L’épiphanie du Roi-Soleil - Franz Clément - E-Book

L’épiphanie du Roi-Soleil E-Book

Franz Clément

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Beschreibung

Michaël est en vacances chez ses grands-parents à Saint-Denis dans les Ardennes. Par le coup du hasard, lors d’une randonnée, le destin entraîne le jeune homme vers un mystérieux château. Poussé par la curiosité, il s’y rend accompagné d'un ami. Là, ils découvriront des personnages fantasques protégeant un étrange secret d’État. Michaël, son amie Amina et son copain Stéphane seront frappés par de terribles événements liés aux imprévisibles et lointaines conséquences du règne de Louis XIV et de la Révolution française. Méritaient-ils ce sort ?


À PROPOS DE L'AUTEUR


Ancien bourgmestre de Martelange, Franz Clément est docteur en sociologie, diplômé du Conservatoire national des arts et métiers à Paris. Il est chercheur en sciences sociales au Luxembourg Institute of Socio-Economic Research et membre de l’Académie luxembourgeoise. Auteur de plusieurs ouvrages, il est passionné par le règne de Louis XIV.

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Veröffentlichungsjahr: 2023

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Franz Clément

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’épiphanie du Roi-Soleil

Roman

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Franz Clément

ISBN : 979-10-377-8784-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

Du même auteur

 

 

 

Légendes du Pays d’où je viens. Récits fabuleux de la Vallée de la Haute-Sûre, Michel Frères, Virton, 1993 ;

Jeunesse, Politique et Citoyenneté, Mémory Press, Erezée, 1999 ;

Légendes de la Haute-Sûre (en collaboration avec Anne-Sophie Henon), Mémor (Collection Couleurs), Bruxelles, 2003 ;

L’Âme au Nord, Éole, La Roche-en-Ardenne, 2004 ;

Noël sur les Planches. Jeux scéniques pour enfants et adultes sur le thème de la Nativité, Éole, La Roche-en-Ardenne, 2007 ;

Consociativisme et dialogue social. Les relations professionnelles au Grand-Duché de Luxembourg, Éditions Universitaires Européennes, Saarbrücken, 2012 ;

La Profanation de Saint-Denis, Persée, Aix-en-Provence, 2012 ;

Le Dialogue social au Luxembourg. Acteurs, institutions et procédures, Larcier, Luxembourg, 2020 ;

Le Cycle de Noël. Récits, contes, souvenirs et nouvelles pour la Nativité, Memory, Sainte-Ode, 2020 ;

Belgique-Luxembourg. 100 ans de collaboration (coordination d’un ouvrage collectif), Larcier, Windhof, Luxembourg, 2021 ;

Légendes de la Forêt d’Anlier, Memory, Sainte-Ode, 2021.

 

 

 

 

 

 

Avertissement

 

 

 

En 2012, je publiais aux éditions Persée à Aix-en-Provence un roman intitulé La Profanation de Saint-Denis. L’actuel ouvrage consiste en une réécriture du précédent. J’ai pris la décision de le publier dix années plus tard à nouveau sous un autre titre pour trois raisons.

Tout d’abord, lorsque je l’ai écrit la première fois, je me trouvais dans des dispositions personnelles peu satisfaisantes tant sur le plan du moral que sur celui de la santé. J’ai donc tenu à remettre l’ouvrage sur le métier, à reconsidérer mon ancien travail et à le récrire dans des dispositions plus favorables.

Deuxièmement, l’édition de 2012 s’était faite via des ventes exclusivement sur internet et non en librairie. Le succès ne fut pas au rendez-vous, on s’en doute.

Enfin, j’ai voulu reconsidérer certains éléments de la première version en l’améliorant à certains points de vue, notamment stylistiques.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je suis un monarchiste, la république n’est pas le régime qu’il faut à la France.

