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Jessica est une jeune fille secouée par la pauvreté et les affres de la violence. Cependant, son destin bascule lorsqu’elle rencontre Sam qui la sauve des griffes de son cruel beau-père. Porteuse d’un héritage ancestral, Jessica embrasse sa nouvelle destinée en tant qu’Élue, une figure énigmatique pourvue de prodigieux pouvoirs magiques. Les écrits prophétiques annoncent que l’Élu est le souverain suprême du destin de tous les êtres. Jessica est appelée à faire un choix crucial. Protéger ses proches ou sombrer dans les abysses de l’obscur.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Depuis son plus jeune âge, Barbara Jacques Torchio considère la lecture comme un moyen d’évasion vers des mondes parallèles. L’idée de L’Élue – La prophétie s’est enracinée dans son esprit dès ses seize ans. Pourtant, c’est la naissance de son fils qui a été l’élément déclencheur l’incitant à concrétiser cette idée en la publiant.
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Seitenzahl: 368
Veröffentlichungsjahr: 2023
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Barbara Jacques Torchio
L’élue
La prophétie
Roman
© Lys Bleu Éditions – Barbara Jacques Torchio
ISBN : 979-10-377-9819-0
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Il est dit qu’au jour de la naissance de l’élu, une aire nouvelle viendra. Sa puissance sera sans égal aux autres mages, de nature déterminée. Il triomphera de chaque obstacle qui lui barrera la route. Si l’élu se tourne vers les ténèbres, des années de damnation nous attendent. Si au contraire la lumière l’emporte, ce sera une période de paix et de joie sans qu’aucune menace ne pointe l’horizon. À nous d’aider l’élu sur le chemin à choisir, car dû à son immense puissance, ses émotions seront décuplées, comparées aux nôtres. Il va devoir se battre contre ses propres pulsions destructrices. Nous devons l’aider à les canaliser, pour le bien de l’humanité. S’il se laisse submerger par les ténèbres, nous allons à notre perte. Nul ne sait avec exactitude l’étendue de ses pouvoirs, ce qui le rend d’autant plus menaçant…
La prophétie, auteur inconnu
— Comment as-tu osé faire ça ! hurle-t-il avec fureur.
— Je n’ai rien fait de mal moi, dis-je, paniquée par sa réaction. Tu n’étais même pas devant !
— Et est-ce que c’est une raison pour ne pas demander la permission, jeune fille ?
— Mais… Je…
— TAIS-TOI !
— Voyons chéri, elle n’a vraiment rien fait de mal, dit timidement ma mère.
Il la regarde avec rage. Il ne supporte pas qu’on lui réponde. Pour lui, il avait toujours raison, point barre ! Même si on lui prouvait souvent le contraire.
— Répète ?
Il se rapproche lentement vers elle, le regard noir.
— Je… Je… bégaye-t-elle.
Sans attendre la fin de sa phrase, il lui donne une violente claque au visage. Elle porte la main à sa joue brûlante, les yeux remplis de larmes, aucun son ne sort de sa bouche. Elle reste juste là, plantée sur place.
Ce n’est pas la première fois qu’il lève la main sur elle, et il n’a aucun scrupule à le faire devant moi.
Il revient dans ma direction avec rage et détermination, il m’empoigne par l’épaule.
— Plus JAMAIS tu ne fais ça ! C’est bien compris ! dit-il en me secouant dans tous les sens.
La douleur est vraiment atroce, il me serre tellement fort que j’ai l’impression que mon épaule va se briser sous sa main.
— Lâche-moi, réussis-je à dire dans un sanglot étouffé.
Et il me relâche d’un coup sec, soulageant ainsi mon épaule endolorie, que je masse légèrement. Je commence à être prise de vertiges dus aux secousses incessantes que j’avais eues. Il reste toujours proche de moi, à me foudroyer du regard.
— Maintenant, écoute-moi bien ! Ici, c’est MOI qui décide ! Ta mère et toi devez m’obéir ! Est-ce bien clair !
Malgré la peur qui monte en moi, instinctivement, les mots sortent tout seuls de ma bouche, sans que je ne puisse vraiment les contrôler.
— Tu n’es pas mon père ! Tu n’as aucun ordre à me donner !
Il me saisit par le col de mon t-shirt, en me forçant à me mettre sur la pointe des pieds, et rapproche son visage du mien. Son haleine sent la bière bon marché, le cendrier dû aux nombreuses clopes qu’il s’enfile à la pelle, à peine il en a fini une qu’il en rallume une derrière, et malgré ça, ça n’arrive quand même pas à masquer son horrible odeur de transpiration.
— Petite merdeuse ! Je vais t’apprendre, moi, à me parler comme ça !
Il me repose au sol et me gifle à mon tour. Un air satisfait s’est dessiné sur son visage, un léger sourire laissant apparaître ses dents jaunies par la cigarette, ces mêmes dents se gravent dans un sourire narquois.
— NON, arrête ! dit ma mère.
— TAIS-TOI !
Ne prêtant pas plus attention que ça à ma mère, il continue :
— Dorénavant, tu ne poseras plus de question et ne feras plus rien sans que je ne t’en donne l’ordre, c’est bien compris !
— JAMAIS !
Et je pars comme une furie m’enfermer dans ma chambre.
Je me réveille en sursaut et en sueur, mon Dieu quelle horreur ! Je n’en peux plus de revivre sans cesse cet événement.
Je mets quelques instants avant de retrouver mes esprits.
