L'arche de Lilli - Claude Gilardi - E-Book

L'arche de Lilli E-Book

Claude Gilardi

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Beschreibung

Lilli, une jeune Parisienne, s’ennuie et quitte son monde étriqué. Bien qu’encore enfant, elle prend des risques, fait des rencontres hors du commun et découvre qu’elle possède une destinée extraordinaire. Ces personnages aux origines diverses engagent leur vie, voire la perdent, en se ralliant à une cause commune. Ils aspirent à changer le cours de l’histoire de l’humanité, afin qu’elle retrouve la sagesse et que la Terre puisse enfin respirer. Une fois leur objectif atteint, ils se posent tous la même question cruciale : que feront les humains de cette nouvelle, et probablement dernière, chance qui leur est offerte ?


À PROPOS DE L'AUTEUR

Claude Gilardi a embrassé la carrière d'écrivain avec la publication de deux livres aux éditions Amalthee. En 2006, il écrit "L'Hirondelle" qui constituait la première partie d'une trilogie dont le livre actuel est le deuxième volet. En 2013, il partage son autobiographie intitulée "Mes Respects ! Artisan-créateur", il aborde l'écriture de la même manière qu'il construit un jouet ou un meuble. Son œuvre sert de témoignage, transmet des messages, alerte et dénonce, tout en incluant des clins d'œil à diverses personnes et situations.

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Claude Gilardi

L’arche de Lilli

Roman

© Lys Bleu Éditions – Claude Gilardi

ISBN : 979-10-422-1474-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Merci à mes proches, Dominique, Elodie, Manon, Marie-Christine, Martine, Mimie et Rachel pour l’aide précieuse apportée par leurs lectures, leurs avis, les corrections et leurs encouragements.

L’Inconnu

« Deux à gauche, deux à droite ! Pas une de plus ! dit le maître, tout en arpentant l’allée de la salle de classe.

— Deux à gauche, deux à droite ! Pas une de plus ! reprend la classe, en chœur.

— Jamais seul ! Toujours deux ! Pas un de moins, pas un de plus ! relance le maître.

— Jamais seul ! Toujours deux ! Pas un de moins, pas un de plus ! » entonnent les élèves, avec de moins en moins de conviction, à mesure que la journée avance.

C’est une chaude journée d’été, si chaude et si lourde, que dans la petite salle de classe mal aérée, toujours surchauffée, l’air est irrespirable, accablant, saturé de poussières. Elles proviennent des freins des métros qui se bousculent du matin au soir. Et puis, il y a le bruit de ces trains qui s’arrêtent et repartent, le son des haut-parleurs, le brouhaha des voyageurs qui montent et descendent, vont et viennent dans les galeries, attendent le long du quai, sans oublier les vibrations incessantes du sol. Les trains qui passent régulièrement, inlassablement, distraient la jeune Lilli. Aux tremblements de tous les murs, elle sait précisément quand ils s’arrêtent et repartent. Elle rêve de ces trains qui passent, se suivent infatigablement, s’immobilisent un instant pour repartir sans cesse. Où vont-ils ? Elle aimerait tant les suivre. Il y a également les « psschhhiiiiiii » des portes. Ce sont les soupirs de ces trains qui détournent le plus son attention. Faute de fenêtre, elle n’a que le rêve et ne peut qu’imaginer.

Elle reconnaît chaque souffle du métro, quand « ça » s’arrête et quand « ça » repart et là, elle ne peut retenir son esprit assoiffé d’aventures, trop souvent ramené à la réalité par la voix grondante du maître.

« Vous rêvez encore mademoiselle ! »

Oui ! Elle rêve !

Quel autre moyen a-t-elle de quitter cette pièce où l’air lourd et puant irrite les poumons ?

Quelle autre façon d’oublier un peu le maître inintéressant ?

Oui ! Je rêve ! A-t-elle envie de jeter à voix haute à la tête de ce ventripotent soporifique qui rabâche sans cesse les mêmes leçons ? Elle pourrait aussi faire le pitre comme tous ses autres camarades. Non, elle est sage et subit en silence. Elle a tout compris et tout retenu de ce que le maître leur enseigne depuis le début, mais maintenant elle rêve. Elle est adolescente et le propre de cet âge n’est-il pas de rêver, d’avoir espoir en l’avenir, d’en vouloir à tout le monde, sans trop savoir pourquoi, ni à qui en particulier ? Dans quelques instants, c’est au maître qu’elle en voudra, s’il ne change pas de sujet. Elle veut simplement s’évader comme dans l’histoire qu’il leur narre sans cesse. Elle s’ennuie. Cette leçon, elle la connaît par cœur, comme toutes les autres, mais il semble qu’il se plaise à ressasser la même, chaque jour. Depuis qu’elle va à l’école, elle a appris à lire, écrire et compter, mais rien d’autre, et toutes ces connaissances ne lui servent pas à grand-chose, à part compter les trains, les heures.

Lire ? Mais lire quoi ? Les livres sont toujours les mêmes, tristes et usés. Les histoires, qu’elle connaît par cœur, sont sans aucune image, toujours les mêmes, à tel point qu’elle ne voit pas l’utilité d’apprendre à lire si c’est pour ressasser toujours la même chose. La lecture ne doit-elle pas permettre de découvrir des écrits nouveaux et de s’enrichir l’esprit, tout du moins de faire travailler l’imagination ? Pourquoi apprendre à en déchiffrer les codes complexes, si c’est pour limiter ses horizons ?

Les livres d’école sont étranges, incomplets et composés de pages déchirées et assemblées à la façon d’un journal, les textes ne finissent souvent jamais.

On commence un récit et il s’arrête subitement, sans qu’on ne puisse jamais savoir ni la suite ni la fin. Les bords des pages sont déchirés et pas toujours très droits. Qui a pu les écrire ? Ils ne seraient sûrement pas contents qu’on ne lise leurs récits qu’à moitié. En tous cas, elle envie les auteurs de savoir écrire de si beaux textes.

Pourtant, elle sait où trouver de vrais et beaux gros livres, avec de belles couvertures et des dorures sur la tranche, des ouvrages recelant assurément des histoires complètent, pas comme les ersatz fournis par le maître. De l’autre côté du mur de la classe, dans une pièce sombre, il y a de très hautes étagères accueillant un tas de bric-à-brac et tout en haut d’une d’entre elles, il y a une rangée de livres reliés, bien plus gros et probablement bien plus intéressants que ceux du maître. Elle le sait, car un jour elle a transgressé les règles et est allée de l’autre côté. Cette fois-là, quand ses yeux s’étaient enfin habitués à l’obscurité et qu’elle avait découvert avec enthousiasme les nombreuses reliures alignées, elle avait hâte que son maître soit informé de cette trouvaille et qu’il accepte de les sortir de là. Hélas, quand il a su qu’elle avait transgressé ses ordres, il s’était fâché, très fort, comme si elle avait commis une faute irréparable. Pour autant, il n’avait pas eu l’air surpris par la découverte de sa jeune élève.

