L'exilé sentimental - DEGO - E-Book

L'exilé sentimental E-Book

DEGO

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Beschreibung

Une jeune fille, maîtresse d’un haut fonctionnaire (un colonel proche du président de la république et qui occupe un grand poste à la présidence de la république), rencontre l’amour de sa vie, un jeune prisonnier incarcérer pour une fausse accusation, ils décident de fuir et aller fonder leur famille au loin. Avant de partir, Vladina laisse une note d’adieu au colonel. Celui-ci en sa qualité de colonel lance un défi contre lui-même et décide de retrouver sa Vladina bien-aimée et sans laquelle, sa vie n’aura plus de sens. La disparition du colonel a inquiété aussi bien sa famille que son service. Le temps passe sans nouvelles du colonel et qui à son tour ne retrouvera jamais sa maîtresse. Dans ses recherches, un agent à la présidence va confier à la femme du colonel que son mari serait parti en exil. Au retour du colonel, sa femme découvre la vérité et décide à son tour de quitter son mari. Le colonel se retrouve seul, déserte son service et se retrouve dans une vie incontrôlée jusqu’à ce que le président de la République soit intervenu en personne. Sa femme revenue, le président lui confia un nouveau poste ailleurs loin de la capitale.

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Veröffentlichungsjahr: 2023

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DEGO

L’EXILÉ SENTIMENTAL

PREMIÈRE PARTIE

Chapitre1

D’un seul mot, les Mouzakiens appellent ainsi un fonctionnaire de l’État et même un simple citadin en voyage dans son village d’origine : « le blanc-noir».

Pour les habitants de Nguiramone, le retour de la ville d’un fils du village fait la fierté de sa famille, peu importe le métier qu’il exerce en ville. La ville est considérée comme le véritable paradis terrestre, le lieu où il y a tout de bien, le confort et l’argent, sans oublier l’homme blanc, demi-dieu, détenteur de toute la magie capable de tout fabriquer.

Quand un fils du village revient de la ville, tout le monde veut le voir, lui dire bonjour, parler avec lui, chacun lui rappelant les liens de famille qui existent entre eux : je suis un descendant de la famille de ton grand-père, ce sont mes grands-parents qui ont mis au monde la femme de votre oncle, mon grand frère a épousé la cousine de votre maman … De cette façon, tout le monde vient se présenter auprès du voyageur, et on se rend compte que tout le village est presque familier. Certains ayant également un proche parent dans la même ville que le voyageur viennent se renseigner auprès du nouveau venu de leur dernière rencontre, de ce qu’il fait s’ils ne sont jamais bien informés sur ce dernier et parfois des biens qu’il possède déjà en ville. D’autres encore, n’ayant personne de très proche en ville, éprouvent parfois une jalousie, voire une haine de voir son voisin avec un enfant en ville, un « blanc-noir ». En ville, il y a le bonheur, la grandeur morale et sociale, la réussite, le paradis terrestre.

Ce matin-là, peu avant que la lueur de la journée apparaisse, un gros camion vrombit à la place publique du village pour marquer son arrêt. C’est là où les habitants de Nguiramone se retrouvent pour le petit marché du dimanche, mais aussi, où ils viennent attendre le camion du mercredi pour se rendre au marché de Mavoula, vendre des produits locaux (palmistes, huile de palme, banane, gibiers …) et acheter des produits de luxe (savon, sel, habits, poisson salé…).

De ce camion, un homme descendit. Cet homme solitaire était un fils du village. Il avait quitté le village avec le père Ebendeger de nationalité française depuis quinze ans. Après deux ans passés ensemble à l’école polytechnique de Saint-Pierre dans la capitale économique de Ntsama, où il suivait la filiale de menuiserie et maçonnerie, Mboudi s’était retrouvé abandonné à lui-même. Le pays venait d’obtenir son indépendance et le colonisateur avait donc été chassé de la quasi-totalité du secteur économique, la fonction publique aussi avait été nationalisée et remise à l’état.

Mboudi, ainsi que de nombreux autres enfants n’ayant personne en ville pour les soutenir après la nationalisation des écoles où tout devenait payant, s’est retrouvé à leur triste sort. Chacun devait donc suivre sa destinée.

