L’enjeu des indécis - Éric Bonjean - E-Book

L’enjeu des indécis E-Book

Éric Bonjean

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Beschreibung

David, ce « monsieur tout le monde » mène une vie parfaite à Lyon. Un jour, tout bascule. L’entreprise pour laquelle il travaille a des liens avec une organisation extrémiste. Le jeune homme se retrouve mêlé à un chantage, il n’aura d’autre choix que d’accepter de changer de vie et de trahir son employeur. Au même moment, il découvre que sa sœur est en prise avec la mafia marseillaise. Les événements vont faire voyager David de Lyon à Boston, en passant par Marseille. Il apprendra à distinguer le vrai du faux, et à faire confiance aux bonnes personnes. Plongez avec lui au cœur de l’insoupçonnable, bien au-delà de ce que vous imaginez.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Des études littéraires ainsi que la proximité d’un oncle journaliste ont très tôt suscité chez Éric Bonjean l’envie d’écrire. Orienté vers des métiers liés au commerce, dans le domaine des nouvelles technologies, il lui a fallu quelques années pour enfin tenir la plume. Amateur de polars, et de séries policières, il s’est naturellement tourné vers l’écriture d’une intrigue policière, avec Lyon comme cadre principal.

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Seitenzahl: 239

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Ähnliche


Table des Matières

Prologue

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Éric Bonjean

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’enjeu des indécis

Roman

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Éric Bonjean

ISBN : 979-10-377-9443-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Prologue

 

 

 

Les quais du Rhône s’étendaient à perte de vue. Au loin, vers la Confluence, les reflets argentés du fleuve se mêlaient aux couleurs du ciel et à la vue lointaine des montagnes.

Il faisait un soleil extraordinaire dont David voulait profiter pleinement ; il courait à son rythme, sans doute proche des 10 kilomètres à l’heure, tranquillement afin de profiter de chaque foulée. Il ne savait pas quand aurait lieu sa prochaine course, toutes celles prévues ayant été annulées ou reportées, pourtant il continuait à courir presque chaque jour, car cela restait une des seules possibilités de prendre l’air.

Cela faisait désormais 50 jours que les habitants de Lyon, ainsi que ceux de toute la France, et plusieurs autres millions dans le monde, étaient confinés chez eux ; les seules autorisations de sortie étaient accordées pour des raisons impérieuses ou pour faire un peu d’exercice, mais pas pendant plus d’une heure, et pas à plus d’un kilomètre de son domicile.

David était partagé entre le plaisir de courir au soleil sur ces quais qu’il aimait tant, et la frustration de devoir faire demi-tour au bout de quelques minutes afin de respecter les règles en vigueur. Encore trois jours, se disait-il, et la vie reprendrait son cours presque normal ; le gouvernement avait annoncé la fin du confinement, dans le cadre de règles très strictes et David faisait partie des privilégiés qui allaient pouvoir retourner au travail.

C’était tout de même très étrange, car nous avions tous été privés de nos libertés fondamentales du jour au lendemain, via une simple annonce au journal télévisé, sans aucun respect pour la démocratie, et pourtant presque tout le monde avait accepté cette nouvelle situation.

Le virus était apparu de façon insidieuse, sans que personne n’y porte réellement attention. Certes, au début, personne ne se méfiait réellement de ce virus, une bonne grippe tout au plus, puis chaque jour, à la même heure, le journal télévisé égrenait un nombre de malades et de morts toujours plus importants. Petit à petit, la peur s’était invitée dans les foyers si bien que la prise de conscience du danger avait été très large, et les consignes avaient été respectées de façon presque naturelle. De nombreuses théories du complot commençaient à se faire entendre, mais globalement, la situation était plutôt calme, tout le monde ayant hâte de pouvoir sortir à nouveau de chez soi. Comment allions-nous vivre cette nouvelle situation ? Rien ne serait plus jamais pareil, il y aurait un avant et un après-confinement. Certains couples, certaines familles s’étaient soudés dans cette situation, d’autres s’étaient déchirés, et à n’en pas douter les prochains mois allaient être déterminants pour le futur de nombreuses personnes.

