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Plongée dans l’écriture de son dernier roman, Lucy voit soudain Antonio, son personnage principal, surgir dans la réalité. Saisissant rapidement son poignet, ses yeux reflètent une terreur insurmontable. Il est pourchassé par la mafia et accuse Lucy d’en être la cause. Convaincu que son seul salut est de la kidnapper, Antonio entraîne Lucy dans un tourbillon à travers les univers qu’elle a créés. Malgré ses tentatives d’évasion, elle sombre dans le chaos de ses propres récits. Leur fuite les conduit de la France au Mexique, en Haïti, en Afghanistan et finalement sur une île déserte.
Survivront-ils à cette aventure tumultueuse ?
À PROPOS DE L’AUTRICE
Auteure de nombreux ouvrages publiés, Marie Lincourt adopte, dans L’écrivaine et les narcotrafiquants, un style qui fusionne habilement réalité et imagination. Avec cette approche littéraire, elle transforme la lecture en une aventure où des récits poignants prennent vie et où les rôles de l’auteure et des personnages s’entremêlent.
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Seitenzahl: 175
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Marie Lincourt
L’écrivaine
et les narcotrafiquants
Roman
© Lys Bleu Éditions – Marie Lincourt
ISBN : 979-10-422-0370-2
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
De la même auteure
Sous le nom de Florence Hugodot :
– À pas de loup, éditions Robert Laffont, 1974 ;
– Enfants rois, parents martyrs, éditions Mercure de France, 1982 ;
– Adolescents chéris, éditions Jean-Claude Lattès, 1991 ;
– On est mieux chez nos vieux, éditions Jean-Claude Lattès, 2000.
Sous le nom de Marie Lincourt :
– Kanake, éditions Mercure de France, 1985 ;
– Je n’appartiens qu’aux autres, éditions Artulen, 1987 ;
– Faustine, éditions Blanche, 1997 ;
– Les amants de l’impossible, éditions du Panthéon, 2005 ;
– La petite fille dans le placard, éditions Hugo & Cie, 2007.
Une trilogie :
– Surtout ne viens pas ! Tome 1, éditions du Panthéon, 2012 ;
– La femme qui cherchait sa vie, Tome 2, éditions du Panthéon, 2015 ;
– Voyage au bout de la vie, Tome 3, éditions du Panthéon, 2018 ;
– Les jambes à son cou, éditions Sydney Laurent, 2021.
À mes « Piflos » chéris
Et à mon mari.
Tu sais ce qu’on dit sur la mafia, Georges : tu mets le pied dedans, t’en sors plus que les pieds devant.
Stephen King
Al Capone disait toujours : « On obtient plus de choses en étant poli et armé qu’en étant juste poli ».
Tonino Benacquista
Un homme mort ne parle plus.
Proverbe mexicain
Plutôt mourir debout que vivre à genoux.
Emiliano Zapata
Tous les empires sont créés de sang et de feu.
Pablo Escobar
Parfois je me sens comme Dieu, quand je commande de tuer quelqu’un, il meurt le jour même.
Pablo Escobar
J’attrapai ma tasse de thé et la portai à mes lèvres avant de la retirer prestement.
« Ah, trop chaud ! »
Je la reposai sur le coin de ma table de travail, d’où elle faillit glisser, mais la rattrapai vivement – j’ai toujours eu de bons réflexes – pour la replacer aussitôt plus près de mon ordi.
Puis je repris le cours de mon récit.
Mes longs cheveux embroussaillés et mouillés voletaient sous le souffle persistant du ventilateur, faisant tomber des gouttes sur mon clavier et dans mes yeux. Il faisait une chaleur étouffante en ce mois de juillet et le léger vent de l’appareil ne suffisait pas à me rafraîchir.
Mon tee-shirt était trempé de sueur et mon jeans me collait aux fesses.
J’avais les pieds plongés dans l’immense bocal d’eau froide de mon poisson rouge (je ne retrouvais plus ma bassine et Hector tournait autour de mes orteils en se demandant quel genre de poisson c’était là !)
Pour comble, je m’étais servi ce thé brûlant à l’instar des gens du désert qui préconisent de boire chaud quand le soleil leur brûle la tête ! Quelle connerie ! J’aurais mieux fait de me préparer une orangeade bien glacée, car je ne me sentais pas du tout désaltérée ni rafraîchie par ce breuvage.
