L’étoile du bonheur - Isidor Ouédraogo - E-Book

L’étoile du bonheur E-Book

Isidor Ouédraogo

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Beschreibung

Les effets climatiques désastreux, les caprices pluviométriques et l’appauvrissement des sols cultivables poussent Gandaogo, un paysan du village de Samôgohiri, à s’exiler dans un pays voisin. Il s’y installe avec sa famille et bâtit sa fortune. Cependant, profitant de sa réussite, Gandaogo se consacre désormais à une vie de débauche. Pour sa femme et ses enfants, la situation vire au cauchemar : le père s’est transformé en bourreau, battant à mort son dernier-né. Wendéyolsdé Aïssatou, sa fille, décide de quitter la maison familiale et de regagner sa terre natale. Entre souffrance et adversité, que réserve l’avenir à cette jeune fille et à sa famille ?


À PROPOS DE L'AUTEUR


Isidor Ouédraogo a été, entre autres, animateur radio d’émission littéraire et culturelle, juré de concours d’art oratoire et de débat et enseignant de français avant de s’inscrire, en 2022, en master de français langue étrangère de l’université de Rouen en Normandie. Lauréat de compétition littéraire, il nous offre ici son second roman, L’étoile du bonheur, qui témoigne de son engagement pour la cause et la condition de la femme.

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Seitenzahl: 128

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Isidor Ouédraogo

L’étoile du bonheur

Roman

© Lys Bleu Éditions – Isidor Ouédraogo

ISBN : 979-10-377-8983-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À ma très chère mère

Du même auteur

Source du mal ? (Roman), Les éditions La République, Ouagadougou, 2021.

Chapitre 1

Sur toute l’étendue du territoire du village de Samôgohiri, tous les habitants étaient ahuris par ce qu’ils vivaient depuis quelque temps. Les jours assombris relayaient les nuits obscures, avec un climat plus ou moins clément. Tous les agriculteurs étaient ébaubis par ce qui arrivait, particulièrement Gandaogo, un jeune et intrépide cultivateur. Tous pleuraient, invoquaient et priaient intérieurement. Malgré tout, la vie suivait toujours son cours. Rien n’avait changé, sauf le ciel qui, le jour, passait de son fond bleuté à un brun-marron. La nature présentait un aspect de calvitie gazonnier non verdâtre. Elle était bien jaune laissant à découvert des brindilles, des sachets plastiques et quelques feuilles jaunâtres des arbres trimballés çà et là par les tourbillons. La chaleur torride obligeait femmes, hommes et enfants à se retrouver sous les gros arbres ombrageux des figuiers et sous l’ombre des branches de baobab sans feuille en attente d’arrosage. Ce n’était plus qu’un secret de polichinelle. Ils savaient tous que l’hivernage frappait à la porte déjà, signe de la traversée des tempêtes, de la sécheresse, de la chaleur, du désert pour la destination promise. Tous les habitants du village s’y préparaient en conséquence. Ici, on renforçait les poutres des cases ou on renouvelait les toitures des chaumes et là, on vannait, on triait et on gardait soigneusement les meilleures semences qui contiendraient et la vie et l’espoir du cultivateur. Le manioc, le sorgho, le riz étaient apprêtés avec grand soin pour l’arrivée de l’hivernage. Les champs défrichés et brûlés avaient perdu leurs toitures protectrices. Détruits par le feu, ils attendaient d’être davantage frappés par les rayons solaires de la saison pluviale. Laquelle saison ne se différenciait de la saison sèche que par la durée relativement plus courte en matière de sécheresse. Soigneusement sélectionnées depuis le temps des récoltes précédentes, les croque-morts greniers pouvaient commencer l’enterrement de leurs victimes.

Un après-midi alors que les habitants s’occupaient à diverses activités et dans une complicité du silence, le ciel avait réuni de gros nuages noirs de toutes les formes. Un premier grondement se fit entendre et fut accueilli avec beaucoup d’enthousiasme. Puis une cacophonie de grondement tonna, résonna et fut entendue par intermittence par les villageois qui se mirent très vite dans un remue-ménage. On s’empressait et on courait dans tous les sens pour sauver tout ce qui pouvait être emporté ou endommagé par l’orage ou le violent vent de la crépusculaire averse. Les chèvres affolées courraient partout et dans tous les sens. De loin, un vieux à la barbe blanche, insensible aux mouvements de sauve-qui-peut, s’arrêta avec sa canne, scruta le ciel et déclara : « M’ba saaga, Wenna kon f sougri (Nous implorons ta clémence, chère pluie) » ; puis il continua sa route.