Charles de Gaulle,

Président de la République française de 1958 à 1969

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

I

 

 

 

 

 

La quille jusqu’à la prochaine rentrée ! Les vacances ! Comme chaque année depuis longtemps, elles commencent par deux semaines chez mes grands-parents. Je leur dois bien ça, les pauvres. Je ne les vois pratiquement jamais et ils sont toujours super heureux de recevoir leur petit-fils… Randonnées en forêt, nuits à la belle étoile, bronzettes au jardin, bains dans la rivière, foot le dimanche avec les jeunes du village… Et tous les soirs la soupe de mamy, rituel immuable. Au début du séjour, ça va plus ou moins, puis trois, quatre jours après, la lassitude s’installe. Mais il ne faut rien dire et se contenter d’avaler, de déglutir sans broncher et toujours complimenter. Soit ! Cette année, il y a un plus : Amina est invitée chez les ancêtres ! Je m’ennuierai moins. Elle m’accompagnera en ballade ; on fera un peu de tourisme dans les patelins de la région et le soir… cric-crac ! Les vacances débuteront dans la bonne humeur, d’autant qu’en ce début juillet, le soleil se montre généreux.

 

Et puis, trois interminables semaines à gagner durement et péniblement ma vie d’étudiant : retour à Carrières-sur-Seine où j’entraînerai les gamins au foot, au hand, au volley, au rugby et au basket dans le hall sportif de la ville. Puis un comprimé de barbecue ou même deux et ce sera la descente dans le midi avec Amina et les copains : Banyuls, Collioure, Argelès, les plages… Puis septembre arrivera avec son cortège de cahiers dans les supermarchés, ses crayons de couleur pour les mômes, le retour à la fac de Nanterre où Amina loge. Moi pas ! Je suis encore assigné à résidence chez mes vieux en plein Carrières, officiellement faute de blé pour me payer un logement sur place. Je peux aussi les comprendre : Nanterre est à deux pas de Carrières ! En réalité, mes parents ont une frousse bleue que je passe mes jours et mes nuits à faire la java au lieu d’étudier ! Heureusement, j’ai pu rapidement trouver une seconde résidence sur le campus : la villa Amina !

 

Ce jour, je prends le TGV pour Rethel. Mon grand-père viendra me chercher à la gare, puis nous nous mettrons en route avec la grosse cylindrée du papy à cinquante à l’heure vers Saint-Denis, à soixante s’il est en forme.

 

Je lui demanderai de s’arrêter, puis je prendrai le volant pour éviter les appels de phares et les coups de klaxon. On y sera avant la tombée de la nuit. Ma petite chérie viendra de Paris me rejoindre avec sa bagnole quelques jours plus tard.

 

Et puis on pourra apercevoir les toits et la canopée de Saint-Denis ! Sa forêt, l’une des plus étendues de France, paraît-il, ses maisons bourgeoises bien rangées aux rideaux toujours tirés, sans mauvaises herbes sur les seuils, ses routes bien asphaltées, ses jardins tondus, sa pimpante mairie-école, son absence de ciné, de bistro et de resto ! Le pied, quoi ! Et la maison de mes grands-parents que les villageois appellent « le manoir » et où ma famille réside depuis des générations. La demeure est à l’image du reste de la localité : pas un grain de poussière, les haies taillées au cordeau, les bibelots exposés sans fantaisie… Et dedans mes grands-parents : mamy est en tailleur toute l’année et mon papy ne se départit de sa cravate que pour cultiver son potager. Les repas sont servis à heures fixes sans dérogations possibles et le thé se prend à cinq heures tous les jours.

— Mon Mickey ! De plus en plus blond et de plus en plus beau !
— Salut mamy !
— On est si content que tu viennes chez nous. Et ton amie ? Elle n’est pas avec toi ? Ah non, c’est juste. C’est pour un peu plus tard. Et papa et maman, comment vont-ils ? On ne les voit jamais ! Monte vite ranger tes affaires dans ta chambre ; tu connais le chemin ! Puis, tu nous rejoindras ; je t’ai préparé une bonne soupe à la salade.

