui obscurcissaient son esprit. Le Draka montrait rarement ses émotions, mais quand il le faisait, c’était de la colère… généralement dirigée contre Jarmen.

— Et les sujets ? demanda un scientifique en panique.

— Le général a dit que tout devait être détruit. Pas de survivants, répondit l’un de ses collègues d’une voix tendue.

Attaché à un cadre métallique au centre de la pièce, Jarmen garda la tête baissée et les yeux clos afin que les hommes ne remarquent pas qu’il s’était réveillé et qu’il pouvait entendre leur conversation. Les deux sujets à côté de lui ne réagirent pas non plus, mais il était certain que c’était parce qu’ils n’étaient pas conscients. Il s’agissait d’unités plus récentes, pas encore achevées, qui conservaient encore une partie de leurs souvenirs et de leurs émotions, ce qui les rendait imprévisibles.

Le bruit distant de tirs laser était à peine audible par-dessus le vacarme provoqué par la destruction de la pièce. Jarmen tourna la tête et vit Cerberus passer devant la rangée d’hommes enfermés dans des cryocylindres et se diriger vers le boîtier de commande d’urgence.

Les scientifiques l’appelaient le commandant Sama’el, l’Ange de la mort. Jarmen, lui, se contentait de l’appeler par le nom de son espèce — Draka — en y ajoutant assez de dérision pour que cela ressemble à une insulte. C’était un bien maigre acte de rébellion, mais savoir que l’homme haïssait ce surnom était on ne peut plus satisfaisant.

Le vaste complexe avait été construit dans le cratère d’impact d’une météorite tombée un millénaire auparavant. Le laboratoire et le centre chirurgical contenaient une multitude d’ordinateurs et beaucoup de matériel médical. En ce moment même, il accueillait moins d’une douzaine de sujets. Ils se débarrassaient le plus vite possible des spécimens ratés dans une autre partie du laboratoire.

De la fumée envahissait de plus en plus la pièce alors que la destruction du matériel continuait à un rythme soutenu. Jarmen regarda calmement Cerberus ouvrir le couvercle protecteur transparent du petit boîtier métallique fixé au mur et appuyer sur le bouton rouge. Tous les cryocylindres commencèrent à se remplir d’un acide rouge foncé.

Au moment où leur chair commença à se dissoudre, les hommes à l’intérieur des cylindres se réveillèrent et se débattirent contre les sangles qui les retenaient. Leur enveloppe organique disparut, révélant l’armature en adamantium en dessous qui continuait à bouger.

Leurs cerveaux, à demi protégés par leurs crânes, leur permirent de maintenir leurs systèmes de base opérationnels… jusqu’à ce que Cerberus coupe leur alimentation en électricité. L’un après l’autre, la lumière s’éteignit dans leurs yeux.

Dans le chaos ambiant, un laborantin heurta un scientifique près de lui, le renversant contre Jarmen. L’homme retrouva son équilibre et s’éloigna, mais pas avant que Jarmen n’ait volé la carte magnétique attachée à sa veste.

Se connectant à l’ordinateur central par le biais de la puce de la carte magnétique, Jarmen téléchargea autant d’informations qu’il le put avant que l’ordinateur ne s’éteigne. Ses yeux brillaient pendant qu’il traitait les données.

Le bruit de tirs laser se rapprochait. Les scientifiques commençaient à s’enfuir par la sortie de secours à l’autre bout de la salle, derrière lui.

Jarmen n’avait pas besoin de tourner la tête pour le moment. Le système de vidcom de la pièce continuait d’enregistrer, ce qui signifiait qu’il voyait tout ce qui se passait dans la base… dont ce qui — ou qui, devrait-il dire — avait provoqué une telle panique.

Il finit par tourner la tête pour surveiller Cerberus tandis qu’il approchait, une courte épée laser à la main. Le Draka s’arrêta devant l’unité à côté de Jarmen et brandit son épée brillante. Les deux unités étaient à présent réveillées et elles se débattaient désespérément contre les sangles.

— Je vous en prie, laissez-nous partir ! implora Unité 558.

— Je ne crois pas, non, répondit froidement Cerberus.

— Non ! hurla Unité 558.

L’odeur de chair brûlée donna des haut-le-cœur aux scientifiques non loin de là. L’un d’eux se détourna avec une expression horrifiée alors que la tête d’Unité 558 tombait sur le sol de pierre et roulait sous une console.

Unité 624 se débattit encore plus farouchement. Des jurons gutturaux et des promesses de vengeance se firent entendre.

Jarmen aurait pu informer Unité 624 que les menaces, les supplications et se débattre ne changeraient rien à l’issue. L’ordre était « aucun survivant », aucun, pas même les scientifiques qui croyaient pouvoir s’enfuir par le long tunnel derrière lui.

L’extrémité de ce tunnel avait déjà été scellée. Une fois à l’intérieur, les scientifiques seraient piégés et des tirs laser mettraient fin à leur vie. Il entendait déjà les cris paniqués de quelqu’un qui demandait qu’on leur ouvre la porte à l’autre bout.

