L’envers de la psyché - Patrick Mas - E-Book

L’envers de la psyché E-Book

Patrick Mas

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Beschreibung

Récit introspectif, "L’envers de la psyché" explore les méandres de l’âme humaine à travers les confessions d’une femme aux désirs inavoués. Cet ouvrage dévoile une quête de soi marquée par des souvenirs d’enfance, des expériences formatrices et des relations complexes. Entre tourments internes, recherche de liberté et acceptation de soi, ce voyage littéraire interroge les normes sociales et les tabous avec une sincérité saisissante. Un portrait fascinant d’une femme en quête de son identité profonde, où s’entrelacent sensualité, résistance et vérité.

 À PROPOS DE L'AUTEUR 

Patrick Mas, frappé par une leucémie et après la perte de l’usage de ses jambes, a transformé l’adversité en une force créative remarquable. Son entrée dans le monde de l’écriture débute grâce à Marche à côté de moi, une autobiographie traitant de la résilience et de l’amour. Fort de cette expérience, il décide de prolonger l’aventure littéraire à travers un roman audacieux où il s’affranchit des frontières pour aborder des sujets impénétrables.

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Seitenzahl: 310

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Patrick Mas

L’envers de la psyché

Roman

© Lys Bleu Éditions – Patrick Mas

ISBN : 979-10-422-5379-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

La femme est une lyre qui ne livre ses secrets qu’à celui qui sait en jouer.

Honoré de Balzac

Chapitre 1

Je viens de fêter mes 50 ans et j’aime le sexe.

Il va tout de même falloir me décider à l’avouer. Depuis toute petite, je garde ce secret en moi. À l’époque, je n’en avais pas vraiment conscience. Mais force est de constater que j’ai eu très tôt une libido active. C’est le moins que l’on puisse dire.

Je suis assise en bout de table, entourée de ma famille, de mon fils et de mes proches. Ils sont tous là pour fêter avec moi ce passage à la dizaine supplémentaire. Bien que séparés, mes parents ont fait l’effort de s’asseoir à la même table. Il y a aussi mon fils de quinze ans, ma sœur, son mari et leurs deux enfants et, pour finir le tour de table, mon oncle et ma tante. Seul manque à l’appel mon frère, parti encore une fois quelque part, je ne sais où.

Je les regarde sans les voir et ne les écoute pas malgré l’enchevêtrement des discussions. Je leur souris naturellement, mais je suis ailleurs. J’entends que l’on se prépare en cuisine. Je devine la suite. On va demander le silence, lumières éteintes, et ma petite nièce va porter le gâteau orné de bougies en essayant de ne pas tomber. Depuis ce matin, elle nous emmerde et pique des colères, car elle veut à tout prix porter des chaussures avec un semblant de talon. Sa mère, ma sœur, a beau lui expliquer qu’il faut un temps d’adaptation et qu’elle risque de tomber et de se faire mal à la cheville, rien n’y fait. Sans me départir de mon sourire, je la regarde, hésitante, avancer vers moi en tenant le gâteau des deux mains. Si seulement elle pouvait se ratatiner la tronche ! Ça mettrait un peu d’ambiance. Entre les pleurs de la môme, les remontrances de ma frangine, les rires de mon neveu et le « je m’en foutisme » de mon beauf, on trouverait bien une excuse avec mon oncle adoré pour ouvrir une bonne bouteille de whisky pur malt et faire passer le tout. On laissera à ma tante le soin de tout nettoyer et d’expliquer que « ce n’est pas grave, la pôv’ petite quand même, elle n’a pas fait exprès ». Mon père en profitera discrètement pour lire un éventuel message de sa nouvelle conquête sur son portable et ma mère, impassible dans un coin, ne pensera qu’à elle, comme toujours !

Mon oncle, lui, est mon idole depuis ma plus tendre enfance. Petite, je venais me réfugier auprès de lui. Il a sur moi ce regard protecteur que je n’ai jamais retrouvé ailleurs.

Nous sommes semblables.

Nous faisons semblant.

Mon oncle n’est pas particulièrement beau, pas spécialement fort ou grand. Mais pour moi, il est tout cela à la fois. Il commence à perdre ses cheveux devenus blancs. Son visage buriné par les années garde ce teint hâlé. Commandant à la retraite de la marine marchande, il a parcouru toutes les mers du globe à bord de porte-conteneurs. C’est un taiseux. Il a cette force dans le regard pour communiquer sans parler. Je ne l’ai jamais entendu faire plus de cinq phrases. Causer, ce n’est pas son truc. Il laisse cela à ma tante. Je suis certaine qu’il n’est pas toujours resté du bon côté de la loi. Il a su faire sa vie et ses petites affaires en toute discrétion et en parfaite intelligence. Rien de vraiment ostentatoire, mais il revenait de certains voyages avec une bonne dose de beurre à mettre dans les épinards.