Je vis à Caster, dans l’État du Wyoming, avec ma mère et mon beau-père. Toute ma vie a changé depuis la mort de mon père. Ma vie est devenue un véritable enfer depuis que ma mère a décidé de se remarier, à peine un an et demi après le tragique accident de voiture de papa, et seulement au bout de quelques mois de relation.
L’homme qui a transformé ma mère en une personne que je ne reconnais plus se prénomme Jeff. À eux deux, ils m’ont tout pris de l’héritage que mon père m’avait laissé, uniquement dans le but de se saouler et de se défoncer, ce que je n’aurais jamais pu imaginer de la part de ma supposée génitrice.
Forcément, l’argent a très vite commencé à manquer à la maison. Pour en économiser le plus possible, pour qu’ils puissent se permettre leurs « petits plaisirs », comme dit si bien ma mère. On ne mange plus que des plats surgelés premier prix, fades et sans goût. Quand je pense qu’avant tout ça, c’était une excellente cuisinière. Maintenant, c’est limite si j’existe encore à ses yeux, toute notre complicité d’avant s’est envolée depuis l’apparition de Jeff dans nos vies.
Aujourd’hui, c’est mon 16e anniversaire, bien sûr maintenant, ce n’est devenu qu’un jour comme les autres, sans grande importance pour qui que ce soit.
Comme à mon habitude, je me prépare et descends en direction de la cuisine pour prendre mon petit-déjeuner. Je dois être prudente et faire le moins de bruit possible pour ne pas les réveiller, sinon j’aurai droit aux vives représailles de Jeff, et autant dire que ce n’est pas joli joli à voir.
Je dois me débrouiller seule à présent. Pour lui, je suis devenue assez grande pour tout préparer, et je dois bien l’admettre, il n’avait pas tout à fait tort sur ce point. Mais j’aimerais tellement pouvoir me réveiller, prendre mon petit-déjeuner avec ma mère qui aurait préparé des toasts et des œufs brouillés, comme elle le faisait si bien avant. Je me rappelle encore la délicieuse odeur que l’on pouvait sentir rien qu’en descendant les escaliers.
Maintenant, il n’y a plus que moi. Seule avec mon bol de céréales pour me tenir compagnie, à repenser à ces doux moments qui n’arriveront plus.
Quand j’ai fini, j’empile mon bol sur une pile de vaisselle sale juste à côté de l’évier. Bien obligée, vu qu’il déborde déjà de verres, d’assiettes et de couverts sales, même des bouteilles de bière vides, pour la plupart, y étaient déposées en désordre.
Je soupire longuement, lassée par cette vision que j’ai face à moi et qui me répugne. Je devrais m’occuper de ça plus tard, pour que l’on puisse retrouver un peu de propreté et d’hygiène de vie dans ce taudis minable.
En regardant l’heure sur le micro-ondes, je constate qu’il était déjà 8 h 20. Fais chier. Je vais être en retard si ça continue, sans perdre une seconde, je prends mes affaires et pars en direction de l’école qui, par chance, ne se situe qu’à 500 mètres de chez moi.
Ma vie à l’école n’est pas non plus évidente. Comme beaucoup de jeunes de mon âge, je suis le sujet de pas mal de moqueries, et ils ne manquent pas une occasion pour m’en faire baver, et pour cause. Il faut dire qu’avec mes vieux vêtements « passés de mode » comme diraient les autres filles de ma classe, remplis de trous, raccommodés de manière déplorable par ma mère, c’est vrai que ça ne me met pas du tout à mon avantage. C’est sans compter aussi sur mes longs cheveux bruns, coupés un peu de travers, vu que le coiffeur est bien au-dessus de nos moyens et encore une fois, je ne dois cette magnifique coiffure qu’à une seule personne, qui préfère me les couper elle-même.
Heureusement qu’aujourd’hui c’est mercredi, et je n’ai pas cours l’après-midi. Parfait. Je n’ai pas envie d’être persécutée toute la journée le jour de mon anniversaire, même si j’y crois moyennement.
Alors que j’arrive près du bâtiment, un jeune homme vêtu d’un sweat à capuche noir, dont celle-ci est relevée sur sa tête, est adossé à un arbre non loin de moi, à me dévisager franchement. Bon, j’ai l’habitude d’être regardée de la sorte, mais là, il y a quelque chose d’étrange chez cet individu, et je ne peux pas m’empêcher de le regarder à mon tour. Je ne distingue pas très bien son visage, une des seules choses que je réussis le mieux à voir ce sont ses yeux, d’un noir profond, dans lesquels une lueur rouge y brille. Du moins, c’est ce qu’il me semble apercevoir…
Tu dis n’importe quoi Jessica, des yeux noir et rouge, et puis quoi après, des vampires ?…
Son regard s’intensifie au moment où nos yeux entrent en contact. C’est sûr, je ne l’avais jamais aperçu avant aujourd’hui !
Arrivée devant l’établissement scolaire, je m’arrête soudainement. Je ne sais pas pourquoi, mais cela m’est impossible de détacher mes yeux de lui. C’est comme si j’étais hypnotisée, mais en même temps un peu terrifiée, une boule se noue dans mon ventre, je n’ose pas bouger d’un pouce. Plus nous restons là à nous regarder, plus j’ai l’étrange sensation qu’il pouvait voir au plus profond de mon âme. Quant à lui, il n’a pas bougé d’un millimètre, tout ce qu’il fait, c’est me fixer. Pour finir, j’en viens à me poser la question de s’il ne s’agit pas plutôt d’une statue en fait, jusqu’à ce que je remarque que ses lèvres bougent. On dirait qu’il essaye de murmurer quelque chose, mais étant positionnée trop loin, ça m’est impossible de confirmer que c’est bien ce qu’il se passait.