David fit demi-tour juste avant le centre commercial de la Confluence, il longea la darse pour ajouter quelques dizaines de mètres à son parcours, puis il reprit sa course le long des quais en direction de la Presqu’île. Il passerait le pont de Perrache, tournerait à gauche afin de traverser le quartier d’Ainay, traverserait la passerelle Saint-Georges, puis il rentrerait chez lui par les rues piétonnes.

La course avait toujours été très propice à la réflexion et ce matin il avait décidé de faire le bilan de cette période de confinement en évaluant le niveau de ses « compteurs ». Il utilisait fréquemment cette méthode qui lui permettait de faire le point sur les parties les plus importantes qui composaient sa vie, ceci de la façon la plus objective possible.

Il s’était installé avec sa compagne dès le début du confinement, alors que ce projet ne devait se concrétiser que quelques mois plus tard, et il était très heureux du résultat ; ce test en réel leur avait prouvé à tous les deux qu’ils pouvaient vivre ensemble. Il avait maintenu des contacts fréquents avec sa fille Morgane, quelques échanges par téléphone dans la semaine puis une conférence hebdomadaire via Skype afin de faire le point sur la semaine passée. Elle allait au mieux compte tenu de la situation, elle devait prochainement réintégrer son appartement et reprendre ses études. Cela faisait plus de dix ans maintenant que David avait divorcé, et pendant toutes ces années, il avait réussi à avoir la garde alternée de Morgane, il s’était battu pour cela, car son ex-femme avait tout fait pour que toutes les fautes du divorce lui incombent, mais au bout du bout, il s’en était plutôt bien sorti. Tout n’avait pas toujours été simple. David travaillait beaucoup et se déplaçait fréquemment et puis il y avait eu ces nombreux déplacements dans le sud, mais petit à petit, il avait su construire et entretenir une belle relation avec sa fille. Ils étaient souvent partis en vacances et en week-end rien que tous les deux et ils avaient fini par trouver un bel équilibre dans leurs échanges. David était conscient de ce qu’il avait pu faire vivre à Morgane, notamment lors de son aventure à Marseille. Il le regrettait et il espérait surtout qu’elle ne lui en voulait pas, et qu’elle avait conscience désormais qu’elle était la personne qui comptait le plus au monde pour lui.

Elle venait d’avoir vingt ans, déjà, c’était passé comme un battement de cils, et c’était une belle personne, elle était gentille, bienveillante et il semblait qu’elle faisait l’unanimité autour d’elle. David espérait simplement qu’il pourrait conserver leur relation aussi longtemps que possible et qu’il pourrait l’accompagner dans les moments importants de sa vie d’adulte.

David essayait également de parler plusieurs fois par semaine avec sa maman, même si elle commençait à être âgée et qu’elle vivait seule ce confinement. Elle occupait bien ses journées et elle était en bonne santé. Seule ombre au tableau, elle refusait désormais de sortir par peur de croiser du monde.

La musique qui accompagnait sa course s’arrêta subitement, David jeta un œil à son téléphone. « Quand on parle du loup ! » se dit-il alors que « MUM » s’affichait sur son écran. Il prit le temps de s’arrêter pour lui répondre.

— Allo.

— Ta petite maman, je te dérange ?

— Je cours, mais non, dis-moi.

— Je ne voulais pas t’embêter avec ça, mais… elle hésitait. Tu sais que ta sœur Sophie m’appelle toutes les semaines, et je n’ai plus de nouvelles depuis 1 mois…

David n’avait plus de contact avec sa sœur Sophie depuis bientôt 3 ans, il attendait la suite.

— Je sais que vous ne vous parlez plus, mais tes sœurs sont sans nouvelles également.

— Ne t’inquiète pas maman, au pire elle est en déprime à cause de la situation, mais si ça peut te rassurer je l’appellerai.

— Je veux bien merci, je te laisse courir, bisous.

Elle avait raccroché avec cette rapidité qui la caractérisait tellement qu’à chaque fois David se demandait à quoi elle pouvait bien penser. Il remit sa musique en marche et reprit sa course en se disant qu’il appellerait sa sœur la semaine prochaine. David était le troisième de la fratrie. Il avait trois sœurs, dont deux avec lesquelles il entretenait des relations épisodiques et qu’il ne voyait presque plus, hormis les occasions traditionnelles et obligatoires telles que les fêtes de Noël. La seule avec qui il parlait régulièrement était Sylvie, sa sœur aînée, dont il s’était beaucoup rapproché durant ces dernières années.