Elle pense souvent à eux et dès qu’elle le peut, redoublant de prudence et de ruse, elle y retourne. Elle les regarde longtemps, avec intensité, comme pour percer leurs secrets. Malgré la poussière, il est possible d’imaginer grâce aux couleurs dans chaque fenêtre de leurs dos qu’ils doivent être pleins de dessins ou d’illustrations. Seulement, voilà, passer de l’autre côté est interdit, alors en ramener un livre, elle n’imagine même pas que ce soit possible.

Quelle utopie ! Quel dommage !

À chaque fois qu’elle aborde le sujet, le maître dit que ces livres ne sont pas pour eux et qu’il ne faut surtout pas les ouvrir.

Comment peut-on résister à telle curiosité ? Le maître n’est peut-être pas curieux et se contente peut-être de sa routine quotidienne ! À l’écouter, même lui ne sait pas ce qu’ils contiennent. Il n’y a rien de tel pour exciter la curiosité d’une enfant et faire aller son imagination. Pour ceux qui en ont, car les camarades de classe n’ont pas l’air d’être bien équipés de ce côté-là, sauf pour faire les andouilles. En ce qui la concerne, l’effet est totalement inverse. Ces livres, fermés, si haut nichés, inaccessibles, l’emmènent ailleurs vers de potentielles belles images, de possibles belles histoires. Elle ne sait pas où, mais elle est certaine qu’il y a autre chose que son monde étriqué, elle le sent. Mais ils sont si volumineux et si hauts perchés, ils doivent être si lourds, avec des centaines de pages chacun, qu’elle ne voit déjà pas comment elle pourrait en descendre un. En frottant la poussière, elle a pu découvrir une gravure sur la couverture de l’un d’eux, le dernier de la rangée. Quand elle avait demandé au maître ce que ces livres contiennent, il s’était borné à dire :

«Il y a un livre qui parle de bateaux.

— Ça sert à quoi les bateaux ?

— Ça sert à naviguer, voilà tout !

— Et tous ces objets sur les étagères ? »

Elle n’aura jamais la réponse. L’objet qui l’intrigue le plus est le « bateau » qui ressemble à l’image sur la couverture.

Réponse idiote ! avait-elle pensé.

Idiote ? Super idiote, oui ! Pour une réponse idiote, c’est une réponse idiote !

Elle aurait aimé avoir une explication, savoir à quoi sert un « bateau ». Elle aurait aimé que le prof explique ce que « naviguer » signifie. Il n’y a rien de pire pour exacerber l’imagination d’une adolescente ! Elle pense souvent, très souvent à cette gravure sur le gros livre, mais elle ne sait pas ce qu’elle doit imaginer à son sujet. Elle ne sait pas le sens de « naviguer », mais elle devine que ce doit être un combat, une lutte difficile et aventureuse et ça lui plaît de penser de cette façon. Elle est impressionnée par l’énergie qui ressort de ce dessin. Ce « bateau », comme le nomme le maître, semble être sur de l’eau, une immensité d’eau.

Mais voilà, où trouver tant d’eau ? Il semble « naviguer » dans une eau immense, profonde et sombre, une eau en mouvement, violente et déchaînée. Comme poussé de l’arrière par un souffle puissant, ses formes rondes et lourdes paraissent peser de tout leur poids sur l’eau contre laquelle il a l’air de se battre, avec une énergie telle que sa survie semble en dépendre. Les nombreuses et larges toiles gonflées dégagent une énergie incroyable.

Naviguer ? C’est certainement dangereux ! Elle a déjà pensé à pousser un livre dans le vide, ainsi pourrait-elle en lire un peu et comprendre. Mais il faudrait que la classe soit vide assez longtemps pour agir tranquillement. De plus, elle pourrait tomber et se rompre le cou. Et puis, sera-t-elle assez forte pour en pousser un ? Elle va y réfléchir encore et bien finir par trouver une solution. Heureusement, la classe est presque finie pour aujourd’hui, car le maître en est toujours avec son sempiternel refrain.

«Nous n’utiliserions le métro que dans deux cas bien précis. Lesquels, mademoiselle Francine ?

— Chercher de la nourriture !

— Bien, très bien ! Mais encore ?

— Déménager !

— Bien, très bien !

— Et vous monsieur François, que pouvez-vous ajouter à cela ?

— Nous n’irions que dans deux stations à gauche et deux stations à droite.

— Bien, très très bien ! Mais pourquoi pas plus loin ? Je vous le demande ! »

La classe, d’une seule voix qui connaît la réponse.

« Après, c’est L’Inconnu et c’est connu, L’Inconnu c’est dangereux. »

Même Lilli a répondu, machinalement, car elle a l’esprit ailleurs. Le maître rejoint son pupitre, hochant la tête, tout en répétant cette litanie, à la façon de quelqu’un qui en est revenu et qui ne connaît que trop bien les dangers qui s’y trouvent.

« L’Inconnu ! Terriblement dangereux ! Te-rri-ble-ment ! Certains ont tenté de franchir ce cap et ne sont jamais revenus ! »

Du bout de sa règle, il suit le schéma qu’il a dessiné au tableau.

« Pour aller d’un quai à l’autre, il faut traverser les voies. Si un train passe… … ! Que risque-t-on, si un train passe ? »

La règle tourne interminablement au bout de sa main, cherchant sa victime.

«Vous !

— On peut se faire écrabouiller. »

Sa voix augmente en intensité toute théâtrale, pour ajouter.

« Parfaitement ! Écrabouillé ! Attention ! Voyez ! Là et là, il y a les barres électriques qui tuent. Le dernier qui a fait le fanfaron y est resté, raide mort. »

Il laisse passer un moment de silence pour préparer son effet, puis d’une voix encore plus forte.

« RAI-DE-MORT ! »Puis il se radoucit un peu et reprend le fil de son cours magistral.

« Quand on prend un train, il faut toujours être deux et être vigilant à tout. Mademoiselle Lilli, vous rêvassez quand je parle ! Il faut compter les stations, je vous rappelle, pas plus de deux à gauche et deux à droite. Si on oublie, il faut sauter sur le train qui revient et c’est trrrèèèès dangereux ! On peut aussi descendre de la rame sur laquelle on se trouve, traverser et revenir avec l’autre. Deux à gauche, deux à droite, pas une de plus ! Pas une !

LILLI : On le fait quand, m’sieur ?

— La petite sotte ! Elle est folle ! Cette enfant est folle ! Si un jour vous devez passer à la pratique, c’est que l’heure est grave. Il ne sera plus temps de plaisanter ni de rêver. Ceci n’est que de la théorie et doit le rester. Vous ne croyez quand même pas que je vais risquer des travaux pratiques de telle envergure, avec une classe de jeunes écervelés. Si jamais j’en perdais ne serait-ce qu’un seul et qu’il parte avec le train, qu’adviendra-t-il de lui ? Que diraient ses parents ?

Plus loin que deux stations, c’est l’Inconnu. Personne n’en est jamais revenu. La seule chose que nous mettrons en pratique, c’est le passage d’un quai à l’autre et le repérage de la chaîne au plafond de la voûte. Point final. »

Quand le prof se retourne vers le tableau pour continuer son cours, Lilli murmure à son camarade de table, qui a bien du mal à contenir son rire.

«C’est surtout à cause de son gros ventre.