 

Mon grand-père est taciturne et laisse à son épouse le soin de poser toutes les questions, y compris les plus banales.

 

De la soupe à la salade ! Ça commence bien. Quelle horreur ! Je me la farcis tous les étés celle-là ; ça ne manque pas. Mamy évacue comme elle peut les laitues que le papy plante chaque année en trop grand nombre dans le potager.

— Tu as déjà une idée de ce que tu fais demain, mon loulou ?
— J’irai chez Steph voir comment on s’organise pour les matchs.
— Ah oui, ce sera dimanche. Tu ne nous accompagnerais pas à la messe le matin ?
— Euh… Enfin… Je suis crevé de mes examens, je risque de dormir encore. Je dois me reposer : lundi, je fais une première randonnée.
— Bon… Soit ! Tu as ton sac à dos ?
— Oui et ma petite tente. Je dormirai dans le bois.
— Oh mon loup, sois prudent ! J’ai toujours si peur qu’un sanglier ne te charge quand tu dors dans la nature !
— Mamy a raison, Michaël, c’est dangereux. Si tu vas dans la forêt, reste sur la lisière. Les bois sont immenses ; tu risquerais aussi de te perdre.
— Oui, papy, je sais, je sais. « Au pays de mon père, il est des bois sans nombre. » Verlaine, c’est ça, hein ?
— Oui, Verlaine !
— Eh ben, pour un mec qui étudie le sport, je ne suis quand même pas si con ! Extra ta soupe mamy ! (Tu parles !)
— Merci mon petit, je sais que tu l’aimes, je t’en cuisinerai encore…
— Tu veux lire le journal Michaël ?
— Lequel, papy ?
— « La Croix ».
— T’as pas plutôt « L’Équipe » ?

 

Le lendemain, je me levai vers onze heures, au moment de la sortie de l’église. À midi, j’étais chez Steph. Je le connais depuis des années. Il étudie l’informatique à Charleville, est le pilier de l’équipe de foot du village et le grand ordonnateur des troisièmes mi-temps. Il m’a embauché pour l’après-midi, sitôt dit, sitôt fait ! Deux fois quarante-cinq minutes, puis la défaite 2 à 1. Prolongations jusqu’au coucher et entretemps, en guise de tirs au but, visite de papy et mamy qui avaient discrètement suivi les exploits de leur cher gamin sur le terrain.

— Ne bois pas trop Michaël !
— Ne tarde pas ! La nuit va tomber.
— Sois gentil avec nous ! Ne nous inquiète pas !
— Nous aimons aller nous coucher tôt. Reviens vite ! La porte sera fermée à clé…

 

Shooté au Coca et à la Vittel, je gagnai mon plumard en vue de la première expédition du lendemain.

 

 

 

 

 

Le grand jour de ma première randonnée estivale était arrivé. À peine levé, je m’habillai : grosses godasses de marche, t-shirt et bermuda ! Puis, je me rendis à la cuisine où mes grands-parents étaient bien sûr déjà installés. Sur la table se trouvait une multitude de vivres que ma grand-mère m’avait achetés ou préparés en prévision de mes escapades : des biscuits, de l’eau, des sodas, du chocolat, des pâtes froides avec mayonnaise et dés de tomates, des œufs cuits durs, des tartines à la confiture, de l’omelette entre deux tranches de baguette, du saucisson et bien sûr… un thermos de soupe à la salade.

— Mamy, je ne pourrai jamais prendre tout ça avec moi. C’est trop pour mon sac !
— Mais si mon chou. Tu rentreras demain, alors il faut prendre des forces. Surtout, bois ta soupe bien chaude vers le soir. Tu risques d’avoir froid dans les bois la nuit…
— Bon ! Euh… Merci.
— Tu as bien tout, mon ange ?
— Oui : mon sac, ma tente, mes provisions, ma boussole, la carte du coin… Aucun problème ! Je suis paré.

