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Lareth est un démon et Estelle est un ange. Tous les deux font partie de deux camps que tout sépare et qui s’affrontent sans merci depuis 42 000 ans. Ils sont envoyés sur Terre par leurs supérieurs respectifs, pour la même mission, mais avec des objectifs opposés. Cependant, cette expédition ne se passe absolument pas comme prévu. Alors, ces deux êtres que tout pousse à s’anéantir l’un l’autre se retrouvent à collaborer, dans un but commun, sous la menace permanente d’être découverts…
À PROPOS DE L'AUTEUR
Etienne Leseigneur pense que, pour un auteur, l’écriture est à la fois une nécessité, une catharsis et un accomplissement. Par le biais de
L’ange et le démon, il souhaite démontrer que la frontière entre le bien et le mal est dans le cœur de chaque femme et de chaque homme, et relève pleinement du choix de chacun d’entre eux.
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Seitenzahl: 209
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Etienne Leseigneur
L’ange et le démon
Roman
© Lys Bleu Éditions – Etienne Leseigneur
ISBN :97910-377-5141-6
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Le paradis
77e jour de la 42 000e année depuis la victoire de St Michel sur les armées du démon
Estelle marchait au milieu des nuages dans une atmosphère douce et… cotonneuse. L’ange aimait particulièrement cet endroit, songea-t-elle. Bien sûr ce n’était pas le seul du paradis qu’elle appréciait : il y avait également la forêt des chênes, la vallée aux mille ruisseaux et aussi la plage des souvenirs. Lorsqu’elle était pensive, Estelle aimait venir marcher au milieu de cette étendue blanche. Alors qu’elle avançait tranquillement, elle croisa un ange qu’elle ne connaissait pas. Estelle le salua tout de même et ce dernier lui rendit son salut. L’ange n’avait jamais su combien ils étaient. Pour sa part, elle était là depuis avant la grande bataille, lorsque le Tout-Puissant avait créé les premiers anges. Ce n’était que peu de temps après que son plus fidèle bras droit, dont plus personne ne prononçait le nom au paradis, s’était retourné contre le Créateur. Un immense schisme s’en était suivi très rapidement dans la communauté des anges. Ceux qui restèrent au côté du Seigneur continuèrent d’être appelés anges. Quant à ceux qui le trahirent et rallièrent son lieutenant, ils furent déchus et devinrent des démons.
Une terrible bataille eut lieu très peu de temps après et à l’issue de féroces combats, l’archange St Michel, qui avait été placé par le Tout-Puissant à la tête de l’armée des anges, triompha de Satan. Dans sa grande clémence, le Créateur les épargna au lieu de tous les massacrer comme, songeait souvent Estelle, il aurait peut-être dû le faire. Les démons avaient causé tellement de mal par la suite qu’il aurait sans doute mieux valu tous les exterminer ce jour-là. Cependant, il n’y avait pas une seule particule de mal dans le cœur du Seigneur, c’est pourquoi celui-ci n’avait pu se résoudre à commettre un tel crime et qu’il avait été clément même envers des êtres aussi vils.
Tant de temps s’était écoulé depuis cette époque ! Les anges étaient si nombreux et se croisaient si rarement qu’Estelle ne savait pas s’il y avait tellement d’anges qu’il était impossible pour ces derniers de tous se connaître ou s’il y en avait des nouveaux au fur et à mesure. Peut-être les deux, songea-t-elle. D’un autre côté, le paradis était vraiment immense et ils étaient souvent envoyés en mission sur Terre, si bien qu’il était pratiquement impossible de déterminer s’il s’agissait de l’une ou l’autre possibilité.
Estelle n’aimait pas aller en mission sur Terre. Bien sûr cela faisait partie de leurs missions, elle s’y était habituée et avait même réussi à prendre goût à certaines d’entre elles. Estelle avait toutefois fait partie des anges les plus récalcitrants et les plus tardifs à réaliser sa première mission sur Terre. L’ange avait finalement réussi à apprécier ses séjours de courte durée, cependant il y avait une chose à laquelle elle n’avait jamais réussi à s’habituer et qui l’insupportait toujours autant : les humains. Pendant longtemps Estelle les avait tous méprisés sans exception. L’ange savait que ce n’était pas ce que souhaitait leur Père bien-aimé, c’est pourquoi elle avait fait des efforts. Elle avait réussi avec le temps à estimer certains d’entre eux mais les trouvait tous trop faibles, trop indécis, trop pleins de défauts. Lorsqu’un ange faisait un choix, ce dernier était définitif. Lorsque les démons avaient choisi Lucifer et les anges le Créateur, cela avait été leur premier choix. Les anges avaient à jamais choisi le bien et la pureté, les démons le mal et sa souillure. Les humains eux oscillaient en permanence entre le bien et le mal, ne choisissant jamais vraiment l’un ou l’autre.