Tout à coup, la sonnerie de l’école retentit, annonçant le début des cours, ce qui me fait sursauter et me permet de me libérer de son emprise.
Ouf, enfin…
Alors que je me retourne vers l’entrée pour voir si mes camarades sont déjà tous à l’intérieur, au moment où je reviens vers l’arbre où il se tenait quelques secondes auparavant, il avait disparu !
C’est quoi ce délire ? Est-ce que j’ai rêvé ? Non, j’en suis sûre et certaine ! Il y avait bien quelqu’un adossé à cet arbre !
Tout en reprenant mes esprits, j’avance alors à la hâte vers l’entrée, la tête encore embrumée par ce qu’il vient de se passer. Malencontreusement, je bouscule par inadvertance un groupe de filles devant moi. Manque de pot, ce sont celles de ma classe.
Génial… La journée promet de bien commencer…
— Non, mais ça va pas ! Tu peux pas regarder où tu vas ? dit une blonde en se retournant vers moi.
C’est celle que tout le monde suit partout comme un chien, la plus populaire, la plus belle, avec une chevelure vraiment étincelante. N’importe quelle fille rêverait de faire partie de sa bande pour obtenir le respect de tous, enfin exceptée moi. Je préfère rester dans l’ombre et me fondre dans la masse. C’est ce genre de fille qui sort avec les plus beaux garçons qui, en général, font partie de l’équipe de foot du lycée. Toujours habillée à la mode et sexy sans oublier son fameux sac Chanel qu’elle n’hésite pas à exhiber pour afficher la fortune de ses parents. Elle était accompagnée de ses soi-disant quatre « meilleures amies », sur qui elle n’arrêtait pas de cracher dans le dos dès qu’elle en avait la moindre occasion.
Une belle petite salope quoi…
— Pardon, je suis désolée, je ne vous ai pas vues, dis-je tête baissée, honteuse.
— Tiens, tiens, mais qui avons-nous là ? dit-elle, un sourire malicieux aux lèvres. Ne serait-ce pas notre petite Jessica ?
Je ne réponds pas, je préfère me taire et garder la tête baissée vers le sol.
— Hé ! Je t’ai parlé ! dit-elle en me poussant légèrement de sa main parfaitement manucurée.
Je garde le silence, je ne veux pas d’ennui, mais elle n’est pas du tout du même avis. Elle continue de me pousser par petits à-coups, puis de plus en plus fort, ce qui me fait reculer de plusieurs pas.
Toutes les cinq sont totalement hilares, ça les amuse de me faire ça.
Mais pourquoi ? Qu’est-ce que j’ai bien pu leur faire ?
Au bout d’un moment, j’arrive sur le rebord du trottoir et perds l’équilibre, me faisant tomber directement sur les fesses. Elles éclatent de rire de plus belle, osant enfin les regarder, je vois le regard satisfait chez cette bimbo qui me prend de haut.
Les autres retardataires qui arrivent en courant se mettent également à rire en m’apercevant. Je dois être si pitoyable. Non, je me sens parfaitement pitoyable ! Cette fois, j’en ai marre ! J’en ai plus que ras-le-bol de cette vie : Jeff, ma mère et maintenant ça !
Une rage monte en moi d’un seul coup, je ne comprends pas ce qu’il m’arrive, c’est incontrôlable, moi qui d’ordinaire arrive plus ou moins à me contrôler, là impossible. Je serre les dents et les poings, je suis prête à exploser, je bouillonne de rage.
Mais qu’est-ce qu’il m’arrive ?
Mon subconscient ne comprend pas ce qu’il se passe, mais impossible d’apaiser ce soudain changement. Pour qui se prennent-ils tous ? Plus elles rigolent, plus ma rage grandit de plus belle.
— LA FERME ! hurlai-je hors de moi.
Elles stoppent et me dévisagent avec stupéfaction, visiblement, elles ne s’attendaient pas trop à ça. Et moi non plus…
— Mais c’est qu’on se rebelle ! dit l’une d’entre elles dans un léger sourire.
Je fulmine, ma respiration s’accélère, je ne contrôle plus mes émotions, jamais je n’avais ressenti une telle colère.
Doucement, de gros nuages noirs font leur apparition, comme si un orage allait éclater. Quelques coups de tonnerre se mirent alors à résonner. Je me relève doucement tout en continuant de les fixer, alors que je voulais reprendre ma route vers l’entrée, elles me barraient le passage.
— Où comptes-tu aller comme ça ?
— Laissez-moi tranquille ! dis-je en serrant les dents.
— Alors là, tu peux rêver !
Une fine pluie commence à nous effleurer le visage. Ignorant sa remarque, je tente malgré tout de continuer mon chemin, mais impossible, elles forment une horde devant moi, bien serrées les unes aux autres.
— Laissez-moi passer ! répétai-je en les foudroyant du regard.
— Sinon quoi ?
Inconsciemment, je me mords la lèvre inférieure de rage, je l’ai su dès l’instant où un léger goût de fer me vint en bouche. Serrant toujours les poings, je leur répétai pour la troisième fois :
— Laissez-moi PASSER !
Au même instant, un puissant coup de tonnerre résonne, un éclair jaillit et frappe ce fameux arbre de tout à l’heure de plein fouet, qui se fissure à cause du choc.
Nous sursautons. Quand la bimbo repose son regard vers moi, ses yeux s’agrandissent et elle recule, l’air horrifiée. Ses sbires abordent exactement la même expression qu’elle, on aurait dit qu’elles avaient vu un fantôme, elles semblent terrifiées.