 

Avant de partir, je reçus encore de mes grands-parents mille et une recommandations :

— Ne dors pas sous un arbre s’il y a de l’orage ! Fais attention aux grosses bêtes ! Méfie-toi des renards enragés… D’ailleurs, attends encore un moment, mon loulou, je vais vite te chercher de la pommade et de l’aspirine. On ne sait jamais…
— Michaël, ne t’aventure pas trop loin dans les bois. Ils sont touffus ; c’est lugubre à la longue. Vers le soir, reviens à l’orée de la forêt et fais-en plutôt le tour que de la traverser. Il n’y a que des feuillus et des sapins, tu ne verras rien d’autre…
— Oui, papy, oui ! Allez, à demain !

 

Je quittai le village avec sur le dos le barda d’un militaire en exercice de manœuvres. Mon sac pesait rudement lourd. À peine entré dans les bois, je découvris un ruisseau. Aussi, j’accomplis là une première action quasi humanitaire : nourrir les poissons de l’Aisne en aval. Je versai donc la soupe à la salade dans l’eau. Ça allégeait le tout et me délivrait d’un moment de torture gustative. Les chevesnes, les goujons et les truites m’en seraient éternellement reconnaissants. C’est avec un plaisir intense que je suivis du regard les microscopiques morceaux de laitues se quitter l’un l’autre et se laisser emporter par le courant.

 

Ma passion des randonnées n’est pas neuve. Ce que j’aime dans ce sport, c’est la découverte de l’inconnu : des bois et des campagnes où je pose les pieds pour la première fois, des chemins et des sentiers abandonnés depuis plusieurs années et que je redécouvre, des traversées de champs et de forêts en suivant parfois mon sens de l’orientation… Et puis il y a le plaisir des pique-niques, des nuits dans la nature, du camping sauvage ! Le plus agréable, c’est d’entendre le chant des oiseaux déchirant le silence, mais aussi les bruits indéfinis peuplant les nuits…

 

Moi qui venais à Saint-Denis en vacances depuis des années, c’était la première fois que je me décidais réellement à m’aventurer vers le cœur de cette immense forêt nichée dans les Ardennes, peuplée surtout de bois austères, de hauts résineux, de fières pinèdes et, paraît-il, de mystères et de légendes en tous genres. Petit, mes grands-parents m’avaient rabâché les oreilles avec les exploits du Cheval Bayard et des Quatre Fils Aymon. Je doutais toutefois de faire leur rencontre un jour…

 

Plus j’avançai vers le cœur de la forêt, plus je trouvai que les chemins et les sentiers avaient tendance à se rétrécir. Pris de doute, je voulus saisir ma boussole pour connaître mon orientation exacte. Je fouillai mon sac à dos où j’avais pour habitude de la laisser en permanence. Elle était introuvable ! J’étais pourtant certain de l’avoir emportée : à Carrières, j’avais encore vérifié mon équipement et elle se trouvait bien dans l’une des poches intérieures. J’avais dû l’égarer dans le TGV ou dans la maison de mes grands-parents ; c’était la seule explication plausible.

 

Je m’en trouvais toutefois bien contrarié. Pour ne pas me perdre au milieu de ces étendues immenses, j’entrepris donc de jouer au Petit Poucet. Ainsi, lorsque je rencontrais de nouveaux sentiers que j’allais emprunter, je superposais aux croisements des petits chemins quelques pierres, généralement trois, sur lesquelles j’ajoutais une carotte de sapin. Celles-ci jonchaient le sol et devenaient des repères faciles. Par sécurité, je dressais et plantais encore dans le sol des branches mortes à côté des petits monticules de minéraux.