Pendant treize ans, le jeune Mboudi s’était retrouvé ici et là pour exercer de petits métiers de survie. Il avait travaillé comme manœuvre au port de Ntsama, boy chauffeur dans une compagnie forestière de la place … Son dernier poste était celui d’aide-magasinier dans une cimenterie en montage par les Allemands dans la ville de Telou. Poste qu’il avait obtenu grâce aux cours d’arithmétique qu’il avait pris en plus de la menuiserie et maçonnerie. C’est à Telou qu’il a reçu un jour un télégramme de son frère Touza, ancien militaire dans l’armée française qui lui demandait de repartir au village s’occuper de leur papa malade qui vivait ses derniers moments. Mboudi avait beau refuser l’instruction de son frère, mais par insistance de ce dernier et par amour paternel aussi par rapport à la promesse de son frère aîné « tu ne mourras pas au village là-bas, je saurai que faire pour toi », il avait fini par accepter. Il abandonna ainsi son poste d’aide-magasinier pour retourner au village s’installer à côté de ses parents.

Le jeune blanc noir était vêtu d’un pantalon noir qui pouvait s’élargir d’environ trente-cinq centimètres autour des pieds. C’était la « patte d’éléphant », oui, la mode de l’époque. Les chaussures qu’ils portaient se faisaient voir à peine, car asphyxiées par le pendant du pantalon. Il avait enfilé une chemise à manches longues, couleur blanche tachetée de petites fleurs rouges et bleues. Sur sa tête était posé un chapeau de feutre noir. On dira qu’il était élégamment habillé, de formes agréables et suscitait de l’admiration.

Lasses d’avoir tant scintillé, les étoiles s’éteignirent. C’est en ce moment que les femmes, gourdes sur les têtes, se rendent au marigot puiser de l’eau pour la cuisson des mets matinaux. Très rapidement, comme d’habitude, les enfants, plus curieux que leurs parents entourèrent en premier le gros véhicule de marque Berlier et qui ne venait que tous les mercredis dans le village. C’était un rendez-vous hebdomadaire à ne pas manquer.

Ce jour, le village venait d’accueillir un « blanc-noir », Mboudi. Un fils du village qui avait passé quinze ans en ville. Il ne maîtrisait plus la géographie du village. Celui-ci avait beaucoup changé pendant son absence. Les petits enfants de son âge avaient grandi. Certains adultes avaient maintenant des têtes chenues et des visages ridés. Il ne reconnaissait pas les jeunes de moins de vingt ans. La construction avait beaucoup changé.

À quelques mètres de l’homme, une vielle femme en pagne, nus pieds, indifférente à la fraîcheur matinale, fixait le voyageur avec un air inquisiteur, sans doute allait-elle être la première à reconnaître l’homme. Cette femme n’était autre que sa tante Marguerite. Elle ne put contenir son doute.

–Bonjour fils, dit-elle.

–Bonjour tante Margueritte, répondit Mboudi qui l’avait également vite reconnu.

La sagesse kongo veut que toute personne âgée s’adressant à un inférieur le considère comme son fils, son frère cadet ou sa sœur cadette. Idem pour les inférieurs qui doivent toujours s’adresser aux supérieurs avec la même courtoisie.

Le salut de la tante Margueritte venait d’ouvrir tout un chapelet des salutations. Jeunes et vieux se bousculèrent pour saluer le voyageur. Pour les anciens, le check-hand était plus responsable qu’un simple bonjour.

–Oh, c’est notre fils Mboudi, il revient de Ntsama où il travaille depuis beaucoup d’années, commença à présenter tante Margueritte.

On pouvait entendre dans la foule certaines voix s’élever.

–Wohaa, qu’il a grandi, qu’il est devenu trèsbeau.

Mboudi reconnut certains amis d’enfance comme Elombe. Ce dernier l’aida même à porter sa troisième valise jusqu’au nouveau domicile de ses parents qui se trouvait maintenant de l’autre côté du village. La petite hutte dans laquelle il est né avait été emportée par un vent tropical de mars quelques années avant. Il fut accueilli par une très grande joie et empressement des siens. Mboudi n’avait qu’une sœur, Dalila. Elle avait grandi. Les parents également avaient beaucoup avancé en âge ce qui avait bien entendu impacté même leur physique.

La nouvelle de l’arrivée de Mboudi s’était très vite répandue dans le village. Le « blanc-noir » de la vieille Bimo et du vieux Souesse était venu. Tout le village voulait le voir et le saluer. Les plus proches parents attendaient impatiemment de recevoir qui un morceau de poisson salé, un savon, un sachet de sel ou un habit.