— Mais c’est quoi ton problème ? T’es quoi toi au juste ? dit-elle d’une voix tremblante.
Et elles partent toutes les cinq en courant, me laissant dans l’incompréhension la plus totale.
C’est quoi ce bordel ?
Je ne comprends pas ce qu’il s’est passé, je suis un peu confuse. À peine ai-je retrouvé un semblant de calme que le ciel s’éclaircit, laissant place au soleil qui réapparaît comme si de rien n’était.
Bizarre.
Sans attendre une seconde de plus, je file rejoindre ma salle de classe. Inutile d’arriver encore plus en retard que je ne le suis déjà.
Les heures passent et je n’arrive pas à me concentrer, je ne fais que penser constamment à ce qu’il s’est passé avant les cours de ce matin. Ce n’était peut-être qu’une coïncidence, ou un effet météorologique dû au changement climatique, qui sait. Et cet homme, mais qui cela pouvait-il être ? J’ai l’étrange sensation de toujours sentir son regard sur moi, rien que d’y repenser, ça me donne la chair de poule.
Par malchance pour moi, mon professeur remarque mon manque de concentration pour son cours.
— JESSICA ! Mon cours ne t’intéresse pas ?
—Si, si, Monsieur.
—Alors tu peux me répéter sans problème ce que je viens d’expliquer !
Il me fixe les sourcils bien froncés, ses grands yeux marron me dévisagent. C’était un homme assez petit et bien portant, mais avec un sacré caractère ! Le genre de prof avec lequel il ne valait mieux pas avoir d’histoire.
Attendant toujours ma réponse, l’agacement se fait sentir dans son regard, qui commence à se transformer en colère. Il ne tarde pas à devenir aussi rouge qu’une tomate, et je vois que quelques gouttes de sueur coulent le long de son front, ce qui est assez dégoûtant.
C’est le signal d’alarme Jessica, réponds vite quelque chose !
Je tente enfin de répondre, honteuse :
— Euh… Je ne sais pas, Monsieur.
—Eh ben je vous conseille de vous concentrer un peu plus ! Cela ne vous ressemble pas ! Une bonne élève comme vous doit rester attentive si elle veut réussir son année, ne m’obligez pas à me répéter encore une fois ! Vous êtes déjà arrivée en retard, donc si j’étais vous, je ferais attention !
Une grande première pour moi qu’un professeur me hurle dessus. Moi qui reste la plus discrète possible, j’en reste bouche bée. En regardant tout autour de moi, je remarque que tous mes camarades de classe me dévisagent et pouffent tous ensemble de rire. J’entends même quelques-uns de leurs chuchotements : « Mais c’est quoi son problème à elle aujourd’hui ? », « Moi, je vous le dis elle est pas nette, il y a un truc bizarre chez elle ! », « Vous auriez vu son regard tout à l’heure, un vrai monstre ! » Quelques-uns d’entre eux me jettent des petites boulettes de papier dans les cheveux quand d’un coup une des élèves assise à mes côtés me fait passer un petit mot des sales vipères. Je le déplie et découvre, écrit en grand et bien en noir :
« Rentre chez toi, tu n’as rien à faire ici, espèce de sale monstre… »
Cette fois, c’en est de trop, c’est la goutte de trop !
Sans attendre la fin du cours, je prends mes affaires et pars en courant. Au loin, j’entends le prof m’interpeller et m’ordonner de revenir pendant qu’en bruit de fond, les autres élèves sont hilares par la situation. Il est hors de question que je retourne là-bas.
Mon seul refuge à ce moment précis est les toilettes des filles, je sais qu’il n’y aura personne à cette heure-ci.
À peine m’y suis-je engouffrée que je me renferme dans une des cabines. Et sans les retenir, des larmes se mettent à couler le long de mes joues, j’ai tellement mal, je n’ai rien fait pour mériter tout ça. Mais je sais ce qui a pu en déclencher une bonne partie. C’est ce fameux jour où ma mère est venue me chercher complètement défoncée, les cheveux en pétard, titubant à chaque pas, et le comble de tout, ce fut quand elle m’a aperçue. Elle m’a hurlé dessus comme une pestiférée devant tout le monde, alors que je n’avais strictement rien fait, tout ça parce qu’elle s’était encore disputée avec son Jeff, et comme d’habitude, j’en prenais pour mon grade.
J’avais honte, honte de ma mère, de ce qu’elle était devenue. Une vraie loque, droguée, alcoolique et fainéante. Comment peut-on autant se laisser aller à ce point ? C’est dingue comme une seule personne peut faire basculer votre vie et la faire devenir invivable.
Mes larmes ne cessent de couler, je dois me ressaisir et sortir de cet endroit au plus vite avant que la sonnerie ne retentisse.
Il faut croire que même le jour de mon anniversaire, on ne me laissera pas tranquille non plus.
Je prends mon courage à deux mains, prends une profonde inspiration et sors des toilettes pour me diriger vers la sortie.
Normalement, j’ai encore deux heures de cours, mais tant pis. Ce n’est pas dans mes habitudes de sécher les cours, mais là, je veux juste partir de cet endroit.
Serait-ce trop demandé de passer une journée normale, pour une fois ? Sans critique, sans reproche et sans moqueries.
Hors du bâtiment, j’inspire profondément une grande bouffée d’air, ce qui me fait le plus grand bien. Je suppose que c’est ça que ressentent les fumeurs quand ils allument leur cigarette tant attendue.