Il avait toujours un cadeau pour moi. Il évitait les poupées ou autres jouets de fille, car il savait que j’exécrais tout cela. Il me ramenait son plus beau trésor ; ses histoires ! C’étaient les seules fois où il prenait plaisir à parler. Personne n’aurait pu interférer quand nous nous retrouvions tous les deux et qu’il commençait à me raconter son voyage, les pays où il avait accosté, les villes visitées. Et surtout les rencontres qu’il avait pu faire. Il savait trouver les mots pour me faire rêver, pour que je puisse m’évader de ce monde d’enfants qui m’ennuyait royalement. Je m’endormais au son de sa voix.

Chacun de ses départs était un déchirement. Je ne pleurais pas. D’ailleurs, ai-je pleuré un jour ?

J’étais simplement triste, mais je savais qu’il reviendrait bientôt avec de nouvelles aventures à me raconter. Alors je passais mon temps à l’attendre. Je vivotais tranquillement entre l’école et les engueulades quotidiennes de mes parents.

Aujourd’hui, mon oncle est à la retraite. Il n’en est pas devenu plus bavard pour autant. Ma tante assure toujours ce rôle avec talent. Fini les tours du monde, mais il garde contact avec la mer.

Il a son bateau. Ils ne sont pas nombreux, ceux qui peuvent se vanter d’être montés à bord. Ma tante a eu cette occasion le premier jour quand il en a fait l’acquisition. De toute façon, elle n’aime pas la mer. Ça arrange tout le monde. Je pense que si leur couple a tenu aussi longtemps, c’est justement parce qu’ils ont créé chacun leur monde parallèle. Un couple à l’ancienne comme on n’en fait plus. Ils s’aiment, j’en suis certaine. S’il arrivaitquelque chose à l’un d’entre eux, l’autre ne s’en remettrait pas. Mais n’allez pas chercher de la tendresse chez eux. Leur amour est ailleurs. Si différents séparément, quand on les additionne, ils ne font qu’un !

Moi je suis souvent montée sur son bateau. Il n’est pas très grand, mais on peut facilement se sentir à l’aise.

Le navire est doté d’une cabine avec un coin popote et une petite couchette. Tout ce qu’il faut pour être pépère. Je ne compte plus les sorties ensemble. Par mer calme ou agitée, nous affrontions ensemble les humeurs changeantes de « Mare Nostrum », notre mer, la Méditerranée. En marin d’expérience, il savait se méfier de l’eau qui dort. Certes, nous ne nous frottions pas aux quarantièmes rugissants, mais le passage du cap Creus qui sépare le golfe du Lion au nord du golfe de Rosas au sud n’est pas tous les jours une partie de plaisir. Je n’avais pas peur. J’étais avec l’homme le plus fort du monde. C’est sur ce bateau qu’il m’a appris à pêcher, mais aussi à plonger avec une bouteille.

Quand il était loin, commandant d’un cargo de trente mille tonnes, j’aimais venir me réfugier seule sur son bateau. Je me cachais dans la cabine et je me ressourçais. Il y avait là l’odeur de son éternel parfum, « L’Instant » de Guerlain, seul signe luxueux chez lui, mélangé à l’odeur de son cigare.

C’étaient les rares moments où je me sentais bien.

Quand nos deux verres se sont entrechoqués pour trinquer à notre complicité, il y avait encore une belle ambiance dans la maison. Entre-temps, nous nous étions servi le meilleur whisky de sa collection. En silence, côte à côte, nous regardions le spectacle proposé avec une délectation complice.

— Tu es prête ? me dit-il.
— Et comment !

Car ce qui devait arriver arriva. La petite présomptueuse de douze ans, perchée sur ses petits escarpins aux talons de six centimètres, venait effectivement de se ratatiner. Et en beauté ! Si elle savait, cette petite sotte, comment je pouvais me mouvoir avec facilité en soirée sur des Stilettos. Du coup, ma tante, sainte femme, avait réussi à reconstituer un semblant de gâteau qui avait fini sa traversée de la pièce dans les mains de ma sœur parce que « ça suffit les bêtises à la fin, OK ? ». Ma nièce chouinait dans son coin. Mon neveu et mon fils étaient collés sur leurs tablettes, le son allumé, mon père à son téléphone en mode vibreur et ma mère à son miroir avec son rouge à lèvres. Seul mon beauf entretenait un semblant de discussion avec ma mère qui n’écoutait pas. De son côté, sa femme lui rappelait qu’elle avait autre chose à faire entre sa fille et ce « putain de gâteau » d’anniversaire. Ma tante, elle, acquiesçait sans savoir pourquoi.