Estelle ne supportait pas cela. Ces derniers temps, les humains étaient devenus encore plus insupportables. Non contents de ne pas suivre la voie du bien, ils étaient de plus en plus nombreux à nier, douter ou remettre en cause l’existence de leur Père des Cieux. Les hommes étaient devenus trop pragmatiques, trop terre à terre, doutaient de tout et perdaient la foi. Ce phénomène avait pris de telles proportions qu’il avait donné lieu à un état de fait qui exaspérait Estelle : les anges savaient tout au sujet des humains là où ces derniers ignoraient aujourd’hui tout d’eux. À tel point que les anges étaient complètement invisibles à leurs yeux, à l’exception des personnes d’une grande foi, cependant celles-ci étaient bien rares ces temps-ci.
Alors qu’Estelle songeait à tout cela, elle vit deux anges s’avancer dans sa direction et dès qu’elle les reconnut, l’ange s’inclina avec respect. Il s’agissait de Michel et Gabriel, les deux archanges. Les anges ordinaires ne voyaient pas souvent ces derniers. En effet les archanges avaient toujours beaucoup à faire et ne se promenaient que rarement dans le paradis. Malgré cet état de fait, tous les anges connaissaient par cœur le caractère de chacun des archanges. Michel était leur chef à tous. Le chef de l’armée des anges était souvent impétueux et d’une grande autorité mais faisait également preuve de beaucoup de tempérance, de plus sa loyauté envers le Seigneur était absolument sans faille. Son caractère était le parfait reflet de son rôle de chef de l’armée des anges. Gabriel, lui, était toujours calme et à l’écoute, c’est pourquoi c’était lui qui allait porter les messages aux personnes très importantes sur Terre qui avait besoin d’être conseillées. L’archange messager inspirait confiance et poussait les personnes qui l’entouraient à l’audace, étant rempli de l’Esprit Saint. Enfin Raphaël était, c’est le cas de le dire, un ange de douceur. Encore plus calme que les deux autres archanges, celui-ci était d’une bonté infinie et ils étaient toujours à l’écoute des personnes dans le tourment qui avaient besoin de réconfort.
L’ange courut avec légèreté jusqu’aux escaliers du ciel, passant au milieu d’une foule d’âmes sauvées, et y trouva Nathanaël qui était de garde ce jour-là.
Estelle attrapa sa grande cape et l’attacha autour de ses épaules. La cape l’enveloppait tout entière et était d’une clarté étonnante. C’était l’une des raisons, songea-t-elle, pour laquelle les humains qui réussissaient à les voir n’arrivaient pas à faire la différence entre les hommes et les femmes anges. Toutefois ce n’était ni la seule raison ni la principale. La vraie raison, ou du moins la plus importante, de cette méprise qu’ils commettaient était la vision déformée qu’ils avaient de l’homme et de la femme à cause des mœurs sociales, qui étaient pour eux intrinsèquement liés à cette identité et qui étaient parfois bien étranges selon Estelle. Ici au paradis, les humains n’avaient plus ces contraintes. Toutefois les enfants de Dieu devaient attendre d’y parvenir avant de comprendre les vraies différences qu’il existait entre eux. Estelle regarda l’ouverture qui se tenait devant elle. L’ange sentit le souffle d’air aussi doux qu’une brise d’été qui commençait déjà à l’entraîner. Mais Nathanaël la retint en lui attrapant la main avec douceur et déclara : « N’oublie pas ça. »
L’ange lui tendait son épée, sa main étant placée à la base de la lame pour ne pas s’entailler la main. Estelle sourit et déclara :
Estelle resta muette pendant quelques instants, sous le choc. Elle se souvenait à la perfection de l’expression de joie pure et innocente qu’elle voyait si souvent sur le visage de son amie.
Sur ces mots, l’ange s’avança au milieu de la colonne d’air qui l’entraîna.