Cerberus abattit Unité 624 d’un coup net qui sépara sa tête de son corps. Celle-ci n’avait même pas atteint le sol que le Draka se tourna et posa ses yeux gris pâle habités d’une sombre promesse sur Jarmen. Cependant, sa mort fut légèrement retardée quand l’attention de Cerberus fut détournée par le dernier scientifique qui entra dans le tunnel. Les lèvres du général se courbèrent en un rictus sadique. Il leva le pistolet laser dans son autre main et visa le panneau de contrôle de la porte du tunnel.

Cerberus tira une fois et fit mouche. L’épaisse porte d’acier du tunnel se ferma rapidement. À présent, il ne restait plus que Cerberus, Jarmen et les forces d’invasion sur la base lunaire.

Jarmen fit tourner la carte magnétique volée entre ses doigts. Il la fit glisser jusqu’à la tenir par le bord et la tendit le plus loin possible. Le capteur contenu à l’intérieur de la carte retentit, déverrouillant les sangles à ses poignets. Le bruit discret fut couvert par celui de la porte d’acier qui se fermait et le vacarme de la bataille qui avait lieu à l’extérieur de la salle.

Cerberus, ignorant tout de la soudaine liberté de Jarmen, lui refit face. Les lèvres du Draka s’étirèrent sous l’effet d’une jubilation anticipée.

— Je vais prendre plaisir à te tuer.

Une sombre satisfaction gagna Jarmen. Cerberus était sur le point de faire la connaissance du monstre qu’il avait créé.

L’épée du Draka fendit l’air avant de se voir arrêtée net quand Jarmen agrippa le poignet du commandant dans un mouvement qui arracha les câbles reliés à son bras gauche. La course de l’épée fut stoppée à quelques centimètres à peine du cou de Jarmen. Sous le choc, le Draka se figea.

— Non… tu n’en feras rien.

Cerberus hésita, surpris. C’était une erreur que le Draka allait regretter. Jarmen tordit le poignet de son tortionnaire d’une prise puissante. Il rattrapa la courte épée laser au moment où elle tomba des doigts inertes de son adversaire.

— Tu es un monstre qui doit être détruit, siffla Cerberus, le visage tordu de douleur.

— Pas par toi, répliqua-t-il d’une voix dénuée d’émotion.

Cerberus leva son pistolet. D’un coup d’épée, Jarmen lui trancha l’avant-bras avant qu’il n’ait le temps de tirer. Le visage du général Draka blêmit jusqu’à arborer la même couleur blanc cendré que ses dreadlocks et il tomba à genoux.

D’un nouveau coup d’épée, Jarmen le décapita de la même façon que le général avait tué les deux unités à côté de lui. Quelques secondes plus tard, les premiers assaillants du complexe entrèrent dans le laboratoire.

Jarmen ne leva pas les yeux. Sa vie était sur le point d’être achevée et il acceptait cette issue. Il sentait déjà son corps s’éteindre.

— Seigneur Jazin ! Il y a un survivant ! cria un homme.

Jarmen regarda calmement les câbles encore reliés à son autre bras, à ses jambes et à son dos. Le bruit de bottes sur le sol de pierre ne l’intéressa aucunement.

Lorsqu’une paire de bottes s’arrêta devant lui, Jarmen ressentit une très légère curiosité pour l’homme qui le tuerait. Il releva lentement la tête et croisa une paire d’yeux argentés brillants dans lesquels il lut de l’horreur et de la compassion. Jarmen comprenait l’horreur, mais la compassion…

Jarmen tendit son épée à l’homme.

— Vous pouvez m’achever maintenant. Je… ne résisterai pas, dit-il, butant sur les derniers mots.

Jazin tendit lentement la main et prit l’épée. Puis, il l’éteignit et la posa. Jarmen fronça les sourcils.

— Tu as un nom ? demanda Jazin.

Jarmen pencha la tête.

— Je… m’appelle… Jarmen D’ju.

— Comme le Jarmen D’ju des Contes des deux galaxies ?

— Oui.

— C’est un de mes livres préférés, affirma Jazin en s’approchant.

Perplexe, Jarmen le regarda le débrancher. Ses jambes se dérobèrent sous lui lorsque les sangles qui le retenaient au cadre métallique furent détachées.

Jazin passa un bras autour de lui et l’allongea sur le sol. Un autre homme accourut et s’agenouilla à côté d’eux.

— Voici Shavic. Il est guérisseur, expliqua Jazin.

Shavic ne ressemblait en rien aux guérisseurs auxquels Jarmen était habitué. Ses mains étaient délicates et ses yeux doux.

Jarmen agrippa le poignet de Jazin et tourna la tête vers lui.

— Vous… devriez… m’achever maintenant.

Jazin esquissa un sourire triste et secoua la tête.

— Je n’ai pas fait tout ce chemin pour te tuer, l’ami.

Une fois de plus, la perplexité gagna Jarmen et il fronça les sourcils. Shavic murmura qu’il était impératif qu’ils l’emmènent à bord du vaisseau de guerre.