Un beau repas d’anniversaire comme on les aime !

Le temps d’un instant, je replongeais dans mes tourments. Et si je profitais de ce beau capharnaüm pour enfin avouer celle que je suis vraiment ?

— Merci à vous tous d’être là pour m’aider à passer le cap des cinquante. Je suis heureuse, entourée de ma famille. Je voudrais en profiter pour vous dire quelque chose d’important. Je vous mens depuis toutes ces années sur celle que je suis réellement. Je joue à être une mère parfaite, une copine à la Bree Van de Kamp dans Desperate Housewife. Je joue la prude et la timorée. La femme à la vie bien réglée et propre sur elle. Mais en réalité, je suis ce que les gens appellent « une salope ». Moi, je ne me considère pas comme telle, mais je sais l’image que véhicule une femme comme moi. Mon coming-out tient en trois mots :

J’aime le sexe !

Trois mots si simples à écrire, mais si impossibles à dire.

J’imagine à peu près les réactions de mon tour de table. Ma mère prendrait quelques secondes pour relever la tête avant de remettre son rouge à lèvres. Mon père poserait son téléphone en se disant qu’enfin, un de ses trois enfants lui ressemble. Ma tante ferait le signe de croix et partirait attaquer la vaisselle dans la cuisine pendant que mon beauf me regarderait différemment, le petit vicelard. Ma sœur tiendrait sa vengeance. Elle, la jalouse qui a mal vécu sa laideur opposée à ma beauté, se dirait qu’il fallait bien que je cache une horreur derrière ce vernis si parfait. Les deux garçons resteraient toujours plongés dans leurs jeux, ma nièce se frotterait son genou égratigné en ne comprenant pas tout et mon oncle me regarderait avec ses yeux verts et je comprendrais qu’il le savait déjà. Qu’il l’avait toujours su.

Mais pourquoi je n’y arrive pas ?

Ce n’est pas difficile à dire, pourtant : « Voilà, j’aime le sexe. »

Tant d’amis homos ont su franchir le pas du coming-out. Pourquoi pas moi ?

Ce n’est pas une maladie honteuse, encore moins une tare. Ce n’est pas de ma faute si, dès mon plus jeune âge, j’ai ressenti l’envie du plaisir. Cependant, j’ai très peur du regard des autres. Je sais que pour une grande majorité, je passe pour « la dévergondée » et j’éprouve les plus grandes difficultés à accepter ce jugement que l’on me porte. Si l’on en croit des psychanalystes de renom, la sexualité démarre quand on est bébé. Donc je ne suis pas folle. Je ne suis pas anormale. J’ai simplement une libido « légèrement » au-dessus de la moyenne. À cinquante ans passés de quelques heures, je peux enfin me lâcher, non ? Et si je le faisais à la mode Michel Sardou en parodiant son fameux « Mes chers parents je vole » ?

« Mes chers parents, je baise !

Je ne vous l’ai jamais dit,

Mais je baise !

Votre fille aime le sexe,

Je ne cherche ni excuse ni prétexte,

Je vous aime, mais je baise. »

Cela amuserait mon oncle. Même s’il ne sourit jamais, son regard aurait pétillé.

Et si je commençais par raconter une bonne histoire coquine pour détendre l’atmosphère ?

Non, je respecte trop ma tante pour la froisser.

Je pense, tout bien réfléchi, que je vais prendre une part de gâteau et que je reporterai mes aveux à mes cinquante et un ans !

Chapitre 2

Je suis une soumise.

Je pense que je l’ai toujours été. Aussi loin que je puisse remonter dans ma mémoire, je n’ai pas de souvenir de moi prenant l’initiative. J’ai toujours été, comme le dit la définition, docile et obéissante. Une petite fille modèle en somme.

Je suis l’enfant du milieu, coincée entre ma sœur et mon petit frère. L’enfant du milieu, c’est celui qui morfle !

Après avoir eu ma sœur, mes parents ont décidé d’avoir un deuxième enfant. Un garçon, bien évidemment. Le fameux « choix de la Reine ». Si cela ne dérangeait pas mon père d’avoir une autre fille, ma mère, elle, voulait un fils. Celui qu’elle élèverait au rang d’homme de la famille et qui pourrait, enfin, remplacer sa mauviette de mari.

Manque de bol, c’est Bibi qui a pointé son joli minois.

Je crois que ma mère ne me l’a jamais pardonné.

Quand, quatre ans plus tard, son fils est né, elle a définitivement abandonné le peu d’attention qu’elle me portait. Jusque-là, elle faisait le minimum syndical. Prenant la posture parfaite quand il y avait du monde et me posant dans un coin une fois que nous étions seules.

Comment mes parents ont-ils pu faire trois enfants ?

