L’aube après la nuit - Virgile M’Fouilou - E-Book

L’aube après la nuit E-Book

Virgile M’Fouilou

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Beschreibung

L’aube après la nuit met en scène deux inspecteurs de police victimes de leurs blessures, d’une souffrance qui les habite depuis leurs plus jeunes âges. À l’aube des années 80, ces hommes, aux méthodes et à la personnalité bien distinctes, vont être confrontés, le temps d’une nuit, à des évènements qui vont changer le cours de leurs vies.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Avant toute démonstration spectaculaire et tout artifice scénique, Virgile M’Fouilou cherche à faire entendre les mots et les voix de ses personnages. Dans L’aube après la nuit, il transpose l’univers policier au théâtre avec un enjeu cinématographique.

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Seitenzahl: 97

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Virgile M’Fouilou

L’aube après la nuit

Théâtre

© Lys Bleu Éditions – Virgile M’Fouilou

ISBN : 979-10-377-5755-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Les personnages

Vincent : un inspecteur de police.

Jules : son collègue.

Le décor est minimaliste, les deux personnages livrent un témoignage au public tantôt en commun, tantôt individuel alterné entre monologues et répliques. On n’a pas l’impression qu’ils sont dans la même pièce d’où le changement de lumière lorsque chacun d’eux s’exprime en se confessant à leur manière. L’action de leurs récits se déroule à l’aube des années 80.

Vincent s’exprime avec un langage urbain tandis que Jules s’exprime d’une manière plus conventionnelle. Tantôt, ils s’adressent au public, tantôt, ils dialoguent entre eux.

Partie I

(Lumière sur Vincent)

VINCENT : On venait juste de s’installer dans notre nouvelle maison avec ma femme Cali et nos jumeaux Mathéo et Louise. Avant, on habitait dans un appartement sympa mais dans un quartier pourri. C’était pas l’top pour élever nos gosses. Cali voulait déménager. Elle me tannait constamment pour qu’on mette les voiles. C’était bien joli tout ça mais avec mon p’tit salaire d’flicard et elle qui bossait plus depuis qu’on avait diagnostiqué l’autisme d’mon gosse, c’était pas évident de s’faire la malle du jour au lendemain. J’rêvais d’une grande baraque avec un grand jardin mais ça représente un coût tout ça et avec un seul salaire, va convaincre une putain d’banque de t’accorder un putain d’prêt. Cali s’en foutait d’avoir une baraque ou pas. Tout ce qu’elle voulait c’était qu’on déménage. Les jumeaux partageaient la même piaule. Ils ont sept ans, ça grandit vite à cet âge-là et au bout d’un moment, un garçon et une fille peuvent plus partager la même piaule, faut prendre ça en compte. Alors, j’ai acheté une putain d’baraque.

JULES : Son fils Mathéo est autiste, il est inscrit dans une institution spécialisée qui coûte une fortune et lui, il s’achète une maison que même le plus gradé de nos supérieurs n’a pas les moyens de s’offrir. Comment il s’est démerdé ? Quand je lui posais la question, il me répondait…

VINCENT : Pose pas d’questions et j’te dirais pas d’mensonges.

JULES : Ou bien…

VINCENT : Si on te l’demande, tu dis qu’tu n’sais pas.

JULES : Ou…

VINCENT : C’n’est pas ton problème !

(Temps)

Ce sont les p’tites gens qui rêvent petit. Moi quand je veux une chose je l’obtiens coûte que coûte, tu devrais l’savoir. Quand Cali a voulu quitter l’quartier, j’ai fait en sorte que ça s’fasse. Quand il a fallu trouver l’pognon pour inscrire Mathéo dans c’putain d’institut d’merde, j’ai fait en sorte de le trouver. Je m’suis donné les moyens, c’est tout ce que tu as à savoir.

JULES : Je savais qu’il arrondissait ses fins de mois avec les gains que lui rapportaient le poker et les transactions qu’il faisait avec les voyous. Je ne voyais pas ça d’un très bon œil de le voir fricoter avec ces types, surtout quand tu es un flic… Ça fait désordre. Il les avertissait lorsqu’il y avait des descentes et il fermait les yeux sur leurs trafics en échange d’une compensation financière.