La préoccupation majeure des jeunes ndoumba (jeunes filles) du village, voire de certains anciens, était de savoir si le jeune Mboudi avait une femme. La meilleure façon de le savoir était le rapprochement. Sa sœur Dalila devenait par conséquent une porte sûre pour mieux s’informer du jeune citadin. Même les jeunes filles qui n’étaient pas trop proches d’elle commençaient à forcer les amitiés dans l’espoir de conquérir le cœur de son frère.

Les jours suivants, Mboudi commença très rapidement à recevoir des petits présents des jeunes filles de Nguiramone par le biais de sa sœur. Quelques-unes, trop impatientes, bénéficiant de la complicité de leur maman, souvent accompagnées de leurs cadettes, ne tardèrent pas à apporter elles-mêmes des petits présents à Mboudi.

Ce fut le cas de Ntsoko, une jeune fille de seize ans d’âge environ, teint sombre comme une jeune nuit, portant une robe d’un style bazar, couleur blanche tournant au jaune marron sous l’effet de la fumée des cases à la fois cuisine et dortoir, qui, accompagnée d’une gamine de six ans venait d’apporter à Mboudi dans une corbeille en liane un gros manioc avec un gigot de renard qu’elle avait cuisiné avec beaucoup d’attention et de tout son savoir-faire. Et elle profita ainsi de l’occasion pour glisser un petit message.

–C’est maman qui m’envoie te déposer ceci. Elle m’a dit que tu peux aussi passer nous rendre visite quand tu voudras.

–Merci beaucoup. Et comment t’appelles-tu ?

–Ntsoko, Ntsoko Ngoma, répondit-elle.

–C’est bien, dit à maman que je viendrai vous rendre visite un de ces jours.

Le phénomène perdura quelque temps sans réaction du jeune homme.

À Nguiramone, quand un homme dépasse la vingtaine d’âge, et une jeune fille la quinzaine, la préoccupation des parents devient le mariage. Car l’un et l’autre sont déjà censés être initiés dans les travaux champêtres et ménagers. Mboudi lui avait vingt-cinq ans et il n’était pas marié. Qu’il repartait en ville ou devait-il rester là au village, il lui fallait une femme. Son état inquiétait même ses propres parents. C’est ce qui obligea la vieille Bimo et le vieux Souesse à tenir conciliabule une nuit à une heure très avancée, pour parler de la situation de leur fils. C’était à une heure où la nature elle-même parle quand les êtres qui la peuplent se reposent. Il était une heure trente du matin quand le vieux Souesse qui s’était déjà séparé de lit avec sa femme se réveilla et réveilla celle-ci.

La vieille femme, un peu effrayée, reconnut la voix de son mari qui lui était bien familière durant les cinquante ans de leur mariage. Cette voix qui ne traduisait plus une complicité amoureuse comme ce fut le cas jadis à cette heure avancée de la nuit, mais plutôt une voix qui traduisait la profondeur de la sagesse d’un homme aussi avancé en âge et qui a vu ce village naître et grandir. Le vieux Souesse connaissait toutes les familles du village et aussi leurs problèmes. Il était même pouvons-nous imaginer, bien placé pour trouver une femme pour sonfils.

Chez les kongo, les personnes âgées, proches parents, doués d’expérience et de sagesse, doivent prendre l’initiative du mariage de leurs enfants.

La vieille Bimo se réveilla et activa son feu de bois qui ne s’éteignait presque jamais. Elle s’assit aux abords de son lit grabat, essuya ses yeux et couvrit son pagne.

–Bien, je t’écoute Souesse, déclara-t-elle.

–Oui, tu vois que notre fils est revenu vers nous, n’est-ce pas une grande joie ?

–Je suis très contente de revoir notrefils.

–Mais son état de célibataire m’inquiète. Regarde Bimo, je deviens malade, mes pieds sont déjà dans la tombe, mon grand souhait serait de le laisser avec une femme avant de rejoindre mon père et ma mère aux côtés de Dieu. Comme ça un jour s’il repartait en ville, il irait avec elle et ils feront beaucoup d’enfants.

–Telle que les choses se font depuis nos aïeux. Je consens avec toi. Dit la vieilleBimo.

–Alors, je suis en train de voir de jeunes Ndoumba défiler ici. Je connais leur but, mais mon fils doit marcher sur mespas.

–Bien sûr que les enfants doivent nous suivre, tel que nous ont laissés nos parents.

–Oh oui, quand je vois certains enfants d’aujourd’hui hausser leur voix devant les parents, voulant même imposer leur volonté aux parents, j’éprouve une telle rage et je ne m’empêche pas de penser que si cela m’arrivait un jour, je ne tarderai pas de remettre ce sang dans mon ventre.