Je jetai un coup d’œil circulaire à la petite pièce qui me tenait lieu de bureau. Des murs crème, une table de travail en pin massif, des étagères du même bois, quelques photos accrochées aux murs dans des cadres en forme de cœur, une cafetière et une bouilloire dans laquelle je me préparais à longueur de journée mes breuvages réconfortants.
J’avais essayé d’en faire une pièce chaleureuse où je me sentirais bien pour écrire.
Chaleureuse certes, elle l’était ce jour-là car, en jetant un rapide coup d’œil au thermomètre accroché au mur, je remarquai que celui-ci affichait les 30 degrés !
Je détachai avec peine mon regard du thermomètre (mes yeux humides auraient pu y rester collés), et laissai mes pensées errer dans le vague, puis secouai la tête comme pour chasser ces idées parasites et mieux me concentrer sur le texte que j’étais en train d’écrire.
Mon roman prenait corps et je voulais m’y consacrer totalement.
Mais, tandis que mes doigts s’agitaient fébrilement sur le clavier de mon ordinateur, comme de petites marionnettes bien huilées, afin de donner vie à mon inspiration, la porte de mon bureau s’ouvrit soudain à la volée et un homme, vêtu d’un élégant smoking, veste et pantalon noirs, chemise blanche et nœud pap, se précipita sur moi.
« Venez vite, dépêchez-vous, il faut filer d’ici tout de suite ! »
Je le regardai stupéfaite et tendis les bras devant moi, paumes en avant, comme pour me protéger.
« Mais d’où vous sortez, vous ? Et que me voulez-vous ? »
Je m’apprêtais à hurler, quand l’homme plaqua sa main sur ma bouche, en guise de bâillon.
« Mais enfin, vous ne reconnaissez plus vos personnages maintenant ? C’est dingue ça, depuis le temps qu’on vit ensemble !
Ce n’est pas vous, peut-être, qui avez fait de moi un agent secret aux Stups ?
Et ce que je vous veux ? Mais partir au plus vite, bon sang ! Et c’est bien vous, encore une fois, qui venez de me mettre dans cette sale affaire, non ? C’est vous qui m’avez fait jouer au casino avec des narcotrafiquants, des hommes de la mafia je vous le rappelle, pour y gagner leur confiance et quelques infos utiles, vous vous souvenez, ou vous avez perdu la mémoire ? Et c’est encore vous qui m’avez fait tout perdre, je vous ferai remarquer ! Et qui, en plus, me laissez sans un rond, incapable d’honorer mes dettes de jeux.
Là, ils me tiennent par les couilles maintenant, et je ne sais pas de quoi ils sont capables, ou plutôt si, je ne le sais que trop bien !
Alors maintenant qu’ils sont à mes trousses, il faut filer fissa !
C’est malin d’écrire des trucs pareils !
Désormais, c’est moi qui prends les choses en main, et vous allez voir ce que vous allez voir ! Mais en attendant, vous allez vous bouger les fesses, et vite fait, parce qu’ils ne vont pas tarder à rappliquer ! »
Je n’eus pas le temps de protester. Déjà, il m’avait tirée hors de mon siège et me poussait brutalement en avant pour me faire sortir de mon bureau.
Mes pieds nus et mouillés butèrent contre les parois de mon bocal et je m’affalai de tout mon long, face contre terre.
Ma tête se mit à tourner, je vis les meubles faire comme une grande farandole, puis ce fut le noir total…
***
… Je repris connaissance à bord d’un yacht, dans une luxueuse cabine toute capitonnée d’un épais tissu bleu et or.
J’avais aux pieds de jolies petites bottines en cuir marron Sarenza et sur le corps un jean Prada ainsi qu’un chemisier cintré Anne Fontaine.
Je passai ma main dans mes cheveux pour constater qu’ils étaient secs.
Incrédule, je me frottai les yeux, et promenai mon regard alentour.
L’homme, qui avait surgi inopinément dans mon bureau, avait troqué son smoking contre un pull marin, un jean serré Bruno Cucinelli, des mocassins Tod’s noirs, et portait un flingue à la ceinture.
Négligemment allongé sur sa couchette, il tirait de longues bouffées de sa Dunhill, les yeux mi-clos.
J’ai toujours eu horreur de la fumée, c’est très mauvais pour la santé, aussi je balayai l’air de ma main pour en dissiper les effluves.
« Vous pouvez éteindre votre cigarette et m’expliquer ce que je fais ici, s’il vous plaît ? Et ne me racontez pas d’histoires ! Qui êtes-vous exactement et que me voulez-vous ? Vous n’êtes quand même pas sorti tout seul de mes lignes ! »
L’homme prit le temps de s’asseoir et de me faire face, laissant ses jambes pendre dans le vide.