L’enfer
70ème jour de la 42000ème année depuis l’arrivée en enfer
Lareth marchait dans une allée de sable et de gravillons brûlants au milieu de la salle des chaudrons, un des endroits les plus chauds de l’enfer. Le démon détestait cette salle et plus encore cette chaleur étouffante. Il haïssait par ailleurs tout autant les zones glaciales de l’enfer. En fait, en y réfléchissant à deux fois, il n’y avait rien qu’il ne détestât pas. Lareth détestait chaque centimètre de cet endroit, détestait Satan, haïssait les autres démons et pour finir, Lareth détestait la Terre. Toute sa vie était régie par la haine et la peur comme elle l’avait toujours été. De temps en temps quelque chose l’amusait ou encore l’effrayait un peu plus mais à part ces rares perturbations, sa vie était stable et régulière : de la haine et de la peur en permanence.
Lareth n’aimait pas plus cette vie que les éléments cités précédemment mais avait régulièrement l’occasion de se venger de celle-ci, ce qui lui procurait une immense satisfaction. Le démon balaya d’un regard la salle des chaudrons et pendant un instant, il écouta le hurlement des damnés. Un sourire se dessina lentement sur ses lèvres. Lareth aimait écouter de temps à autre ces cris qui lui rappelaient à quel point il était plus puissant que ces personnes misérables et brisées. Le démon entendit alors un claquement caractéristique vriller l’air. Aussitôt il fit volte-face et mit un genou à terre. C’était le claquement du fouet d’un des six démons chargés de faire régner la volonté de Lucifer dans le royaume des damnés.
Lareth se dirigea rapidement vers une des six cent soixante-six colonnes de feu de l’enfer. Lorsqu’il arriva devant celle-ci, le démon passa avec mépris devant le démon mineur qui la gardait. Sans un mot, Lareth décrocha sa cape et l’attacha grâce à une broche. Comme les anges, les démons étaient invisibles aux hommes mais également aux anges. En effet ces capes étaient constituées de pure obscurité que seuls les yeux du Créateur pouvaient percer. Lareth s’approcha de la colonne de feu et le diablotin lui tendit aussitôt sa fourche. Le démon la saisit et sans hésiter, plongea dans le torrent de feu qui l’entraîna aussitôt vers le haut.
La première chose qu’Estelle entendit lorsqu’elle posa le pied sur le sol fut une insupportable cacophonie. Quant à la première chose qu’elle vit, ce fut un mendiant affamé et vêtu de haillons à l’entrée d’un supermarché. L’ange frémit de dégoût. Cet égoïsme et cette absence de compassion la révulsaient. Estelle détestait cette ville. Il y avait certains endroits sur Terre qu’elle aimait bien en raison de leur beauté sublime, qui rayonnait d’une aura proche de celle du paradis. Estelle se souvenait de la taïga et de la toundra sibérienne, des levers de soleil au sommet des Rocheuses et de l’Himalaya, les étendues de sable du Sahara… C’était des endroits dont l’ange gardait un souvenir merveilleux, environné d’une aura lumineuse. Ici, presque tout était laid. C’était un endroit où l’injustice et le chaos régnaient en maîtres incontestés. Les plus faibles y étaient écrasés, broyés sans un seul soupçon de pitié et les personnes justes avaient toutes les peines du monde à le rester. Les sons formaient un véritable chaos d’insultes, d’interjections et de klaxons. Richesse et pauvreté se côtoyaient jour et nuit et pourtant elles ne se croisaient jamais.
Pour toutes ces raisons et un millier d’autres, Estelle détestait Paris. L’ange leva les yeux et vit sur sa gauche une grande gare qu’elle reconnut aussitôt. Elle se souvint de l’adresse et se remémora en quelques instants comment se rendre à sa destination, puis se mit à marcher sur le trottoir sans que personne ne la voie. Comme toujours, songea-t-elle.
Estelle aurait dû avoir l’habitude des foules, c’était loin d’être sa première mission dans une ville avec une telle concentration de population. Cependant l’ange détestait trop ça pour réussir à s’y habituer. Tout était bruyant, concentré, désordonné. Après toutes ces années passées à effectuer des missions sur Terre, elle avait pu constater qu’un certain nombre d’humains aimaient cette concentration, concept qui lui échappait totalement. Les habitants aimaient, par les couleurs des enseignes et les quelques arbres, tenter de se rappeler la beauté de la nature qu’ils avaient détruite mais cette bien piètre tentative était peu convaincante. Estelle regarda les grands immeubles qui s’élevaient à sa droite et à sa gauche. C’était si laid. Et si sale. Le sol était couvert de détritus auxquels personne ne semblait accorder d’importance. L’air était vicié et l’atmosphère saturée de particules polluantes. Rien n’indiquait la présence naturelle de vie dans un tel endroit, il avait, grâce au magnifique travail de ses habitants, tous les attributs pour être repoussant. Les personnes ayant un visage blasé, triste ou morose se comptaient par dizaines sur son passage. Estelle jeta un regard autour d’elle, la rue lui rappelant quelque chose et après un bref examen, remarqua une façade un peu plus propre que les autres avec une grande porte de couleur verte. C’était là, songea l’ange, et elle se dirigea dans cette direction.