En remuant sa tête en signe d’approbation, la vieille Bimo ramena son mari sur le sujet.

–Si nous pouvons revenir sur notre sujet.

–J’en venais exactement. Hier j’ai discuté avec mon ami Kingana, tu sais qu’il a une jeune poule chez lui, et tu sais quel genre d’ami il est pour moi. Si notre fils épousait sa fille, nous pourrions bien les garder et les surveiller nous même sans crainte.

À Nguiramone, la femme est appelée poule synonyme de procréatrice.

Le choix de la conjointe ou du conjoint se faisait jadis chez les kongo sous certains critères : famille travailleuse, danseuse, gentille, fidèle, intelligente, riche, mais aussi par affinités, amicales, surnaturelles…

En effet, des personnes parfois liées par des liens purement mystiques pouvaient s’entendre et décider du mariage de leurs enfants pour avoir un contrôle mystique de leur foyer. Il y avait aussi des mariages familiaux entre des cousins pour ne pas partager la richesse familiale ailleurs.

Souesse et Kingana étaient des amis et les raisons de ce mariage étaient nombreuses. La troisième personne à en parler était la vieilleBimo.

–Je vais en parler à notre fils dès demain. Dit enfin Souesse.

–Les enfants de Kingana sont de bons travailleurs. Ces filles sont le reflet vivant de leur maman. Ah voilà l’unique femme qui m’a bien rivalisé dans ce village. Tout a été en permanence chez elle quand nous étions des femmes. Il y avait de l’abondance, l’arachide était en permanence, le manioc demandait toujours des bouches supplémentaires à nourrir, ses légumes nourrissaient tout le village. En plus de cela, c’est une famille très gentille, une bonne famille que notre fils peut tranquillement intégrer.

–Tu ne connais pas cette famille mieux que moi. C’est juste le droit à l’information qui t’importait sinon, les problèmes de mes enfants, je les ai toujours arrangés avec plus de doigté moi-même.

Cette causerie tard dans la nuit concernait une affaire très importante. Quelques instants après, le sommeil les rattrapa respectivement et chacun regagna sonlit.

Mboudi venait de terminer sa toilette matinale quand soudain, une invitation délirante de son papa. Ce genre d’invitation inhabituelle dans Nguiramone souvent précède une séance d’initiation à de secrets profonds. Mboudi en avait déjà le pressentiment. De sa petite case d’à côté où il était logé, il ne tarda pas de rejoindre le vieux Souesse. Les deux entrèrent dans une pièce secrète de la grande case. C’était pour la première fois que Mboudi mettait pied dans cette pièce. Les deux s’installèrent sur des troncs de palmiers bien taillés. C’est alors que commença la causerie matinale entre père etfils.

Pour des sujets sérieux, les kongo doivent parler à leur progéniture tôt le matin. À l’aube, disent –ils, « les oreilles sont encore fraîches ». Les enfants sont donc très disposés à écouter quand les différentes exigences de la journée n’ont pas encore pesé sureux.

Le vieux Souesse avait ainsi choisi un bon moment pour parler à son fils. Mais il en avait fait quand même un moment exceptionnel, et il s’était exceptionnellement préparé. Il sortit un gigot de porc fumé accompagné de la banane mûre cuit à la vapeur. Un vieux couteau noir sans manches devait leur servir pour couper la viande.

–Mon fils, tous mes enfants vous avez toujours fait ma fierté dans ce village. Tu as grandi aujourd’hui et les aïeux ont fait que tu reviennes nous voir au village. Tu es déjà un homme capable de beaucoup de choses. Dit le vieux Souesse.

–C’est vrai Papa, renchérit Mboudi.

–C’est bien. Tu vois que dans tout le village, aucun garçon de ton âge n’est encore libre comme toi. Enfin je voulais dire qui n’a pas une compagne. Ta maman et moi avons souhaité que tu aies une jeune poule. Nous serons très contents. Qu’est-ce que tu en dis, hein ?

Le jeune le cœur battant réfléchi un peu et compris alors que son père qui avait arrêté de mâcher avait hâte de sa réponse. Il s’était rapproché de Mboudi pour mieux écouter sa réaction comme s’il avait un problème d’audition.

–J’espère que c’est un plaisir que je ne dois pas vous refuser. Répondit Mboudi.