J’imagine que ma mère a pris sur elle en attendant qu’il se décide à lui donner un fils.

D’ailleurs, peu de temps après sa majorité, le couple a explosé. Au peu d’intérêt qu’ils se portaient l’un l’autre, on a plutôt eu droit à un pétard mouillé.

Il n’y a pas eu de cris, de jets de vaisselle et de portes qui claquent. Chacun a poursuivi son chemin de son côté sans haine ni mauvais ressentiment. Il ne pouvait en être autrement. Pendant toutes ces années de vie commune, les engueulades laissaient place à de longues périodes de silence. Il n’y avait plus rien entre eux, sauf peut-être du dégoût du côté de ma mère.

Ils s’étaient connus sur les bancs de la fac de droit. Lui passait le temps sans trop savoir ce qu’il allait faire de sa vie, elle voulait être une grande avocate pénaliste. Elle était née à Perpignan, lui venait de la montagne, du haut Conflent très exactement. Rien ne les prédisposait à une rencontre. Il avait fallu qu’un ami commun organise une sortie de groupe avec une balade en montagne pour les rapprocher. La citadine, qui avait troqué ses escarpins pour des baskets, partie à la conquête du massif du Madrès, était toute contente d’obtenir l’aide de ce jeune homme gaillard et un peu rustre, qui l’avait aidée lors de cette sortie estudiantine. Parmi les différentes randonnées existantes, l’organisateur n’avait pas choisi la plus difficile. Au programme de la journée, il y avait « le sentier des cinq sens » depuis le col de Jau. Un parcours facile d’environ sept kilomètres depuis le village de Mosset. En un peu plus de trois heures, l’affaire serait bouclée et l’on pourrait profiter du coin avec un bon pique-nique.

Plusieurs fois, elle se surprit à attraper le bras de son compagnon de marche. Pas trop rompue à cet exercice. La marche, elle n’était pas contre, mais en ville et pour le shopping avec le peu de copines qu’elle avait.

Lui, en revanche, connaissait les moindres recoins de ces balades en Conflent. Encore enfant, il accompagnait son grand-père à la cueillette des fameux Coscolls que les ignares appellent trop communément l’Angélique sauvage. Tout jeune, il avait appris à ne pas les confondre avec l’Aconit napel, une plante mortelle pour l’homme. Il fallait mériter son bien quand on cherchait le Coscoll et surtout éviter les vipères. Son aïeul était un expert et il lui avait enseigné tout son savoir.

De retour dans la maison familiale, il n’était pas peu fier de montrer à sa grand-mère adorée le résultat de sa sortie. À lui la délicieuse salade de jeunes pousses ! À lui surtout, en cachette, une petite goutte de la liqueur de Coscolls préparée dans la grange par les hommes de la famille.

« Une boisson d’hommes », comme aurait dit Lino Ventura dans la scène culte de la cuisine des « Tontons flingueurs ».

De ses trois enfants, j’étais celle qui aimait l’accompagner. Nous partagions ce même goût de la marche silencieuse. Côte à côte, on avançait dans les chemins rocailleux. Il prenait juste le temps de m’apprendre à son tour les leçons enregistrées de mon arrière-grand-père.

Je pense que ma mère avait, le jour de cette sortie, été séduite par la simplicité de mon père. Elle n’avait pas été insensible non plus à la beauté de cet homme. Athlétique, grand, les yeux et les cheveux noirs, le teint bruni par le soleil de la montagne, il dégageait une puissance naturelle. Quand elle avait dû prendre son bras pour ne pas tomber, elle avait deviné qu’elle pourrait s’appuyer dessus en toute confiance.

Elle, la Perpignanaise issue d’une famille bourgeoise. Fille unique d’un avocat fiscaliste et d’une mère au foyer. Elle avait grandi, couvée par un père envahissant et une mère attentive. Une scolarité normale, un bac obtenu avec mention assez bien et la voilà assise sur les bancs de la fac pour suivre les pas de son père. Avec une petite différence : elle délaisserait les chiffres pour les grands effets de manche. Un jour, elle en était convaincue, les étudiants de dernière année viendraient envahir la salle d’audience pour écouter sa plaidoirie. Maître du barreau, voilà sa destinée !

L’excursion en Conflent des deux tourtereaux avait donné suite à de multiples rendez-vous.

L’histoire avait commencé par un verre à la cafèt’ de la fac, puis des petits restaurants aux menus abordables, pour finir en sorties ciné. Parcours on ne peut plus classique pour deux jeunes qui trouvèrent enfin le temps de s’embrasser.

Les opposés s’attirent, voilà ce qui avait réuni mes parents.

