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Extrait : "Henri, accablé par la résolution de Geneviève, s'éloigne, la mort dans le coeur ;il examinait avec une douleur amère la série des maux qui avaient pesé sur lui depuis sa naissance, et se demandait jusqu'à quand il aurait la force de les supporter. Il marchait le long des quais de la Seine, et plus d'une fois il agita avec lui-même s'il ne chercherait pas sur l'heure une fin à son infortune."
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• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.
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Seitenzahl: 137
Veröffentlichungsjahr: 2015
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DULAC.
Henri, accablé par la résolution de Geneviève, s’éloigna, la mort dans le cœur ; il examinait avec une douleur amère la série des maux qui avaient pesé sur lui depuis sa naissance, et se demandait jusqu’à quand il aurait la force de les supporter. Il marchait le long des quais de la Seine, et plus d’une fois il agita avec lui-même s’il ne chercherait pas sur l’heure une fin à son infortune. Ses compagnons qui l’attendaient aux environs des Tuileries le virent venir à eux. Lachenal le premier s’aperçut qu’un regret intérieur troublait son âme, et il en augura bien pour le succès de l’entreprise qu’il devait tenter auprès de Rémond et des deux autres jeunes gens.
« Qu’as-tu donc, Henri ? lui dit Molin, tu ressembles trait pour trait à une pompe funèbre.
– Tu pourrais dire la vérité, lui répondit Rémond avec un sourire mélancolique.
– Foin du souci ! s’écria Dernon, et vive la joie ! Amusons-nous ; ne songeons qu’à satisfaire nos désirs. Allons, Henri, dis-moi ce que tu souhaites.
– Des épaulettes d’officier ; j’en ai besoin comme de vivre.
– Rien que cela ? dit Lachenal. Tes vœux sont modestes‚ on peut les satisfaire plus tôt et plus facilement que tu ne le crois peut-être.
– Toi, Lachenal, tu me ferais nommer officier ? Je ne le croyais pas autant de crédit : je dois voir en ce cas des choses plus surprenantes.
– Ma foi, reprit Molin‚ il te convaincra comme il nous a persuadés ; le misérable, qui n’a pu être un bon soldat, entend les affaires à merveille ; il n’est pas avare de promesses, et l’argent d’ailleurs ne lui manque point.
– Eh bien ! dit Henri qu’une seule pensée occupait, me donneras-tu les épaulettes ?
– Avant un mois tu les auras ; il ne s’agira que de se conformer aux ordres qui te seront transmis.
– Et qui me les intimera, ces ordres ?
– Un homme dont tu ne repousseras pas la voix, dit Lachenal avec légèreté ; le général Marville, par exemple.
– Je lui obéirai en tout.
– Nous lui obéirons également, s’écrièrent les deux autres sous-officiers ; sur ce, Henri, allons boire. Lachenal nous invite une seconde fois. C’est un solide métier que celui d’imprimeur secret‚ on roule sur l’or ; et l’on régale ses camarades, ajouta Molin. En avant ! marche, qu’on ne réplique pas : c’est moi qui conduis aujourd’hui l’escouade. »
Rémond en effet ne disait rien, il suivait en silence ; trop de réflexions l’agitaient, il craignait de se livrer à un imprudent ; il voulait obtenir Geneviève, et il conservait en outre une vieille rancune des passe-droits qu’on lui avait faits. Ce qui le décidait par-dessus tout était la promesse qu’il venait d’entendre que le général Marville conduirait le mouvement que l’on méditait ; il n’en demanda pas davantage.
Lachenal n’avait garde non plus de s’ouvrir plus qu’il ne le devait ; le temps n’était pas venu encore ; il fallait seulement qu’il entretînt dans un état hostile les dispositions des sous-officiers. Le hasard ou la volonté de l’amphitryon conduisit la troupe joyeuse dans le cabaret où déjà Ré moud avait été deux fois. Il était maintenant si troublé qu’il ne s’en aperçut pas ; et comme on leur donna un cabinet différent de celui où il avait mangé précédemment, il se crut dans un lieu absolument étranger pour lui.
On fit venir du vin, quelques mets simples, et le repas commença. La première santé fut portée en silence ; un seul geste en indiqua l’objet. Lorsque fut venu le tour de la seconde : « Camarades, dit Dernon, à qui boirons-nous ?