Je ne veux pas rentrer chez moi, du moins, pas tout de suite. Premièrement, ils vont me hurler dessus en me voyant rentrer maintenant. Et deuxièmement, je n’en ai tout simplement pas envie.
Alors direction le parc de l’autre côté de la rue, il est immense, et même s’il se situe en face de mon école personne ne pensera à aller me chercher là-bas.
Je marche un long moment avant de trouver l’endroit idéal, je m’installe sur un banc en face d’une fontaine, rejetant la tête en arrière et fermant les yeux, je me focalise sur les bruits qui m’entourent : le bruit des passants, le chant des oiseaux, et le plus agréable de tous celui de l’eau qui coule. Cela m’apaise et me permet de faire le vide dans ma tête, de ne plus penser à rien. Je reste dans cette position un moment à sentir le soleil sur mon visage, quand soudain une sensation étrange m’envahit, cette drôle d’impression de se sentir observée. Je baisse la tête et ouvre à nouveau les yeux, et c’est à ce moment-là que je le vois pour la deuxième fois aujourd’hui. Cet homme à sweat à capuche noir, il se tenait de l’autre côté de la fontaine, à me fixer de ses yeux noirs, à l’exception près que cette fois-ci au bout de quelques instants, il se lève et commence à marcher dans ma direction, à peine a-t-il fait quelques pas vers moi que je ramasse mes affaires et m’enfuis en courant.
Ce type ne me dit rien qui vaille. Que me veut-il ?
Je ne m’arrête de courir que lorsque j’arrive devant chez moi. Je regarde les alentours : personne ! Et par la même occasion, je constate que la voiture de Jeff n’est plus là. Ouf, avec un peu de chance ma mère serait partie avec lui et ils ne sauront pas que j’ai séché mes dernières heures de cours.
Je reprends mon souffle et ouvre la porte. Au moment où je franchis le pas de la porte, je remarque instantanément que plusieurs choses ont disparu : la télé, le fauteuil de Jeff dans lequel il était sans cesse vautré avec une bière à la main et clope dans le bec avec un cendrier posé sur l’accoudoir de celui-ci rempli de vieux mégot de cigarette.
Leur fameux « mini-bar », dans lequel ils rangeaient leurs « petits plaisirs », était également aux abonnés absents. J’avais interdiction formelle d’y toucher en même temps, ce n’est pas comme si je ne savais pas ce qu’il contenait. Ils m’avaient fait croire que c’était un mini-bar des plus basiques qui ne marchait plus, mais qu’ils gardaient à côté d’eux pour ranger des bières afin d’éviter qu’ils ne se lèvent toutes les trois secondes.
Des bières mon cul oui ! Ils pensent vraiment que je suis débile à ce point !
Je commence à faire le tour de la maison à la recherche de quelqu’un et en vérifiant au passage que rien d’autre ne manquait à l’appel.
Personne en bas.
Je décide de m’attaquer à l’étage. Au moment où je pénètre timidement dans leur chambre, c’est là que je la remarque, recroquevillée dans son lit tel un bébé en train de pleurer à chaudes larmes. Je m’approche doucement vers elle et m’assois à ses côtés.
— Maman ? Est-ce que ça va ?
Question stupide Jessica ! Bien sûr que non ça ne va pas, sinon elle ne serait pas là en train de pleurer.
Aucune réponse. Son regard semble lointain et perdu dans le vide, je ne sais même pas si elle a conscience de ma présence.
Avec délicatesse, j’effleure sa joue de ma main, à ce contact, elle sursaute.
— Oh, ma chérie, tu es déjà rentrée ? dit-elle entre deux reniflements.
Ses yeux sont rouges et gonflés à force de pleurer, ça doit faire un moment qu’elle devait être dans cet état.
— Oui, j’ai pu finir plus tôt, un prof était malade.
Je sais bien que je ne dois pas lui mentir, mais je me vois mal lui dire la vérité surtout maintenant. Elle est déjà dans un sale état et je n’ai pas envie d’en ajouter une couche.
— Maman, qu’est-ce qui s’est passé ?
Ma mère pose son regard droit dans le mien, j’y lis une profonde tristesse, des larmes commencent à nouveau à apparaître, menaçant de rouler le long de ses joues.
— Jeff est parti, dit-elle entre deux sanglots étouffés.
Parti ? Vraiment ? Est-ce la bonne cette fois ? Comme je l’espère, on pourrait enfin repartir sur de bonnes bases, rien qu’elle et moi.
Je reste là un petit moment sans rien dire assise à côté d’elle, tout en lui caressant les cheveux.
J’ai préféré me taire quand elle m’a annoncé le départ de Jeff, j’espère juste que c’est vraiment la bonne. Je ne compte plus le nombre de fois où je le pensais sorti de notre vie, mais à chaque fois, il revenait, l’implorait de le reprendre avec de belles paroles et elle lui pardonnait. Même quand il lui a levé la main dessus pour la première fois, et cela ne l’a jamais empêché de recommencer quand l’envie lui prenait.
Pourtant, un jour, j’ai vraiment eu l’espoir qu’elle le quitte et une bonne fois pour toutes. Ce fameux jour où c’est sur moi qu’il a jeté son dévolu, mais elle n’a rien fait ! Et quand je me suis réfugiée dans ma chambre ce jour-là, elle est venue taper à ma porte, mais pas pour savoir comment j’allais, mais plutôt pour m’implorer de lui pardonner son geste et de venir m’excuser auprès de lui pour ce que j’avais fait.