Côté sexe, lui était maladroit. Et ce n’est pas une expérience malheureuse avec une prostituée qui l’avait vraiment dégrossi. Il en avait gardé un mauvais souvenir. La fille avait été gentille et professionnelle. Il ne lui avait pas fallu longtemps pour comprendre que le jeune homme devant elle était son puceau du mois. Voilà qui la changerait de tous ces hommes vicelards qui bavaient sur son corps et posaient leurs mains sur elle. Attentive, elle avait été douce, mais coquine. Son client n’avait pas tardé à donner tout ce qu’il avait.

Emballé, c’est pesé. Merci et à bientôt.

Mon père était sorti de cet appartement sobrement meublé, une table, deux chaises et un lit, avec un vrai sentiment de malaise. Certes, il avait aimé le corps de cette jeune femme au regard perdu. Oui, il avait été excité par ses vêtements et dessous sexy. Ce n’est pas tous les jours que l’on voit des bas coutures et des talons aiguilles au village de Sahorre. Mais il y avait comme un goût d’inachevé ; il manquait quelque chose. La tendresse, peut-être ?

Ma mère, elle, avait reçu une éducation stricte et, hormis quelques légers attouchements couplés à des embrassades langoureuses en cachette de sa famille, elle n’avait pas vu le fameux loup dont parlait sa grand-mère. Une fois, sa cousine venue de Bordeaux avait bien essayé de jouer avec elle à des jeux coquins, mais ce n’était pas son truc. Elle se réservait à son futur époux comme elle l’avait appris dès son adolescence et l’arrivée de ses premières règles. On avait beaucoup d’humour dans sa famille, mais il y avait des sujets avec lesquels on ne plaisantait pas. Mais alors, pas du tout !

Heureusement, dans un sens, que mes grands-parents maternels n’ont jamais su les dérives et multiples expériences de celle que je suis devenue. Celaaurait été syncope pour tout le monde !

J’ose à peine imaginer « la première fois » de mes parents. En général, les enfants ne pensent pas à ces choses-là. Je suis vraiment tordue alors ! Quoi qu’il en soit, maladroits ou pas, gauches et sans expérience, le résultat fut plus que probant.

Ma mère se retrouva enceinte !

Ramdam dans sa famille. Y a dû y avoir un paquet de cierges en offrande à la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Perpignan, j’en étais certaine.

Conséquence immédiate pour avoir goûté au fruit défendu, ma mère, leur fille unique, fut mise à la porte. Excommuniée, la fifille à son papa !

Elle en portera les séquelles toute sa vie. C’est certainement de ce jour-là qu’elle est devenue cette femme distante, au regard agressif et méchant.

Mon père abandonna ses études poussives de droit pour devenir commercial en vins et spiritueux dans une grande maison de la région. Il fallait désormais travailler et gagner sa vie. Ma mère a vu ses rêves d’avocate de grands criminels s’évanouir en même temps que son ventre grossissait. Tout a basculé et le couple s’est installé, pour finalement découvrir que l’un et l’autre n’étaient pas faits pour être ensemble. Par faiblesse, mon père a laissé faire. Par obligation, ma mère a subi un homme, et une situation qu’elle n’avait pas voulue. C’est ainsi qu’ils ont fondé un foyer avec trois enfants pour finir, enfin, de guerre lasse par une séparation trop tardive. Avec ma sœur et mon frère, nous étions devenus les dommages collatéraux d’un couple sans courage. Chacun, à notre façon, nous avions poursuivi notre chemin, avec en nous des cicatrices toujours ouvertes. Ma sœur a reproduit le même schéma que mes parents. Un mari qu’elle n’aime pas et deux enfants. Mon frère a quitté cette famille de tordus et s’est enfui dans la découverte du monde. Et moi, soumise et docile, je me suis épanouie dans les plaisirs sulfureux et inavouables de mâles alpha pervers !

Chapitre 3

Deux salles, deux ambiances.

Et pourtant nous partageons la même chambre depuis toute petite.

Du côté de ma sœur, c’est parfait. J’ai beau chercher un autre qualificatif, je ne trouve pas.

Tout simplement P A R F A I T !

Un lit fait avec une rigueur militaire, un dessus de lit rose pâle à motifs presque beiges et, posés sur le lit, ses deux compagnons de petite fille. D’abord, une poupée andalouse ramenée d’un rare séjour en amoureux de nos parents quand mon père avait voulu faire découvrir Grenade et les jardins de l’Alhambra à ma mère. La belle Andalouse n’avait pas eu le droit à un prénom. C’était la poupée. En revanche, l’emplacement était fixe, au pied du lit côté droit. Il fut un temps où je m’amusais à la bouger de place, à la poser, robe et bras levés, cuisses écartées. Cela nous valait de belles disputes, elle en pleurs et moi tout sourire. Son second ami immobile était un lapin. Il avait longtemps servi de doudou. Il avait donc sacrément morflé.

