L’assassin du 6e - Jean-Marie Ployé - E-Book

L’assassin du 6e E-Book

Jean-Marie Ployé

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Beschreibung

Commissaire principal, Octave Hergébel est un homme comme tous les autres : sociable et chaleureux. Confronté à un tueur en série, le premier d’une carrière riche en arrestations de criminels, assassins et malfrats de tout poil, il emploie les vieilles méthodes qui ont bâti sa renommée, dans le but de capturer cet odieux individu qui fait trembler toutes les jeunes femmes du 6 arrondissement de Paris depuis plusieurs mois. Cependant, ces moyens suffiront-ils à l’aider dans sa mission ?


À PROPOS DE L'AUTEUR


Chanteur, musicien, comédien professionnel, Jean-Marie Ployé, accompagné de son groupe vocal, foule pendant plus de 30 années de nombreuses scènes françaises et européennes. Également passionné de littérature, l’auteur travaille aujourd’hui à l’écriture de romans, essais et pièces de théâtre. En 2008, il écrit Neuf mois chez les fous, publié aux éditions Les trois génies. Pour sa contribution à la défense des Droits de l’homme en psychiatrie, il a reçu le Prix Camille Claudel en avril 2012.

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Seitenzahl: 131

Veröffentlichungsjahr: 2022

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© Lys Bleu Éditions – Jean-Marie Ployé

ISBN : 979-10-377-7041-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

« Aïe, aïe, aïe, je viens de tuer ma femme ! Ce qui m’ennuie le plus c’est le faire-part de décès. Ça n’est pas facile de rédiger un faire-part de décès, on ne sait jamais quoi écrire, et puis il n’y en aura jamais assez pour tout le monde. J’ai vu un peu juste avec l’imprimeur. Tant pis, il y aura des oubliés. Ah ! Si ma belle Clotilde était encore de ce monde, elle me dirait quoi faire. On aurait dû dresser la liste ensemble, avant qu’il ne soit trop tard ! »

Le commissaire Octave Hergébel s’essuie le front du revers de la main droite. Il s’essuie toujours le front, il n’arrête pas de s’essuyer le front.

Il tient ça de son père, Marcel, jeune trapéziste professionnel dans les années 60, qui souffrait d’une espèce de toc (trouble obsessionnel compulsif).

Un jour de grande chaleur, Marcel s’essuya le front en voltigeant, ce qui lui valut un terrible accident professionnel et le rendit infirme à vie. (À l’époque, il n’y avait pas de filet de sécurité obligatoire.)

Il bénéficia d’un arrêt de travail définitif et son employeur, bien assuré, fit le nécessaire pour qu’il touche une belle pension d’invalidité le mettant à l’abri du besoin jusqu’à la fin de ses jours !

L’ancien acrobate ne manquait pas d’humour : lorsqu’on lui demandait ce qui lui était arrivé, il disait que le destin l’avait rendu tétrapéziste à vie ! Tout le monde se marrait, et lui n’avait pas à s’expliquer davantage.

Quant à sa femme, née le lendemain d’un Mardi gras, en fin d’hiver 1927, elle répondait au joli prénom de Garance.

Garance fabriquait des douches, des lavabos et des baignoires mais, surtout, des bidets spéciaux uniques au monde, pourvus de jets doux et agréables dont elle était très fière, tout cela dans une faïencerie de Pantin. Mais attention, c’était elle la patronne !

L’entreprise comptait 520 salariés, la plupart en contrats à durée indéterminée. Mais Garance était fatiguée, avait dépassé les soixante ans depuis un moment et lorgnait vers une retraite méritée.

Cela dit, la boîte fonctionnait si bien qu’elle ne voulait ni la brader ni la vendre à n’importe qui ! Elle fixa un prix qui lui semblait correspondre à ce que valait son bien et fit mettre des annonces dans des journaux spécialisés.

Après plusieurs visites infructueuses, trois hommes d’affaires japonais se présentèrent en proposant un gros chèque, un très gros chèque pour le rachat de l’entreprise. Du coup, Garance regretta de n’avoir pas été plus gourmande dans sa demande initiale, mais bon ! Elle céda.

Trois mois plus tard, la direction changeait de mains sans licenciements, condition sine qua non à la finalité de l’opération. Tout le monde, syndicats compris, y trouvait son compte.