Mais je n’avais rien fait de mal bordel ! J’ai juste changé une chaîne à la télévision, une chose insensée !
Et pourtant à contrecœur, je l’ai fait pour elle.
Depuis ce jour, je me suis juré que s’il recommençait, cette fois, je partirai !
Ce qui me sort de mes pensées, c’est au moment où elle ne prononce que deux mots.
— Joyeux anniversaire.
Stupéfaite, je me retourne vers elle, les yeux grands écarquillés, ainsi, elle n’avait donc pas oublié. Je lui bégaye difficilement un merci, un petit sourire en coin apparut sur son visage.
Une bouffée de bonheur m’envahit quand elle me propose de faire mon plat préféré, du porc au caramel. Je ne me souviens plus de quand date la dernière fois où elle a cuisiné pour moi, et mon repas favori en plus !
C’est avec un grand sourire et du baume au cœur que je lui réponds d’un grand oui comment pourrais-je refuser ? C’est tellement inespéré.
Sans attendre une seconde de plus, elle se relève doucement, se dirige vers son sac et sort son portefeuille.
— Tiens, prends ça, il va falloir faire quelques courses pour préparer tout ça. Va au magasin et prends-nous ce dont nous avons besoin.
D’un geste hésitant, je saisis le billet de 20 dollars qu’elle me donnait, une partie de moi culpabilise de les prendre, peut-on vraiment se permettre de dépenser cet argent pour préparer ce repas que j’aime tant alors que d’habitude, nous ne l’envisageons jamais ?
D’un autre côté, si Jeff est vraiment sorti de notre vie, on n’aura plus besoin de se préoccuper de ça, on s’en sortira beaucoup mieux sans lui.
— Je vais préparer des crêpes pour le dessert. Bon, ce n’est pas un gâteau, mais c’est déjà ça non ? Et puis je sais que j’ai déjà tous les ingrédients ici pour en faire. Cela m’occupera le temps de ton absence.
Je la regarde bouche bée, je ne m’attendais pas du tout à ça en plus. Crêpes ou gâteau cela m’importe peu, rien que le fait qu’elle pense à préparer un dessert pour moi seule me remplit de joie.
En me dirigeant vers la porte, je jette un dernier coup d’œil derrière moi pour m’assurer que tout ceci est bien réel. Je la vois dos à moi en train de remettre son portefeuille. Quand elle se retourne vers moi, elle m’adresse un sourire bien plus grand que celui de tout à l’heure, ce qui me réchauffe le cœur.
— Je fais au plus vite.
—J’espère bien, on a beaucoup de travail toi et moi, dit-elle dans un petit rire taquin.
Ce qui me fait sourire davantage. Sans attendre plus longtemps, je sors de la pièce et pars en direction du magasin.
Sur le chemin du retour, je suis sur un petit nuage, je vais retrouver un peu de complicité avec ma mère, comme ça m’a manqué ! Serait-ce le début d’une nouvelle vie que je n’espérais plus ?
Je redouble ma course afin d’arriver le plus vite possible. Mais plus je me rapproche, plus quelque chose attire mon attention, une voiture est stationnée juste devant chez nous.
Oh non faites que ce n’est pas ce que je crois !
Mais malheureusement plus j’avance plus mes craintes se confirment il s’agit bel et bien de la vieille 4L de Jeff.
Non ! Ce n’est pas possible, pas encore. Il y a sans doute une explication rationnelle derrière tout ça.
En ouvrant la porte d’entrée, le peu d’espoir, de bonheur qu’il me restait s’envole en un claquement de doigts. Tout est à nouveau à sa place et ils sont là assis dos à moi dans le canapé dans les bras l’un de l’autre.
Je n’en reviens pas ! Quand est-ce que ce cauchemar va-t-il s’arrêter ? Pourquoi est-ce que j’y ai cru encore une fois ?
J’en lâche mes sacs de courses. J’aurais dû m’en douter que ça se passerait comme ça, je voulais tellement y croire.
Je ne sais pas combien de temps, je reste plantée là, à les regarder avoir l’air amoureux comme au premier jour, comme si de rien n’était. Pourtant, je ne suis partie qu’une heure et demie.
Finalement, c’est ma mère qui remarque enfin ma présence, elle me présente son plus grand et plus beau sourire. Le bonheur irradie son visage à croire qu’il n’y a que lui qui puisse la rendre heureuse. Ça me transperce le cœur de savoir qu’apparemment moi, je n’en suis pas capable que je ne lui suffis pas.
— Tu as vu qui est de retour ? dit-elle folle de joie.
Sans attendre, je réponds du tac au tac.
— Ouais, je vois ça ! Quelle surprise, dis-je avec ironie.
Jeff qui n’a pas dit un mot jusque-là se leva et écarta bien grand les bras. C’est avec un grand sourire et des yeux pétillants qu’il ose me dire :
— Joyeux anniversaire ma puce, je suis sûr que je t’ai manqué.
Je rêve ou il vient de m’appeler ma puce ?
—Absolument pas ! En même temps, tu n’es parti que quelques heures, on a pas eu réellement le temps d’en profiter ! dis-je avec agacement.
Je suis hors de moi, comment peut-il se comporter ainsi ? Monsieur veut faire bonne figure, mais je connais son vrai visage ! Et pour qui se prend-il pour oser m’appeler « ma puce » ? Ce n’est pas comme si on avait toujours été proches. Il n’y a que deux personnes qui peuvent me donner des petits surnoms aussi affectueux. L’une d’elles n’existe plus, changée par ce monstre ! Et l’autre est morte.
La colère se forme sur son visage.
