L'année terrible - Victor Hugo - E-Book

L'année terrible E-Book

Victor Hugo

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Beschreibung

Dans son livre intitulé "L'année terrible", Victor Hugo offre une perspective poignante sur les événements tumultueux de l'année 1871 en France. Son style littéraire époustouflant combine habilement la fiction et la réalité historique, offrant aux lecteurs un aperçu profondément émouvant de la période de la Commune. Hugo utilise sa plume puissante pour explorer les thèmes de la rébellion, de la lutte pour la liberté et de la résilience du peuple face à l'adversité. Ce livre sert non seulement de témoignage historique, mais aussi d'œuvre littéraire majeure qui captive et éduque les lecteurs sur un moment crucial de l'histoire française. Victor Hugo, célèbre écrivain et poète français, était lui-même profondément impliqué dans les événements politiques de son époque. Son engagement en faveur de la justice sociale et de la liberté transparaît dans chaque page de "L'année terrible", un reflet de son humanisme et de sa conscience sociale. Sa vision unique de la nature humaine et de la politique se manifeste pleinement dans ce livre fascinant qui reste d'actualité aujourd'hui. Je recommande vivement "L'année terrible" aux lecteurs intéressés par l'histoire, la littérature et la philosophie. Victor Hugo offre une lecture captivante et enrichissante qui permet de mieux comprendre les enjeux de la société française du XIXe siècle, tout en soulevant des questions intemporelles sur la révolte et la résistance.

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Victor Hugo

L'année terrible

 
EAN 8596547435648
DigiCat, 2022 Contact: [email protected]

Table des matières

PROLOGUE
AOUT 1870
SEDAN
I
II
III
IV
V
VI
SEPTEMBRE
I CHOIX ENTRE LES DEUX NATIONS A L’ALLEMAGNE
II A PRINCE PRINCE ET DEMI
III DIGNES L’UN DE L’AUTRE
IV PARIS BLOQUÉ
V A PETITE JEANNE
OCTOBRE
NOVEMBRE
I DU HAUT DE LA MURAILLE DE PARIS A LA NUIT TOMBANTE
II PARIS DIFFAMÉ A BERLIN
III A TOUS CES PRINCES
IV BANCROFT
V EN VOYANT FLOTTER SUR LA SEINE DES CADAVRES PRUSSIENS
IX A L’ÉVÊQUE QUI M’APPELLE ATHÉE
X A L’ENFANT MALADE PENDANT LE SIÉGE
DÉCEMBRE
III LE MESSAGE DE GRANT
IV AU CANON LE V. H.
V PROUESSES BORUSSES
VI LES FORTS
VII A LA FRANCE
VIII NOS MORTS
IX A QUI LA VICTOIRE DÉFINITIVE?
JANVIER 1871
I 1 er JANVIER
II LETTRE A UNE FEMME (PAR BALLON MONTÉ, 10JANVIER)
III BÊTISE DE LA GUERRE
V SOMMATION
VI UNE BOMBE AUX FEUILLANTINES
VII LE PIGEON
VIII LA SORTIE
IX DANS LE CIRQUE
X APRÈS LES VICTOIRES DE BAPAUME DE DIJON ET DE VILLERSEXEL
XI ENTRE DEUX BOMBARDEMENTS
XIII CAPITULATION
FÉVRIER
I AVANT LA CONCLUSION DU TRAITÉ
II AUX RÊVEURS DE MONARCHIE
III PHILOSOPHIE DES SACRES ET COURONNEMENTS
IV A CEUX QUI REPARLENT DE FRATERNITÉ
V LOI DE FORMATION DU PROGRÈS
MARS
II LA LUTTE
III LE DEUIL
IV L’ENTERREMENT
AVRIL
I LES PRÉCURSEURS
II LA MÈRE QUI DÉFEND SON PETIT
IV UN CRI
V PAS DE REPRÉSAILLES
MAI
I LES DEUX TROPHÉES
III PARIS INCENDIÉ
V UNE NUIT A BRUXELLES
VI EXPULSÉ DE BELGIQUE
JUIN
V EN QUITTANT BRUXELLES
VI A MADAME PAUL MEURICE
VIII A QUI LA FAUTE?
XII LES FUSILLÉS
XIII A CEUX QU’ON FOULE AUX PIEDS
XIV A VIANDEN
XVIII LES INNOCENTS
JUILLET
I LES DEUX VOIX
LA VOIX SAGE
LA VOIX HAUTE
II FLUX ET REFLUX
III L’AVENIR
IV LES CRUCIFIÉS
V FALKENFELS
VI LES INSULTEURS
VII LE PROCÈS A LA RÉVOLUTION
VIII A HENRI V
IX LES PAMPHLÉTAIRES D’ÉGLISE
I
II
III
IV
XII
ÉPILOGUE