Il avait eu pendant des années une relation très proche et très complice avec Sophie, la benjamine, puis ils s’étaient brouillés pour différentes raisons auxquelles il n’avait plus envie de penser. Pendant des années, il avait essayé de créer des liens entre ses sœurs et lui, car Mum n’excellait pas dans ce domaine, mais il devait reconnaître que la cellule familiale de son enfance n’existait plus.

Il arriva dans la résidence après une dernière montée, et se mit à marcher jusqu’à l’entrée de l’immeuble, puis entra dans son nouveau « chez lui ». L’appartement était spacieux et très lumineux, la terrasse en rez-de-jardin surélevé baignait de soleil, il régnait dans l’appartement une atmosphère de calme et de sérénité.

Claire, sa compagne, travaillait dans le bureau et sa fille Caroline jouait sur la terrasse. Elle lui fit un grand sourire et commença à lui parler :

— David, tu sais…

Elle était intarissable, mais elle l’avait immédiatement accepté dans son quotidien, et il lui en était reconnaissant.

Il avait rencontré Claire trois ans plus tôt, quelques semaines après une relation qui s’était mal terminée et depuis il savourait chaque jour ce nouveau bonheur. Leur jeune couple avait déjà traversé quelques épreuves, entre leurs séparations respectives ; Claire était en plein divorce lorsqu’il l’avait rencontrée, les difficultés quotidiennes de la vie, puis ce confinement, mais ils avaient su rester soudés, et ils étaient convaincus tous les deux que désormais le meilleur était à venir. Claire avait également accepté Morgane sans aucune hésitation, et contrairement à sa relation précédente, elle ne se plaignait pas de devoir partager David avec sa fille.

Il regarda sa montre, il avait une conférence téléphonique dans quinze minutes et il devait se préparer ; un dernier jour en télétravail, puis ce serait le week-end avant le grand retour au bureau dès le lundi matin. Pendant toute la période du confinement, ATC (Algorythm Technology Corporation), la société américaine pour laquelle David travaillait, avait maintenu le même rythme de travail et d’exigence vis-à-vis des commerciaux en leur demandant de préparer la sortie de crise en restant au plus proche des clients.

 

 

 

 

 

Chapitre 1

 

 

 

ATC était un éditeur de solutions de Decision Management basées sur l’intelligence artificielle. En se basant sur des algorithmes combinant l’intelligence humaine et le machine learning, ATC était capable de modéliser des scénarios prédictifs pour les plus grandes sociétés, et de prévoir des évènements qui ne s’étaient encore jamais produits, ceci afin de maîtriser l’effet papillon en entreprise. Les enjeux majeurs consistaient la plupart du temps à anticiper les multiples conséquences financières et sociales, sur le moyen et long terme, et à adapter la prise de décisions stratégiques. ATC avait été consulté notamment à la suite de la crise des subprimes qui aurait dû être anticipée et qui ne devait plus jamais se produire, et travaillait activement actuellement sur des données météorologiques afin de prévenir les conséquences sanitaires liées à un tsunami. L’objectif ultime n’étant pas d’empêcher l’évènement de se produire, ce qui était souvent impossible, mais de créer, selon le langage des probabilistes, des intervalles de confiance. C’est cette nouvelle vision qui modélisait de nouveaux modèles de prises de décision, car ils permettaient d’estimer ce qu’on appelait les valeurs extrêmes, souvent principale motivation d’une prise de décision, ceci aussi bien au niveau professionnel que personnel.

Les succès rencontrés en entreprise avaient rapidement conduit ATC à se positionner également sur le secteur public en proposant des analyses sociologiques basées sur l’étude des comportements de centaines de milliers de personnes. ATC avait notamment été mandaté par des groupes politiques qui souhaitaient savoir quelles catégories de population composaient telle ou telle région, ceci afin de pouvoir déterminer les pourcentages potentiels des votants auprès des différents partis représentés, en fonction des analyses obtenues.