Râpé, un œil arraché et de nombreuses cicatrices recousues à la va-vite, il gardait une place de choix sur le lit de « Miss Maniaque ». Pile-poil au milieu, posé sur le traversin.

Il s’appelait Jean-Pierre !

Après une réunion au sommet de toute la famille réunie un dimanche midi, nous en avions conclu que sœurette avait dû entendre ce prénom à la télévision et qu’il avait ainsi marqué son esprit.

Ce n’était, en effet, pas banal. Peut-être l’une des rares fois où elle a fait preuve d’un peu d’originalité dans sa vie. Sur la table de nuit, rien d’extraordinaire, une lampe de chevet, son livre du moment et un réveil.

Plus sobre, y a pas. Il fallait ouvrir le tiroir pour y trouver un peu d’elle. Quand je me retrouvais seule dans notre chambre, j’aimais m’asseoir sur son lit pour observer ses secrets. Il y avait là un vieux mouchoir légèrement taché de sang, une barrette cassée, un petit carnet en cuir avec stylo intégré dont certaines pages étaient arrachées. Désormais, il ne contenait que des feuilles blanches. Tout au fond du tiroir, il y avait un caillou, ou plutôt une pierre plate comme celle que l’on trouve sur les bords des rivières. Celles que l’on saisit pour faire des ricochets. Pourquoi ce caillou était-il là ? Je le tournais dans tous les sens. En y regardant de très près, on pouvait y voir des initiales écrites au stylo-feutre, mais qui avaient été frottées dans le but de les effacer. Impossible à distinguer. J’ai tout essayé pour arriver à déchiffrer ces lettres. Un jour où j’étais certaine de ne pas être dérangée, j’avais employé les grands moyens. Je m’étais équipée d’une puissante lampe torche récupérée dans le bateau de mon oncle et de la super loupe posée sur le bureau de ma mère. Elle avait appartenu à son père. Il la lui avait offerte quand elle était entrée en fac de droit. C’était l’un des rares objets qu’elle avait gardés de sa vie d’avant et je sais qu’elle y tenait vraiment.

Me voilà transformée en Inspecteur Gadget, plein feu sur la caillasse et loupe à la main.

J. P !

Je voulais tellement pouvoir y lire ces deux lettres que j’étais persuadée de les voir.

Nous aurions enfin l’explication du prénom de lapinou.

Je devais bien me l’avouer, le temps avait réussi son travail et le mystère restait intact. Pas de J.P, j’en étais désolée. À la rigueur, on pouvait déceler les contours d’un L, mais rien n’était sûr. Ma sœur conservait donc ses secrets. Moi qui la voyais sans odeur, sans saveur, vilaine petite fille modèle, appliquée, studieuse et consciencieuse, mais chiante à mourir. Mon esprit tordu avait alors imaginé toute une aventure. Lors d’une sortie scolaire pour visiter le musée de Tautavel, célèbre pour l’homme du même nom vieux de 450 000 ans, ma sœur s’était échappée avec un garçon. Ensemble, ils s’étaient assis sur les bords du Verdouble, cette rivière affluente de l’Agly qui était un endroit très prisé pendant les périodes de grosses chaleurs. L’eau y était fraîche et cristalline. Et les voilà jouant à faire des ricochets jusqu’au moment où le téméraire copain de classe avait allongé sa voisine sur les galets pour un baiser volé. Il était impossible que ma sœur se laisse faire. Elle n’était pas moi. Les rôles avaient été distribués dès le départ : elle, la prude et moi, la délurée !

Suivant ma logique implacable, je comprenais mieux alors la présence de la barrette cassée et d’un mouchoir taché de sang. Elle avait obligatoirement voulu se débattre et s’était écorchée sur un caillou. À mon avis, ce n’est qu’une fois de retour dans le bus scolaire que l’amoureux repoussé avait dû glisser un galet plat avec des initiales écrites au feutre dans son sac.

L’explication se tenait, mais j’aurais toutes les peines du monde à la vérifier. Ce n’était pas plus grave que cela, mais la simple idée qu’elle puisse avoir des secrets me plaisait. Et puis, pour en savoir plus, il aurait fallu avouer que j’aimais fouiller dans ses affaires et je n’en avais pas envie.

Bref, elle est ma parfaite opposée, mais je l’aime.