 

À un moment donné, alors que je circulais sur un minuscule sentier, rendu particulièrement sombre par le rapprochement des allées de conifères le bordant, je fus intrigué par un rayon de lumière filtrant entre les branches. Ce ne pouvait être l’effet du soleil, celui-ci se trouvant dans mon dos et étant déjà sur le déclin du jour. Plus j’avançais, plus la lumière s’imposait, immobile, discrète. J’approchai. Il me sembla tout doucement distinguer des fenêtres, puis un grand mur aux tons crème. Une bâtisse se trouvait-elle là en plein milieu de la forêt ? Ma curiosité me poussa à poursuivre le sentier…

 

Quelle ne fut pas ma surprise quand, petit à petit, je vis prendre forme devant mon regard… un château ! Pas énorme, certes, mais un vrai château. Deux tours coiffées de toitures coniques encadraient la façade. Celle-ci était percée de plusieurs fenêtres et un petit escalier central menait à une grande porte vitrée.

 

Le plus étrange en ces lieux était indiscutablement la teinte du ciel autour et au-dessus de l’édifice. Il était vert émeraude. Instinctivement, je pensai que c’était là l’effet des sapins reflétant leurs couleurs dans les vitres. Les conifères étaient d’ailleurs fort rapprochés de la bâtisse qui, à l’intérieur, devait sans doute être bien sombre.

 

Je fis le tour complet de la demeure. Le long des murs étaient plantées des fleurs identiques à celles ornant les parterres du manoir à Saint-Denis : des lys blancs. Ceux-ci étaient toutefois d’une taille inférieure à ceux de mes grands-parents. Le peu de lumière les atteignant ne devait sans doute pas beaucoup favoriser leur croissance. Les façades étaient toutes percées de fenêtres et le château ne comportait qu’un seul étage. J’aperçus des soupiraux indiquant la présence de caves. Sous les corniches, les peintures étaient verdâtres, signe évident d’une présence d’humidité et de lichens.

 

J’eus l’impression d’être le prince charmant d’un conte de fées allant à la rencontre de sa belle. Mais le plus surprenant était la lumière provenant de l’intérieur. La demeure était donc habitée… Par qui ? Et comment pouvait-on accéder à l’édifice ? Aucun chemin carrossable, même en 4x4, ne se trouvait à proximité. Seuls des sentiers particulièrement étroits y menaient. Je les voyais aboutir de trois endroits autour de la construction. Il me sembla distinguer un autre accès, plus large, mais encombré de hautes herbes. J’étais stupéfait !

 

Je sentis le besoin de satisfaire ma curiosité. J’empruntai l’escalier de quatre marches, puis frappai à la porte-fenêtre, principal accès à la maison. Personne ne vint ouvrir. À l’intérieur, un éclairage vacillait, comme si un feu était allumé… Je frappai une seconde fois. On ne vint toujours pas m’ouvrir. Tentant le tout pour le tout, je posai ma main sur la clenche et l’abaissai. Le château était ouvert. J’entrai… Le hall d’entrée contenait trois guéridons et plusieurs portes. Là se trouvait aussi l’escalier conduisant à l’étage. Le sol était de dalles de marbre clair, usées par le temps. Un quinquet brûlait…

— Il y a quelqu’un ?
— …
— Ohé ! Il y a quelqu’un ?

 

Je n’obtins jamais de réponse. Je pris la liberté d’entrer dans la pièce d’où provenait la lumière principale. Il s’agissait d’un superbe salon aux meubles anciens. Mes connaissances historiques n’étaient pas suffisamment étendues pour que je puisse en identifier le style et l’époque. Un feu brûlait franchement dans l’âtre. On avait donc dû l’alimenter peu de temps avant mon intrusion. La cheminée était gigantesque ; elle occupait une large partie du mur principal de la pièce. Un texte étrange était inscrit en lettres dorées sur la hotte, dévorant presque tout l’espace de celle-ci :

 