–C’est très bien mon fils. Je savais que tu étais doué de bon sens. Ajoute encore le morceau de banane qui te regarde dans l’assiette là. Tu sais, j’ai même renouvelé notre commande d’hier. Et j’espère que le récolteur ne va pas tarder de venir. Tu vois mon fils, toute ma richesse est pour toi. Je vais à bientôt remettre de mon vivant la petite part des neveux et le reste te reviendra. Tu vois fiston, tu fais ma fierté dans tout le village et surtout quand je vais t’épouser une femme, mon respect va se multiplier dans le village et dans les villages voisins.

Un petit moment de silence s’établit entre eux, et le vieux renchaîna :

–Nous avons déjà tout arrangé avec ta maman et dès aujourd’hui, je vais en informer ton oncle Kimala pour qu’ensemble, nous préparions ton mariage. Enfin, c’est juste l’informer sinon le tout sera fait par moi-même.

Mboudi était un peu surpris par la phrase « nous avons déjà tout arrangé avec ta maman ». Arranger quoi ? se demanda-t-il. Il ne put contenir son questionnement et finit par en parler à son père ce que cela signifiait.

Le vieux Souesse se mit à l’expliquer avec un grand plaisir et avec de très jolis mots qu’il avait déjà trouvé une jeune fille pour lui telle que la tradition l’exige. Mais alors là, une jeune fille exceptionnelle pour son fils et qu’il s’étaient déjà entendu avec sa femme de même qu’avec les parents de la fille.

Mboudi sentit son cœur serré. Il connaissait bien la tradition, mais avait déjà brisé ce mythe durant ces nombreuses années passées en ville. Il avait déjà eu à plusieurs reprises la libre cour d’écouter son cœur, de choisir et de faire la cour à de nombreuses filles. Il croyait que c’est lui qui devait présenter sa future épouse à ses parents. Mais non, ici c’était encore le contraire tel que la tradition l’obligeait, ce sont ses parents qui allaient lui présenter sa future épouse. Tout d’un coup, l’image d’une jeune fille qu’il avait admirée la veille lors de la cérémonie de danse organisée à l’occasion de l’arrivée du grand chef cantonnier Ndol dans le village voisin de Ngaz, commença à traverser son esprit et à le préoccuper.

Il avait déjà la bouche amère, il s’arrêta de manger, fixant le sol et plongé dans une profonde réflexion sans tout de même attirer l’attention de sonpère.

Soudain, le récolteur de vin de palme arriva. Le vieux alla précipitamment à sa rencontre bien que dans un état fébrile, car il ne voulait pas que ce dernier pénètre dans la pièce secrète où se tenait la causerie entre le père et le fils. Ce déplacement de Papa, permis au jeune Mboudi de pousser encore loin sa réflexion. Après quelques minutes, Souesse revint avec une calebasse pleine de ce jus naturel tiré de la sève du palmier à huile. Il remplit aussitôt deux verres en argile et ensemble ils se mirent à siroter cette délicieuse boisson. Quelques instants, l’enfant traduit en langage le fruit de sa réflexion comme pour donner suite au message de sonpère.

–Tu m’as seulement devancé papa, dit-il. Je tenais à te faire part de ce projet de mariage. On m’a tout montré dans le rêve. Le grand-père qui était ton père et de qui je porte le nom m’a parlé dans le rêve. C’était vraiment une révélation, j’avais des yeux à moitié ouverts quand il me parlait. Habillé exactement tel qu’il nous a laissés quand j’avais 9ans.

Le vieux Souesse tressaillit. Il arrangea la position de ses fesses sur son bois. La peur des esprits des ancêtres se fit sentir, mais il retrouva vite sa conscience et demanda à son fils de vite lui porter au jour le message de son défuntpère.

–Accouche fiston, je sais que mon père n’est pas loin de nous. Il nous a toujours assistés dans les grandes décisions et a toujours participé au bien de la famille. Dis-moi, qu’est-ce qu’il t’a dit, papa ?

–Voilà, quand je dormais, le grand-père est venu me voir, habillé en pagne noir, torse nu, il m’a parlé de mon mariage et m’a même montré le visage de la future épouse. Une jeune fille du village de Ngaz. Le grand-père a insisté qu’il faille que j’aille rentrer dans cette maison.

–Pour l’amour du ciel, il t’a même montré la maison que nous devons aller frapper ?

–Exactement papa. Et je me suis rappelé le visage de la jeune fille, car je l’ai vu hier quand nous sommes allés assister à la cérémonie de danse àNgaz.

Le vieux Souesse se sentit comme un déporté dans un Nouveau Monde. Pour la première fois de sa vie, il risquait de perdre le contrôle d’une importante affaire de famille, surtout devant un inférieur, son fils. Mais par peur et pour le respect des esprits des aïeux, il allait se soumettre à la révélation de son fils, faite par les esprits des défunts, surtout celui de son défuntpapa.