Jarmen devait s’éteindre. Son esprit et son corps souffraient des expériences menées par les scientifiques et il avait besoin de temps pour se réparer… mais il devait d’abord entendre la réponse à une question.

— Jarmen… était… un monstre, mais… votre… préféré ? demanda-t-il en se forçant à ouvrir les yeux.

Jazin lui prit la main et secoua la tête.

— Jarmen était un héros, il a sauvé la galaxie.

Jarmen assimila cette information.

— Les gens… le… craignaient, répliqua-t-il.

— Suzanne l’aimait, souligna gentiment Jazin.

Jarmen y réfléchit un instant avant de se détourner et de fixer le plafond.

— C’est… une bonne… histoire, répondit-il avant de fermer les yeux et de s’éteindre.

* * *

Dix heures plus tard, il se réveilla avec l’étrange sensation d’être… revigoré. Il prit quelques secondes pour évaluer son environnement. La première chose qu’il remarqua fut que la pièce baignait dans la pénombre.

Aucune lumière vive ne se reflétait sur toutes les surfaces comme cela avait été le cas dans le laboratoire sur Ala’mont. Au contraire, elle était agréable et d’une teinte légèrement chaude. Les murs et le plafond gris ne la réfléchissaient pas.

La plateforme sous lui était moelleuse. Tout semblait… étranger. Serrant les poings, il évalua la matière qui le recouvrait et sous laquelle reposait son corps. Sous le tissu, rien ne l’entravait. Il se redressa lentement, s’émerveillant d’être libre de ses mouvements.

Il accéda immédiatement au système informatique afin de déterminer à quoi il était confronté. Les informations qu’il reçut le surprirent. Ce n’était pas un vaisseau de recherche, mais de guerre.

Jazin était le troisième fils d’Ajaska Ja Kel Coradon. Ajaska avait transmis le rôle de dirigeant de sa maison à son fils aîné, Torak. Les informations concernant la maison Kassis et sa position au sein de l’Alliance affluaient dans l’esprit de Jarmen aussi vite que l’ordinateur pouvait les télécharger.

Il ne perçut aucune menace imminente, mais une émotion : la perplexité. Pourquoi un membre de la famille royale de Kassis mettrait-il tant de moyens en œuvre pour le libérer ?

Le bip de la porte l’avertit qu’il n’était plus seul. Le guérisseur qui s’était occupé de lui plus tôt contourna la cloison et s’arrêta pour l’examiner avec bienveillance. Jarmen se tendit, son esprit documentant les moindres détails de la vie de l’homme contenus dans la base de données du vaisseau. Rien dans son passé — du moins, selon les informations enregistrées dans l’ordinateur du vaisseau de guerre — ne l’alarma. Il étudia les objets que l’homme tenait.

— Je vois que vous êtes enfin réveillé. Ravi de voir que vous avez pu vous reposer, le salua Shavic.

Jarmen ne le quitta pas des yeux tandis qu’il s’approchait lentement. Shavic lui tendit la pile de vêtements pliés ainsi qu’une paire de bottes noires. Il accepta ce cadeau inattendu.

— C’est pour vous, l’informa le guérisseur.

Son esprit analysa les informations que lui envoyèrent les capteurs implantés au bout de ses doigts. Dans une main : matière organique, teinte, prélavée dans le but de l’assouplir.

Dans l’autre main : matière organique souple et résistante, cousue, fabriquée et tissée dans le but d’assurer la protection et le confort.

Il serra le tissu dans sa main. Cela faisait longtemps qu’il n’avait plus eu le droit de porter des vêtements. Aucune unité n’avait été autorisée un tel luxe, car cela gênait les expériences des scientifiques.

— Je vous attends à côté pendant que vous vous habillez. Le seigneur Jazin aimerait vous voir, annonça Shavic.

Jarmen hocha la tête. Il entendit le guérisseur marquer un temps d’arrêt puis partir, la porte coulissante se fermant derrière lui.

Le calme régnait. L’absence de conversations, de hurlements et de bips le désorientait. Ce silence auquel il n’était pas habitué était encore renforcé par le léger bourdonnement du vaisseau.

Il posa les vêtements sur le lit et s’habilla avec attention. Il prit son temps, savourant la sensation de la douce étoffe contre sa peau. Soulevant la chemise, il passa les bras dans les manches longues et la ferma avant d’enfiler le sous-vêtement et le pantalon noirs assortis. Tout était parfaitement à sa taille.

Ensuite, il mit les chaussettes. Il fixa ses pieds et remua ses orteils cachés par le doux et épais tissu. Il ne se rappelait pas quand il avait porté des chaussures et encore moins des chaussettes pour la dernière fois. Il se pencha et enfila les bottes. Il bascula de l’avant à l’arrière de ses pieds afin d’en tester la taille et le confort. C’était comme si ces chaussures avaient été faites spécialement pour lui.

Se redressant, il parcourut de nouveau la pièce du regard. Il se trouvait visiblement dans une partie de l’aile médicale, mais rien ici ne lui paraissait menaçant. Il reporta son attention sur la porte par laquelle Shavic était entré et sorti. Le bruit discret d’un talon de botte sur le sol lui fit baisser les yeux. Cette fois, le bruit venait de lui !