Il écrasa son mégot dans son cendrier de poche, et me jeta un regard incertain.
« Antonio, ça vous dit quelque chose peut-être ? Le héros de votre nouveau roman, comme celui des anciens d’ailleurs, je vous ferai remarquer ! Il y a une paye qu’on vit ensemble, non ? Le héros que vous maltraitez, à qui vous faites courir les pires dangers, celui à qui vous attribuez tant de défauts ! Merci ! Très sympa de votre part ! »
Je levai la main en signe de protestation, mais il ne me laissa pas le temps de parler. D’un geste impérieux, il m’intima le silence.
« Je n’ai pas fini ! Je n’arrive pas moi-même à comprendre comment c’est arrivé !
Je suis sorti de vos pages, comme ça (et il claqua des doigts), pour m’incarner dans la réalité et vivre une vie enfin affranchie de votre emprise. »
Il se pencha vers moi et me fixa de ses yeux d’aigue-marine.
« Alors, maintenant que j’existe vraiment, libre à moi de vous manipuler à plaisir, tout comme vous l’avez fait avec moi. Vous savez, l’arroseur arrosé ! »
À nouveau, j’ouvris la bouche, mais une fois encore il m’ordonna de me taire.
« Ma chère Lucy – je peux vous appeler Lucy depuis le temps que nous nous fréquentons –, regardez-moi bien parce que je ne plaisante pas : à partir d’aujourd’hui les rôles s’inversent. Je prends les commandes, j’organise votre vie, et me venge de tous les dangers que vous m’avez fait courir, de toutes les épreuves et de toutes les foutues souffrances que j’ai dû endurer à cause de vous. Vous n’allez pas vous ennuyer, ça, je vous le promets ! »
Cette fois, je me levai très énervée et lui coupai la parole, bien décidée à me défendre.
« Attendez, attendez, on nage en plein délire, là ! Vous étiez une fiction, non ? Je pouvais donc tout me permettre ! Mais moi, regardez-moi, je suis une réalité, bien en chair ! »
Antonio prit l’air navré d’un sinistré découvrant sa maison après le déluge.
« Fiction, ou pas fiction, vous avez joué avec ma vie, avec mes sentiments, mes peurs, et mes angoisses ! Rendez-vous compte, dans le dernier chapitre que vous venez d’écrire, vous me faites jouer et perdre au casino une très grosse somme – que vous ne m’avez pas donné les moyens d’honorer – contre une bande de mafieux du cartel de la drogue, des tordus impitoyables qui ont juré d’avoir ma peau ! Alors je vais encore devoir me planquer, mais pas seul cette fois : vous allez venir avec moi. »
Je pris le temps d’enregistrer tout ce qu’il venait de me dire et me mis à le scruter attentivement.
Oui, il correspondait bien au portrait que j’avais fait d’Antonio. Même visage un peu pointu, même regard bleu transparent, mêmes cheveux bruns épais, même silhouette longue et dégingandée…
Un bel homme, vraiment. J’avais toujours été célibataire et à trente-sept ans je me voulais indépendante. Mes brèves aventures sentimentales s’étaient toujours soldées par un échec, mais j’en étais la seule responsable, refusant obstinément de m’attacher à quiconque, malgré les nombreuses rencontres que j’avais faites. J’étais seule, mais libre, et pour moi, c’était le plus important. Alors je me confinais dans le fantasme de mes personnages que je voulais toujours les plus séduisants possibles et Antonio, depuis maintenant trois romans, était l’un d’entre eux.
Je lui faisais vivre des aventures périlleuses, rien que pour me donner le frisson, mais par bonne conscience, je lui offrais toujours une fin heureuse.
Et voilà que soudain tout changeait ! Les rôles s’inversaient, fruit d’un hasard totalement improbable, et c’était moi, soudain, qui devenais l’héroïne !
Mais je ne souhaitais vraiment pas, à l’avenir, être confrontée aux mêmes dangers qu’Antonio ! Je n’étais pas de taille, je le savais.
Sa présence en dehors de mes pages relevait de la pure folie, et j’aurais pu m’imaginer en train de rêver, si je n’avais soudain ressenti sa poigne sur mon avant-bras tandis qu’il sautait à bas de sa couchette pour m’extraire de la mienne violemment, au moment où la sirène du yacht retentissait dans le port comme un hurlement.
***
Ça devenait décidément une habitude chez lui !
Il donna un violent coup de pied dans la porte de notre cabine et m’entraîna de force derrière lui.