VINCENT : Ils s’font la guerre pour avoir le contrôle d’un territoire, ils se balancent pour se faire tomber les uns les autres et ils prônent un code moral, la loi du milieu… soi-disant.

JULES : Il devait faire tomber quelques têtes, c’était nécessaire pour justifier les quotas d’arrestations. Mais il prenait trop de risques, ce n’est pas pour rien qu’il passait ses soirées à jouer au poker. Il lui arrivait même de fréquenter la même table que certains voyous qu’il avait fait tomber. Qu’est-ce que vous voulez ? Il aimait jouer avec le feu. Il n’était fidèle à aucune équipe. Celle qui lui donnait le meilleur tuyau avait droit à ses services, jusqu’à ce qu’une autre lui en apporte un meilleur. En retour, il fermait les yeux sur leurs trafics. Il faisait même payer un loyer aux dealers qui tenaient un territoire. C’était sa ville, c’était comme ça. Ce n’était pas un mauvais flic, disons qu’il avait sa manière à lui de faire son boulot.

VINCENT : Peu importe les méthodes, seuls les résultats comptent.

JULES : Il était de la race des hommes qui n’aiment pas les règles, ça remonte à notre enfance, à l’orphelinat. Ça peut paraître très paradoxal d’exercer un métier où l’on est censé les faire appliquer. Mais Vince était comme ça, il était paradoxal, il adorait son métier mais il n’aimait pas les lois.

VINCENT : Parfois, il faut choisir entre la loi et l’ordre.

JULES : Bien sûr, je ne partageais pas le même avis. Ses méthodes et sa vision du métier étaient à l’opposé des miennes. Mais qu’est-ce que je pouvais y faire ? À chaque fois que je lui faisais la morale, il m’envoyait sur les roses.

VINCENT : Et si tu t’occupais de tes affaires et que tu t’mettes ta morale à la con là où j’pense ?

JULES : Voilà !

(Temps)

Je me disais souvent qu’un jour, tout ça allait lui retomber dessus. J’en avais même peur. Mais j’avais surtout peur d’être assimilé par ricochet à ses activités illicites. Entre un flic blanc respecté par ses pairs et un flic noir dénigré, qui en aurait fait les frais ? On était partenaire, qui allait croire qu’il faisait tout ça sans que je sois complice ? Malgré ça, il faisait tout pour que je ne sois jamais mêlé à ses affaires, il me protégeait, il l’a toujours fait, et ce, depuis notre enfance.

VINCENT : Qu’est-ce qu’il y a d’mal à se faire un p’tit billet au passage, tant que j’fais mon job ? J’prends juste un p’tit pourliche en plus de celui que m’donne l’état, c’est tout ! Si j’peux m’en mettre plein les fouilles en faisant quelques petites entorses aux règles pour arrêter des voyous et pour en arranger d’autres… merde ! Pourquoi je m’en priverais ? J’avais une baraque à payer moi, deux gosses à faire bouffer, des dettes par-dessus la tête putain d’bordel de merde ! De toute façon, on ne pourra jamais éradiquer tous les voyous, alors autant négocier avec eux pour avoir moins de criminalité. Après tout, la meilleure façon d’avoir l’contrôle c’est de tenir la bride, non ? Il y a une paix royale dans les rues et j’reçois au passage quelques petites bises du maire et quelques tapes sur l’épaule d’mes supérieurs hiérarchiques.

JULES : Moi, je faisais comme tout le monde, je fermais les yeux. Mais c’est dur de les fermer quand on voit son meilleur ami se brûler les ailes. Qu’est-ce que je pouvais y faire ? J’allais tout de même pas le balancer. Un flic qui balance un collègue, autant qu’il change de métier parce qu’il sera tricard partout où il sera affecté. Et puis, Vincent n’était pas qu’un simple collègue, c’était mon meilleur ami, mon frère. Tout le monde le craignait, sa femme, les collègues, même certains voyous ne jouaient pas aux cons avec lui. Faut dire qu’il était sanguin. Une fois, il a sévèrement cassé la gueule à un proxénète.

VINCENT : Slimane Slimani ! Un sacré fils de pute celui-là ! Un homme violent, bien connu des services de police, il passait son temps à faire des allers-retours en prison, pour proxénétisme. Et pour des raisons qu’j’ignore, il sortait toujours au bout de quelques mois. Les putes qui tapinaient pour lui en avaient une peur bleue. Faut dire qu’il les massacrait quand elles n’faisaient pas assez de chiffres. Ça me rendait malade, surtout lorsqu’il s’en prenait à Lisa.