— Comment oses-tu me parler de cette façon ! Tu me dois le respect ! dit-il élevant la voix.
Il y a de l’électricité dans l’air, ses poings commencent à se serrer.
J’en ai plus qu’assez ! Cette fois, je ne vais pas me laisser faire ! C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Mon sang se met à bouillir dans mes veines et une haine que je ne peux contrôler s’empare de moi.
Qu’est-ce qu’il m’arrive aujourd’hui ? D’habitude, j’arrive à garder un peu de sang-froid, mais là impossible je n’arrive pas à me contrôler.
Les lumières du salon clignotent à plusieurs reprises, comme si le courant se coupait et revenait instantanément. Plus ma colère grandit, plus ça alterne de plus en plus vite. Je n’y prête pas grande attention, trop concentrée sur ce sale type !
— Le respect ? Toi, tu oses me parler de respect, alors que tu n’en as pas le moindre pour nous !
—Jessica, voyons, arrête de dire des bêtises, dit ma mère en voulant s’interposer.
— Des bêtises ? Tu rigoles là, j’espère ! Comment peux-tu te laisser berner aussi facilement ? Il te maltraite, t’as entraîné dans l’alcoolisme et la défonce, et toi, tu reprends une fois de plus sa défense ! Non, mais t’es sérieuse ?
Je ne peux contenir mes paroles, elles sortent naturellement de ma bouche, comme si tout ce que j’avais retenu jusqu’à présent en moi par peur se mettait soudainement à sortir sans que je ne puisse l’en empêcher.
—Tu ne mérites pas le nom de mère, tu me délaisses, moi ta fille unique pour ce déchet humain ! continuai-je en le pointant du doigt.
J’ai bien conscience de la violence de mes paroles, mais une part de moi est contente du mal que je lui fais.
Mais c’est insensé !
Je suis à bout de souffle, ma mère est sous le choc. Elle porte sa main à sa bouche, j’arrive à percevoir son murmure : « Comment peux-tu dire de telles choses ? »
—Tu vas te calmer jeune fille ou…
— Ou quoi ? le coupai-je. Tu vas encore nous en mettre une comme tu sais si bien le faire ?
Alors qu’il se rapproche de moi d’un air menaçant, à ma grande surprise ma mère se positionne entre nous les bras tendus. Elle me tourne le dos et lui fait face.
— Non, Jeff, calme-toi, elle va s’excuser, pas vrai ma chérie ?
Elle jette un coup d’œil par-dessus son épaule et me supplie du regard.
— Désolé maman, mais non pas cette fois, il en est totalement hors de question ! Je ne vais pas m’excuser pour avoir enfin dit la vérité !
Jeff de son air menaçant continue d’avancer en ne me quittant pas du regard, je pouvais distinguer les flammes qui dansaient dans ses yeux.
— Jeff, s’il te plaît, l’implore-t-elle.
Sans l’écouter, il la saisit violemment par le bras et la pousse par terre pour la dégager de son chemin. Elle tombe sur le sol avec violence.
— TAIS-TOI ! C’est entre elle et moi, je vais lui apprendre les bonnes manières moi ! dit-il avec un sourire malicieux.
En voulant rejoindre ma mère pour voir si tout allait bien, il en profite pour m’empoigner à mon tour par le bras et me projeter à travers le salon où je fais un vol plané jusqu’au fond de celle-ci. Ma tête heurte le radiateur de plein fouet, ce qui élance une atroce douleur à l’arrière de mon crâne, des étoiles dansent devant mes yeux, mais il n’en avait pas encore fini avec moi.
Sans avoir le temps de me remettre de mes émotions et de me relever, il était déjà sur moi poing en l’air, prêt à frapper.
—Alors, on fait moins la maligne maintenant.
Pour seule réponse, je relève péniblement la tête vers lui en essayant de lui cacher la douleur qui m’envahit, et lui crache en pleine figure. Un grognement atroce sort de sa gorge. La rage déforme son visage.
—Espèce de sale petite…
Et là, son poing s’abat sur moi avec violence, une immense douleur explose sur le côté gauche de mon visage. Le choc est tel que j’en ai le tournis, je vois double. Je n’ai pas le temps de me remettre de ce coup qu’un deuxième se plante sur moi. Au vu de ma faible corpulence, s’il continue comme ça, ma tête va finir par se détacher de mon corps, elle part de droite à gauche, je ne peux plus la contrôler. Je n’ai plus de force et me laisse tomber de tout mon long sur le sol, ma vue devient de plus en plus trouble. Je distingue une masse au loin de l’autre côté de la pièce, face à moi. Ma mère se redressait et commençait à courir dans notre direction tout en hurlant : « JEFF ! ARRÊTE ! » mais trop tard, un troisième coup arrive à nouveau sur moi au niveau de ma tempe cette fois et là le trou noir.
Quand j’ouvre à nouveau les yeux, je suis toujours étendue sur le sol. Que s’était-il passé ? Je fouille dans ma mémoire pour essayer de me remémorer les derniers événements. Un flash-back m’apparut : ma mère au sol, moi planant à travers la pièce, son poing levé vers moi. Oui, je me souviens maintenant. Toujours en étant allongée, je tends l’oreille pour écouter les bruits qui m’entourent, mais rien que le silence. Je me redresse avec grande difficulté, la tête me tourne me faisant vaciller plusieurs fois. Une douleur atroce m’élance à l’arrière de celle-ci, ainsi que le côté gauche de mon visage. Il fallut un instant à mes yeux pour ne plus voir flou.