Lorsque Lareth arriva à la surface, ce fut en débouchant d’une galerie souterraine et le démon fut projeté en l’air, encore entouré par les flammes de la fournaise. Le démon atterrit avec majesté en plein milieu du boulevard, sa cape d’obscurité flottant légèrement. Lareth commença à regarder autour de lui, cherchant ses points de repère lorsqu’un taxi grilla un feu rouge et arriva en trombe dans sa direction. Vif comme l’éclair, Lareth saisit fermement sa fourche, fit un pas de côté et donna un coup rapide. Les deux pneus gauches du taxi éclatèrent et ce dernier alla s’écraser contre un platane. Le conducteur fut tué sur le coup et le taxi se transforma en fournaise dans laquelle le passager était coincé. Lareth sourit en entendant les hurlements de ce dernier.
Le démon quitta le boulevard et se mit en route vers sa destination. De tous les endroits qu’il avait eu l’occasion de visiter sur Terre, Lareth préférait les grandes villes. C’était en effet de loin l’endroit où le mal fleurissait le plus facilement. Elles étaient grandes et pleines d’injustice car il y était facile pour les personnes malhonnêtes de se cacher aussi bien les faux-monnayeurs que les braqueurs ou les proxénètes. C’était l’endroit où le plus de personnes se suicidaient, brisées par le stress de leur travail, de leurs échecs sentimentaux, étrangement plus cruels dans le monde sans pitié de la ville, ou tout simplement par le désespoir. Les grandes villes formaient de merveilleuses cachettes pour les groupuscules, les anarchistes, les kidnappeurs, les violeurs, les criminels qui trouvaient toujours un vieil appartement ou un hangar abandonné pour leur service de repaire voire de bases d’opération. Les terroristes eux se cachaient dans les caves, fabriquant des explosifs et attendant leur heure pour frapper. Et enfin c’était là que les insurrections et les révolutions commençaient, de loin les événements les plus injustes et les plus meurtriers qui puissent être, puisqu’elles faisaient couler à flots le sang des innocents. C’était là que le grand chaos de l’apocalypse commencerait, cela ne faisait aucun doute.
Une autre chose que Lareth appréciait dans les villes, outre les personnes qui y résidaient, était la haine qui régnait dans ces grandes métropoles. La haine qui florissait de manière absolument prodigieuse dans le cœur de tous les hommes qui les habitaient et particulièrement celle-ci. Lareth aperçut une porte verte. C’était là.
Estelle entra dans le bâtiment. Derrière la grande porte verte à poignée ronde se trouvait une petite cour intérieure. Autour de celle-ci se trouvaient de nombreuses fenêtres dont le verre était légèrement fumé. Quoi qu’il en soit, Estelle aurait pu trouver le bon appartement les yeux fermés tellement les personnes qui s’y trouvaient étaient bouillonnantes d’énergie, de colère et d’angoisse. L’ange soupira. Les flots de tristesse, de haine et de désespoir l’assaillaient comme une centaine de loups affamés. Cependant Estelle n’hésita pas, connaissant l’importance de sa mission.
Estelle ne comprenait pas. Elle avait beau les pousser à l’apaisement, au respect, à la compréhension, cela ne changeait rien. Pourquoi ? Pourquoi le mal triomphait-il ? Il devait y avoir quelque chose. Une explication au fait que même les membres les plus modérés du groupe soient remplis de haine, d’animosité, d’agressivité. Pourquoi ? Estelle contempla la salle à nouveau et remarqua alors un détail anormal. Il y avait une ombre étrange sur le sol. Quelqu’un se trouvait derrière la deuxième porte sur le même mur que le sien. Qui pouvait espionner une telle scène, une réunion secrète d’une organisation évidemment illégale, dans un appartement ?