Il ajusta sa démarche et fit quelques pas dans la pièce jusqu’à être certain de ne plus faire un bruit quand il se déplaçait. Satisfait, il sortit de la salle.

Shavic lui jeta un coup d’œil critique et sourit. Jardin n’imita pas son expression faciale et le sourire du guérisseur s’évanouit lentement.

— Oui, bon, je vais vous conduire à la salle des officiers, dit Shavic.

Jarmen suivit le guérisseur hors de l’unité médicale. Ils partirent à gauche et traversèrent un long et large couloir bien éclairé. Il ignora les regards curieux des membres d’équipage kassisans à leur passage.

Ils s’arrêtèrent et attendirent l’ascenseur. Les portes s’ouvrirent sur plusieurs hommes. Leurs rires moururent lorsqu’ils le virent et leurs expressions se fermèrent. Shavic les chassa avec un grognement avant d’entrer dans la cabine et de se tourner.

— C’est quoi, ça ? marmonna l’un des hommes en regardant par-dessus son épaule.

— Vous avez vu comme ses yeux brillaient ? murmura un autre.

Les portes se refermèrent et l’empêchèrent d’entendre le reste de leurs commentaires.

— Ignorez-les, conseilla Shavic.

Jarmen se concentra sur les lumières changeantes. Ils montaient au niveau 5, où se trouvait la passerelle de commandement. Il afficha la carte du vaisseau dans son esprit.

— Par ici, dit le guérisseur au moment où les portes s’ouvrirent.

Shavic n’avait pas encore fini de parler que Jarmen tournait déjà à droite. Les membres de l’équipage qu’ils croisaient s’écartaient sur leur passage.

Une scène des Contes des deux galaxies lui revint à l’esprit.

« Je plonge dans les yeux des hommes et des femmes qui me regardent passer et j’y lis de l’horreur, de la peur et de la pitié. Je peux vivre avec l’horreur. Je peux me délecter de leur peur. C’est la pitié que je trouve abjecte et que je voudrais pouvoir effacer de ma mémoire… »

Shavic lui fit signe d’entrer dans une autre pièce. Jarmen franchit la porte et s’arrêta, ne sachant pas ce que l’on attendait de lui.

— Jarmen, entre.

La voix de Jazin contenait une note chaleureuse. Il pouvait en dire autant de celle de Shavic, ce qu’il n’avait pas enregistré jusqu’à présent. Le fait de l’avoir catégorisé comme « guérisseur » avait ajouté un délai.

Jarmen ne bougea pas et se demanda si c’était un nouveau test créé par ses tortionnaires. Il regarda la table. L’arôme de la nourriture envoûta ses sens. La faim lui tordit l’estomac. Il posa une main sur son ventre quand il le sentit gronder. C’était… un inconfort inhabituel.

Jazin lui tendit une coupe en cristal transparent emplie d’un liquide doré. Jarmen l’accepta et ils se dévisagèrent pendant plusieurs secondes avant que Jazin ne lui sourie et ne lève son verre.

— À la liberté, dit l’homme.

Jarmen imita le mouvement de Jazin, qui entrechoqua doucement leurs coupes avant de boire une gorgée et de se détourner. Jarmen cessa de fixer le dos de l’homme et observa son propre verre levé.

Les Kassisans étaient surtout connus pour un cristal en particulier dont leur planète regorgeait. Nombre de leurs créations en étaient composées, dont cette coupe. Le cristal kassisan était non seulement utilisé comme matériau de construction, mais il leur fournissait également de l’énergie et cette ressource abondante donnait aux Kassisans une longueur d’avance en matière de progrès technologiques.

Lentement et en analysant chaque mouvement, Jarmen porta la coupe à ses lèvres et but le liquide qu’elle contenait. Une chaleur apaisante envahit sa bouche et descendit le long de sa gorge, vers son estomac qui grondait. Une myriade de saveurs — de fruits et de céréales — éclata sur ses papilles gustatives améliorées. C’était un alcool kassisan, fermenté et vieilli.

— Pourquoi… faites-vous ça ? Où suis-je ? demanda Jarmen, baissant la coupe et traversant la pièce pour rejoindre Jazin.

Ce dernier se détourna de la vue de l’espace et posa une main amicale sur l’épaule de Jarmen.

— Tu te souviens de Keff ?

Jarmen acquiesça d’un signe de tête.

— Keff considérait Jarmen D’ju… comme un homme et non comme un monstre. C’était un ami de Jarmen dans les Contes des deux galaxies, le seul à qui Jarmen faisait confiance en dehors de Suzanne. Mais vous ne vous appelez pas Keff. Vous êtes Jazin Ja Kel Coradon, troisième fils d’Ajaska Ja Kel Coradon et dirigeant de la troisième maison de Kassis.

Sa réponse fit rire Jazin.

— Oui, en effet… et je suis aussi ton ami.