A

PARIS

CAPITALE DES PEUPLES

V.H.

PROLOGUE

Table des matières

LES7,500,000OUI

(Publié en mai1870.)

Quant à flatter la foule, ô mon esprit, non pas!

Ah! le peuple est en haut, mais la foule est en bas.

La foule, c’est l’ébauche à côté du décombre;

C’est le chiffre, ce grain de poussière du nombre;

C’est le vague profil des ombres dans la nuit;

La foule passe, crie, appelle, pleure, fuit;

Versons sur ses douleurs la pitié fraternelle.

Mais quand elle se lève, ayant la force en elle,

On doit à la grandeur de la foule, au péril,

Au saint triomphe, au droit, un langage viril;

Puisqu’elle est la maîtresse, il sied qu’on lui rappelle

Les lois d’en haut que l’âme au fond des cieux épelle,

Les principes sacrés, absolus, rayonnants;

On ne baise ses pieds que nus, froids et saignants.

Ce n’est point pour ramper qu’on rêve aux solitudes.

La foule et le songeur ont des rencontres rudes;

C’était avec un front où la colère bout

Qu’Ézéchiel criait aux ossements: Debout!

Moïse était sévère en rapportant les tables;

Dante grondait. L’esprit des penseurs redoutables,

Grave, orageux, pareil au mystérieux vent

Soufflant du ciel profond dans le désert mouvant

Où Thèbes s’engloutit comme un vaisseau qui sombre,

Ce fauve esprit, chargé des balaiements de l’ombre,

A, certes, autre chose à faire que d’aller

Caresser, dans la nuit trop lente à s’étoiler,

Ce grand monstre de pierre accroupi qui médite,

Ayant en lui l’énigme adorable ou maudite;

L’ouragan n’est pas tendre aux colosses émus;

Ce n’est pas d’encensoirs que le sphinx est camus.

La vérité, voilà le grand encens austère

Qu’on doit à cette masse où palpite un mystère,

Et qui porte en son sein qu’un ventre appesantit

Le droit juste mêlé de l’injuste appétit.

O genre humain! lumière et nuit! chaos des âmes.

La multitude peut jeter d’augustes flammes;

Mais qu’un vent souffle, on voit descendre tout à coup

Du haut de l’honneur vierge au plus bas de l’égout

La foule, cette grande et fatale orpheline;

Et cette Jeanne d’Arc se change en Messaline.

Ah! quand Gracchus se dresse aux rostres foudroyants,

Quand Cynégire mord les navires fuyants,

Quand avec les Trois-cents, hommes faits ou pupilles,

Léonidas s’en va tomber aux Thermopyles,

Quand Botzaris surgit, quand Schwitz confédéré

Brise l’Autriche avec son dur bâton ferré,

Quand l’altier Winkelried, ouvrant ses bras épiques,

Meurt dans l’embrassement formidable des piques,

Quand Washington combat, quand Bolivar paraît,

Quand Pélage rugit au fond de sa forêt,

Quand Manin, réveillant les tombes, galvanise

Ce vieux dormeur d’airain, le lion de Venise,

Quand le grand paysan chasse à coups de sabot

Lautrec de Lombardie et de France Talbot,

Quand Garibaldi, rude au vil prêtre hypocrite,

Montre un héros d’Homère aux monts de Théocrite

Et fait subitement flamboyer à côté

De l’Etna ton cratère, ô sainte Liberté!