Dans le Sein de l’Astre sont

trois Merlettes aux Ailes déployées et

le Trident de Neptune

Celui qui l’une des Sentes empruntera

le Tombeau du Roy saura

et sa Fin trouvera

 

Je constatai bien évidemment que ce texte était écrit dans un français plutôt ancien et qu’une partie était en rimes, mais que pouvaient signifier ces quelques phrases ? Décidément, je nageais en plein mystère. Sur un autre mur de la pièce était accroché un portrait sous lequel figurait la simple inscription « Louis XIV ». Le grand roi était représenté en manteau d’hermine bleu, couvert de lys dorés, avec sa légendaire perruque.

 

Je résolus de faire le tour de toutes les pièces. Contiguë au salon se trouvait une longue salle à manger. Au milieu trônait une table de bois richement sculptée pouvant laisser place à douze convives. Je remarquai ensuite une cuisine dans laquelle rien ne semblait avoir vraiment bougé depuis un certain temps : tout y était visiblement d’époque. Une cuisinière fonctionnant au bois et une pompe à eau en assuraient les principaux accessoires. Aux murs étaient accrochés quantité d’ustensiles en cuivre : moules à gâteaux, poêlons, casseroles… Il n’y avait toutefois ni poussières ni toiles d’araignées. Aucun doute n’était permis : ce château était bel et bien habité ou au minimum régulièrement entretenu…

 

Dans une autre pièce se trouvait simplement un petit secrétaire ouvert avec un encrier et une plume. Une veilleuse y brûlait. De l’autre côté du hall d’entrée se trouvait une chapelle privée décorée simplement : un prie-Dieu central, six autres à l’arrière, un grand crucifix mural, plusieurs chandeliers et tableaux représentant des scènes bibliques, un petit autel en bois.

 

Sur les murs des diverses pièces étaient accrochés plusieurs tableaux et gravures. La plupart représentaient des jardins à la française, des vues du Louvre et de Versailles, des scènes de batailles livrées par Louis XIV : Montmédy, le Rhin, Bergues, les guerres de Hollande… J’aperçus aussi des bustes en marbre immortalisant divers personnages qui m’étaient pour la plupart inconnus. Sous certains étaient en revanche gravés des noms : Colbert, Le Nôtre, Mazarin, Louvois, Lully, Bossuet… Je tentai d’ouvrir une autre porte ; celle-ci était fermée et aucune clé ne se trouvait dans la serrure. J’en déduisis qu’elle devait conduire au sous-sol.

 

Je me risquai à monter à l’étage. Plusieurs chambres à coucher décorées de façons similaires y étaient aménagées. Une seule faisait exception : la plus grande. Elle contenait un énorme lit à baldaquin avec à nouveau un portrait de Louis XIV. Dans certaines chambres, des vêtements d’époque étaient disposés sur des chaises, comme si on les avait jetés là en se déshabillant. Il s’agissait de livrées identiques, toutes de couleur rouge. On aurait dit des habits comme en portaient les laquais autrefois. Je dénombrai au total sept chambres ainsi qu’un genre de salle d’eau, du moins ce qui me paraissait en être une, sans certitude absolue.

 

Je me risquai à nouveau…

— Il y a quelqu’un ?

 

Toujours pas de réponse ! Un étrange sentiment de peur mêlée d’incrédulité commença à m’envahir. Où étais-je ? Qui habitait là ? Pourquoi ne me répondait-on pas ? J’avais fait le tour des pièces ; tout était vide. À part l’odeur du bois brûlé, aucune autre ne pouvait être décelée. Et quel silence ! À l’exception du crépitement des bûches au rez-de-chaussée, nul bruit n’était perceptible. Je décidai de quitter les lieux… Combien de temps avais-je pu mettre à visiter ce petit château ? Dix, quinze minutes tout au plus ? Sans doute.