–J’ai toujours exaucé les vœux des esprits des défunts. Mon papa est avec toi. Dis-moi de qui il s’agit et j’irai moi-même demander la main de cette jeune fille.

–Non papa, je préfère faire moi-même les premiers pas pour respecter sa volonté, car c’est la recommandation qu’il m’a faite.

–Ah bon (il se gratta la tête avant de poursuivre), alors là, va donc vite demander la main de la jeune fille, et nous nous joindrons le plus rapidement que possible.

–Mercipapa.

Mboudi avait-il fait ce songe prémonitoire ou voulait-il simplement trouver lui-même sa future épouse ?

Chapitre2

Pamela était une fille exceptionnellement belle et admirable. Elle rayonnait encore de jeunesse, seize ans d’âge environ. Elle avait une chevelure et des yeux nocturnes, un corps d’une souplesse de serpent, un charme qui devait toujours faire succomber dès le premier croisement, des petits pieds potelés, elle était de petite taille des peuples de la forêt. Pamela vivait avec ses parents dans le petit village de Ngaz depuis sa naissance. Elle n’avait jamais quitté ce village même pour quelques heures et ne s’était jamais déplacée à plus de trente kilomètres de Ngaz, même pour un aller et retour. Elle n’est pas allée à l’école et son horizon culturel était très limité. Pamela était une fille née d’une pauvre famille de quatre personnes : son papa Mboko, aveugle de son état, sa maman Jacqueline Boundembou, son frère Moss alors étudiant à l’école normale de Mavoula etelle.

Maman Jacqueline Boundembou est née d’une maman esclave qui revenait de loin. Elle avait été achetée par un riche propriétaire foncier. J. Boudembou est née seule, elle n’avait ni sœur, ni frère et n’avait pas de véritable famille issue d’un même arbre.

Peu avant la mort de sa mère, son père mourut beaucoup d’années avant, elle s’était mariée à Mboko, originaire de ce même village. Jacqueline Boundembou s’était donc réduite au sujet de son mari. Ses seuls parents devenaient ses amis. Elle avait perdu ses huit premiers enfants. Aucun n’atteignait la quinzaine. Jacqueline Boundembou était donc une femme malheureuse dans son état d’âme. Seuls ses deux enfants et son mari essayaient de lui rendre la joie de vivre.

Cette femme était en deuil éternel, elle pleurait tous les matins avant d’aller aux champs dans sa case en mémoire de tous ses enfants perdus, de sa condition sociale, mais aussi de sa peur de perdre encore l’un de ces trésors. Chaque fois que la mort frappait son enfant, la veillée mortuaire pour elle ne durait que quelques deux à trois jours après les obsèques, car n’ayant personne de proche pouvant la soutenir, la fatigue et la faim assommaient la pauvre femme, elle était donc obligée de prendre son panier pour se rendre aux champs aller chercher quelques vivres. On ne pouvait donc imaginer la misère dans laquelle vivait cette femme.

Bien que mariée à Mboko, ce dernier était devenu aveugle dès les premières années de leur mariage.

En effet, le vieux Mboko avait eu un accident de travail qui l’avait rendu progressivement aveugle au fil du temps. Ce fut un jour, il était en train de couper un régime de noix de palme qu’une épine l’écorcha l’œil gauche. À cette époque où la médecine moderne faisait ses premiers pas surtout dans ces zones traditionnelles, il n’avait pas pu soigner traditionnellement l’œil malade et qui avait fini par ronger le bon. Mboko s’est donc retrouvé aveugle avant la trentaine. Ne pouvant plus voir, il ne pouvait plus subvenir aux besoins de sa famille. Des circonstances durant lesquelles l’homme perd son véritable rôle de chef de famille, voire la joie de vivre.

On pouvait également voir que le vieux Mboko avait été négligé par sa famille deux ans seulement après son pénible accident, l’accusant de sorcier responsable de la malédiction d’une nièce qui avait des difficultés de conception. Tous les charlatans consultés, dit on l’auraient déterminé et accusé de coupable. De ce fait, aucun membre de sa famille ne voulait plus s’approcher de lui. Les plus ennuyeux avaient même tenté de l’empoisonner. Tentative échouée à plusieurs reprises.