Une fois encore, je manquai de tomber, et me laissai tirer.
« Antonio, où m’emmenez-vous ? » demandais-je d’une voix haletante tandis que nous nous hâtions vers la passerelle.
Il tourna brièvement la tête vers moi. Son visage s’était couvert d’un masque dur tandis que son autre main se posait sur le petit Sig 380 compact, accroché à l’étui de sa ceinture.
« Vous n’avez pas à savoir ! »
Sa voix grave et tranchante résonna dans mes oreilles comme une menace, et je me le tins pour dit. Du moins pour le moment.
On descendit à quai et je jetai un rapide coup d’œil autour de moi.
Une Lincoln noire aux vitres teintées nous attendait.
Antonio me poussa vers elle brutalement, tandis que la portière arrière s’ouvrait, et qu’une main d’acier me happait…
***
… Je me retrouvai assise entre deux hommes, costumes sombres, lunettes noires dissimulant leur regard. Ils avaient des têtes carrées et des mâchoires saillantes. L’un d’eux portait une moustache fine comme un trait de pinceau.
Leurs vestes cintrées, bombées à la taille, laissaient deviner leurs flingues.
Je me rencognai contre le dossier, imaginant peut-être pouvoir disparaître dans le cuir moelleux des sièges.
Tout m’échappait, j’avais l’impression de tomber dans un puits sans fond…
***
La voiture roula plusieurs heures, avant d’arriver aux abords d’une magnifique propriété.
Aussitôt, je me tordis le cou pour tenter de deviner, à travers les vitres obscurcies du véhicule, où ces gorilles m’avaient emmenée.
Cependant, le paysage que je croyais discerner m’était inconnu.
J’interrogeai Antonio du regard lorsqu’il se tourna vers moi, mais son visage fermé n’augurait rien de bon.
Je n’insistai pas, bien décidée à retrouver mon ordinateur, ou à défaut celui d’une autre personne, ou même du papier et un crayon, pour reprendre la main sur mon destin.
Après tout, c’était moi l’auteur, il me suffirait donc d’écrire à nouveau pour que tout rentre dans l’ordre. C’était du moins ce que je croyais.
La voiture stoppa enfin devant un splendide château, perdu au milieu des sapins.
L’un des deux hommes vint ouvrir la portière et m’attrapa le poignet pour m’extraire du véhicule.
« Aïe ! » criai-je malgré moi.
« Ta gueule ! » m’intima l’homme en noir, tout en accentuant la pression de sa main.
Je me laissai tirer jusqu’au perron et tournai la tête pour apprécier le paysage. Peut-être pourrais-je reconnaître l’endroit où j’avais été conduite ?
Devant moi, le château, entouré de montagnes, surplombait une immense piscine ou des robinets d’or en forme de dauphins déversaient en permanence une eau turquoise translucide.
Allongés mollement sur des chaises longues, d’autres hommes en noir semblaient se prélasser l’arme au poing.
Je devinais qu’ils ne s’en séparaient jamais.
Sur le seuil du perron, un comité d’accueil m’attendait, composé de six malabars, les bras hérissés de fusils.
Mais celui qui me broyait le poignet ne me laissa pas m’attarder à ma contemplation et me poussa sans ménagement dans le hall d’entrée.
Il me relâcha pour s’adresser à Antonio.
« J’en fais quoi, maintenant ? »
Comme si j’étais un vulgaire paquet !
« Conduisez-la dans sa chambre, j’irai la voir plus tard. »
Antonio opéra un demi-tour tandis que la poigne brutale se refermait à nouveau.
***
La chambre était spacieuse. De grandes fenêtres, donnant sur les cimes et la piscine, laissaient filtrer une lumière dorée.
J’ignorais quelle heure il pouvait être, mais je l’estimais proche de midi.
Je fis le tour de la pièce. Un immense lit à baldaquin, une coiffeuse, des fauteuils moelleux et une salle de bains privative. J’avais tout ce qu’il me fallait, tout sauf mes biens les plus précieux : ma liberté et mon ordinateur.
Je ne savais pas où j’étais ni ce que je faisais ici. Mon héros m’avait échappé et je ne maîtrisais plus rien. Je n’avais aucun outil pour essayer de reprendre le fil de mon récit et j’en étais réduite à subir passivement ce qu’Antonio décidait pour moi.
Je me jetai sur le lit, fondis en larmes et laissai libre cours à mon désespoir.