Estelle n’était pas une personne spécialement curieuse, toutefois c’était plus qu’intrigant. L’ange s’avança lentement le long du mur, franchit l’angle et se retrouva nez à nez avec Lareth. Pendant l’espace d’un instant, ils restèrent immobiles tellement leur surprise réciproque était grande. Cependant après une fraction-seconde, la fine couche de glace qui semblait les avoir figés pendant un instant disparut et ils tirèrent leurs armes respectives avant de se ruer l’un sur l’autre.
Le trident de Lareth était enveloppé de flammes et l’épée d’Estelle rayonnait de lumière. Ils combattaient avec une rapidité et une intensité qui, pour n’importe quel humain, aurait paru terrifiante. En l’occurrence, même pour un ange ou un démon, leur rythme était étonnement rapide. Leur surprise avait entièrement disparu à l’instant où ils avaient tiré leurs armes. À présent une seule chose importait : battre celui qui se trouvait en face d’eux et chaque instant était décisif pour tenter d’emporter l’avantage. L’ange et le démon étaient tous les deux entraînés à se battre mais l’égalité de leurs niveaux rendait le combat titanesque. Lareth rusa pour tenter d’emporter l’avantage et projeta des flammes avec son trident pour tenter de distraire ou au moins déstabiliser son adversaire. Le démon tenta aussitôt après de percer la garde d’Estelle mais celle-ci remarqua son mouvement. Elle n’avait jamais été une épéiste exceptionnelle, toutefois elle avait été bien entraînée. Estelle para le trident et leurs armes se bloquèrent l’une l’autre. L’ange et le démon levèrent les yeux et leurs regards se croisèrent.
À cet instant précis sans que rien ne l’annonce, un souffle de vent d’une force incroyable balaya la pièce, jetant Estelle et Lareth à terre avec violence. Tout devint soudain noir autour de chacun d’eux. Ils avaient perdu connaissance, ce qui ne leur était jamais arrivé auparavant. Leur esprit s’était transformé en une véritable tornade d’idées et de sensations. Après quelques instants, l’ange et le démon rouvrirent tous les deux les yeux et commencèrent à se relever péniblement, complètement désorientés.
Estelle regarda autour d’elle. Le monde continuait de tanguer légèrement et elle éprouvait l’impression que ses jambes s’étaient transformées en coton. Cependant l’ange reprit rapidement ses capacités de réflexion et celles-ci lui commandaient d’agir sans attendre. Estelle ne savait pas ce qui s’était passé mais savait dans quelle situation elle se trouvait en cet instant et les risques que présentait cette dernière. À trois mètres sur le sol se trouvait un démon qui était en train de se relever à son tour. Il ne lui en fallait pas plus. Estelle se releva et s’élança comme une flèche. Pendant ce temps-là, les choses dans la salle stagnaient. La disparition soudaine de l’influence de ceux qui les poussaient respectivement au bien et au mal avait complètement désorienté les membres du groupe. Estelle traversa la salle en une seconde, passa comme un souffle à travers la cour intérieure et aussitôt dans la rue se mit à courir de toutes ses forces sur le boulevard. Elle devait s’échapper au plus vite si elle ne voulait pas mourir.
Lareth, lui, mit plus de temps à reprendre ses esprits mais beaucoup moins de temps à comprendre. Dès qu’il vit Estelle s’échapper à travers le salon de l’appartement, le démon se releva bien que péniblement et se lança à sa poursuite, la fourche à la main. Lareth n’avait aucune idée lui non plus de ce qui venait de se passer mais était certain d’une chose : c’était une ange. Lareth ne connaissait que trop bien la punition réservée aux démons qui laissaient des anges s’échapper lorsqu’ils en croisaient. Cependant, malgré cette certitude, le démon était troublé. Il n’avait aucune explication logique à ce qui s’était passé lorsque leurs regards s’étaient croisés. Même si à présent Lareth avait à nouveau l’esprit vif et a priori parfaitement alerte, il se sentait légèrement fébrile. Le démon trébucha même sur sa cape alors qu’il courait ce qui ne lui était pas arrivé depuis à peu près mille cinq cents ans. Ce n’était pas normal, pas normal du tout. Lareth vit l’ange qui courrait à peine une trentaine de mètres devant lui. Tout allait redevenir normal très vite, songea-t-il, lorsque ce trident lui aurait transpercé la gorge. Le démon accéléra sa course tout en tenant fermement sa fourche.