Là, t’as bien morflé Jessica…
Je savais que j’étais enflée rien qu’au niveau de ma pommette, je pouvais le sentir, elle avait doublé de volume. C’était la même sensation que quand on se fait arracher une dent chez le dentiste.
Je passe doucement et délicatement ma langue de droite à gauche en effleurant mes dents au passage, à première vue le compte y était. Ma mâchoire ne semble pas non plus trop endommagée, certes, elle me fait mal, mais je peux ouvrir et fermer la bouche, avec difficulté, mais j’y arrive, c’est déjà ça.
Je pose ensuite méticuleusement une main sur ma joue et remonte lentement jusqu’à ma tempe, à peine, l’ai-je effleurée que la douleur repart de plus belle m’arrachant une grimace au passage. Ensuite, je passe à l’arrière de mon crâne avec douceur, je sens qu’une légère croûte de sang a déjà commencé à se former, petite, mais elle était là ! Espérons maintenant que je n’ai pas une sorte de commotion cérébrale.
Balayant la pièce du regard dans l’espoir de trouver quelqu’un pour venir à mon aide, mais personne. La pièce est vide et plongée dans l’obscurité.
Je me hisse tant bien que mal à l’aide du fameux radiateur pour me redresser sur mes deux jambes tremblotantes. Il me fallut un moment avant que je n’arrive à reprendre le contrôle de mon corps et à calmer les tremblements.
En fouillant la maison au rez-de-chaussée, une chose me saute aux yeux. Le manteau de ma mère a disparu, il n’est plus sur le porte-manteau, et en regardant par une des fenêtres du salon, je constate que la voiture de Jeff n’est plus garée devant la maison non plus.
Mais qu’est-ce qu’il s’est passé ? Où sont-ils allés ? Il n’aurait quand même pas enlevé ma mère.
Je vérifie l’étage, toujours personne, son sac à main a également disparu. Pas besoin d’être voyante pour se douter qu’elle était partie avec lui de son plein gré sinon elle n’aurait jamais pris la peine de venir le chercher. Mais pour aller où ?
Alors que je redescends pour aller chercher une poche de glace, je remarque qu’un bout de papier à mon attention est accroché sur la porte du congélateur.
« Ma chérie, on a décidé d’aller t’acheter un gâteau d’anniversaire. Jeff s’en veut vraiment pour ce qu’il s’est passé, il veut et va se faire pardonner. Et comme promis dès notre retour, on préparera ton repas d’anniversaire. Bisous, maman. »
Elle est sérieuse là ? Non, mais c’est quoi son putain de problème !
Ça n’a pas de sens ! Après ce qu’il vient de me faire, à moi sa fille, elle lui pardonne encore et elle fait comme si de rien n’était !
Ça en est de trop cette fois ! Comme je me le suis promis, si ça recommençait, je partirais, et c’est bien ce que je compte faire ! Je vais profiter de leur absence pour préparer mes affaires et m’enfuir le plus loin possible de ce trou. Seul hic, je n’ai pas d’endroit où me réfugier. Oh et puis tant pis, j’aviserai, en attendant, je dois me dépêcher, je ne sais pas combien de temps je suis restée inconsciente.
Je laisse tomber l’idée de la poche de glace, j’ai plus important à faire, mais je prends quand même le temps d’ouvrir le réfrigérateur pour me sortir une bouteille d’eau. Cela me sera sans doute utile pour entreprendre mon voyage. Je constate par la même occasion que les courses que j’avais faites plus tôt étaient dorénavant parfaitement rangées. En effet, je n’avais pas prêté attention au fait qu’elles n’étaient plus là où je les avais laissées durant ma fouille.
Donc elle a pris le temps de soigneusement les ranger durant mon « pseudo-coma ».
De mieux en mieux…
J’en ai assez vu, je me précipite pour revenir à l’étage et ensuite foncer dans ma chambre en prenant bien soin de la verrouiller derrière moi juste en cas où.
Je file prendre un sac dans ma penderie et commence à le remplir : quelques vêtements de rechange, brosse à dents, dentifrice. Je ne prends que l’essentiel, pas besoin de s’encombrer inutilement.
Je me penche sous mon lit à croire que j’avais prévu ce qui allait se produire, car depuis la première fois, j’avais réussi à retirer une petite latte du plancher où j’y avais caché mes faibles économies : 20 dollars. Bon, c’est pas grand-chose, mais c’est toujours mieux que rien.
Une fois fini au moment même où j’allais déverrouiller la porte, des bruits me parviennent au rez-de-chaussée. Merde, ils sont rentrés, il faut que je parte sans être vue, mais comment faire ?
Je fais volte-face et commence à faire les cent pas dans ma chambre.
Réfléchis, Jessica !
Mes yeux se posent sur la fenêtre de ma chambre, je me rue vers elle et regarde à l’extérieur. Elle donnait sur notre jardin, hélas, je n’avais qu’une gouttière branlante pour descendre.
Leurs voix me parviennent juste en dessous de moi, c’est là que se trouve la cuisine. Une lumière illumine tout à coup le jardin, justement celle de la cuisine. Je ne peux décidément pas descendre par-là, ils me remarqueraient à coup sûr ! Il fallait que je trouve une autre issue, mais il n’y en a qu’une, peut-être que si je descends les escaliers sur la pointe des pieds sans faire le moindre bruit, ils ne m’entendront pas.
Je dois me décider et vite !
Je prends une grande inspiration et m’éloigne de ma chambre, je tends l’oreille pour essayer de les localiser dans la maison, et lentement, mais sûrement, je descends les marches une par une, les sens en alerte.