Jarmen fronça les sourcils tandis qu’il assimilait ce que Jazin lui disait. Il baissa les yeux vers le verre dans sa main, puis toucha les vêtements qu’il portait avant de reporter son attention sur l’homme qui attendait sa réponse.

— Vous… êtes mon Keff, finit-il par dire.

— Oui… je suis ton Keff, approuva Jazin avec un signe de tête.

1

Kassis,

Dans le présent :

Au milieu du chaos des artistes de cirque qui s’entraînaient sous le chapiteau, Jarmen étudiait de loin la jeune femme. Pas bien grande, ses cheveux bruns et raides lui arrivaient aux épaules et encadraient son visage, et ses yeux marron ambrés pétillaient de joie devant les pitreries de ses compagnons. Elle portait encore un chemisier bleu foncé. Il savait que c’était sa couleur préférée, car elle la portait presque tous les jours.

Il observa les robots censés recueillir des informations pour lui. Q.I. était le plus agaçant. Le petit robot roulait à côté de Jane. Il était impossible qu’il écoute ce que disait la jeune femme, car il bavardait sans interruption. Le robot plus imposant qui roulait derrière le duo s’appelait Robidiot — ou Robi, surnommé ainsi par les enfants qui couraient autour des tentes et Jane qui s’était indignée à l’idée que quelqu’un puisse donner à ce gentil robot un nom aussi offensant.

— Tu parles trop, informa-t-il Q.I. avec le communicateur.

Un numéro de trapèze époustouflant réalisé par Alan et Tami Strauss retint l’attention de Jane alors que Q.I. se tournait vers Jarmen. Le petit robot tendit les deux mains et leva ses majeurs.

Les rires qu’il entendit au niveau des gradins presque vides apprirent à Jarmen que les deux Français, Luc et Jon Paul, avaient remarqué le geste insultant du petit robot.

Tandis que Q.I. pivotait de nouveau sur lui-même, Jarmen résista au désir furieux de reprogrammer le robot agaçant. Il avait déjà essayé une fois, mais Luc et Jon Paul avaient menacé de lui pourrir encore plus la vie qu’ils ne le faisaient déjà s’il ne remettait pas Q.I. comme il était. Ils l’avaient informé que Jane aimait Q.I. et Robi comme ils étaient. À en juger par les salutations affectueuses que les robots recevaient, c’était visiblement également le cas de toute la troupe du cirque. Jarmen essayait encore de comprendre pourquoi.

— Salut, Jarmen, dit joyeusement la compagne humaine de Jazin en arrivant près de lui.

Jarmen se tourna à contrecœur vers l’acrobate encore plus petite que Jane. Star et Jane avaient le même âge : vingt années terrestres. Il se força à esquisser un sourire. C’était un geste qu’il travaillait encore. La lueur amusée qui fit pétiller les yeux bleu clair de Star lui apprit qu’elle était consciente que ce geste n’avait rien de naturel pour lui.

— Bien le bonjour à toi, Star.

Les cheveux blond très clair de la jeune femme étaient particulièrement repérables au milieu des autres artistes, même attachés en queue de cheval, mais les yeux de Jarmen glissèrent de nouveau vers Jane. Star Strauss haussa un sourcil et suivit son regard. Elle sourit et passa son bras sous le sien.

— Tu peux parler à Jane, tu sais. Elle ne te mordra pas, plaisanta-t-elle.

Il lança un regard déconcerté à Star avant que son attention ne revienne invariablement sur Jane.

— Pourquoi voudrait-elle me mordre ?

Star gloussa.

— C’est une expression. Pourquoi tu ne lui parles pas ? Ça fait des mois que tu la suis partout.

Il se raidit.

— Je veux seulement surveiller les robots. Ils peuvent être assez agaçants.

Elle lui lança un regard sceptique avant de lâcher son bras et de s’éloigner.

— Eh bien, dans ce cas, je vais voir si Jane ne peut pas te les apporter pour que tu les examines.

Avant qu’il ne puisse l’arrêter, elle partit. L’espace d’un instant, Jarmen resta planté là, mais ensuite, il fit ce que n’importe quel cyborg rationnel aurait fait : il prit la fuite.

* * *

— Somewhere in the stars, I’ll follow you forever…

Jane s’efforça de ne pas rire en entendant le robot chanter faux. Plusieurs membres de sa famille du cirque se tournèrent et sourirent sur le passage du trio insolite. Elle rougit, baissa la tête et pria silencieusement pour que ses cheveux cachent ses joues roses.

— Jane, l’appela Star derrière elle.

Elle s’arrêta et attendit que cette dernière la rattrape. Elle avait fini par s’habituer à son nouveau nom : Jane Doe. On le lui avait donné plusieurs mois plus tôt lorsqu’elle s’était réveillée dans l’unité médicale d’un vaisseau spatial et elle avait décidé de le garder.

Un nouveau nom pour un nouveau monde et une nouvelle moi, pensa-t-elle avec plaisir.

— Salut, fit Star.

Jane sourit avec affection et curiosité.