Quand la Convention impassible tient tête

A trente rois, mêlés dans la même tempête,

Quand, liguée et terrible et rapportant la nuit,

Toute l’Europe accourt, gronde et s’évanouit,

Comme aux pieds de la digue une vague écumeuse,

Devant les grenadiers pensifs de Sambre-et-Meuse,

C’est le peuple; salut, ô peuple souverain!

Mais quand le lazzarone ou le transteverin

De quelque Sixte-Quint baise à genoux la crosse,

Quand la cohue inepte, insensée et féroce,

Étouffe sous ses flots, d’un vent sauvage émus,

L’honneur dans Coligny, la raison dans Ramus,

Quand un poing monstrueux, de l’ombre où l’horreur flotte,

Sort, tenant aux cheveux la tête de Charlotte

Pâle du coup de hache et rouge du soufflet,

C’est la foule; et ceci me heurte et me déplaît;

C’est l’élément aveugle et confus; c’est le nombre;

C’est la sombre faiblesse et c’est la force sombre.

Et que de cette tourbe il nous vienne demain

L’ordre de recevoir un maître de sa main,

De souffler sur notre âme et d’entrer dans la honte,

Est-ce que vous croyez que nous en tiendrons compte?

Certes, nous vénérons Sparte, Athènes, Paris,

Et tous les grands forums d’où partent les grands cris;

Mais nous plaçons plus haut la conscience auguste.

Un monde, s’il a tort, ne pèse pas un juste;

Tout un océan fou bat en vain un grand cœur.

O multitude, obscure et facile au vainqueur,

Dans l’instinct bestial trop souvent tu te vautres,

Et nous te résistons! Nous ne voulons, nous autres,

Ayant Danton pour père et Hampden pour aïeul,

Pas plus du tyran Tous que du desposte Un Seul.

Voici le peuple: il meurt, combattant magnifique,

Pour le progrès; voici la foule: elle en trafique;

Elle mange son droit d’aînesse en ce plat vil

Que Rome essuie et lave avec Ainsi-soit-il!

Voici le peuple: il prend la Bastille, il déplace

Toute l’ombre en marchant; voici la populace:

Elle attend au passage Aristide, Jésus,

Zénon, Bruno, Colomb, Jeanne, et crache dessus.

Voici le peuple avec son épouse, l’idée;

Voici la populace avec son accordée,

La guillotine. Eh bien, je choisis l’idéal.

Voici le peuple: il change avril en Floréal,

Il se fait République, il règne et délibère.

Voici la populace: elle accepte Tibère.

Je veux la République et je chasse César.

L’attelage ne peut amnistier le char.

Le droit est au-dessus de Tous; nul vent contraire

Ne le renverse; et Tous ne peuvent rien distraire

Ni rien aliéner de l’avenir commun.

Le peuple souverain de lui-même, et chacun

Son propre roi; c’est là le droit. Rien ne l’entame.

Quoi! l’homme que voilà qui passe, aurait mon âme!

Honte! il pourrait demain, par un vote hébété,

Prendre, prostituer, vendre ma liberté!

Jamais. La foule un jour peut couvrir le principe;

Mais le flot redescend, l’écume se dissipe,

La vague en s’en allant laisse le droit à nu.

Qui donc s’est figuré que le premier venu

Avait droit sur mon droit! qu’il fallait que je prisse

Sa bassesse pour joug, pour règle son caprice!

Que j’entrasse au cachot s’il entre au cabanon!