David travaillait depuis plusieurs années pour cette société et l’intérêt des différentes missions qui lui étaient confiées, couplé à la très bonne rémunération dont il bénéficiait, compensait largement le niveau de pression qu’il subissait. Il savait que dès lundi, le niveau d’exigence et de pression allait être énorme, car ATC voudrait rattraper le retard accumulé pendant la période de confinement, mais il était plutôt impatient de retrouver l’ambiance de son travail.

En ce lundi matin de reprise, il faisait encore un temps parfait pour cette fin de printemps et David choisit de se rendre au travail en scooter. ATC était situé dans le nouveau quartier de Vaise ; David se rendait à son travail la plupart du temps en scooter ou en transport en commun et il réservait l’usage de sa voiture aux journées consacrées à rencontrer des clients. Aucun rendez-vous n’était prévu pour cette première journée et dans tous les cas, il préférait éviter le métro pendant quelques semaines, le temps de la disparition totale du virus. Le bilan était lourd, plus de 30 000 morts en France et une situation économique désastreuse dont il faudrait plusieurs mois avant que les différents secteurs affectés puissent s’en remettre.

David démarra son scooter et prit les quais du Rhône en direction de la colline de la Croix-Rousse. Il arriva au bureau quelques minutes avant 9 h, l’heure de la fatidique et sacro-sainte réunion commerciale hebdomadaire. Il régnait une atmosphère de rentrée des classes, un peu comme lorsque chacun revenait des longs congés d’été. Après avoir échangé les banalités d’usage autour de la machine à café, il se rendit directement en salle de réunion, rejoindre la vingtaine de personnes déjà présentes, signe évident de l’impatience générale.

Cette réunion était animée par la vice-présidente de la région grand est, elle-même secondée par les deux directeurs régionaux, l’un dédié aux comptes du service public, l’autre à ceux du secteur privé, l’équipe dont David faisait partie.

La vice-présidente essayait tant bien que mal de faire preuve d’empathie et de s’intéresser à ses collaborateurs en cette période de retour de confinement, mais tout le monde sentait bien qu’elle était surtout préoccupée par les résultats commerciaux de la fin de trimestre. La réunion fut brève et chacun repartit avec la mission de produire pour le lendemain soir un prévisionnel des ventes fiables dans le cadre de la clôture des chiffres du trimestre.

David retourna à son bureau et y trouva un post-it signé de la main de son assistante ; « Call avec la société ElecVision à 14 h ». Il alla immédiatement voir Mathilde.

— Mathilde, c’est quoi ce rendez-vous ?

— Je ne sais pas, apparemment une start-up qui a un projet d’acquisition de licences sur le trimestre, je leur ai posé la question, lui répondit-elle avec un sourire complice.

— Et ça ne pouvait pas attendre demain ?

— Rappelez-les si vous le souhaitez, mais ils ont précisé que c’était urgent, en plus le rendez-vous est à Lyon, et puis comme ça vous pourrez intégrer cette opportunité dans vos chiffres pour demain.

Effectivement, le rendez-vous se trouvait dans les locaux réhabilités en bureaux de luxe de l’ancien Hôtel Dieu, en plein cœur de la Presqu’Île. David avait juste le temps de prendre quelques renseignements sur cette société, de déjeuner rapidement avec ses collègues, puis il reprendrait son scooter.

David longea les boutiques de luxe, traversa le hall sous la verrière du bâtiment réhabilité, gravit les escaliers puis arriva devant une porte indiquant le nom de la société : ElecVision. Bien que se présentant sous la forme d’une start-up, la société semblait avoir des moyens : des bureaux dans un immeuble cossu, un accueil immense avec des Chesterfield, tables basses en béton ciré, machines à café dernier cri, et une hôtesse qui semblait tout droit sortie d’une publicité pour Victoria’s Secret.

Il n’eut pas le loisir de se présenter.

— Monsieur Ackermann ? Suivez-moi, je vous en prie, je vais vous installer.

Ils traversèrent des open space totalement déserts, seules les immenses baies vitrées permettant à la lumière du jour de pénétrer évitaient un sentiment de vide total. L’hôtesse fit entrer David dans un bureau équipé d’une table, de quatre chaises et d’un immense miroir mural.

— Bon rendez-vous, lui dit-elle, puis elle partit en fermant la porte derrière elle.