— Silence, derrière mon dos ! Pour monter, c’est simple. Dangereux, mais simple. On grimpe le long de la voûte, jusqu’à la plate-forme en métal, là ! On descend le long de la chaîne qui pend. Attention ! Pas trop bas, à la moitié. On attend que le train soit bien arrêté et on se laisse tomber sur le toit. Pour remonter, il faut se trouver au point exact, attraper la chaîne au vol et se hisser vite sur la plate-forme avant que le train ne reparte. Sinon, il peut vous emmener avec le souffle. »

Lilli, mimant de ses mains jointes les rondeurs stomacales du prof, chuchote à son voisin.

« Il ne risque rien avec le souffle.»

Il est vrai qu’il est assez difficile d’imaginer le professeur, grimpant le long de la voûte du tunnel.

« Mademoiselle Lilli, puis-je savoir ce qu’il y a de si intéressant, de si drôle, que votre camarade en est rouge à s’étouffer ? »

Prise sur le fait, Lilli rougit et bafouille.

« Rien m’sieur, rien ! C’est parce que j’ai, j’ai… … !

—Qu’avez-vous, jeune écervelée ?

— Des gaz, m’sieur ! Voilà, c’est ça ! J’ai des gaz. Alors, ça fait rire les autres. Ce n’est pas ma faute, vous savez ! »

Involontairement, elle a réussi un coup magistral. Maintenant, toute la classe en profite pour rire un bon coup. Sa réponse a été si surprenante, que le maître est quelque peu confus et en reste bouche bée quelques secondes.

« Je vois, je vois ! Essayez de vous retenir à l’avenir.

— Promis, m’sieur ! Mais, tous ces haricots qu’on mange, ça fait des gaz…

— Épargnez-nous les détails, s’il vous plaît !

— D’accord m’sieur ! Promis ! »

Le professeur se replonge dans son cours, avec un haussement d’épaules qui en dit long sur l’opinion qu’il a de cette insouciante et insolente jeunesse.

«Péter en classe ! Quand même ! » dit-il, en tapotant nerveusement sa règle sur le tableau, visiblement à la recherche de ses idées.

«Où en étais-je ? Ah oui ! La plate-forme est étroite, il n’y a de la place que pour deux. »

Lilli n’entendra pas la suite, elle est loin, très loin, repartie dans ses rêves d’aventure. Après la classe, elle flâne le long des quais. Elle aime observer les gens. Elle les voit tous s’entasser dans les wagons, se poussant pour en faire entrer un maximum. Elle n’a jamais compris pourquoi ils s’entêtent à vouloir tous monter dans le même, alors que les trains se succèdent avec peu d’intervalles.

Elle a en tête le leitmotiv favori du prof.

Deux à gauche, deux à droite. Deux à gauche, deux à droite. Gna gna gna, Gna gna gna !

Mais, les passagers s’arrêtent-ils tous deux à gauche ou deux à droite ? Pourquoi le feraient-ils d’ailleurs ? Elle voudrait leur demander, mais il est interdit d’essayer.

Où vont-ils, où habitent-ils ? Ce doit être immense « deux à gauche et deux à droite », s’ils y vivent tous !

Le soir, tout en aidant sa maman pour le dîner, elle lui demande ce qu’elle pense des voyages et surtout de « L’Inconnu ». Sa maman lui rappelle les dangers de se risquer trop loin, de l’aventure.

«Personne n’a jamais réussi ce voyage. C’est “L’Inconnu” et “L’Inconnu” est dangereux, c’est bien connu. Certains ont essayé, mais ils ne sont jamais revenus. Certains disent qu’ils auraient été dévorés par quelques monstres errants dans les galeries.

— Des monstres ?

— Oui ! Des monstres énormes, bien plus gros que ton père. »

Après le repas, elle revient à la charge.

« Tu crois qu’il y a vraiment des monstres dans les galeries, je n’ai jamais rien vu dans le coin !

— Oh ! S’il te plait ! Tais-toi donc ! Ne cherche jamais à satisfaire ta curiosité, jamais ! Tu m’entends bien ? Allez, tu dois aller te coucher ! “L’Inconnu”, personne ne sait vraiment ce que c’est, mais c’est pour ça que c’est dangereux. Tu demanderas à ton père. »

Comme bien des adolescents, Lilli se sent pousser des ailes et veut reculer les limites de son monde. Certes, leur vie est prospère, les usagers du métro laissent tellement de nourriture qu’elle et les siens ne connaîtront jamais la faim. Mais, la seule occupation, le seul but de la vie, doivent-ils être de se nourrir ? Elle a d’autres ambitions. Elle veut voyager. Elle aimerait écrire les récits de ses aventures. Seulement voilà, tout ce qui semble intéressant est interdit.

À quoi bon toute cette éducation, si c’est pour rester dans ces galeries lugubres, à glaner les restes que les gens laissent partout sur les quais, sur les rails et dans les couloirs ?

Le lendemain, la classe se termine plutôt. Lilli hésite longuement le long du quai, elle regarde les trains s’arrêter, vomir leur flot de passagers, faire le plein et s’engouffrer de nouveau dans les tunnels obscurs.

Pourquoi n’a-t-elle pas le droit de partir avec eux ? Où vont-ils ?

La curiosité étant plus forte que l’interdiction, elle ne peut plus attendre et se décide. Elle va essayer « deux à droite » pour commencer. Elle y a pensé toute la journée ainsi qu’une bonne partie de la nuit. Elle a tout calculé. Les trains vont vite et se suivent régulièrement, donc elle sera de retour bien avant le goûter. Elle a le temps. Demain, si la classe finit à la même heure, elle tentera « deux à gauche », ainsi elle sera prête, si un jour il y a besoin.

Jamais tout seul !

Elle a bien écouté en classe, elle est la meilleure partout, c’est pourquoi elle peut se permettre de rêvasser un peu.

Jamais tout seul ! Il est drôle le prof, mais qui va m’escorter ? Personne ! Tant pis ! Si j’attends de trouver un courageux pour m’accompagner, je serai trop vieille et plus en âge de grimper aux murs.

Bien évidemment, elle n’a pas attendu que le maître indique où trouver la plate-forme qui permet d’accéder au toit du train. Voilà bien longtemps qu’elle a pris tous les repères. En fait, depuis le jour où il a parlé de la possibilité d’utiliser le métro, elle ne cesse de penser à partir. Partir pour aller voir du pays.

Du pays !

Quelle expression curieuse !

Ça sonne bien, mais je ne sais même pas ce que ça veut dire.

Voir du pays, mais encore ?

Du pays, c’est quoi « du pays » ?

C’est où et à quoi est-ce que ça peut ressembler « du pays » ?

Elle use de cette expression sans en connaître le sens. Elle se souvient du livre du maître, d’un des passages qu’il rabâche et dans lequel le personnage principal part voir du « pays », mais échoue et le regrette.

Le maître a un livre, à lui, rien qu’à lui, qu’il ouvre de temps en temps pour lire à voix haute des histoires. Au début, c’était intéressant, car nouveau, mais maintenant il a dû les lire des dizaines de fois. Depuis qu’il leur a conté cette épopée, Lilli ne peut s’empêcher de rêver de faire pareil, partir, quitter cet endroit, ce monde étriqué dans lequel elle a grandi.

Voir du « pays », voilà ce qu’elle veut !