Bien plus tard, dans ma vie d’adulte, elle deviendra même ma première confidente lors de mes pérégrinations amoureuses. Avant de passer de mon côté de la chambre, je devais compléter le tableau du seul signe qui dénotait dans ce décor vieillot : un poster de Johnny ! Pas le Johnny sur scène, en sueur et micro à la main, mais un Johnny très jeune. C’était un portait à ses débuts. Il avait des cheveux en bataille avec une banane à la Elvis, une bouche pulpeuse et des yeux d’ange, le beau gosse dans toute sa splendeur, un look à la James Dean. Je ne sais pas si elle était tombée amoureuse de l’homme qu’il était ou du chanteur. Quoi qu’il en soit, elle connaissait toutes ses chansons par cœur et elle n’avait pas hésité, des années plus tard, à faire le déplacement jusqu’à Paris pour son enterrement.

Passons de l’autre côté de notre chambre maintenant.

Je peux simplement résumer l’ambiance qui y régnait en donnant le surnom que m’avaient attribué ma mère et ma sœur : la bordélique !

Déjà jeune, je me moquais de tout.

De guerre lasse, ma mère avait jeté l’éponge.

— Si tu aimes tant que ça le bordel, restes-y, mais ne compte plus sur moi pour ranger tout ça.

Elle qui, d’habitude, avait un langage très châtié devait vraiment être à bout pour devenir grossière.

Effrontée, je lui avais répliqué :

— Pas de soucis, mon bordel comme tu dis, c’est un peu de vie dans cette maison lugubre.

Et une baffe, une !

Je l’avais méritée.

Ma mère n’avait pas la main leste, nous n’avons pas été des enfants frappées. Une claque par-ci, un coup de peigne par-là, rien de bien méchant. On en riait presque tous les trois quand elle nous menaçait. En revanche, cette fois, nous avions bien perçu le bruit au contact de sa main sur ma joue. Elle était vraiment énervée. Jeune, c’est la seule vraie gifle que j’ai reçue. Pas une larme n’a coulé sur mon visage. La douleur était pourtant bien présente. Une douleur qui avait pour effet de courir le long de mon corps et de provoquer en moi un émoi inconnu. Je refoulais ce sentiment naissant et je me jetais comme à l’accoutumée sur mon lit défait. D’autres gifles viendront plus tard, mais pour celles-là, je serai consentante.

Pas de poster au mur de mon côté, mais une étagère où je posais des livres, mes livres. Ceux qui me permettaient de m’évader loin. J’ai grandi avec le rêve américain sur la table de chevet. Je « demandais à la poussière » avec John Fante et son héros Arturo Bandini, je partais « Sur la route » avec Jack Kerouac, j’enviais Philippe Labro et, comme lui, je voulais devenir un « L’étudiant étranger ». Enfin, je plongeais à corps perdu dans « Les contes de la folie ordinaire » de l’unique Charles Bukowski.

Et puis il y a eu l’incontournable Capitaine Achab à la poursuite de Moby Dick de Melville. Ce dernier était le livre de lecture que je gardais quand mon oncle adoré rentrait de voyage. Petite, il me le lisait pour m’endormir. Plus grande, on le feuilletait encore ensemble.

Je n’aimais pas lire. J’aimais m’évader.

— Toi, tu es laid et tu ne connais pas ta chance : au moins, si on t’aime, c’est pour une autre raison, a écrit ce fou de Bukowski.

Une phrase inscrite au plus profond de moi et qui m’a poursuivie toute ma vie durant. Ma sœur était parfaite, mais moche. Cela n’a pas empêché un certain « L » de vouloir l’embrasser au bord d’une rivière. J’en étais convaincue.

Moi, j’étais belle, d’une beauté naturelle, grande, élancée, fine aux petits seins ronds et sensibles, une descente de reins pour skieurs expérimentés et un sourire à faire fondre les derniers glaciers de l’Arctique.

Serai-je aimée un jour ?

Chapitre 4

— Tu veux sortir avec moi ?

C’est le meilleur élève de la classe qui me pose la question.

Il a tout pour lui, ce petit con. Non seulement il est fort dans quasiment toutes les matières, mais, en plus, les filles sont raides dingues de lui, quelques garçons le sont aussi.

Je n’ai pas une copine qui ne se soit pas mise en valeur sur son passage. Quitte à en paraître ridicules, elles utilisent toutes les astuces et techniques pour se faire remarquer.

Lui, sûr de ses atouts indéniables, passe son chemin, fier comme Alexandre entrant dans Constantinople. Toujours bien entouré de ses « potes », il pose en tenue négligée, mais toujours de marque sur le seul banc de la cour de récré avec ce petit rictus qui se veut être un sourire, il balaie d’un regard dédaigneux ce qui se propose à lui. Ses copains tentent d’attirer son attention à grands coups de vannes oiseuses et il joue le jeu en faisant semblant d’y prêter un minimum d’attention.

En cours, il est très malin. Il a réussi à mettre au point le concept de « rebelle-fayot ». Ses facilités lui permettent d’être à l’aise et sympathique aux yeux des profs. Il s’autorise donc quelques facéties qui régalent le reste de la classe.