David décida de rester debout en attendant son hôte. Deux options, se disait-il, soit ils sont en cours d’emménagement, soit c’est encore une start-up qui pense qu’elle va se transformer en licorne d’ici quelques mois et recruter des centaines de personnes. Il espérait surtout ne pas être venu pour rien.

La porte s’ouvrit et deux hommes entrèrent dans la pièce ; la cinquantaine, rasés de près et surtout en costumes et cravates, ce qui était loin de l’esprit start-up. Le plus grand des deux lui tendit la main.

— Bonjour, Monsieur Ackermann, asseyez-vous, je vous en prie, nous allons faire les présentations.

Le second lui serra la main sans dire un mot tandis que le premier poursuivait.

— Je suis Monsieur Lefevre, PDG de ElecVision, monsieur Renaud est le directeur général de la société, merci de vous être rendu disponible aussi rapidement.

— C’est moi qui vous remercie de votre intérêt pour ATC. Si cela vous convient, je vous propose de me parler de votre société et de votre projet, puis je vous présenterai ATC ?

Monsieur Renaud tourna la tête en signe de désapprobation.

— Depuis combien de temps êtes-vous chez ATC ? Vous connaissez bien la société ?

— Cela fait sept ans, j’ai commencé à gérer des comptes de type PME, puis…

Monsieur Renaud l’interrompit brutalement.

— Nous connaissons votre parcours, mais ce que nous voudrions savoir c’est ce que vous pensez de ATC, ses valeurs, ses pratiques, sa politique de confidentialité en termes de données.

Celle-là, on ne la lui avait jamais faite, se dit David, un prospect qui souhaite le rencontrer et qui commence à poser des questions de ce type sur ATC. Il rougit confusément et amorça une réponse.

— Vous savez, c’est une grosse société américaine, donc très professionnelle et très axée business, mais qui respecte absolument la confidentialité des données de ses clients. En termes de valeurs, c’est toujours une appréciation très personnelle, mais nous traitons nos clients avec une grande éthique, nous sommes audités régulièrement…

Cette fois-ci, ce fut monsieur Lefevre qui l’interrompit.

— Votre métier implique que vous collectez, traitez et stockez les données de vos clients, n’est-ce pas ? Aussi bien pour les industriels que pour les comptes publics du type hôpitaux, mairies, que se passerait-il si ATC décidait de faire un usage moins éthique de toutes ces données collectées ?

David en était totalement abasourdi, mais il décida de ne pas rentrer en conflit avec ses interlocuteurs.

— Écoutez, je ne comprends pas très bien où vous voulez en venir, ni le but de cet entretien et je pense que nous devrions planifier une nouvelle rencontre avec les bons interlocuteurs côté ATC, à savoir ma vice-présidente, le directeur juridique et le responsable de la sécurité. De cette façon, vous aurez toutes les réponses à vos questions et vous serez rassurés. Qu’en pensez-vous ?

Monsieur Lefevre reprit la parole.

— David, c’est avec vous que nous voulons discuter. Comme vous l’a dit monsieur Renaud, nous connaissons vos parcours professionnels et personnels, et nous sommes convaincus de votre honnêteté.

— Vous connaissez mon parcours personnel ?

Il leva la main comme pour marquer une pause et David sentit que leur entretien allait prendre une nouvelle tournure.

— David, avez-vous pris quelques renseignements sur ElecVision avant de venir nous voir ?

— Compte tenu du temps imparti, je n’ai pas pu faire les recherches habituelles. J’ai vu via votre site web que vous étiez rattachés à GlobalEnergie (GE), leader européen de la fourniture d’énergie propre, mais je ne sais pas de quelle façon, ni à quelle hauteur. J’ai compris que vous vous positionniez sur la construction d’ouvrages d’art faits uniquement avec des matériaux en bois issus de forêts « équitables », mais je n’en sais pas plus par rapport à vos clients ou vos chiffres, et je dois dire que vous êtes très peu visibles sur le Web.

— Effectivement, nous appartenons à 100 % à GE, monsieur Arnaud et moi-même travaillons pour le gouvernement, mais pas réellement pour ElecVision.

David attendait la suite, mais il ne put s’empêcher de poser une question.