Elle se lance, monte en souplesse le long de l’arche recouverte de carreaux de céramique et atteint rapidement la plate-forme en métal, suspendue au centre de la voûte, juste à l’entrée du tunnel. Le maître avait raison, il n’y a la place que pour deux et encore, il ne faut pas être trop gros.

Son papa et le prof ne pourraient pas y tenir ensemble. La barre verticale qui fixe son perchoir au plafond la protège de l’appel d’air. Sous l’épaisse plaque métallique, la chaîne est effectivement là, pendante, mais très éloignée du toit du train. Le maître dit qu’il faut se laisser tomber. Ben voyons ! Il faut non seulement descendre le long des anneaux, pas trop bas, car le souffle balance la chaîne, mais aussi se jeter sur le toit du convoi qui vient de stopper, le tout sans se rompre les os. Elle laisse passer plusieurs rames, elle a peur. Quand ils s’arrêtent sous elle, le bruit est strident, affreux, et, quand ayant repris de la vitesse, passe la dernière voiture, l’appel d’air est violent.

Elle écoute tout, très attentive, perçoit tout, les sonneries annonçant la fermeture des portes, les conducteurs parlant sur leurs radios, les portes qui se ferment avec les « psschhhiiiiiii » d’air comprimé, ceux qui la font s’évader depuis toujours. Elle regarde tous ces gens s’engouffrer, s’entasser.

Elle se retourne souvent pour regarder et sonder la galerie où « L’Inconnu » sommeille.

Notre maître ne peut pas avoir fait ça ! Avec son gros bide, il doit à peine pouvoir descendre le quai ! Il l’aura lu dans un de ses gros livres, ou quelqu’un qui l’a fait lui aura raconté. Mais qui ?

Quand un nouveau train arrive, elle est décidée et dès qu’il est arrêté, elle descend le long de la chaîne, profite du balancement de celle-ci pour se jeter sur le toit, en souplesse.

Ma fille, c’est trop tard pour reculer, le train repart !

Son cœur bat terriblement fort. Le maître n’avait pas précisé qu’il faudrait maîtriser le saut. Elle a eu tellement peur de le rater qu’elle y a mis toute sa force. Tandis qu’un saut un peu moins énergique l’aurait déposé entre les déflecteurs d’air, elle se retrouve sur le centre du toit, ne trouvant rien pour s’accrocher. Le démarrage, plus violent qu’elle n’aurait pu l’imaginer, l’a fait rouler tout le long du wagon. Le train accélérant encore, elle est soulevée et se voit propulsée sur la troisième voiture. Là, elle tente de se stabiliser, mais l’appel d’air est si puissant qu’elle se retrouve sur la cinquième et dernière voiture. Elle se plaque de tout son corps, pour ramper jusqu’au bord avant du toit. Quand elle parvient à avancer de quelques centimètres, elle est aussitôt repoussée d’autant. Combien de temps pourra-t-elle tenir ainsi ? Ses bras donnent des signes de fatigue, elle a mal et glisse lentement, mais inévitablement vers l’arrière du train. Elle est déjà presque à la moitié du wagon. Sans solution rapide, notre jeune téméraire ne sera bientôt plus que de la bouillie sur la voie. Elle voit sa fin proche. Affolée, elle se plaque davantage contre le toit, cherchant désespérément à maintenir sa prise. Elle sait que ses jeunes muscles vont lâcher sous peu et se dit qu’elle va tenter, dans un dernier effort, de s’accrocher à ce rebord qui s’éloigne de plus en plus.

Si seulement ce train pouvait ralentir un peu.

Faute de réduire sa vitesse, le train semble accélérer davantage quand il amorce sèchement une courbe et cette fois c’est la fin, elle va être éjectée contre la paroi du tunnel. À défaut de chance, ce sont les lois de la physique, via la force centrifuge, qui viennent à son secours et la propulsent vers l’extérieur, entre deux déflecteurs.

La glissade infernale s’arrête enfin !

Quelle peur, quelle sensation horrible de se sentir glisser ainsi, inexorablement ! Elle reste assise de longs instants pour se ressaisir. Quand elle va mieux, que son cœur s’est finalement décidé à reprendre un battement presque normal, elle veut voir. Malgré des douleurs qui se font sentir un peu partout, elle se hisse doucement au bord de la plaque.

Fantastique ! Quelle vitesse !

Le train file à belle allure, grisante, et l’air tiède caresse agréablement son visage. Son jeune cœur s’est enfin apaisé. Les galeries sombres sont timidement éclairées par de petites ampoules qui dévoilent de-ci de-là les rails polis par l’usure. Sans ces quelques lumières blafardes, placées régulièrement le long des galeries obscures, elle pourrait se croire montée sur un ver géant, creusant la terre à toute vitesse. Elle contemple les nouvelles stations, les nouvelles affiches. Elle va peut-être voir des amis, des cousins… À bien y réfléchir, pas des cousins, ils sont trop peureux, les cousins. Ceux qui étaient venus en vacances la dernière fois étaient de vraies chiffes molles. Bien qu’appartenant à la même famille, seule l’enveloppe est la même, mais une enveloppe quasi vide, avec le minimum vital. Soudain, elle prend conscience que trop occupée qu’elle était, elle n’a pas compté les stations. Combien en a-t-elle passé ? Une, deux ou plus ? Elle commence à paniquer, à entendre la voix du prof sans cesse s’inviter.

Il y aura des contrôles, mademoiselle Lilli, si vous rêvassez ! Et gnagnagna et gnagnagna !

Elle doit sauter sur le train qu’elle va croiser. La peur la tenaille, mais elle ne veut pas affronter « L’Inconnu », si toutefois il n’est pas trop tard. Elle réfléchit à la technique à employer et se dit qu’au lieu de les bassiner avec des théories, le prof aurait mieux fait de les faire pratiquer. Elle aurait l’air moins bête aujourd’hui.

C’est décidé, au prochain arrêt, elle saute. Décidé, oui, mais trop tard, beaucoup trop tard.

Une lumière violente, brûlante, inimaginable, la cueille de plein fouet. Impossible de garder les yeux ouverts au risque d’y perdre la vue. Cet éclairage brûlant est si puissant qu’il ferait pâlir les néons du métro, qui pourtant éclairent fort.

« L’INCONNU… ! »

Elle va être brûlée vive par un géant crachant des flammes immenses. L’Inconnu va la dévorer et sa famille ne la reverra jamais. Sa mère avait raison, elle aurait dû l’écouter. Si elle avait été moins stupide, elle serait à la maison à savourer tranquillement son goûter. Son cerveau fonctionne à une vitesse folle. Elle se baisse le long de la plaque pour se faire aussi petite que possible et s’aperçoit que la partie plate du toit recouvre partiellement l’alvéole. Voilà un abri qui tombe bien et qui atténue sensiblement la chaleur accablante. Pour le moment, rien ne se passe. Elle tente d’ouvrir les yeux. Le train circule comme si de rien n’était, semblant se moquer du monstre maléfique. La lumière disparaît d’un coup. Le train s’arrête, se vide, se remplit, puis repart et quelques secondes plus tard, il affronte à nouveau le souffle brûlant du monstre, ne s’abritant que dans les stations. Entre deux arrêts, la lumière est toujours violente et ses yeux ne supportent pas une telle agression. Le géant ne l’a pas encore vu et ne s’intéresse pas encore à elle. Tant mieux ! Elle voudrait réussir à entrouvrir les yeux pour voir « L’Inconnu » avant de mourir, mais le train continue sa course et c’est de nouveau le noir et les stations sous la forme qu’elle connaît.