Pour avoir un peu d’argent, le vieux Mboko rendait quelques services qui méritaient récompense. Il pouvait par exemple décortiquer un sac d’arachides et recevoir au retour une bagatelle de 100 francs XAF. Certains habitants du village également en partant aux champs pouvaient venir laisser leurs petits enfants chez lui et les parents revenus de la brousse pouvaient le récompenser à travers un verre de vin de palme ou un morceau de gibier qui pouvait bien couvrir ce jour, les besoins de sa famille. Bien entendu, Mboko était également un grand batteur de tam-tam. Son rythme n’avait aucun concourant dans toute la contrée. Il était par conséquent le batteur le plus consulté lors de toutes les cérémonies organisées dans la contrée (danses ordinaires, retrait de deuil, rencontre d’un grand chef, mais aussi de traitement des malades par les sorciers guérisseurs). C’est de cette façon qu’il gagnait un peu d’argent dans sa vie, ainsi que quelques présents. Avec cet argent, il pouvait contribuer tant bien que mal au bien être de sa famille et surtout s’occuper de la scolarité de son fils Moss. Fils qu’il avait toujours souhaité devenir un fonctionnaire de l’état et s’occuper surtout de sa sœur Pamela.

Mboko était un grand plaisantin. Tout visiteur chez lui sortait avec un visage ouvert. Il aimait entendre le rire. Mboko avait le sens de l’humour et il aimait partager son petit butin quand il en avait l’occasion.

Le vieux Mboko aimait aussi s’entretenir avec sa famille souvent la nuit avant le coucher, ou tôt le matin avant de sortir. Il ne cessait de regretter son état. C’est ce qu’on pouvait comprendre quand un jour il s’adressa à son fils en ces termes :

–Moss, mon fils, je te vois grandir dans mon esprit seulement, hélas, pas avec mes yeux. Je suis aveugle et je suis dans la lumière, mais vous êtes dans le noir, dans l’obscurité. Je n’ai plus qu’une fausse image de la réalité, je sais. Je ne me déplace plus à ma volonté, je suis haï par ma famille. Si j’avais ma vue, je me foutrais de tout cela et je pouvais bien les défier. Mais je ne les vois pas. Comment me battre avec un ennemi invisible. Mais j’ai confiance en Dieu, c’est lui seul qui nous garantit le souffle de vie. Alors mon fils, le plus grand plaisir qui me reste à vivre sur cette terre, c’est de te voir réussir à l’école et devenir fonctionnaire de l’état et à ta sœur, d’avoir un jour un bon mari capable d’assurer sa protection, ainsi que celle de ses enfants. De cette façon, mon nom s’éternisera à travers vous deux. Et je serai très heureux jusqu’au fond de ma tombe.

–Je te comprends papa et je te donne ma parole que je te ferai vivre ce plaisir. Je termine ma formation dans deux ans et je serai fonctionnaire.

Le vieux Mboko savait qu’après leur mort, lui et sa femme Jacqueline Boudembou, leurs deux enfants deviendraient ainsi deux fretins perdus dans la vague. Il ne savait pas à qui les laisser étant donné que lui-même était déjà haï par sa famille, et que sa femme descendante d’une maman esclave s’était réduite à son seul sujet. Alors, pour lui, Moss fonctionnaire et Pamela dans un bon foyer, le tour serait joué d’avance et le vieux Mboko le savait, voilà pourquoi il priait nuit et jour pourça.

Moss, ce jeune homme de teint sombre, taille moyenne avec une tête de noisette dont on croirait une boule déposée sur ses épaules, était en deuxième année de formation à l’école normale de Mavoula. Dans deux ans, s’il s’admettait, il allait devenir instituteur. Bien sûr que c’était un garçon très intelligent. Il n’avait jamais redoublé une seule classe durant toutes ses années déjà passées sur le banc de l’école. Mais socialement, il avait quand même un caractère répulsif. En lui, malgré la gentillesse de ses parents, se cachait une personnalité dangereuse. Et oui, il y avait des signes précurseurs d’un enfant égoïste, irresponsable et à vrai dire un peu satanique. C’est ce que ressortit

Jacqueline Boundembou qui, malgré sa joie d’avoir ses deux enfants en vie, déclara un jour à Pamela :

–Pamela ma fille, même si je n’étais plus de ce monde, il ne faudra pas accepter un jour que ton enfant aille vivre avec ton frère loin de toi. Derrière moi, s’il te donne quelque chose, accepte, mais pas lui permettre de rester avec un enfant de toi et surtout pas loin detoi.