— Euh, Jarmen se demandait si tu pouvais lui amener Q.I. et Robi pour qu’il les examine, dit Star.

— Dis plutôt que c’est Jane qu’il veut examiner ! s’exclama Q.I. avec un petit rire.

Les joues de Jane la brûlèrent de nouveau et elle jeta un coup d’œil à Jarmen… mais il ne se trouvait plus près des gradins. Elle ne le vit nulle part dans les parages. Les sourcils froncés, elle se retourna vers Star.

Cette dernière poussa un grand soupir bruyant et secoua la tête.

— Il était là il y a une seconde, marmonna-t-elle.

— Il a peur, déclara calmement Robi.

Jane se tourna vers l’imposant robot et posa ses grands yeux interrogateurs sur lui. L’idée que quiconque puisse avoir peur d’elle était presque drôle, mais Robi était un robot perspicace. Il était plus intelligent que ce que les gens croyaient ; il était doux et réfléchi, contrairement au plus turbulent Q.I. Lorsqu’ils étaient ensemble, les deux robots s’équilibraient parfaitement, exactement comme Jon Paul et Luc.

Les deux Canadiens français étaient devenus des figures paternelles pour Jane, chose qu’elle n’avait jamais véritablement eue avant. Sa vie d’avant…

Jane refoula ses souvenirs. Elle n’était plus cette personne ; elle était Jane, à présent.

— Hé, tu vas bien ? demanda Star.

Elle hocha la tête et déglutit en tentant de se forcer à répondre. Elle n’avait toujours pas l’habitude de parler.

— Oui. Je… il faut que j’y aille.

Star acquiesça d’un signe de tête et lui offrit un sourire compatissant.

— Est-ce que tu voudrais venir dîner chez mes parents ce soir ? Ils nous ont invités, Jazin et moi, et plusieurs autres, je crois.

Jane secoua la tête.

— Non… je… non, merci.

Elle sourit poliment et recula, tournant les talons avant que Star ne puisse ajouter autre chose. Elle avait besoin de prendre l’air. Un coup d’œil par-dessus son épaule lui apprit que Jon Paul et Luc s’étaient levés de leurs sièges et la suivaient.

Elle soupira à la fois de soulagement et de frustration. Elle n’était plus seule dans cette nouvelle vie. Tant de personnes veillaient sur elle, dont…

Jarmen, pensa-t-elle, faisant rouler son nom sur sa langue comme une sucrerie qu’elle voulait savourer. Il hantait ses rêves.

Elle fila vers la sortie du chapiteau, poussa le lourd rabat de toile et sortit dans la lumière de fin d’après-midi. Dans un parc non loin, un chemin serpentait le long de la rivière. Elle adorait y aller.

— Je n’ai plus beaucoup de batterie, les informa Q.I. Je savais que j’aurais dû me charger plus tôt hier soir. Enfin, je le savais, puis j’ai oublié, parce que j’ai été distrait. J’ai peut-être besoin d’une mise à jour.

— Vous pouvez retourner à la caravane, Robi et toi, proposa-t-elle. Jon Paul et Luc seront avec moi.

— Jarmen a dit qu’au moins un de nous devait rester avec toi en permanence ou il nous désactiverait, répondit Robi.

Jane s’arrêta et posa une main sur le bras métallique du grand robot.

— Il ne vous désactiverait jamais, affirma-t-elle avec confiance.

— Eh bien, il nous reprogrammerait. Ce n’est pas comme s’il ne l’avait jamais fait ! gémit Q.I.

— Et ensuite, il vous a reprogrammés comme vous étiez avant. Il a retenu la leçon, répondit-elle, tentant d’apaiser les doutes des robots. Allez-y. Ça ira. Robi, tu peux peut-être me préparer à dîner pendant que Q.I. se recharge. Je ne resterai pas longtemps dehors. Je veux juste voir le coucher du soleil.

— J’aurais bien besoin d’une bonne dose d’huile aussi. Je crois que j’ai un grincement, dit Q.I.

Robi parcourut rapidement le petit robot de ses deux lasers, les yeux brillants, et hocha la tête.

— Tu as de la rouille sur le moyeu gauche de ta roue.

— De la rouille ! J’ai de la rouille ? Je me fais vieux. Jarmen me désactivera s’il l’apprend ! Jon Paul dira que je deviens sénile et ne me laissera plus piloter, gémit Q.I. avec désarroi.

Jane s’agenouilla et prit la tête ronde du petit robot entre ses paumes. Elle attendit que son corps cesse de tourner sur lui-même avant de parler. Les yeux de Q.I. s’ouvrirent et se fermèrent de façon désynchronisée.

— Tu ne te fais pas vieux, Jon Paul adore ta façon de piloter, Jarmen ne te désactivera pas et tu n’es pas sénile. Tu as la dernière puce de mémoire, tu te souviens ? Tu as seulement besoin d’une mise à jour, d’un bain d’huile et de te recharger et tu seras comme neuf, promit-elle.

Q.I. cligna de nouveau les yeux, ses deux paupières s’abaissant en même temps cette fois.

— Tu en es sûre ?