– Buvons, répondit Molin, au brave Henri, à ce zélé défenseur du beau sexe. » Les deux autres convives applaudirent.
« – À la santé de Henri Rémond, » crièrent-ils ensemble, de manière à ce que toute la maison les entendît. Zoé rentrait en ce moment, et elle réprouva un vif plaisir en apprenant que le jeune militaire qui deux fois l’avait secourue, était encore auprès d’elle. À ce premier mouvement elle en joignit un second, celui de chercher à se rapprocher de Henri, afin de le voir s’il lui était possible. Elle monta d’abord dans sa chambre, puis redescendant légèrement par un escalier dérobé, elle fut se placer contre une porte mal jointe qui permettait d’apercevoir ce qui se passait au lieu où étaient les quatre militaires.
Comme elle avançait sur la pointe des pieds, elle entendit tout auprès d’elle, dans un autre cabinet, une voix qui‚ à moitié étouffée, s’écria : « Le drôle, je l’arrangerai de manière à ce qu’il ne puisse plus se rappeler le double affront que j’ai reçu de lui. »
Zoé était quelque peu curieuse ; ces paroles, d’ailleurs, étaient sinistres : elle regarda à travers un œil-de-bœuf placé en cet endroit pour éclairer l’escalier, et elle reconnut Teillon, dont les outrages avaient gravé dans sa mémoire l’odieuse figure. Il était assis à une table avec une de ces femmes l’opprobre de leur sexe, et qui, nées dans le vice, ne font aucun effort pour lui échapper. Elle pouvait être belle, car ses formes étaient fortement dessinées. Il y avait de la régularité dans ses traits, mais l’empreinte morale flétrissait ce que la nature lui avait prodigué. On voyait sur son visage l’abrutissement des passions grossières ; les yeux étaient éteints à tout sentiment généreux ; elle vivait, non pour le plaisir, mais pour la débauche : elle n’aurait pas eu peut-être la volonté de commettre une bonne action. Il y avait à remarquer dans sa parure que l’ordre qui y régnait en partie provenait d’une main étrangère, car ce qui n’appartenait ni à l’ouvrière en mode ni au coiffeur, annonçait la paresse et la nonchalance de cette femme. La robe était fraîche et le schall déchiré, les cheveux tressés avec art étaient retenus par un peigne de corail à demi-brisé ; ses bas étaient blancs, et sa chaussure abîmée ; enfin jusqu’à sa parole traînante et rauque, tout était marqué au cachet de la profession et du caractère. Lorsque Zoé la regarda, elle s’occupait à tremper un doigt dans le vin de son verre, et puis à tacher la nappe par les gouttes qu’elle lançait çà et là ; on eût dit qu’elle n’avait pas entendu le propos de Teillon. Cependant, après un moment de silence, elle lui répliqua :
« La colère, Teillon, est un mauvais conseiller, prends-y garde ; ce jeune homme est brave, et tu n’en viendras pas à bout facilement : ce n’est pas un de ces béjaunes que l’on peut faire aller comme on veut ; Athalie, qui était au salon de Mars, prétend qu’il t’enleva comme une plume ; tu as voulu faire le crâne, qu’en est-il résulté ? C’est qu’un bon enfant comme toi eut les côtes rompues d’abord, et puis après les désagréments d’être conduit à la salle Saint-Martin. Tu me diras qu’on t’a relâché de suite, c’est vrai ; mais si tu fais pis, crois-tu te sauver avec ta carte ? Ne tombe pas dans les mains de ces robes rouges ; il n’y a pas là de protection, et tu irais bêcher en pleine mer.
– Tais-toi, oiseau de malheur ; suis-je donc un ahuri ? penses-tu que je l’attaquerai face à face ? Je ne ferai pas cette sottise. Mais lorsqu’il se retirera, la nuit sera profonde, pas d’étoiles au ciel, et sur la terre des lanternes qui n’en tiennent pas lieu : j’ai là une maîtresse lame, et son compte ne tardera pas à être bâclé.
– Songe au tien si tu fais ce coup. Ne serait-il pas plus convenable de boire tranquillement une autre bouteille, de dépêcher une salade, et puis de se retirer sans bruit ? Tu es trop guerrier, cela ne convient pas aux bons amis des filles d’amour.