 

Je dus marcher à mon avis encore deux à trois kilomètres en direction de Saint-Denis. Lorsque je retrouvai l’un des chemins plus larges que comportait la forêt, je décidai de monter ma tente et de me restaurer un tantinet. Il me fut impossible de trouver le sommeil avant un bon bout de temps. Cette aventure m’avait intrigué. J’eus même envie de retourner vers le château en pleine nuit, dévoré de curiosité. Finalement, je résolus d’en parler à mes grands-parents le lendemain dès mon retour. Eux devaient forcément en savoir davantage sur la présence de cet édifice en plein milieu des bois et sur l’identité de ses habitants.

 

Le jour suivant, je parcourus encore et toujours cette immense forêt, profitant de la fraîcheur des arbres, des chants des oiseaux et des murmures des rus. Ce n’est qu’à l’approche du soir que je rentrai au village.

 

 

 

 

 

— Te voilà, mon Mickey ! Nous nous sommes inquiétés, mon ange. Nous avons essayé de t’appeler sur ton téléphone une trentaine de fois ; tu ne répondais jamais.
— Désolé, mamy, j’avais oublié mon portable dans la chambre.
— Songe un peu à ta grand-mère, Michaël ! J’ai cru devoir appeler le médecin pour la calmer. Elle a risqué l’infarctus ! Tu n’es pas chic avec nous.
— Je te dis, papy, que j’avais oublié mon portable ici. En plus, il ne doit pas y avoir de réseau dans les bois.
— Réseau ou pas, ne l’oublie plus à l’avenir ! Ça s’est bien passé ton expédition ?
— Et comment ! La forêt est splendide et j’ai fait une belle découverte. Vous ne m’aviez jamais dit qu’il y avait un château au milieu des bois…
— …
— Vous le connaissez, je suppose ?
— Je ne vois pas de quoi tu veux parler, Michaël !
— Enfin si, vous devez savoir ! Très, très loin d’ici il y a dans…
— Ah, bien sûr ! Le château de Grandpré.
— Ah, il s’appelle comme ça ?
— Non, papy veut dire que le village où il se trouve s’appelle Grandpré. C’est à quelques kilomètres de Saint-Denis.
— Non, non, celui que j’ai vu n’est pas dans un village. Il est au milieu de la forêt et il est habité.
— Mais non enfin !
— Mais si ! Je suis même entré ; la porte était restée ouverte. C’était étrange : un gros feu brûlait dans la cheminée. J’ai appelé pour voir s’il y avait quelqu’un, mais personne n’a jamais répondu. C’était vraiment curieux.
— Tu dis n’importe quoi !
— Papy, tu me prends pour un con ?
— Michaël ! Sois poli avec ton grand-père !
— Je vous dis que je suis entré dans ce château…
— Ça suffit avec tes sornettes. Tu as rêvé !
— Non ! C’est un bâtiment rectangulaire avec deux tours sur l’avant et une haute porte d’entrée vitrée ; partout autour il y a des fleurs blanches comme chez vous… Des lys, j’en suis sûr.
— Mais oui, c’est Grandpré ! Le château des comtes de Joyeuse.
— Non et non ! Pourquoi est-ce que vous ne voulez pas me croire ?
— Michaël, nous habitons ici depuis toujours. S’il y avait un château dans la forêt, nous le saurions ! Tu es allé à Grandpré, voilà tout ! À quelle heure était-ce ?
— Hier fin d’après-midi, début de soirée !
— C’est cela ; la nuit tombait et tu auras mal vu !
— Tu me prends pour un débile ou quoi ? En plus, on aurait dit que le ciel était tout vert au-dessus du bâtiment…
— … Tu as vu du gibier ?
— Oui, des biches et deux sangliers. Mais je suis rentré dans ce château et je…
— Ah non ! Ça suffit maintenant ! Tu n’es pas passé dans un bistro avant de venir ici ?
— Arrête de te foutre de moi !