Je ne suis pas morte, le train a échappé à l’inconnu. Nous n’étions pas encore arrivés ! Quel nouveau danger me guette maintenant ? Que peut-il y avoir de plus terrifiant ?

Soudain, il s’arrête dans une galerie où il n’y a pas de néon, mais des lumières plus faibles. Le métro reste ainsi immobilisé plusieurs longues minutes.

Il reprend son souffle. Mais, que se passe-t-il ? Il repart en sens inverse ?

Elle retrouve les mêmes galeries qu’à l’aller, les mêmes stations aux néons, ainsi que la chaleur indescriptible quand l’horrible géant crache de nouveau son feu terrible. Cette fois, le train roulant en sens inverse, elle se trouve dans le sens où les plaques disposées en épi captent tout l’air. Elle a du mal à respirer et doit se cacher le nez dans les mains pour ne pas étouffer. Elle garde assez de présence d’esprit pour surmonter sa peur et guetter la station où elle habite.

Voilà ! J’y suis ! Mais soudain, elle comprend que le train est sur l’autre voie et la chaîne à l’autre bout de la rame. Le train ralentit, elle sort de sa cache et court sur le toit en remontant les cinq voitures. Terrifiée, elle saute et s’agrippe à la chaîne alors que le train repart déjà. Elle manque se rompre le cou, mais tant pis, tout vaut mieux que d’affronter encore le géant. Elle reprend son souffle sur la plate-forme, puis rentre à la maison où sa maman l’attend.

« Où étais-tu ? Tu devais être là depuis une heure maintenant. Tu as l’air bien essoufflée. On dirait que tu as vu un monstre.

— C’est parce que j’ai couru pour ne pas être trop en retard ! J’ai joué avec les voisins, on n’a pas vu le temps passer. Excuse-moi, maman. J’ai faim !

— Voilà ton goûter ! Tu as des devoirs à faire ?

— Non, non ! »

Après le dîner, elle gagne sa chambre, mais ne peut s’endormir tant elle pense à son aventure.

Une foule de questions sans réponse vient perturber son jeune esprit.

Il n’y a peut-être pas besoin de changer de rame, si elle fait demi-tour et revient ? J’ai eu trop peur ! Je n’y retournerai pas ! S’il n’y avait pas de danger, si tout ça n’était inventé que pour garder les enfants à la maison ? Tous ces trains qui affrontent l’Inconnu, comment font-ils pour en revenir ? Toutes ces traces sur leurs flancs sont peut-être faites par les griffes du monstre.

Pendant plusieurs jours, elle ne cesse de penser à cette aventure. Elle pose maintes questions à son père, qui se contente de répéter ce que le maître et tout le monde affirment. Alors, le quatrième soir, elle se décide et prépare son sac à dos.

«Tu fais quoi ? Questionne Pierre, son petit frère.

— Demain, je remonte sur le train. Tu ne dis rien aux parents, d’accord ?

— Remonte ? Tu l’as déjà fait ? Tu n’es pas folle de faire ça, c’est dangereux. Si tu ne revenais pas ? Si tu avais un accident ?

— T’en fais pas, je sais ce que je fais. Si je n’en reviens pas, je te laisse tous mes jouets.

— Tous tes jouets ?

— Y’a pas de raison que je ne revienne pas. »

Dans son sac elle met plein de choses qui peuvent lui servir : bloc-notes, crayon, un goûter, de la ficelle… elle ne sait pas trop, mais elle se dit que ça lui servira peut-être pour l’aventure.

Le lendemain, elle profite de l’absence de sa maman pour s’éclipser et aller à l’assaut d’un train. Elle repart une nouvelle fois vers la droite, et, l’expérience aidant, il est beaucoup plus facile de sauter sur le toit du métro. Elle ne se laisse pas surprendre par le démarrage et, dès qu’elle est dessus, elle se met à l’abri dans la première alvéole. Assise confortablement adossée à la plaque, elle sort son petit carnet. Ce train a dû souvent subir les attaques de « L’Inconnu », car il émet une terrible plainte, un long sifflement douloureux qui heurte ses oreilles sensibles. Elle compte les stations -1-2, note leurs noms, et subitement la lumière violente est là, encore plus vive et chaude que la première fois. La chaleur produite par l’horrible chose est presque insoutenable.

Heureusement, tapie dans l’ombre de la tôle, elle ne peut pas être vue par la bête. À plusieurs reprises, le train s’arrête, crache son flot de passagers et repart, malgré la présence du monstre – 3-4-5…

Les humains ne le craignent pas ou alors il est gentil avec eux. Peut-être a-t-il trop mangé et fait-il la sieste comme Papa après chaque repas.

OUF ! Le train parvient à échapper aux flammes et c’est de nouveau l’obscurité. À la douzième, il s’arrête dans la galerie peu éclairée.

Il devrait repartir en sens inverse.

Elle attend, écoute et entend d’autres trains qui partent.

Ouiiiiii ! laisse-t-elle échapper, quand, quelques minutes plus tard et à son grand soulagement, il repart dans l’autre sens. Elle essaie de tout noter ce qu’elle voit et ce qu’elle entend, mais aussi ce qu’elle ressent. Si elle sort indemne de cette aventure, elle pourra montrer son journal de bord et peut-être écrire ses mémoires. Elle appréhende le passage sous les flammes du monstre, elle décompte dans sa tête, les yeux fermés, ne les ouvrant qu’un peu dans les stations.

Deux à gauche, deux à droite !

La rengaine est omniprésente dans sa tête. Quand elle est certaine de n’être plus que deux à droite, elle se sent chez elle et regarde de nouveau. Quand le train s’arrête à sa station, elle a envie de descendre et de tout arrêter. Après tout, elle ne connaît personne qui peut se vanter d’avoir déjà fait un tel parcours.

Quelque chose l’empêche de céder à la tentation, certainement la même force qui anime tous les aventuriers. Trop tard pour changer d’avis, la rame se remet en route. Même procédure, elle compte les stations et prend des notes. À la troisième, la lumière ressurgit aussi vive et brûlante que de l’autre côté.

Soit il y a des monstres partout, soit celui-ci est gigantesque.

Le train s’échappe encore pour replonger dans le noir, mais en poussant des cris de plus en plus perçants. Elle peut enfin ouvrir les yeux. Après la sixième station, le monstre géant « Inconnu » lance une nouvelle attaque, crachant le feu de plus belle. Le métro hurle tout ce qu’il peut. À la treizième, il pousse un hurlement bien plus strident que les autres et s’arrête en cahotant. Au beau milieu de la fournaise, le toit du wagon se fait de plus en plus chaud, même sous la plaque protectrice. Lilli est blottie sous le volet de métal à attendre qu’il reparte, mais une fumée âcre la fait tousser.

Le monstre a gagné, le train commence à rôtir. Pourvu qu’il reparte ! Pourvu qu’il reparte !