La vente de la faïencerie permit au couple Hergébel d’acquérir une superbe propriété au bord de la… francilienne. (Il y avait mieux comme emplacement mais Marcel tenait à rester en région parisienne, il y avait ses habitudes et la pollution banlieusarde lui aurait cruellement manquée.)

La récente mise en disponibilité de Garance lui permit de s’occuper de son homme à plein temps.

Le produit financier réalisé par l’opération, ajouté à la pension d’invalidité de Marcel, facilitèrent largement l’achat de la plus belle voiture de handicapés existant sur le marché : motorisée quatre cylindres en H, deux roues motrices, trois rétroviseurs, selle spéciale anti-escarres, suspension tout terrain, tout juste s’il n’y avait pas la télé !

Quant à l’automobile, la vraie, elle fut quasiment construite sur mesures en fonction des problèmes physiques de Monsieur. Il s’agissait, avant tout, qu’il puisse facilement la conduire.

Une villa tout confort, 250 mètres carrés habitables, avait aussi été construite pour que monsieur Marcel s’y plaise : un architecte d’intérieur décora avec un goût exquis une grande pièce à vivre au centre de laquelle trônait une majestueuse cheminée en marbre de Carrare. Il y avait aussi un salon fumoir Louis XV, quelques reproductions de tableaux de grands maîtres flamands (Van Gogh, Bruegel l’ancien, Jérôme Bosch), six chambres sur deux étages, deux salles de bains, etc., etc.

À l’extérieur : quatre hectares de terrain avec chênes centenaires, saules pleureurs et superbes conifères

On avait également dessiné de très larges allées pour que Marcel Hergébel puisse y conduire son engin sans risquer de heurter quoi que ce soit.

Garance, quant à elle, lorsque son mari lui en laissait le temps, s’occupait amoureusement d’un jardin fleuri et d’un potager suffisamment fourni en légumes « bios » pour que le couple et ses invités y dégustent potages et autres garnitures succulentes… les Hergébel étaient considérés comme des hôtes de qualité, à la table réputée.

Enfin, une piscine couverte et deux courts de tennis (l’un couvert en terre battue, l’autre en quick avec nettoyage par régénération hydraulique) furent aménagés pour attirer suffisamment d’ami(e)s afin que Monsieur et Madame ne s’y ennuient jamais.

Garance et Marcel, au crépuscule de leur vie, purent enfin jouir de l’existence jusqu’à la fin de leurs jours, d’autant qu’ils s’attachèrent les services d’un couple de salariés (jardinier, femme de service)… ils en avaient les moyens !

Quelques années plus tard

Octave Hergébel, fils unique de Garance et Marcel, vient d’être nommé commissaire principal à la police criminelle, « la crim’ », la vraie, celle du 36, quai des Orfèvres.

Le célèbre limier qu’il est devenu, à force d’affaires rondement menées depuis plus de trente ans, aime beaucoup son métier et pense très sérieusement que flic n’est pas un job pour les fainéants, bien qu’il règle la plupart de ses enquêtes au bistrot du coin, « le 51 ».

Pour expliquer cette légère propension à travailler davantage au café d’à côté qu’au bureau, il prétend que la plupart des pièces du « 36 » sentent la canaille et le ripou, alors, il évite !

On le surnomme donc « double jean » autant pour les Lewis délavés qu’il porte lorsqu’il n’est pas en costume trois pièces, que pour la quantité de gin tonic qu’il ingurgite en une seule journée.

Madame Clotilde Hergébel, son épouse, est très jolie.

Trente-cinq ans, brune, yeux noisette, taille mannequin, démarche altière, port de tête princier, elle fait partie de ces femmes sur la silhouette desquelles les hommes se retournent volontiers. Elle le sait et en use sans jamais en abuser.

Elle a reçu de sa famille une éducation très stricte. (On va à la messe tous les dimanches et à confesse une fois par an pour « faire ses Pâques ».) Les Sœurs Oblates, chez lesquelles ses parents l’ont mise en pension, ont bien tenté de la persuader qu’elle avait la vocation et les qualités spirituelles pour, un jour, faire partie des leurs… mais les cornettes, très peu pour elle !

Clotilde possède une très confortable fortune personnelle bien que n’ayant jamais rien fait pour la mériter… (c’est probablement cette fortune qui avait intéressé les religieuses : faut bien vivre) !