Un autre grondement encore plus menaçant et plus proche se fit entendre. Le vent en rage soudain rompit ses cordes et s’abattit sur tout Samôgohiri comme un épervier fondant sur sa proie. De grosses gouttes commencèrent à mouiller le sol, une à une, puis par centaines, par milliers. Le temps s’assombrit. Le ciel en quelques instants déversait sur la terre chaude de Samôgohiri des cordes liquides. Des éclairs zébraient tout le ciel. Le tonnerre grondait par intermittence. À chaque coup du tonnerre, les enfants dans les cases frémissaient. Ils s’agrippaient aux jarres, certains même se bouchaient les oreilles. Quant à leurs parents, en bon Sawadogo, ils étaient tranquilles. Les fétiches enfouis ou accrochés aux poutres des cases les protégeaient de toute attaque maléfique venue à la faveur de l’orage ou de tout autre contexte. L’orage dura une grande partie de la nuit, puis le ciel rendit les dernières trombes d’eau. Le matin au réveil, un spectacle désolant s’offrait aux regards : animaux emportés, toits de chaume envolés, sekos défaits, cases inondées... Tout était sens dessus dessous. Les feuilles des arbres, les pailles et les pagnes avaient été convoqués et traînés de force sur les branches de l’arbre à palabres, près du domicile du chef du village. Trottant devant sa cabane, les pieds dans la boue, un octogénaire fit le triste constat lui aussi puis, ironiquement cette fois, affirma : « Ayiwaa, mba saaga; Tond ka noor n poussid f ye ; Wenna reegué (Chère pluie, les mots nous manquent pour te remercier) ».

Quelque temps plus tôt, les habitants avaient déjà apprêté le nécessaire pour la relance des activités champêtres. Les animaux de trait (ânes, bœuf, chameaux…) avaient été soigneusement recherchés et ligotés par leurs propriétaires, les dabas et les semoirs apprêtés avec grand soin pour le début des semences. Afin de rompre avec les pratiques agricoles traditionnelles rudimentaires, de nouvelles techniques agricoles avaient été déjà initiées. La technique du zaï fut expérimentée. Aussi, l’engrais chimique fut remplacé par le fumier organique fait d’excréments d’animaux et de déchets de plantes ou d’arbres morts. Cependant, en dépit de toutes les précautions prises, la campagne agricole ne fut pas à la hauteur des attentes. L’espoir des paysans, consécutif à une pluviométrie longue et bien répartie dans l’espace, s’était transformé en cauchemar, car la saison pluviométrique n’avait duré que deux mois, au lieu de quatre mois et demi.

Gandaogo, sentant la situation de plus en plus insupportable, plia bagage à destination de Marouwa, un peu plus dans le sud-est de l’Afrique de l’Ouest, où il pleut abondamment.

Gandaogo alla s’installer à Marouwa, loin de son Samôgohiri natal. Il était d’avis que l’aventure même si elle n’arrive pas à rendre riche, elle éveille et change ta manière de percevoir le monde.

Le temps n’avait pas non plus épargné le sage Belemyêbré, un sage des notables et dignitaires descendants de Marouwa. Ses os à chaque génuflexion craquaient comme de branches mortes en proie à des flammes. Malgré l’expression de l’âge sur son corps et son visage à travers les rides repliées sur elles, il avait toujours gardé la foi et les bonnes habitudes. Cette foi s’était même endurcie et son œuvre de bienfaisance s’élargissait davantage. Il ne fallait surtout pas baisser les bras après tant d’hivernages de services dûment remplis, et lui rappelant une jeunesse des plus nostalgiques de sa vie d’antan. Il préparait son âme comme une semence afin qu’elle puisse être choisie et semée dans le Jardin de toutes les Contemplations, dans le haut lieu céleste sacré où se reposent Dieu le créateur, ses anges et les bonnes âmes. Les bonnes actions et les prières de la journée étaient au sage Belemyêbré ce que les cocoricos étaient aux jeunes coqs.