En entendant les voyageurs descendre en râlant, elle comprend qu’il ne repartira pas.

 

 

 

 

 

La rencontre

 

 

 

Dodu et Solo sont installés sur l’auvent de la station et observent les voyageurs qui montent et descendent des rames de métro.

Solo, dubitatif, interroge son ami.

« T’es sûr qu’elle viendra ?

— Elle viendra !

— Tu la reconnaîtras comment ? Et si Bat s’était trompé ?

— Si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera demain, mais elle viendra ! Il faut qu’elle vienne ! »

Le train qui entre en cahotant met fin à leur discussion. En apercevant Lilli, tapie dans l’ombre du déflecteur du train, Dodu pousse du coude son ami, qui s’est mis à rêvasser en regardant le ciel.

« La voilà !

— Hein ? Quoi ?

— Regarde un peu la gamine sur le toit du train !

— Quoi ? Où ça ?

— Là, je te dis ! Dans l’ombre des plaques du toit.

— Ah ouais ! Elle aurait pu se tuer, quelle inconscience !

— Eh petite ! Eh toi ! La souris sur le toit du train. Te cache pas, je t’ai vue. »

Lilli entend et sait qu’on s’adresse à elle, mais elle sait aussi que l’immonde bestiole lui tend un piège pour l’attraper, la manger et pire encore. Le maître l’a assez répété, certains sont capables des pires ruses. Elle se tapit encore plus contre la paroi qui continue de se réchauffer. Bientôt, elle sera grillée, vive et dévorée par le monstre.

Pourvu qu’il reparte ! Pourvu qu’il reparte !

Mais, ce maudit train ne repart plus. Voilà donc l’Inconnu, le piège. La bête attaque tellement le métro, qu’il finit par abandonner la lutte et la laisse emporter tous les prisonniers. Voici donc l’infernale souricière.

« Eh ! Petite ! Tu fais quoi sur ce train ? Tu pars en vacances ? »

Solo, s’esclaffe de rire aux paroles de son ami, il rajoute.

« Aaaaaah ! Les vacances, la mer, la plage, les châteaux de sable, les vagues… les mouettes. J’en ai connu une charmante d’ailleurs, restée là-bas… !

— Arrête ça ! Tes histoires ne l’intéressent pas. C’est le terminus ici, ma fille, vu les têtes que faisaient les voyageurs.

— C’est dommage, ils étaient presque arrivés.

Teeerminuuusss !!!

J’aime ce mot, Terminus. Ça me rappelle les locos à vapeur et le contrôleur qui braillait :

“Teeeeerminuuuuus, tout le monde descend !”

Comme s’il leur disait, “Allez, tous à terre, bande de minus.” Ah oui ! J’aime cette consonance latine en “us”, cubitus, humus, humérus. J’en connais d’autres. Tiens, ya aussi radius, autobus, rictus… sac à puces. Eh ! Elle est bonne celle-là, non ? Écoute un peu ça ! Sacapus, poupérus, gugus…

DODU : Si tu attends qu’il reparte, tu peux attendre longtemps. Les passagers n’étaient pas contents. Les vilains mots qu’ils disaient. »

Solo chante sur un air d’opéra.

Si tu savais, les vilains mooooots

Il est cassé ton destrier

Il est en panne ton métroooo !

Tu n’as plus qu’à rentrer à pied.

Lilli constate qu’il y a deux voix. Ils sont peut-être deux ! Il a deux têtes ! Le maître avait parlé de ça aussi, dans des histoires datant de très longtemps. Le peu de fois où il quittait les sentiers battus, c’était pour parler des monstres et donner des exemples.

Quoi qu’il en soit, elle ne peut pas rester comme ça sur le toit d’un train à la merci de « L’Inconnu ». Elle s’étonne que les monstres prennent le temps de lui parler avant de la dévorer, mais n’ont-ils pas la réputation d’être tourmentés et cyniques ?

« Dis donc petite, tu pourrais répondre quand quelqu’un te parle, tu n’es pas trop polie. »

C’en est trop ! On peut dire plein de choses à son propos, qu’elle est pipelette en classe, qu’elle pose toujours trop de questions, qu’elle rêvasse, mais personne n’a le droit de dire qu’elle est impolie, personne ! Piquée au vif par cette insulte, elle oublie qu’elle est en présence d’une créature sanguinaire et qu’elle a peur. Sans pour autant pointer le bout de son nez, elle réplique.

« Je suis polie, mais je ne parle pas aux Inconnus ! »

Ses yeux commencent à peine à s’habituer à la lumière. Réalisant avec quelle audace elle parle à « l’Horrible à deux têtes », elle se recroqueville sous son abri et timidement, pleurnicharde.

« Pitié ! Messieurs les inconnus, ne me mangez pas ! Vous savez, je ne suis qu’une minable petite souris, malade, toute maigrichonne. Il n’y a rien à manger là-dessus.

— Tu vois bien que tu n’es pas polie, tu nous traites de monstres. »

Solo et Dodu sont descendus la voir de plus près, mais elle n’a rien entendu quand ils se sont posés sur le toit. Arrivé au-dessus de sa cache, Dodu lui adresse la parole. Elle est terrifiée de les savoir si proches et d’être ainsi prise au piège. Elle se plaque encore plus dans le renfoncement du toit.

« Ne me faites pas de mal. Pitié !

— C’est une idée fixe.

— (Solo, en se moquant de son ami) Imagines, quand elle verra ta tête !

— Quoi ma tête ? Qu’est-ce qu’elle a ma tête ?

— Tu n’as pas une tête rat-vissante, voilà tout. »

Solo se penche par-dessus le bout de tôle, pour tenter de voir la jeune Lilli. « Coucou ! »

Puis il relève la tête et dit à Dodu.

« Coucou ! J’ai dit “Coucou” ! C’est amusant que je dise ça. Tu ne penses pas ? J’aurais dû dire “Pigeon”. »

Il repique du bec et dit. « Pigeon ! »

Voyant le bec de l’oiseau dépasser du toit, elle croit voir là une canine de « La Chose ». Elle hurle, mais le hurlement qu’elle aurait dû pousser est resté bloqué dans sa gorge. Seul un timide « sqwiiik » de terreur parvient à s’échapper. Les deux amis descendent à sa hauteur dans l’alvéole voisine. Elle voudrait reculer encore, mais la paroi l’en empêche. Le visage caché derrière ses mains, elle répète en pleurnichant.

« Ne me faites pas de mal. Pitié ! »

Leurs deux têtes dépassant au-dessus de la tôle, ils la regardent.

SOLO : « Maigrichonne ? Pas tant que ça ! »

Dodu lui parle sur un ton très doux.

« N’aie pas peur, regarde-nous ! Avons-nous l’air si affreux que ça ? »

Après de longues secondes pendant lesquelles Dodu a du mal à faire taire Solo, parti une fois de plus dans ses délires lyriques, elle écarte timidement les doigts couvrant un œil. Elle observe ces deux drôles de têtes et finalement, lentement, elle laisse glisser ses mains le long de ses joues et s’enhardit.

« Vous n’êtes pas bien gros pour des monstres !