— Vous voulez dire que vous travaillez pour GE et que vous contrôlez les fournisseurs potentiels de ElecVision avant de les mettre en contact ?

Ce fut la première fois qu’il les vit sourire.

— Non David, nous travaillons pour le gouvernement, mais nos activités sont toutes autres. Nous travaillons pour la DGSE, les services secrets intérieurs français.

David en était totalement abasourdi, il ne disait plus un mot et attendait la suite. Ce fut monsieur Arnaud qui reprit la parole.

— Nous suivons les activités de ATC depuis plusieurs mois, et nous avons acquis la certitude que ATC est de mèche avec un courant radical américain dont l’objectif est d’aider les partis d’extrême droite à prendre le pouvoir dans les pays européens, ceci en agissant sur les comportements des électeurs au moment de leurs votes. Pour cela, ATC va s’appuyer sur les moteurs de recherche et les réseaux sociaux afin de croiser le maximum de données personnelles possibles. Cette organisation, dont nous ne connaissons pas le nom exact, veut instaurer un nouvel ordre politique et économique mondial. Lorsque les attentats du 11 septembre et la grande crise financière ont frappé le monde, l’ordre mondial était solidement établi. Lors de ces deux crises, les États-Unis ont rapidement réagi et coordonné la réponse mondiale, soutenus par la plupart des autres nations.

Cette fois, les États-Unis peinent à gérer l’urgence dans leur propre pays et le leadership international est bien la dernière préoccupation de Washington. Parallèlement à l’intensification des critiques envers la mondialisation, on a assisté au retour du nationalisme et des politiques de type « my country first ». Fait intéressant à souligner, cette recrudescence du nationalisme s’est produite à un moment de relative stabilité et de prospérité économique pour une partie importante du monde développé et en développement. Nous constatons aujourd’hui que tout ceci est un leurre. Cette organisation, pilotée par un président peu enclin à la bienveillance et à la générosité, veut instaurer une dictature mondiale en commençant par imposer un courant de pensée, ceci principalement via les réseaux sociaux, victimes ou complices, peu importe, qui ne veulent toujours pas jouer le rôle de vérification et de modération des informations transmises via leurs utilisateurs.

David était resté silencieux, il attendait la suite.

— Il est évident que nous ne pouvons pas laisser faire cela et nous devons agir au plus vite, notamment en stoppant ATC dans ses activités.

— Je ne comprends pas, pourquoi le gouvernement français ne contacte-t-il pas le gouvernement américain afin de stopper tout ça ? Ça ne devrait pas être très compliqué de président à président ?

— Le problème, David, c’est que le président américain nie être au courant. Or, nous savons qu’il l’est, et qu’il encourage cette initiative. Il a des garanties pour effectuer un deuxième mandat s’il ferme les yeux, et aujourd’hui c’est son objectif unique.

— Vous êtes en train de me dire que l’élection américaine qui a lieu dans 6 mois est déjà jouée, que Dump va être réélu et que dans quatre ans, l’Amérique sera aux mains de l’extrême droite ?

— Nous craignons non seulement que l’Amérique bascule du côté de l’extrême droite, mais également qu’elle entraîne l’Europe entière dans son sillage. Regardez ce qui se passe en Autriche, en Italie, en France lors des dernières élections présidentielles, ceci ajouté au Brexit, il ne s’agit pas d’une dystopie David, cela peut réellement se produire.

— D’accord, mais je ne vois pas en quoi je pourrai vous être utile, je ne dirige pas ATC.

— Certes, non, vous ne dirigez pas ATC, mais vous allez signer un big deal avec ElecVision, d’abord en France, puis aux US où nous ouvrirons une autre filiale dans quelques semaines. Vous aurez affaire à une réelle société, avec des besoins identifiés et des interlocuteurs, tous de « chez nous », compétents dans votre domaine, qui vous permettront de développer du business avec ATC. Votre chiffre d’affaires va énormément se développer, vous toucherez de grosses commissions, vous deviendrez très visible et dans quelques mois vous serez nommé à la place de votre manager, contraint de démissionner pour des raisons personnelles. À partir de là, vous vous rendrez régulièrement au siège à Boston, et de ce fait vous aurez accès à des données confidentielles que vous nous communiquerez, nous vous dirons où chercher, jusqu’à ce que nous puissions mettre un terme à ce complot.