— Sûre et certaine, affirma Jane, embrassant sa tête ronde avant de se lever. Robi, tu pourras t’assurer que l’huile de Q.I. est chauffée à la bonne température, s’il te plaît ?

Robi émit un bruit imitant un soupir et elle ne put s’empêcher de sourire. Le grand robot tapota sur la tête du petit et l’expression de Jane se figea.

Le bruit du métal sur le métal fit descendre un frisson glacé le long de son échine. Elle enroula ses bras autour de sa taille tandis que les deux robots changeaient de direction et se dirigeaient vers leur caravane.

La Land Yacht n’avait plus rien à voir avec ce qu’elle était avant que Robi et Q.I. ne viennent vivre avec elle. La coque extérieure en aluminium avait été coupée au milieu pour la rendre plus spacieuse. Le plafond avait été rehaussé de plus d’un mètre afin d’éviter que Robi ne se fasse une bosse permanente à la tête ou ne fasse un trou dans le toit chaque fois qu’il le frappait comme une mouche.

Jane préférait la nouvelle apparence de la caravane. C’était à la fois un monstre de Frankenstein et un puzzle parfait. C’était chez elle.

Dès que les deux robots eurent disparu, elle se tourna et suivit l’étroit sentier qui menait à la Promenade, le chemin principal reliant le village temporaire du Cirque de Magik et la Cité de cristal. Le sentier qui menait à la Promenade était désert, mais plusieurs promeneurs déambulaient tranquillement en ce début de soirée sur celui qui longeait la rivière.

Elle tourna à droite et s’éloigna de la partie plus empruntée du chemin et qui se trouvait plus proche de la Cité de cristal. Bientôt, elle fut assez loin pour se retrouver complètement seule… en dehors de Jon Paul et Luc qui continuaient de la suivre à distance en se promenant bras dessus, bras dessous.

Elle tirait du réconfort de la tranquillité et du sentiment de sécurité dus au fait de savoir que de l’aide n’était jamais bien loin si elle en avait besoin. Les seuls bruits étaient ceux de la rivière, de ses pieds et de quelques oiseaux au loin. Elle aurait presque pu se croire sur Terre s’il n’y avait pas eu la flore et la faune inhabituelles et les vaisseaux qui sillonnaient le ciel sur une autoroute invisible.

Le vaste univers comptait tant d’espèces différentes et de mondes habitables. Jane se perdit dans ses pensées tandis qu’elle repensait à tout ce qu’elle avait appris au cours des derniers mois. À bien des égards, elle était réellement une nouvelle personne. Sa perspective, tout comme sa vie, avait changé du tout au tout.

Après dix minutes de marche, elle lança un regard par-dessus son épaule afin de s’assurer que ses parrains maladroits allaient bien. Elle s’arrêta et se retourna complètement lorsqu’elle se rendit compte qu’ils n’étaient plus derrière elle. Inquiète pour eux, elle se mordit la lèvre et se demanda si elle devait aller les chercher.

— Je leur ai dit que je t’accompagnerai, déclara Walter Bailey de sa voix grave.

Jane poussa un petit cri et porta sa main à sa gorge, mais son expression s’adoucit quand elle baissa les yeux et vit le propriétaire du Cirque de Magik, l’homme qui lui avait sauvé la vie. La tête de Walter atteignait à peine sa poitrine, mais il était aussi large que les seigneurs de Kassis, et Jane avait toujours pensé qu’il aurait pu porter le monde sur ses épaules.

— Tu veux t’asseoir un moment ? demanda Walter.

Jane sourit et hocha la tête.

— Bien sûr.

Ils se dirigèrent vers l’un des nombreux bancs du parc et Walter s’y hissa avec fluidité, ses pieds pendant dans le vide une fois qu’il fut assis à côté d’elle. Ils contemplèrent la rivière dans un silence agréable.

Elle ne tenta pas de se dégager lorsque Walter lui prit doucement la main. Quelques secondes passèrent avant qu’elle n’arrive à convaincre ses doigts de s’enrouler autour de ceux de l’homme, mais elle fut fière de réussir à accomplir cette tâche difficile.

— Comment se passe ton installation ? demanda-t-il.

Jane se libéra et serra ses mains sur ses genoux.

— Tout se passe bien pour nous.

— Tu es sûre que tu ne veux pas une plus grande maison ? Torak a dit qu’il ne fallait pas hésiter à lui dire si quelqu’un avait besoin de quoi que ce soit.

Walter faisait référence au dirigeant officiel des Kassisans. Le père de Torak, Ajaska, était encore vivant, mais il consacrait beaucoup de temps au conseil de l’Alliance et représentait Kassis dans les affaires galactiques. Torak était accouplé à l’une des artistes du cirque, River Knight.

Jane secoua la tête.

— Tout va bien pour nous, répondit-elle.

Elle attendit en se demandant si Walter allait lui révéler la véritable raison de sa présence.

— Shavic s’inquiète pour toi, finit-il par avouer.

Jane lui lança un regard surpris avant de froncer les sourcils.