Le temps s’écoulait toujours, depuis l’arrivée de Gandaogo à Marouwa. On se tapa encore une nouvelle saison. On était entré de plain-pied dans les durs et pénibles travaux champêtres des plantations d’hévéa, de cocotiers et d’avocatiers. Comme à chaque hivernage, la famille de Gandaogo avait toujours la peur au ventre.

Installé dans ce campement loin de la terre natale de Samôgohiri, dix ans plus tôt, Gandaogo avait bénéficié de la sympathie de son père et était parti avec une très belle et jeune femme dynamique avec qui il a eu le plaisir de célébrer des noces. Avec la bénédiction de tous les membres proches et alliés de la famille, il avait pu, en l’espace de dix ans seulement, faire des gosses, grâce à la fertilité de Pagnangdé, sa ravissante épouse. Il avait pris le soin d’emmener avec lui dans le campement, toute sa famille.

Chapitre 2

Gandaogo avait bénéficié de l’hospitalité légendaire des habitants de Marouwa. L’autorisation lui avait été donnée d’exploiter et d’en faire sa propriété, un vaste domaine s’étendant à perte de vue dans la forêt classée de Koua. Cetteexploitation nécessitait une grande prudence du fait que la forêt hébergeait toutes sortes d’animaux sauvages et féroces tels que les serpents venimeux, les félins carnivores, etc. Grand travailleur, cultivateur et laboureur réputé, Gandaogo était insensible aux grosses épines des champs, qui étaient à peine visibles et qui l’interrompaient lorsqu’elles venaient à traverser les bottes de protection et le piquaient aux pieds. Même les cris des perroquets et autres gros rapaces tentant de l’intimider ne lui faisaient pas peur. Il s’acharnait à éventrer la forêt. En un temps deux mouvements, les herbes et les gros arbres présentaient leur racine au ciel, libérant un air frais sur le campement, faisant grand bien aux habitants. Gandaogo et sa famille venaient d’achever un travail entamé depuis un mois à peine. Tous les habitants étaient stupéfaits et louaient la bravoure de cette famille. Elle venait de montrer ainsi l’endurance des peuples de la zone ouest-africaine aux durs travaux champêtres, et surtout la rigueur avec laquelle, cette famille, venue de Samôgohiri dans la République du Baob Tenga, se livrait au travail.

En seulement huit années et neuf mois de création, le champ de Gandaogo fluctuait de toutes les spéculations : les cacaoyers, l’hévéa, les bananiers, les plantains, etc., tous présentaient l’éclat de leur floraison multicolore.

Lors des récoltes, Gandaogo bénéficia de la sympathie et de la solidarité de tout le campement. Le vaste champ d’une superficie de cent cinquante hectar fut récolté en seulement trois semaines. Les habitants s’étaient tous mobilisés pour prêter main-forte à leur hôte. Des centaines de véhicules venus acheter et acheminer les marchandises au port firent la queue pendant une dizaine de jours dans le champ en traversant Marouwa à la grande stupéfaction de ses habitants. C’était en effet, la première fois qu’ils voyaient un agriculteur faire un tel exploit.

Gandaogo bâtit fortune en l’espace de quelques années, après son installation dans cette ville prometteuse. Il passa de la misère à l’abondance. Sa prière avait donc été exaucée par les dieux et les ancêtres de son village.

Par ailleurs, sa femme Pagnangdé savait faire la bière de mil, communément appelée dolo, une boisson enivrante dont les habitants de son pays raffolaient. Elle avait appris à la préparer dès son jeune âge. Elle avait obtenu de son époux la permission d’installer une firme de production locale de dolo au grand bonheur des habitants de Marouwa.

Le « dolodrome » de Pagnangdé fourmillait de monde, créant un véritable tohu-bohu. En effet, en plus de savourer et d’admirer les délices de Pagnangdé, chacun voulait raconter ses aventures ou ses mésaventures récentes. À la droite de Pagnangdé la dolotière, était croupi un homme taciturne et mélancolique. De temps en temps, il ôtait son bonnet crasseux et se grattait la tête à s’arracher le cuir chevelu déjà décimé par une calvitie bien avancée. Comme lui, Pagnangdé se moquait bien des débats. Son seul souhait était de repartir à la fin de la journée les cruches de dolo vides et sa bourse pleine de piécettes de CFA. Elle avait à s’occuper de ses rejetons et à contribuer à la pérennisation de la fortune de son époux Gandaogo qui n’avait pas l’air généreux malgré sa fortune.