Que je fusse forcé de me faire chaînon

Parce qu’il plaît à tous de se changer en chaîne!

Que le pli du roseau devînt la loi du chêne!

Ah! le premier venu, bourgeois ou paysan,

L’un égoïste et l’autre aveugle, parlons-en!

Les révolutions, durables, quoi qu’il fasse,

Ont pour cet inconnu qui jette à leur surface

Tantôt de l’infamie et tantôt de l’honneur,

Le dédain qu’a le mur pour le badigeonneur.

Voyez-le, ce passant de Carthage ou d’Athènes

Ou de Rome, pareil à l’eau qui des fontaines

Tombe aux pavés, s’en va dans le ruisseau fatal,

Et devient boue après avoir été cristal.

Cet homme étonne, après tant de jours beaux et rudes,

Par son indifférence au fond des turpitudes

Ceux mêmes qu’ont d’abord éblouis ses vertus;

Il est Falstaff après avoir été Brutus;

Il entre dans l’orgie en sortant de la gloire;

Allez lui demander s’il sait sa propre histoire,

Ce qu’était Washington ou ce qu’a fait Barra,

Son cœur mort ne bat plus aux noms qu’il adora.

Naguère il restaurait les vieux cultes, les bustes

De ses héros tombés, de ses aïeux robustes,

Phocion expiré, Lycurgue enseveli,

Riego mort, et voyez maintenant quel oubli!

Il fut pur, et s’en lave; il fut saint, et l’ignore;

Il ne s’aperçoit pas même qu’il déshonore

Par l’œuvre d’aujourd’hui son ouvrage d’hier;

Il devient lâche et vil, lui qu’on a vu si fier;

Et, sans que rien en lui se révolte et proteste,

Barbouille une taverne immonde avec le reste

De la chaux .dont il vient de blanchir un tombeau.

Son piédestal souillé se change en escabeau;

L’honneur lui semble lourd, rouillé, gothique; il raille

Cette armure sévère et dit: Vieille ferraille!

Jadis des fiers combats il a joué le jeu;

Duperie. Il fut grand, et s’en méprise un peu.

Il est sa propre insulte et sa propre ironie.

Il est si bien esclave à présent qu’il renie,

Indigné, son passé, perdu dans la vapeur;

Et quant à sa bravoure ancienne, il en a peur.

Mais quoi, reproche-t-on à la mer qui s’écroule

L’onde, et ses millions de têtes à la foule?

Que sert de chicaner ses erreurs, son chemin,

Ses retours en arrière, à ce nuage humain,

A ce grand tourbillon des vivants, incapable,

Hélas! d’être innocent comme d’être coupable?

A quoi bon? quoique vague, obscur, sans point d’appui,

Il est utile; et tout en flottant devant lui,

Il a pour fonction, à Paris comme à Londre,

De faire le progrès, et d’autres d’en répondre;

La République anglaise expire, se dissout,

Tombe, et laisse Milton derrière elle debout;

La foule a disparu, mais le penseur demeure;

C’est assez pour que tout germe et que rien ne meure.

Dans les chutes du droit rien n’est désespéré.

Qu’importe le méchant heureux, fier, vénéré?

Tu fais des lâchetés, ciel profond; tu succombes,

Rome; la liberté va vivre aux catacombes;

Les dieux sont au vainqueur, Caton reste aux vaincus.

Kosciusko surgit des os de Galgacus.

On interrompt Jean Huss; soit; Luther continue.

La lumière est toujours par quelque bras tenue;

On mourra, s’il le faut, pour prouver qu’on a foi;

Et volontairement, simplement, sans effroi,

Des justes sortiront de la foule asservie,

Iront droit au sépulcre et quitteront la vie,

Ayant plus de dégoût des hommes que des vers.