Vingt ans plus tard, Clotilde comprend mal qu’un homme, surtout le sien, passe sa vie à risquer de la perdre, à cause d’un boulot qui ne lui rapporte pas grand-chose. De plus, la reconnaissance sociale qu’il tire de son métier demeure fort mince, voire nulle, et bien que considéré comme un flic de haut vol, Octave Hergébel n’est quand même qu’un flic !

Madame aime l’argent et la vie facile. C’est la raison pour laquelle elle aurait préféré que « double jean » soit haut fonctionnaire, avocat, médecin, artiste reconnu ou même qu’il accepte de reprendre l’affaire des bidets dont l’originalité les classait parmi les plus fonctionnels du monde civilisé… mais les trois Nippons en avaient décidé autrement.

Octave fait le job qu’il a toujours voulu faire et il le fait bien. Tant pis si ça ne plaît pas trop à Madame, c’est quand même lui le patron à la maison !

Contrairement à son épouse, Octave Hergébel n’est pas d’une beauté éclatante…

Néanmoins (!), cette relative laideur lui confère un certain charme. D’ailleurs, il dit souvent, non sans humour : « mieux vaut être très laid que moyennement beau : au moins, on te regarde ! »

Large d’épaules et court sur pattes, le quintal musclé, affichant une soixantaine qu’on lui donne depuis longtemps mais qu’il n’a pas encore, Hergébel porte fièrement une moustache pauvre en poils qu’il s’attache à bien tailler pour ces dames, et une barbe de trois jours très à la mode.

Il est affublé d’un nez aquilin, courbé en bec d’aigle, certes classieux mais que ses incessants passages au « 51 » ont rendu couperosé à souhait !

Des cheveux mi-longs, grisonnants, sur lesquels somnole une casquette sans âge, parachèvent le portrait. Il convient d’ajouter, pour être exhaustif, qu’Octave s’asperge très régulièrement d’une eau de toilette de bazar exhalant un parfum tellement fort et sucré que le commissaire est reconnaissable à l’odorat le plus enrhumé. Il laisse ainsi deviner à ses proches, sans grands risques d’erreur, qu’il est là, qu’il va bientôt arriver ou qu’il vient de partir !

Toujours habillé avec goût et originalité, Octave plaît beaucoup aux dames qu’il honore dès qu’il en a la plus légère occasion, jusqu’à se perdre dans de dangereuses et palpitantes aventures dont il se vante volontiers, bien qu’elles lui coûtent une bonne partie de sa paie de commissaire principal. Enfin, un nœud papillon tricolore barrant un col de chemise toujours impeccable, donne la touche finale à une élégance que beaucoup lui envient.

Une grande table ovale en « teck véritable », autour de laquelle il réunit tous les matins ses OPJ (officiers de police judiciaire), trône au milieu d’une pièce de 45 m² suffisamment haute de plafond pour que puissent y loger poussières, toiles d’araignées et bestioles indésirables sans être jamais dérangées. À croire que les femmes de ménage souffrent de vertige !

En face, séparée par un long couloir glauque non chauffé, la salle des interrogatoires, repeinte entre les deux guerres, pue le chien mouillé, la sueur du mec qui chiale son innocence et la pisse de chat.

Le reste, tout le monde connaît : glace sans tain pour voir sans être vu, micros planqués pour entendre sans être entendus, vieille table boiteuse placée entre deux chaises en fer plein qui ont dû supporter autant d’arrière-trains d’escrocs blancs comme neige, que de culs de flics ripoux.

Un peu plus loin, le bureau des OPJ grouille de putes tellement à l’aise qu’on a l’impression qu’elles jouent à domicile, d’innocents aux gueules d’anges et de coupables aux airs de truands.

Tout ce beau monde se meut dans un va-et-vient incessant que l’on a tous maté un soir chez Navarro, Moulin, Derrick ou la capitaine Marleau…

Ne pas oublier, bien sûr, les cellules de garde à vue où l’on jette les méchants présumés coupables lorsque les inspecteurs et brigadiers se reposent de leur avoir tapé sur la gueule. (Bon ! Là, grosse exagération… au « 36 », on ne frappe jamais personne !)

Les cellules en question se comptent au nombre de huit, pour lesquelles on a dû embaucher le même décorateur : 10 m² meublés de rien, enfin presque, puisque se trouve dans chacune d’elles, un banc scellé au sol et aux murs, genre vestiaire de foot sans les crochets, car certains gardés à vue dépressifs pourraient avoir la tentation de ne pas y pendre que leurs habits !