Enrichie et fortifiée depuis l’enfance par le yaandé maternel, Pagnangdé, en dépit de ses quarante-cinq hivernages, paraissait toujours adolescente, dynamique, belle et séduisante même sans se parer dans ses jolis pagnes et ses beaux bijoux. Elle souriait à tout le monde. Elle souriait même quand elle recevait des grossièretés de la part de ses clients aux yeux rouges, trop joyeux et excités. Elle ne se mettait jamais en colère, surtout pas, à son lieu de travail où certains clients, ivres de dolo et de dettes, lui lançaient des regards malicieux et des propos d’un badinage malsain. La beauté entremêlée à la sympathie de Pagnangdé faisait d’elle, un ange venu dans le campement de Marouwa au grand bonheur de ses habitants. Hommes, femmes, enfants et jeunes, tous étaient impressionnés et admiraient la charmante dolotière. Sa simple présence avait suffi à faire une bande de jalouses chez les femmes du campement. Celles-ci voyaient en elle la fosse du jour qui attirait leurs maris. Celle chez qui les hommes dépensaient leur fortune au détriment de leurs familles. Mais cela n’avait pas d’importance pour la jeune dolotière.

Gandaogo et sa famille vivaient le bonheur ou presque, car il ne leur manquait rien, et ils étaient bien intégrés dans cette ville, d’une autre civilisation, avec ses us et coutumes. La réussite de son époux dans ses plantations et son incapacité à gérer son économie ou à se contrôler, lui devinrent fatales en déclenchant la ruine, le désastre, la séparation de la famille. La réussite financière d’une femme au foyer est moins une pomme de discorde pour la stabilité de la famille que celle de l’homme quand son épouse l’a connu pauvre. La situation de Gandaogo confirmait l’adage « à réussite subite, ruine brusque ». Généralement, les gens se préoccupent plus du gain de l’argent que de son épargne ou de sa gestion. Gandaogo qui était un homme rangé, poli et courtois, devint depuis l’acquisition de la richesse, un homme impoli. Il se révéla dans les horreurs de la civilisation du monde moderne, le monde des plaisirs immondes et immodérés. Celui qui, autrefois, réfléchissait par la matière grise, ne réfléchissait plus désormais que par le bas ventre et les sens. Il s’adonnait sans réserve à la satisfaction de ses désirs charnels les plus fous.

Nuitamment ou en plein jour, pendant que sa femme se trouvait dans son dolodrôme (lieu de vente du dolo) en train d’esquiver et déjouer le plan des spécialistes dragueurs, Gandaogo se faisait passer pour le lapin insatiable du plaisir charnel avec de jeunes filles assoiffées d’argent, prêtes à ruiner et séparer des couples épanouis et heureux. Après avoir joué avec une pléthore de filles qui ne faisaient la queue que pour bouffer son argent, il prit une deuxième épouse, Vanessa, une étudiante qui faisait sa première année d’études universitaires en comptabilité.

Depuis l’atterrissage de Vanessa dans la famille de Gandaogo, les choses dégénérèrent en crise et prirent une tournure des plus drastiques. Le chef de famille n’avait plus le temps pour goûter à la cuisine de Pagnangdé. En dépit des efforts de dame Pagnangdé, la crise ne désamorçait pas. Pagnangdé faisait l’effort de porter à son homme beaucoup d’attention dans ses faits et gestes. Elle n’hésitait pas à lui faire son plat préféré : du bon foutou de manioc à la banane fraîche, sauce feuille accompagnée de viande sauvage. Et ce que Gandaogo dépensait pour avoir la compagnie des jeunes filles au-dehors, il le recevait avec tendresse et gracieusement de la mère de ses enfants. Il était bien servi à domicile. Malgré tout, il trouvait que le plat de Pagnangdé n’était pas bien couvert.