Lisa, c’était ma précieuse. Elle était si belle, elle avait un corps de sirène, un cul en forme de cœur et une paire de nibards à faire bander un mort. C’était sa meilleure gagneuse.

Un soir, on était en patrouille avec Jules, on reçoit un appel, une femme était laissée pour morte dans une ruelle. Elle avait tellement été battue que son visage était à peine identifiable… C’était son mac. Elle avait fait un mauvais chiffre… pauvre fille. Il a fallu attendre plusieurs jours pour prendre sa déposition, le temps qu’elle reprenne connaissance. Mais comme d’hab’, la majorité d’ces putes ne parlent pas. Elles ont trop peur des représailles.

JULES : Il allait constamment la voir à l’hôpital après son service, il restait des heures dans sa chambre. Les infirmières ne comprenaient pas pourquoi il restait aussi longtemps auprès d’elle. Il n’était pourtant pas de la famille, il ne la connaissait même pas. Je ne comprenais pas non plus. Elle était jolie mais elle n’avait aucune classe. De toute façon, une pute, ça n’en a pas !

VINCENT : Et les putes de luxe ?

JULES : Les putes de luxe ne tapinent pas Vince !

VINCENT : À peine sortie d’l’hosto, elle s’est remise à tapiner. Il lui restait encore quelques hématomes un peu partout sur sa belle gueule, mais elle ramassait quand même les clients à la pelle. Je suis allé la voir, pour prendre d’ses nouvelles. Elle m’a demandé pourquoi ? Je lui ai répondu que l’avoir vu dans cet état m’avait fait quelque chose. Ça l’a touché. Alors, elle m’a invité à prendre un café pour me remercier. Elle n’avait personne dans sa vie : pas d’enfants, pas d’amis, plus de famille et quant à ses collègues en mini-jupe et en porte-jarretelles, eh bien, c’n’était que des collègues. Elle me parlait d’elle, qu’elle venait d’la campagne, qu’elle avait grandi dans un petit village, le genre de bled où tout le monde se connaît. Et déjà, elle faisait tourner toutes les têtes. Elle rêvait d’une autre vie, d’une grande ville. Elle était très bien gaulée, on disait d’elle qu’elle ressemblait à Audrey Hepburn. Elle est venue en ville pour tenter sa chance en tant que modèle. Elle aurait pu, mais elle a rencontré Slimane à la sortie de la gare. Ce mec était peut-être un bougnoule mais il était beau gosse le salop, il faut bien le reconnaître, toujours tiré à quatre épingles, cheveux gominés, plaqués en arrière : un mac quoi ! Il conduisait une Porsche Spider décapotable comme celle de James Dean. Qu’est-ce que vous voulez ? Maquereau c’est un métier d’enculés mais personne n’a dit que ça n’rapportait pas. Alors, forcément pour une fille comme elle, qui débarque tout droit de son p’tit bled de consanguins, c’était l’prince charmant. Il lui payait tout ce qu’elle voulait : fringues, restos, ciné… il lui a même loué un appart. Elle a succombé à son charme et à partir de là, il la tenait. Il lui donnait quelques doses d’héro jusqu’à ce qu’elle en devienne accro et puis ni une ni deux il l’a foutu sur l’trottoir.

JULES : Cali, c’est une femme bien. Douce et gentille. Elle ne posait pas de questions… ou presque. Elle s’occupait bien des jumeaux et de Vincent, elle le soutenait. Et malgré ça, il s’amourache d’une prostituée toxicomane. Personnellement, si j’avais une femme comme Cali, je serais le plus heureux des hommes.

VINCENT : Qu’est-ce qu’il s’y connaît en femmes celui-là ? Quelqu’un l’a déjà vu avec une sous l’bras ? À son âge, il est encore puceau ce con. Et voilà qu’il me juge, qu’il me donne des conseils sur mon couple !

JULES : Je ne te juge pas.

VINCENT : Si, tu me juges et j’apprécie pas ! J’ai d’comptes à rendre à personne.

JULES : C’est juste que je ne comprends pas pourquoi tu t’intéresses à une pute.

VINCENT :