Oh! ces grands Régulus, de tant d’oubli couverts,

Arria, Porcia, ces héros qui sont femmes,

Tous ces courages purs, toutes ces fermes âmes,

Curtius, Adam Lux, Thraséas calme et fort,

Ce puissant Condorcet, ce stoïque Chamfort,

Comme ils ont chastement quitté la terre indigne!

Ainsi fuit la colombe, ainsi plane le cygne,

Ainsi l’aigle s’en va du marais des serpents.

Léguant l’exemple à tous, aux méchants, aux rampants,

A l’égoïsme, au crime, aux lâches cœurs pleins d’ombre,

Ils se sont endormis dans le grand sommeil sombre;

Ils ont fermé les yeux ne voulant plus rien voir;

Ces martyrs généreux ont sacré le devoir,

Puis se sont étendus sur la funèbre couche;

Leur mort à la vertu donne un baiser farouche.

O caresse sublime et sainte du tombeau

Au grand, au pur, au bon, à l’idéal, au beau!

En présence de ceux qui disent: Rien n’est juste!

Devant tout ce qui trouble et nuit, devant Locuste,

Devant Pallas, devant Carrier, devant Sanchez,

Devant les appétits sur le néant penchés,

Les sophistes niant, les cœurs faux, les fronts vides,

Quelle affirmation que ces grands suicides!

Ah! quand tout paraît mort dans le monde vivant,

Quand on ne sait s’il faut avancer plus avant,

Quand pas un cri du fond des masses ne s’élance,

Quand l’univers n’est plus qu’un doute et qu’un silence,

Celui qui dans l’enceinte où sont les noirs fossés

Ira chercher quelqu’un de ces purs trépassés

Et qui se collera l’oreille contre terre,

Et qui demandera: Faut-il croire, ombre austère?

Faut-il marcher, héros sous la cendre enfoui?

Entendra ce tombeau dire à voix haute: Oui.

Oh! qu’est-ce donc qui tombe autour de nous dans l’ombre?

Que de flocons de neige! En savez-vous le nombre?

Comptez les millions et puis les millions!

Nuit noire! on voit rentrer au gîte les lions;

On dirait que la vie éternelle recule;

La neige fait, niveau hideux du crépuscule,

On ne sait quel sinistre abaissement des monts;

Nous nous sentons mourir si nous nous endormons

Cela couvre les champs, cela couvre les villes;

Cela blanchit l’égout masquant ses bouches viles:

La lugubre avalanche emplit le ciel terni;

Sombre épaisseur de glace! Est-ce que c’est fini?

On ne distingue plus son chemin; tout est piège.

Soit.

Que restera-t-il de toute cette neige,

Voile froid de la terre au suaire pareil,

Demain, une heure après le lever du soleil

L’ANNÉE

TERRIBLE

J’entreprends de conter l’année épouvantable,

Et voilà que j’hésite, accoudé sur ma table.

Faut-il aller plus loin? dois-je continuer?

France! ô deuil! voir un astre aux cieux diminuer!

Je sens l’ascension lugubre de la honte.

Morne angoisse! un fléau descend, un autre monte.

N’importe. Poursuivons. L’histoire en a besoin.

Ce siècle est à la barre et je suis son témoin.

AOUT1870

Table des matières

SEDAN

Table des matières

I

Table des matières

Toulon, c’est peu; Sedan, c’est mieux.

L’homme tragique,

Saisi par le destin qui n’est que la logique,

Captif de son forfait, livré les yeux bandés

Aux noirs événements qui le jouaient aux dés,

Vint s’échouer, rêveur, dans l’opprobre insondable.

Le grand regard d’en haut lointain et formidable

Qui ne quitte jamais le crime, était sur lui;

Dieu poussa ce tyran, larve et spectre aujourd’hui,

Dans on ne sait quelle ombre où l’histoire frissonne

Et qu’il n’avait encore ouverte pour personne;

Là, comme au fond d’un puits sinistre, il le perdit.