– J’ai dit ce que je ferai, je ferai ce que j’ai dit. Pourquoi est-il encore venu me chercher ici ? je ne pensais pas à lui lorsque son nom est venu réveiller la vengeance dans mon cœur. Buvons encore, je le veux. Va où tu voudras : je te laisse libre, et plus tard je viendrai te retrouver.
– Oh non ! pas ce soir ; te voir cette nuit me porterait malheur demain. »
En écoutant cette conversation où le crime se montrait dans toute sa laideur, Zoé avait été sur le point de perdre connaissance. Le péril que Rémond courait put seul lui donner assez de force pour ne pas se laisser aller à un faible mouvement ; elle n’avait plus rien à entendre, et elle eût reculé à la vue de ce qui allait se passer : elle revint précipitamment dans sa chambre, et là elle écrivit à Henri en ces termes :
« Un lâche ennemi veille auprès de vous ; il veut vous punir de votre vertu en vous arrachant la vie. Rappelez-vous le misérable que vous avez puni aux Champs-Élysées, et en vous retirant ce soir, songez qu’il apprête la trahison. »
Le style de ce billet était un peu élevé, cela ne doit pas surprendre. On lit maintenant, et les jeunes personnes font avec autant d’amour moins de fautes de langue et d’orthographe qu’on n’en faisait autrefois. Zoé remit son œuvre à l’un des garçons de son père, en lui disant qu’un commissionnaire venait de rapporter a l’instant, avec prière de le faire tenir à son adresse. On savait que ce jeune homme soupait en ce moment dans la maison.
Ce ne fut pas une médiocre surprise lorsque Rémond reçut ce papier et en eut pris lecture. La forme mystérieuse de l’avertissement, l’avis en lui-même, et le péril dont on le prévenait, apportèrent quelque nouvelle altération sur sa gracieuse figure.
« Qu’est-ce, dit Molin, deviendrais-tu à la mode, Henri ? Quoi ! tu reçois des lettres aux lieux mêmes où tu ne savais pas devoir venir ! Y a-t-il quelque sorcier qui t’ait dépêché le message d’un lutin futé ?
– Peut-être, dit Lachenal, cette missive renferme-t-elle des secrets de la plus haute importance, » et en prononçant ces mots, il laissa voir sur son visage, une indiscrète curiosité.
« – Non, mes amis, répliqua Henri, il ne s’agit ici ni de bonnes fortunes ni d’affaires au-dessus de ma position ; c’est un ami qui me prévient d’un péril que je cours, et qui n’est plus à craindre dès le moment qu’il m’a été révélé. »
Lachenal pâlit à ces mots ; il se hâta de prendre la parole : « Méfie-toi, lui dit-il, de ces écrits anonymes ; souvent ils partent de nos ennemis, qui ne nous les adressent que pour compromettre ceux qui nous sont sincèrement attachés.
– Ce n’est pas ici le cas : on n’outrage point ceux que j’aime, on me signale ceux dont je dois me méfier.
– Qui ! toi, dit Dernon, tu aurais des ennemis ! Où sont-ils donc ? Je certifie qu’il n’y en a pas un seul dans tout le régiment.
– Aussi n’est-ce point là que j’irai le chercher. J’ignore son nom, sa demeure ; je ne sais qu’une chose, c’est qu’il est enrôlé dans l’infâme classe des espions de police.
– Ah ! » dit Lachenal d’un air troublé, et le verre qu’il portait à sa bouche échappant de sa main, se brisa sur un coin de la table.
« Maladroit ! dit Molin, ne sais-tu pas tenir ce que tu empoignes ? (Et se tournant vers Dernon) : N’est-ce pas vrai, docteur, qu’empoigner est redevenu un mot d’usage ? »
L’allusion à laquelle s’attachait le sous-officier fit rire ses camarades, et nul des trois militaires ne s’aperçut du subit effroi de Lachenal. La conversation, un instant détournée, revint au sujet principal.