***
Une fois encore, la porte s’ouvrit à la volée sur un Antonio, fumant cette fois un cigare. Je sentis l’énervement me gagner. Il ne pouvait donc pas faire comme tout le monde et frapper avant d’entrer ? J’avais pourtant créé un personnage élégant et distingué dans mes tomes précédents ! Et puis toute cette fumée !
Je fis un geste pour brasser l’air avec une mine de dégoût.
« Ça pue ! Je vous ai déjà demandé d’arrêter ! »
Antonio jeta son cigare par terre et l’écrasa avec sa chaussure. Pas possible, il le faisait exprès pour me déplaire !
Mais il s’approcha de moi et cette fois me prit doucement les mains. Ce simple geste, contraire à celui de l’homme en noir, eut soudain le don de me détendre. Pourquoi avait-il ce pouvoir sur moi ?
Mais je n’eus pas le loisir de m’interroger davantage.
« Bon, il va falloir vous mettre au parfum, mais pas à celui de cet “Oro Blanco” de Davidoff, que m’avait offert la mafia dans votre tome précédent. On ne refuse pas un tel cadeau et on ne le néglige pas non plus, vous devez le comprendre, non ? »
Je voulus répondre, mais il ne m’en laissa pas le temps.
« Comme je vous l’ai déjà dit, j’ai décidé de reprendre les rênes et de changer le cours du récit. Vous allez faire un beau voyage, que vous ne serez pas près d’oublier, je vous le garantis ! »
Je fis tout mon possible pour soutenir son regard, et tenter de maîtriser le tremblement de ma voix.
« Et vous espérez quoi ? Vous croyez vraiment que ma famille ne va pas me faire rechercher ? Ni mon éditeur, qui attend impatiemment la suite de vos aventures ? Ma disparition va les inquiéter, vous allez avoir les flics aux trousses, c’est moi qui vous le dis ! »
Antonio haussa les épaules. Il porta sur moi un regard dur et me détailla avec une sorte de pitié méprisante.
« Les flics, j’en fais mon affaire ! Vous m’avez déjà fait déjouer leurs pièges plus d’une fois, et je vous en sais gré, car ça va me faciliter la tâche aujourd’hui.
Pour le moment, vous n’avez qu’à m’obéir, car c’est moi désormais qui vais écrire chaque jour sur votre ordi, que je vous ai confisqué bien évidemment. »
Je le regardais, consternée. Quel piège diabolique m’avait-il tendu ?
***
Les heures avaient passé, dans la solitude la plus absolue, à l’exception de l’irruption dans ma chambre d’un majordome silencieux, chargé d’une collation.
Mon esprit avait échafaudé mille plans pour m’enfuir, mais aucun ne tenait la route, et je ne voyais pas d’issue possible.
En fin d’après-midi, le même loufiat était revenu desservir, me faisant savoir à cette occasion qu’Antonio me conviait à dîner dans la grande salle à manger, et déposant sur mon lit une magnifique robe du soir, de soie rouge, une couleur qui se mariait parfaitement avec mes cheveux, qui sont d’un blond presque cendré.
Malgré moi, j’avais eu plaisir à l’enfiler, imaginant sans doute pouvoir séduire mon ravisseur et m’échapper plus facilement.
Tandis que je me regardais dans la grande psyché de la chambre pour vérifier que j’avais mis tous les atouts de mon côté, l’un des gardes du corps fit irruption avec sa gueule de bouledogue, pour aboyer un ordre – pas possible, il avait appris à parler dans un chenil où quoi ? – m’ordonnant de descendre dîner immédiatement, et sans résistance !
***
Je me retrouvai bientôt assise entre lui et son co-équipier, bien décidée à user de mon charme envers Antonio. Mais mon héros, insensible à mes œillades et à mes sourires, ne me répondit que par monosyllabes tout au long du repas.
En désespoir de cause, je finis par me lasser et tournai mes regards vers la grande fenêtre qui s’ouvrait sur le parc.
Le château, situé sur un à pic rocheux, surplombait une vallée où poussaient en abondance des cèdres de l’Himalaya.
À l’horizon, des montagnes à la crête blanche semblaient nous encercler.
En arrivant, j’avais pu remarquer que d’immenses grilles électriques fermaient le parc. Partout, il y avait des caméras capables de détecter la présence de la plus petite fourmi où qu’elle soit.
J’étais devenue l’otage d’Antonio, et je compris qu’il me serait impossible de m’évader de cette prison dorée…
***
La nuit était venue et chacun avait rejoint ses appartements.
Antonio s’était retiré sans un mot ni un regard vers moi dès le repas terminé.