« Non ! Ce boulot, ça n’est plus pour moi, il me bouffe la moelle. J’ai été passionné. Aujourd’hui, je suis trop usé, vivement la retraite » s’auto persuade le commissaire lorsque ses enquêtes n’avancent pas assez vite à son goût. Mais la retraite, Hergébel n’y est pas encore et, de toute façon, il s’y ennuierait à mourir !

Cela dit, si son équipe parvient à rapidement découvrir comment le commissaire a envoyé « ad patres » sa Clotilde de femme, son horizon pourrait s’en trouver très rapidement assombri et ses perspectives d’avenir assez limitées !

Tout le « 36 » jase, évidemment, sur la disparition de Madame que l’on n’a jamais beaucoup vue, mais qu’on ne voit plus du tout. Cela dit, les conversations les plus avancées sur le sujet stoppent net lorsque l’odeur de son eau de toilette annonce l’arrivée du patron.

***

Ce matin, le commissaire principal est d’humeur assez badine car il a trouvé la solution pour cacher le corps de sa défunte femme sans que cela ne lui coûte quoique ce soit, pas plus en euros qu’en efforts physiques. Quelques kilomètres à parcourir en voiture, c’est tout.

Il a déniché un petit coin tranquille pour y entreposer à vie (!) son ancienne moitié après l’avoir empoisonnée au cyanure.

Il choisit une nuit sans lune pour sortir le corps rigidifié de son grand congélateur, le drape dans une couverture sombre, pose l’ensemble sur un diable, s’essuie plusieurs fois le front, traverse la rue noire, et place délicatement le funèbre colis à l’arrière de la voiture de sa défunte femme.

Habituellement, Octave se déplace sur un vélo Solex des années 70, qu’il a acheté 30 euros aux puces de Saint-Ouen et fait retaper à neuf. Il ne peut plus conduire sa voiture parce qu’il y a six mois, en retard pour un rendez-vous galant, il a entrepris une manœuvre à contre sens sur une bretelle d’autoroute. Après avoir évité de justesse plusieurs véhicules venant de face, il s’est fait finalement rattraper par la patrouille et, malgré les discussions que l’on peut deviner, s’est vu soustraire les quatre points restant sur son permis ! Incroyable mais vrai. Eh ! Oui, il existe des policiers que l’on n’achète pas, même lorsque l’un d’entre eux, et pas des moindres, brandit, avec fierté, une carte de « Commissaire principal de la police judiciaire ».

Revenons à notre cadavre. Profitant d’une « nuit plutôt nocturne », Hergébel, sans permis de conduire, se rend à une bonne centaine de kilomètres de son domicile, histoire de changer de département, en un lieu qu’il a repéré depuis longtemps… personne n’ira jamais la chercher là-bas, sa Clotilde !

Profonde à cet endroit, la Seine s’étire à dix bons mètres de là, en contrebas.

Il ne reste plus au célèbre policier qu’à positionner le véhicule et pousser la cargaison funèbre dans le fleuve qui n’en demandait pas tant : quel honneur pour la Seine de recevoir l’épouse d’un des flics les plus réputés de France !

Il attend, par précaution, que la voiture et sa femme disparaissent entièrement pour quitter les lieux.

Deux petits kilomètres séparent ce coin perdu d’une auberge où il a retenu une chambre. Ça lui fait du bien de marcher un peu, car il a beau être l’un des meilleurs shérifs du pays, le commissaire principal a les chocottes (le fond de l’air effraie, c’est bien connu) et, bien qu’il n’ait pas très chaud, double jean s’essuie plusieurs fois le front : ça n’est pas tous les jours que l’on immerge sa moitié dans la Seine à deux heures du matin !

Il est donc tard. Le veilleur de l’hôtel n’y prête guère attention, le flic l’avait prévenu.

Seul dans une chambre sombre qui empeste le moisi et le tabac froid, Hergébel n’est pas fier.

Impossible de fermer l’œil, ce qui lui permet de n’avoir pas à l’ouvrir lorsque, brusquement, un individu armé jusqu’aux dents, pénètre dans la chambre en hurlant : « debout, Hergébel, t’es fait ! »

Se redressant promptement, Octave consulte son portable qui lui indique 7 heures 38.

En nage, il vient de faire un de ces cauchemars qui vous filent le bourdon pour la journée entière.