— Pourquoi ? Il a dit que j’étais… guérie. Enfin, autant qu’il pouvait me guérir, dit-elle, reportant son attention sur la rivière.

— Il s’inquiète pour ta santé mentale, ajouta doucement Walter.

Elle leva le menton.

— Je ne vois pas pourquoi il a dit ça ni pourquoi il dirait une chose pareille, à toi ou à quelqu’un d’autre, d’ailleurs, rétorqua-t-elle avant de se mordre la lèvre, regrettant la dureté de son ton.

Quand Walter tendit lentement la main vers la sienne pour la reprendre, Jane tressaillit et se leva, enroulant ses bras autour de sa taille.

— On va bien… je vais bien, corrigea-t-elle.

Elle avait pris l’habitude de dire « on » pour Q.I., Robi et elle. C’était comme s’ils étaient une extension d’elle-même et qu’elle n’était pas complète à moins de les inclure. Inspirant profondément, elle tenta de sourire à Walter.

— Je vais bien, Walter. Tu peux dire à Shavic que je commence à aller mieux, mentalement. C’est juste que… ça va prendre un petit moment.

— Tu as des souvenirs de ton passé ? interrogea Walter d’une voix douce.

— Non.

Elle secoua la tête, faisant abstraction de sa gêne à l’idée de mentir à Walter. C’était comme une pression sur sa poitrine.

— D’après ce que… ce que Shavic et toi m’avez dit, c’est peut-être mieux comme ça. J’aime bien être Jane, ça me semble naturel.

Walter se laissa glisser du banc, s’accrochant au bord de l’assise pour ralentir sa descente jusqu’à ce que ses pieds touchent le sol. Il s’approcha d’elle, sans tenter de la toucher cette fois. Elle conserva une expression sereine et soutint son regard.

— On ne veut que ton bonheur, ma chérie, dit Walter avec gentillesse.

Après un instant, il poursuivit d’une voix penaude :

— J’ai promis à Nema que je te parlerai. Elle a dit que si je ne le faisais pas, je dormirais sur le canapé !

Jane réprima un rire, luttant difficilement contre son hilarité.

— Elle voulait aussi que je te demande si tu voulais venir pour le dîner. Elle pense que tu ne manges pas correctement, ajouta-t-il d’un ton bourru.

Jane sourit.

— Robi me fait à manger pour ce soir. Il aurait le cœur brisé si je lui disais que je n’en veux pas. J’essaierai de passer voir Nema demain.

L’expression de Walter se détendit et il opina du chef.

— Ce serait fantastique ! Je le lui dirai. Depuis que Ricki a épousé ce… Ristéard, Nema ressemble à une poule qui chercherait un nouveau poussin, soupira-t-il.

Étant donné que Ricki était la comptable du cirque, Jane savait qu’elle devait être en contact avec ses parents en permanence, mais elle comprenait que l’éloignement soit difficile à vivre pour eux — d’autant plus qu’elle vivait sur une autre planète —, mais Elpidios n’était pas si éloignée grâce à la vitesse des vaisseaux spatiaux.

— Je croyais que vous alliez lui rendre visite, répondit-elle.

— Oui, mais pas avant ce week-end.

Jane acquiesça d’un signe de tête.

— Je te promets de passer avant votre départ.

Elle leva les yeux vers le ciel. Le soleil approchait de l’horizon à présent. Walter suivit son regard.

— Je ferais mieux de rentrer. Il faut que j’aie une petite discussion avec Marvin et Martin, fit-il avec une grimace.

Jane hocha la tête et sourit. À mesure que Walter s’éloignait à pas pressés, son sourire mourut. Elle le regarda jusqu’à ce qu’il disparaisse.

Une fois qu’elle se retrouva seule, une vague de peur déferla en elle. Elle poussa un cri de détresse et partit en courant sur le chemin, tentant de semer les sentiments qui menaçaient de la noyer.

2

Telle une apparition fantomatique dans l’ombre de la forêt, Jarmen s’approcha discrètement de Walter et Jane. Il s’arrêta derrière un arbre imposant et scruta les alentours.

Avant la fin de la nuit, il équiperait Q.I. d’un nouveau bloc d’alimentation et lui feraient toutes les autres révisions dont il avait besoin pour être pleinement optimisé. Jarmen ne voulait pas risquer que l’un des deux robots tombe en panne et laisse Jane sans défense.

Ses doigts s’enfoncèrent dans l’écorce rugueuse de l’arbre lorsqu’il entendit Walter demander à Jane comment elle s’adaptait.

Il avait déjà consulté le dossier de Jane. Après l’avoir aperçue pour la première fois, il s’était senti intensément… inquiet, obligé de la protéger. Sa poitrine se serra de façon inhabituelle et il analysa cette étrange réaction.

De la peur. Il reconnut cette émotion désagréable et comprit également qu’elle résultait de son inquiétude pour Jane.

Cette partie du chemin au bord de la rivière ne présentait aucune menace pour elle. Alors qu’il s’apprêtait à partir faire de la reconnaissance, il s’aperçut que Walter s’en allait.