Le juge dépassa ce qu’on avait prédit.

Il advint que cet homme un jour songea:–Je règne.

Oui. Mais on me méprise, il faut que l’on me craigne.

J’entends être à mon tour maître du monde, moi.

Terre, je vaux mon oncle, et j’ai droit à l’effroi.

Je n’ai pas d’Austerlitz, soit, mais j’ai mon Brumaire.

Il a Machiavel tout en ayant Homère,

Et les tient attentifs tous deux à ce qu’il fait;

Machiavel à moi me suffit. Galifet

M’appartient, j’eus Morny, j’ai Rouher et Devienne.

Je n’ai pas encor pris Madrid, Lisbonne, Vienne,

Naples, Dantzick, Munich, Dresde, je les prendrai.

J’humilierai sur mer la croix de Saint-André,

Et j’aurai cette vieille Albion pour sujette.

Un voleur qui n’est pas le roi des rois, végète.

Je serai grand. J’aurai pour valets, moi forban,

Mastaï sous sa mitre, Abdul sous son turban,

Le czar sous sa peau d’ours et son bonnet de martre;

Puisque j’ai foudroyé le boulevard Montmartre,

Je puis vaincre la Prusse; il est aussi malin

D’assiéger Tortoni que d’assiéger Berlin;

Quand on a pris la Banque on peut prendre Mayence.

Pétersbourg et Stamboul sont deux chiens de faïence;

Pie et Galantuomo sont à couteaux tirés;

Comme deux boucs livrant bataille dans les prés,

L’Angleterre et l’Irlande à grand bruit se querellent;

D’Espagne sur Cuba les coups de fusil grêlent;

Joseph, pseudo-César, Wilhelm, piètre Attila,

S’empoignent aux cheveux; je mettrai le holà;

Et moi, l’homme éculé d’autrefois, l’ancien pitre,

Je serai, par-dessus tous les sceptres, l’arbitre;

Et j’aurai cette gloire, à peu près sans débats,

D’être le Tout-Puissant et le Très-Haut d’en bas.

De faux Napoléon passer vrai Charlemagne,

C’est beau. Que faut-il donc pour cela? prier Magne

D’avancer quelque argent à Lebœuf, et choisir,

Comme Haroun escorté le soir par son vizir,

L’heure obscure où l’on dort, où la rue est déserte,

Et brusquement tenter l’aventure; on peut, certe,

Passer le Rhin ayant passé le Rubicon.

Piétri me jettera des fleurs de son balcon.

Magnan est mort, Frossard le vaut; Saint-Arnaud manque,

J’ai Bazaine. Bismarck me semble un saltimbanque;

Je crois être aussi bon comédien que lui.

Jusqu’ici j’ai dompté le hasard ébloui;

J’en ai fait mon complice, et la fraude est ma femme.

J’ai vaincu, quoique lâche, et brillé, quoique infâme.

En avant! j’ai Paris, donc j’ai le genre humain.

Tout me sourit, pourquoi m’arrêter en chemin?

Il ne me reste plus à gagner que le quine.

Continuons, la chance étant une coquine.

L’univers m’appartient, je le veux, il me plaît;

Ce noir globe étoilé tient sous mon gobelet.

J’escamotai la France, escamotons l’Europe.

Décembre est mon manteau, l’ombre est mon enveloppe;

Les aigles sont partis, je n’ai que les faucons;

Mais n’importe! Il fait nuit. J’en profite. Attaquons.

Or il faisait grand jour. Jour sur Londres, sur Rome,

Sur Vienne, et tous ouvraient les yeux, hormis cet homme

Et Berlin souriait et le guettait sans bruit.

Comme il étaitaveugle il crut qu’il faisait nuit.

Tous voyaient la lumière et seul il voyait l’ombre.