— En résumé, vous me demandez de devenir votre taupe chez ATC, de trahir des personnes qui me font confiance et de prendre le risque au mieux de me faire virer pour faute, ou de finir avec un procès au pénal. À part le fait que je vais être promu et que je vais encore mieux gagner ma vie, qu’est-ce que j’y gagne ? Pour quelle raison je vous aiderais ? Puisque vous me connaissez si bien, vous savez que je n’ai pas une fibre patriotique très développée.

Monsieur Lefevre reprit tranquillement la parole.

— Nous faisons appel à votre sens du devoir, et nous savons aussi que vous partagez notre vision concernant les extrêmes de tout bord. Nous pouvons également vous rémunérer en plus de façon spécifique sur un compte que vous nous indiquerez.

— Je n’ai pas besoin de gagner plus d’argent et je n’ai pas envie de chambouler toute ma vie, je ne sais même pas si vous êtes réellement de la DGSE d’ailleurs, donc je suis désolé, mais je vais être contraint de refuser votre offre.

Le silence qui s’en suivit dura quelques secondes et parut être une éternité. Monsieur Arnaud prit enfin la parole.

— Monsieur Ackermann, croyez-moi nous faisons réellement partie de la DGSE, et nous pourrons vous le prouver si besoin. En revanche, je crains que vous n’ayez pas tout à fait saisi le sens de notre démarche ; il ne s’agit pas d’une requête, vous allez être obligé de coopérer avec nous.

— Sinon quoi ? Ceux qui me regardent de l’autre côté du miroir vont venir me passer à tabac ?

— David, vous voulez un café ? demanda monsieur Lefevre, David acquiesça du regard, monsieur Lefevre sortit de la pièce. Monsieur Arnaud se leva, se dirigea vers le miroir et le décrocha du mur.

— Vous voyez ? dit-il. Pas de glace sans tain, j’ai une autre question pour vous.

David répondit à voix basse :

— Je vous écoute.

— Avez-vous des nouvelles de Sophie ?

David sentit monter une poussée d’adrénaline en même temps qu’il relevait la tête vers son interlocuteur, et pour la première fois il vit qu’il avait dans les mains un dossier contenant quelques feuilles. Monsieur Arnaud les déposa devant David.

— Bonne lecture.

Puis il sortit à son tour de la pièce.

Sophie ! David avait totalement oublié de l’appeler, mais que venait-elle faire dans cette histoire ? Elle travaillait à Marseille, dans le tourisme, du moins aux dernières nouvelles, et Mum ne lui avait fait part d’aucun changement notable. Il retint son souffle et ouvrit le dossier ; en première page, une photographie récente de sa sœur était agrafée à une page détaillant son état civil. Il souleva la page pour lire la suite et crut qu’il allait faire un malaise ; Sophie était prise plusieurs fois en photo, dans des endroits plutôt sombres de Marseille, et il semblait qu’elle échangeait des enveloppes avec d’autres personnes, a priori peu recommandables.

Puis les autres pages détaillaient toute l’histoire ; Sophie avait été prise en flagrant délit de trafic de stupéfiants, la quantité saisie était suffisante pour justifier une mise en détention provisoire avant jugement. Elle risquait jusqu’à 10 ans de prison et 750 000 euros d’amende. Voilà pourquoi Sophie ne donnait plus de nouvelles, elle était en prison !

Si Mum apprenait cela, elle ne pourrait jamais s’en remettre, et elle lui demanderait forcément de faire quelque chose afin de sortir sa petite sœur de ce traquenard. Le voilà le deal se dit David, la DGSE allait lui proposer d’innocenter sa sœur en échange de sa collaboration. Il était piégé. Il se mit à réfléchir, les deux gars de la DGSE allaient revenir dans quelques instants lui confirmer le deal, et il devrait leur donner une réponse. Cependant, il était trop choqué pour prendre une décision, il devait gagner du temps et se faire confirmer de source officielle que Sophie était en détention. Il continua à tourner les pages du dossier et une nouvelle photographie apparut, celle de Julien, le compagnon de Sophie.