DODU : Elle recommence avec ses insultes. Là, ma petite, tu me fais bien de la peine. On pourrait être de la même famille, toi et moi. Pas ce gros sac de plume, mais toi et moi nous sommes des cousins lointains.

LILLI : Des cousins ? Vous n’êtes pas des êtres sanguinaires qui veulent me dévorer ?

DODU : Toi, tu as un problème ! Descends donc de ce train qui n’ira nulle part et mettons-nous à l’ombre pour en parler. »

Elle hésite un moment. Peut-elle faire confiance à ces deux êtres bizarres, dont l’un dit être un parent ? De mémoire, elle n’a jamais entendu ses parents lui parler d’un cousin si gros. Pourtant, sa maman a terriblement l’esprit de famille, remettant sans cesse sur le tapis, tel oncle, telle tante ou tel lointain cousin. Il se pourrait que ses parents aient honte de lui, à cause de sa grosseur ! Une fois encore, la curiosité de la jeunesse téméraire l’emporte, mais surtout la chaleur du toit devient insupportable, la plante de ses pieds se fait de plus en plus douloureuse sur la tôle brûlante. Tant bien que mal, elle réussit à descendre sur le quai, où les deux acolytes l’attendent sous un banc.

SOLO : Alors, petite, raconte-nous tes malheurs. On est mieux ici, à l’abri de la cagna. Ça tape dur aujourd’hui.

— Je m’appelle Lilli.

SOLO : C’est vrai ça ! Nous ne nous sommes même pas présentés. Lui c’est Dodu et moi, Solo.

— Si vous n’êtes pas des monstres, vous êtes quoi ?

DODU : Lui, c’est un pigeon et moi je suis un rat.

— Un RAAAAAAAAT ! hurle-t-elle d’une voix perçante, tout en allant se cacher derrière un pied du banc.

Solo, d’un rire gentiment moqueur, dit à son ami habitué à ses plaisanteries.

« Tu vois !

Puis à Lilli. Attends, attends petite ! Je t’explique. C’est un rat, bon, c’est vrai. Nul n’est parfait, mais c’est un rat-commode, pas un rat-pace. Il ne fait pas de rat-vage. Mort de rire ! Raccommode, rapace, ravage. Elles sont bonnes celles-là.

DODU : T’as pas un peu fini ?

SOLO : Je ne sais pas qui t’a mis toutes ces idées en tête, jeune fille, mais tu m’as l’air coincée. Tu radotes ! Hé ! Hé ! Hé ! Rat-dote.

LILLI : Tout le monde sait que les rats mangent les souris.

SOLO : Les autres, oui. Peut-être ! Je n’sais pas ! Mais pas mon rat à moi. Il ne bouffe que des légumes et des graines. Comme les poules ! Si tu préfères, c’est une sorte de poule à poils. »

Solo se tourne vers son ami et pour le taquiner une fois de plus, lui fait son regard interloqué sur un ton réprobateur.

« Tes congénères bouffent de la souris ? »

Dodu, gêné, à voix plus basse comme pour éviter de prononcer des mots qui pourraient faire fuir la gamine. « Oui, parfois ça leur arrive… quand ils en trouvent ! Tu sais bien qu’ils mangent de tout ! »

Solo se retourne vers Lilli dans un mouvement d’aile, tel un acteur tragique jouant de sa cape et déclame.

« C’eeeeest… vraimeeeeeent… dégueulaaaasse ! »

Il adore les films dans lesquels les personnages principaux sont des animaux, comme ceux de Tex Avery. Un de ses regrets est de n’avoir jamais pu faire de théâtre. Il a longtemps niché dans un de ces lieux mystiques et il ne ratait pas la moindre représentation, les applaudissements du public, les rappels, les costumes… les trois coups, le lever du rideau… Puis, il mime une sortie de scène, avant le tomber de rideau, tandis que Dodu parle d’une voix douce à la petite.

« Tu sais, je suis végétarien, c’est vrai ! Comme cette grosse volaille qui m’accompagne ! Je n’aime pas la viande, je n’aime pas les autres rats non plus.

Solo revenant sur ses pas.

— Ils te le rendent bien. T’as dit grosse volaille ?

— Tu ne peux pas dire que tu es maigrichon, quand même !

— C’est le mot volaille qui me chagrine, Môssieur. Je n’en rat-ffole pas.

— Et ça continue ! Il faut toujours qu’il en rajoute !

— Rat-joute ? Je l’avais déjà celui-là !

— Je le sais mon vieux, c’était pour illustrer mon propos. »

Pendant de longues minutes, les deux compères se renvoient des balles verbales, sans méchanceté, par pur sens du théâtre, comme seuls peuvent le faire deux vieux compagnons qui se connaissent vraiment, vraiment très bien.

A-t-on jamais vu pareille association ? D’ordinaire, ces deux-là n’auraient jamais dû se côtoyer, mais ils sont si différents de leurs semblables, qu’ils restent ensemble, chacun veillant constamment sur l’autre. Lilli met fin à leur joute. Elle s’amuse beaucoup de leurs pitreries, seulement voilà, dans tout ça, ils ont oublié qu’elle est là et que c’est elle qui a besoin de toute leur attention, d’être rassurée et réconfortée. Après tout, c’est quand même elle qui vient d’être terrorisée par un monstre. Les deux amis sont vraiment drôles. Grâce à leurs mines sympas, leur naturel jovial et avenant, la jeune aventurière se sent vite en confiance et raconte tout de son histoire.

LILLI : C’est marrant comme prénom, Solo !

— J’ai gagné ce surnom, car je n’aime pas voler en bande, même s’il y a quelque chose de grisant à voler en paquets de deux ou trois cents. Je ne fréquente pas souvent les autres pigeons, ils ne me comprennent pas et ne pensent qu’à manger. La plupart sont asservies aux humains et mangent dans leurs mains. Moi je suis resté libre et sauvage, comme ils disent. Si je ne trouve pas ma nourriture moi-même, je ne mange pas. C’est une question de principe.

DODU : Moi c’est pareil, ceux de mon espèce te tueraient et te mangeraient. Ils n’aiment personne, ils sont comme les humains, allant jusqu’à s’entretuer. L’oiseau et moi, ça fait un bail qu’on est ensemble et qu’on se protège l’un l’autre, lui le jour et moi la nuit. Il dort toute la nuit. Souvent, il ronfle ! Ha Ha Ha !

SOLO : Je ne ronfle pas et d’abord, toi, tu grinces des dents.

Lilli préfère les interrompre avant qu’ils ne repartent dans leur cavalcade verbale.

« C’est quoi naviguer ?

SOLO : Drôle de question !

DODU : C’est un autre moyen de déplacement des humains.

— Ah oui ? Mais c’est quoi ?

— Les humains se déplacent sur l’eau des rivières ou des mers dans des embarcations de toutes sortes.

— Je ne comprends rien à ce que vous dites. Les humains, ils sont comment ?

Dodu et Solo à l’unisson.

— Bizarres ! Très bizarres !

DODU : Fait de paradoxes ! Loufoques !

— C’est quoi loufoques ?

— Cinglés, dingues, barjots quoi !

— Je ne comprends pas non plus ces mots nouveaux !