Hélas! sans calculer le temps, le lieu, le nombre,

A tâtons, se fiant au vide, sans appui,

Ayant pour sûreté ses ténèbres à lui,

Ce suicide prit nos fiers soldats, l’armée

De France devant qui marchait la renommée,

Et sans canons, sans pain, sans chefs, sans généraux,

Il conduisit au fond du gouffre les héros.

Tranquille, il les mena lui-même dans le piège.

–Où vas-tu? dit la tombe. Il répondit: que sais-je?

II

Table des matières

Que Pline aille au Vésuve, Empédocle à l’Etna,

C’est que dans le cratère une aube rayonna,

Et ces grands curieux ont raison; qu’un brahmine

Se fasse à Benarès manger par la vermine,

C’est pour le paradis et cela se comprend;

Qu’à travers Lipari de laves s’empourprant,

Un pêcheur de corail vogue en sa coraline,

Frêle planche que lèche et mord la mer féline,

Des caps de Corse aux rocs orageux de Corfou;

Que Socrate soit sage et que Jésus soit fou,

L’un étant raisonnable et l’autre étant sublime;

Que le prophète noir crie autour de Solime

Jusqu’à ce qu’on le tue à coups de javelots;

Que Green se livre aux airs et Lapeyrouse aux flots,

Qu’Alexandre aille en Perse ou Trajan chez les Daces,

Tous savent ce qu’ils font; ils veulent: leurs audaces

Ont un but; mais jamais les siècles, le passé,

L’histoire n’avaient vu ce spectacle insensé,

Ce vertige, ce rêve, un homme qui lui-même,

Descendant d’un sommet triomphal et suprême,

Tirant le fil obscur par où la mort descend,

Prend la peine d’ouvrir sa fosse, et, se plaçant

Sous l’effrayant couteau qu’un mystère environne,

Coupe sa tête afin d’affermir sa couronne!

III

Table des matières

Quand la comète tombe au puits des nuits, du moins

A-t-elle en s’éteignant les soleils pour témoins

Satan précipité demeure grandiose;

Son écrasement garde un air d’apothéose;

Et sur un fier destin, farouche vision,

La haute catastrophe est un dernier rayon.

Bonaparte jadis était tombé; son crime,

Immense, n’avait pas déshonoré l’abîme;

Dieu l’avait rejeté, mais sur ce grand rejet

Quelque chose de vaste et d’altier surnageait;

Le côté de clarté cachait le côté d’ombre;

De sorte que la gloire aimait cet homme sombre,

Et que la conscience humaine avait un fond

De doute sur le mal que les colosses font.

Il est mauvais qu’on mette un crime dans un temple,

Et Dieu vit qu’il fallait recommencer l’exemple.

Lorsqu’un titan larron a gravi les sommets,

Tout voleur l’y veut suivre; or il faut désormais

Que Sbrigani ne puisse imiter Prométhée;

Il est temps que la terre apprenne épouvantée

A quel point le petit peut dépasser le grand,

Comment un ruisseau vil est pire qu’un torrent,

Et de quelles stupeurs la main du sort est pleine,

Même après Waterloo, même après Sainte-Hélène!

Dieu veut des astres noirs empêcher le lever.

Comme il était utile et juste d’achever

Brumaire et ce Décembre encor couvert de voiles

Par une éclaboussure allant jusqu’aux étoiles

Et jusqu’aux souvenirs énormes d’autrefois,

Comme il faut au plateau jeter le dernier poids,

Celui qui pèse tout voulut montrer au monde,

Après la grande fin, l’écroulement immonde,

Pour que le genre humain reçût une leçon,

Pour qu’il eût le mépris ayant eu le frisson,

Pour qu’après l’épopée on eût la parodie,

Et pour que nous vissions ce qu’une tragédie

Peut contenir d’horreur, de cendre et de néant

Quand c’est un nain qui fait la chute d’un géant.