Sauf moi.

Je suis loin d’être la plus douée en cette première année de collège. La seule matière où je sors du lot est celle des arts plastiques. L’une des rares que le beau gosse ne domine pas. Et pour cause, c’est moi la meilleure. Il n’en prend aucunement ombrage, car, pour lui, c’est typiquement la matière qui ne sert à rien. J’aime peindre. Avec mes livres, c’est ma deuxième source d’évasion. Ma prof de dessin a tout de suite perçu mes qualités. Délaissant une partie de la classe qui s’amuse à passer le temps pendant son cours, elle se concentre sur les quelques élèves passionnés, dont je fais partie. Une vraie relation complice s’est immédiatement instaurée. Elle me guide, m’explique, me conseille, me reprend et me corrige, mais elle laisse ma main guider le crayon puis le pinceau. Depuis toute petite, j’aime griffonner. En bout de table de la cuisine, avec ma tante préparant le repas, je noircissais des pages en attendant le retour de mon oncle. Chez moi, j’aimais me caler dans mon lit, seule, pour laisser aller mon imaginaire en dessinant des courbes et en recopiant des personnages de bandes dessinées. J’avais jeté mon dévolu sur Daisy. Je la recopiais sous toutes les coutures. Pourquoi elle ? Certainement son côté féminin, son espièglerie et ses yeux malicieux face à ce pauvre Donald irritable et impatient. J’ai perdu ou déchiré presque toutes mes Daisy. En revanche, j’en garde une toujours dans mes affaires intimes. Celle-là est mon ange gardien. Encore aujourd’hui, je ressors son portrait et nous avons ensemble de belles conversations. Elle finira même par donner son nom à une galerie.

Ma prof de dessin m’a expliqué qu’il n’y a pas seulement les cursus classiques pour réussir sa vie. Tout le monde ne pourra pas finir polytechnicien. Il existe plein de voies d’accès à la vie active pour s’épanouir. Les beaux-arts en sont un bel exemple. Certaines écoles acceptent les élèves sans le bac, mais avec un examen d’aptitude. Pour la célèbre école de Paris, en revanche, le bac est obligatoire et il y a un concours où seulement cinq pour cent des candidats sont admis. Le prix de l’excellence.

Voilà de bonnes raisons pour m’appliquer et progresser tout en gardant ma personnalité artistique. Me voici rêvant d’intégrer la prestigieuse Villa Medicis à Rome ou encore Le Royal College of Art de Londres, la meilleure école du monde.

Ma vie prendra un tout autre chemin. Je n’oublierai pas ce don qui est le mien, et j’y reviendrai à un moment de ma vie.

En attendant, je suis debout, appuyée contre un poteau de la cour du collège et j’ai le beau gosse surdoué devant moi qui me répète sa question :

— Tu veux sortir avec moi ?

Il est peut-être le meilleur de la classe, mais c’est moi la plus belle. Je manque donc à sa collection. Pour que le tableau soit complet, il faut qu’il puisse se montrer à mes côtés, ou plutôt moi aux siens.

C’est une période de ma vie où je suis encore naïve. Ça ne durera pas très longtemps, mais je ne connais pas grand-chose aux codes des ados. Les rares fois où je suis sortie, c’était en famille.

Ma mère ayant reproduit avec ses enfants l’éducation stricte de ses parents, mon père toujours aussi laxiste, laissant faire, notre marche de manœuvre avec ma sœur et mon frère était des plus limitées.

Il a fallu mon arrivée au collège pour que je m’ouvre au monde. J’étais tellement brimée et enfermée chez moi que ma réponse lui plut :

— Oui, avec plaisir.

Petite sotte, je pensais qu’il allait me sortir ! Me faire découvrir autre chose que le trajet maison-collège. On aurait pu aller en ville, à la plage, partout où je rêvais de me balader.

— Parfait ! me répondit-il avant de poser ses lèvres sur les miennes pour ce qui devenait mon premier baiser.

C’est alors qu’il me prit la main, se tourna vers ses copains, tous très attentifs, à quelques mètres de nous et qu’il ajouta suffisamment fort pour que tout le monde puisse bien entendre :

— Désormais, tu es à moi.

Si j’avais apprécié le contact de sa bouche sur la mienne, un frisson tétanisant et parcourant mon corps le long de ma moelle épinière, je comprenais par la même occasion que l’expression « sortir avec » n’avait pas la signification que je lui donnais.

Quand je le regardais repartir vers sa meute baveuse de potes boutonneux d’une démarche dansante, joignant le geste à ses pas, je fus prise d’un profond dégoût pour ce Fred Astaire de cour d’école.

En me détournant de ce spectacle à vomir, je croisais le regard de mes copines.