— Ça veut dire qu’ils font souvent n’importe quoi, des tas de choses insensées, rarement avec mesure, souvent dans l’excès et sans discernement.

DODU : Si on t’en montrait, tu comprendrais mieux. C’est trop long à raconter en quelques mots.

SOLO : Nous les connaissons bien. Nous passons beaucoup de temps à les observer. Ils sont marrants à étudier.

LILLI : Où vont-ils dans ces trains ?

DODU : Ils vont travailler.

SOLO : Tu n’as jamais quitté ton souterrain ?

LILLI. Jamais !

SOLO : Il y a pourtant tant de belles choses à connaître sur cette planète.

LILLI : Planète ?

DODU : Je vois ! C’est plus grave que je ne pensais. Pourquoi les humains t’intéressent-ils tant ?

LILLI : Depuis toujours, je les vois passer et repasser en courant. Le maître ne cesse de parler d’eux, mais toujours avec mystère et sans jamais finir ses explications.

DODU : En effet, rien de tel pour susciter ton intérêt. Si tu le souhaites, nous pouvons t’enseigner tout ce que tu ne sais pas, tu as tout à apprendre, tant à découvrir. Nous ne voulons pas trop t’embrouiller d’un coup avec des trucs compliqués. Il faut y aller en douceur. »

Dodu se lance dans des explications basiques à propos du système solaire, de la Terre, de la rotation de cette dernière autour de ce qu’elle prenait pour un monstre. Il parle des bienfaits de l’astre, mais aussi de ses rayons brûlants qui sont peut-être la raison de la crainte ancestrale chez les souris du métro. À moins que ce ne soit par crainte de quelque chose de plus fort encore !

LILLI : Des chats ?

Aux grands yeux écarquillés de la petite, il s’aperçoit rapidement qu’il faudra plus d’un après-midi pour qu’elle comprenne et assimile tout. C’est une enfant intelligente qui comprend vite et bien, mais Dodu utilise tant d’expressions nouvelles, ses propos sont si surprenants, étranges, abstraits, inimaginables que l’adolescente perd rapidement pied. Il s’en rend compte et décide d’arrêter, d’autant qu’il se fait tard. Il lui propose de rentrer, car sa maman va s’inquiéter.

LILLI : Vous faisiez quoi sur ce toit ?

SOLO : On t’attendait !

LILLI : Vous m’attendiez ?

Dodu s’empresse de rattraper la bourde de son ami.

« Il dit n’importe quoi pour te taquiner. Il veut dire qu’on s’attendait à ce qu’il arrive quelque chose. »

Solo tente de se rattraper. « Oui ! Les trains tombent souvent en panne dans ce coin.

DODU : Si tu veux mieux connaître le monde qui t’entoure, reviens demain à la même heure. Nous aurons plus de temps pour parler.

LILLI : Je vais essayer, mais il ne faut pas que mes parents m’en empêchent.

SOLO : Allez ! Tu vas y arriver ! On n’est pas chouette avec toi ? »

Tout en adressant un regard complice à Dodu, Lilli dit : « T’es pas un pigeon ? »

Solo s’apprête à répondre, mais comprend qu’elle le taquine.

Il dit à Dodu. « Elle pige vite la petiote ! T’as entendu ça ? On va bien s’entendre ma fille, si t’as autant de bagout.

DODU : J’ai l’impression que tu vas vite trouver à qui parler, mon vieux plumeau !

SOLO : On pourrait lui montrer des tas de trucs intéressants ! Qu’en penses-tu ?

DODU : C’est ainsi que je l’entendais ! »

Ils lui expliquent comment monter et descendre du train beaucoup plus facilement et surtout en prenant moins de risques qu’avec la technique du prof.

DODU : À demain, petite !

SOLO : Prends garde aux monstres ! »

Lilli se retourne et lui tire la langue accompagnée d’une moue vexée, qui fait tordre de rire le pigeon. À son tour, elle rit de bon cœur, puis tourne les talons et s’en va en sautillant de gauche à de droite, tout excitée et guillerette de cette rencontre. Elle rentre juste à temps pour ne pas se faire gronder par ses parents. Le petit frère n’a rien dit de ses activités et pour entretenir sa promesse de silence, elle doit jouer avec lui toute la soirée et lui donner quelques-uns de ses jouets. Pierre est dur en affaire, il faudra qu’elle mette de l’ordre à tout cela quand elle reviendra de son aventure.

Le lendemain, Lilli est à l’heure au rendez-vous, puis le surlendemain, le jour d’après et ainsi de suite, mais avec davantage de plaisir et d’excitation à chaque fois. Les deux vieux compagnons sont ravis de partager leurs connaissances avec une jeune qui s’intéresse. Elle est enchantée de tout ce qu’ils lui expliquent. Ils savent tant de choses, répondent sans retenue à son flot de questions.

LILLI : Comment se fait-il que notre maître ne sache pas tout cela ?

DODU : Es-tu certaine qu’il ne sait pas ?

LILLI : Il semble uniquement capable de ressasser les mêmes choses, sans changer un mot, sans innover !

SOLO : Il a peut-être de bonnes raisons pour cela !

LILLI : Que veux-tu dire ?

DODU : Qu’il en sait peut-être plus, mais qu’il a choisi de limiter ses explications pour vous garder dans l’ignorance.

LILLI : Pourquoi ferait-il ça ?

SOLO : Pour vous garder en sous-sol et vous protéger des pourquoi.

LILLI : (après un silence) Ça a fait l’effet inverse sur moi !

SOLO : C’est vrai ! Mais ça fonctionne peut-être sur tous les autres depuis longtemps.

DODU : Nombre de gouvernements et les religions s’en sont servis et s’en servent encore, usant de plusieurs méthodes pour maintenir les peuples dans l’ignorance et orientant leur attention sur des sujets non dangereux et annihilant l’esprit critique et la libre pensée. Il est cependant possible qu’il ne sache vraiment pas !

LILLI : Il ne devrait pas être prof, alors !

SOLO : Il peut avoir appris avec d’autres profs comme lui.

LILLI : C’est possible ça ?

DODU : Ça l’est chez les humains, ça peut l’être chez les souris. Chez l’homme, il y a des gens qui étudient une matière pendant des années et quand ils cessent d’étudier, ils enseignent sans jamais avoir pratiqué, comme des perroquets. Dans certains domaines, ça passe, car ce n’est que de la théorie, mais dans d’autres il faut avoir exercé pour savoir de quoi on parle vraiment. Ton maître n’a peut-être jamais mis en pratique ce qu’il tente de vous enseigner et n’a peut-être jamais rien vu d’autre et cela expliquerait pourquoi il ne veut pas que vous en sachiez plus que lui.

LILLI : C’est nul !

SOLO : Oui.

DODU : Rick nous avait parlé d’un de ses profs, qui enseignait les mathématiques, je crois, quand il était au lycée et qui n’avait pas un gramme de compétence sur lui.

LILLI : Rick ? C’est qui ?

SOLO : Un ami de longue date.

LILLI : Un pigeon, un rat ?

— Non, un humain !

— Vous êtes amis avec un humain ? C’est comment ?

— Rick n’est pas un humain comme beaucoup d’autres.

— Il est bien, lui !

— On te le présentera.

— Super ! C’est gentil ! »