Cet homme étant le crime, il était nécessaire

Que tout le misérable eût toute la misère,

Et qu’il eût à jamais le deuil pour piédestal;

Il fallait que la fin de cet escroc fatal

Par qui le guet-apens jusqu’à l’empire monte

Fût telle que la boue elle-même en eût honte,

Et que César, flairé des chiens avec dégoût,

Donnât, en y tombant, la nausée à l’égout.

IV

Table des matières

Azincourt est riant. Désormais Ramillies,

Trafalgar, plaisent presque à nos mélancolies;

Poitiers n’est plus le deuil, Blenheim n’est plus l’affront,

Crécy n’est plus le champ où l’on baisse le front,

Le noir Rosbach nous fait l’effet d’une victoire.

France, voici le lieu hideux de ton histoire,

Sedan. Ce nom funèbre, où tout vient s’éclipser,

Crache-le, pour ne plus jamais le prononcer.

V

Table des matières

Plaine! affreux rendez-vous! Ils y sont, nous y sommes.

Deux vivantes forêts, faites de têtes d’hommes,

De bras, de pieds, de voix, de glaives, de fureur,

Marchent l’une sur l’autre et se mêlent. Horreur!

Cris! Est-ce le canon? sont-ce des catapultes?

Le sépulcre sur terre a parfois des tumultes,

Nous appelons cela hauts faits, exploits; tout fuit,

Tout s’écroule, et le ver dresse la tête au bruit.

Des condamnations sont par les rois jetées

Et sont par l’homme, hélas! sur l’homme exécutées;

Avoir tué son frère est le laurier qu’on a.

Après Pharsale, après Hastings, après Iéna,

Tout est chez l’un triomphe et chez l’autre décombre.

O Guerre! le hasard passe sur un char d’ombre

Par d’effrayants chevaux invisibles traîné.

La lutte était farouche. Un carnage effréné

Donnait aux combattants des prunelles de braise;

Le fusil Chassepot bravait le fusil Dreyse;

A l’horizon hurlaient des méduses, grinçant

Dans un obscur nuage éclaboussé de sang,

Coulevrines d’acier, bombardes, mitrailleuses;

Les corbeaux se montraient de loin ces travailleuses;

Tout festin est charnier, tout massacre est banquet.

La rage emplissait l’ombre, et se communiquait,

Comme si la nature entrait dans la bataille,

De l’homme qui frémit à l’arbre qui tressaille;

Le champ fatal semblait lui-même forcené.

L’un était repoussé, l’autre était ramené,

Là c’était l’Allemagne et là c’était la France.

Tous avaient de mourir la tragique espérance

Ou le hideux bonheur de tuer, et pas un

Que le sang n’enivrât de son âcre parfum,

Pas un qui lâchât pied, car l’heure était suprême.

Cette graine qu’un bras épouvantable sème,

La mitraille, pleuvait sur le champ ténébreux;

Et les blessés râlaient, et l’on marchait sur eux,

Et les canons grondants soufflaient sur la mêlée

Une fumée immense aux vents échevelée.

On sentait le devoir, l’honneur, le dévouement,

Et la patrie, au fond de l’âpre acharnement.

Soudain, dans cette brume, au milieu du tonnerre,

Dans l’ombre énorme où rit la mort visionnaire,

Dans le chaos des chocs épiques, dans l’enfer

Du cuivre et de l’airain heurtés contre le fer,

Et de ce qui renverse écrasant ce qui tombe,

Dans le rugissement de la fauve hécatombe,

Parmi les durs clairons chantant leur sombre chant,

Tandis que nos soldats luttaient, fiers et tâchant

D’égaler leurs aïeux que les peuples vénèrent,

Tout à coup, les drapeaux hagards en frissonnèrent,

Tandis que du destin subissant le décret,

Tout saignait, combattait, résistait ou mourait,

On entendit ce cri monstrueux: Je veux vivre!

Le canon stupéfait se tut, la mêlée ivre

S’interrompit.–le mot de l’abîme était dit.