« Je gagerais mon sabre, continua Molin, que tu veux parler de ce drôle que tu arrangeas si bien l’autre jour aux Champs-Élysées. »
Lachenal alors demanda qu’on lui fit connaître cette histoire, et Dernon se chargea de la lui conter ; elle ne lui apprit que ce qu’il savait déjà en partie. Le nom seul du défenseur de la jeune fille n’était, pas venu jusqu’à lui, et il éprouva un moment de satisfaction en songeant qu’Henri avait puni Teillon qu’il ne pouvait souffrir. L’heure de la retraite allait sonne ? ; les sous-officiers levèrent le siège ; ils descendirent précipitamment l’escalier ; et au passage de l’allée qui avait été éclairée par les soins de Zoé, ils rencontrèrent celle-ci ; Molin, Dernon et Lachenal la saluèrent en passant. Henri, resté en arrière et la reconnaissant, voulut lui parler ; mais elle, lui faisant un signe, lui dit à voix basse en s’éloignant :
« Partez, soyez prudent, et n’exposez pas votre vie. »
Ce peu de mots surprirent Rémond au dernier point ; ils lui firent connaître à qui il était, redevable du mystérieux avis. Il en eut beaucoup de reconnaissance ; il eût même voulu la témoigner sur-le-champ ; mais ses camarades étaient là, il redoutait leurs railleries, et il ne voulait pas exposer la réputation de celle qui lui rendait un pareil service. Il s’inclina seulement, ne laissant parler que ses yeux, et fut à pas lents rejoindre sa compagnie. Lachenal les quitta pour retourner à son poste, et les trois amis s’acheminèrent vers leur logement. Teillon ne parut pas. Zoé avait su y mettre bon ordre, en l’enfermant à double tour dans le cabinet où il était avec sa maîtresse ; et avant que la clef eût été retrouvée, Rémond avait fait du chemin, et pour ce soir Teillon ne le rencontra pas.
Oui, j’ai tout entendu, et chaque parole portait la mort dans mon âme.
RÉTIF DE LA BRETONNE, Paysan perverti.
« Vous m’avez joué comme un enfant ; et lorsque je vous croyais ma dupe, j’étais la vôtre.
– J’aime que vous en conveniez, comte de Framond, répondit madame de Sédenart ; il est bon que de temps en temps notre sexe vous prouve qu’il n’est pas prudent de lutter avec lui.
– Mais pourquoi ne pas vouloir m’apprendre où vous me conduisiez ?
– Ne m’en demandez pas la raison ; je ne la sais pas, je vous jure. On m’avait conseillé de ruser à votre égard, je l’ai fait ; le reste vous regarde. Il y a matière à observation chez le général Marville, et je ne doute pas que vous n’ayez l’œil sur tout ce qui s’y passera désormais. Je vous apprendrai qu’on a voulu savoir de moi votre demeure ; je l’ai donnée au lieu convenu, là où l’on ne trouve jamais ceux qu’on y va chercher, car le portier est seul pour répondre : Monsieur est sorti : Madame vient d’aller au bois de Boulogne. »
Framond, tandis que madame de Sédenart parlait, était tombé dans une profonde rêverie ; il en fut tiré par la voix du valet de chambre qui annonça le chevalier de Fredeuil : celui-ci croyait trouver seule la maîtresse de la maison. Il parut désappointé en voyant Framond ; mais le brillant aide-de-camp avait trop l’usage de la bonne compagnie pour témoigner son mécontentement. Il fit même plus encore, car il ne dit rien qui pût faire soupçonner au tiers incommode qu’il venait lui-même en ce lieu pour la première fois. Madame de Sédenart fut charmée de cette discrétion ; elle ajouta à la haute estime qu’elle portait au chevalier ; un sourire et un regard significatifs lui en donnèrent l’assurance.
La conversation s’engagea ; elle fut légère. On effleura divers sujets : la cour, la ville en firent les frais. La dame connaissait une foule de personnages importants, des ministres, de ci-devant Excellences, des ambitieux qui aspiraient à l’être. Un tel duc lui prêtait sa loge aux Italiens, un autre venait à ses concerts ; elle avait enfin des liaisons jusque parmi le clergé de la grande aumônerie. Framond voyait aussi beaucoup de monde, et le chevalier, lancé dans la société des artistes, était instruit de tous les commérages de la nouvelle Athènes, où l’on jase comme ailleurs sur le compte du prochain, parce que là, comme ailleurs, le prochain est malicieux et les dames faibles.
La comtesse d’Elmar survint, et le cercle augmenta : celle-ci, moins au fait des évènements de la capitale, connaissait à fond tous ceux de sa province, et son bonheur était de narrer quelque longue anecdote, qu’elle racontait passablement.