La famille pour Moss n’était qu’un groupe de gens avec qui l’on faisait chemin ensemble. Et chacun était libre de changer son chemin à volonté. Il ne prouvait pas vraiment cet amour fraternel envers sa sœur Pamela ainsi qu’envers ses parents. Sa maman le lisait et le savait. Mais son père, lui, aveugle, ne pouvait pas en savoir autant. Certains jours, il rentrait même en contradiction avec sa femme au sujet du jeune garçon.

Moss croyait même un jour quitter cette pauvre et misérable famille pour en intégrer une autre plus aisée et plus riche. Il n’était pas fier de ce qu’il était, sa réalité, sa famille. Il ne l’aimait pas et ne voulait jamais que sa famille tire profit de la moindre goutte de sueur de ses efforts.

Après une partie de pêche par exemple, il passait droit avec sa gibecière pleine de poissons chez ses amis, et c’est là-bas qu’ils préparaient tout le butin et mangeaient tout. Drôle de garçon.

Chapitre3

Ce dimanche matin, le village est animé. Tout le monde semble content de ce jour de repos. La joie est au rendez-vous dans tous les visages.

Un petit garçon de douze ans de l’autre côté du village se dirige droit en direction de la case du vieux Mboko. Il est sans doute porteur d’un message. À quelques mètres de la case, l’enfant s’arrêta. Il n’attendit pas longtemps, aperçut Pamela qui sortait de cette case avec un panier d’ordures qu’elle partait vider derrière la case. Le garçon se positionna mieux. À son retour, il interpella la jeune fille. Celle-ci s’arrêta à quelques mètres du garçon.

–Quoi, c’est ta sœur Toula qui t’envoie ? Viens Gaston, qu’est-ce qu’elle adit ?

Toula était amie de Pamela. Elles s’amusaient ensemble depuis des années et faisaient même des petits travaux ensemble. Mais ce jour, Toula n’avait rien à avoir avec la présence du jeune garçon. Il avait caché quelque chose derrière son dos, lui-même s’étant replié derrière la case voisine pour éviter d’attirer l’attention des voisins. Il supplia la jeune fille d’avancer.

–Regarde, dit le garçon en tendant une photo à Pamela. C’est notre oncle, il s’appelle Mboudi, il revient de Ntsama où il a passé beaucoup d’années. Il t’a vu le jour de la fête. Il veut t’épouser et viendra te voir. Va montrer cette photo à tes parents.

La jeune fille commença à trembler. Les larmes débordèrent ses yeux. Elle était peut-être heureuse de la nouvelle, mais elle n’avait jamais parlé amour de sa vie. Surtout pas avec un homme. Pamela était toujours attachée à sa maman.

–Apporte cette photo à ma maman toi-même s’il te plaît. Répondit-elle.

–Non, c’est à toi de l’apporter.

–Je t’en supplie, je ne peux pas. Mais sache-le que si tu le faisais pour moi je te donnerais un gros cadeau.

–Et de quel cadeau s’agit-il ?

–Je te donnerai des œufs de poule.

–D’accord je viensavec.

Pamela courut en premier dans la case, elle alla droit au lit, commença à pleurer sans pour autant attirer l’attention de ses parents.

Quelques minutes, Gaston apparu, il salua avec courtoisie le vieux Mboko et la vieille Jacqueline Boundembou, Moss était absent.

Les parents ont une drôle d’intuition quand ils reçoivent des visiteurs chez eux. À l’arrivée de Gaston, J. Boundembou eut le pressentiment qu’elle allait entendre une histoire liée à sa fille Pamela. Elle fixa le garçon et retourna son visage vers sa Pamela qui à son tour avait le visage contre le mur. Son intuition tomba à pic quand sans une autre formule introductive, le gamin tendit une photo à la vieille femme.

–Qui est-ce ? demanda J. Boudembou.

–Tu m’as dit que c’était Gaston, intervint Mboko. Quoi, ils sont venus à deux et tu ne me l’as pas présenté

–Non, il est àseul.

–Mais de qui parles-tu encore ?

–Une photo. Une photo d’un jeune homme.

–Quoi, une photo d’un garçon ?

Le vieux Mboko qui était allongé dans un lit d’à côté se réveilla en sursaut comme un soldat en position d’attaque. Il appela le gamin plus proche delui.

–Viens avec cette photo par ici, l’oncle Nkari. Viens t’asseoir à mes côtés.

Il l’appela ainsi par ce que le garçon portait le même nom de famille de son défunt oncle.

Le garçon un peu peureux se dirigea proche du vieil homme qui avait la main tendue pour le recevoir et saisir la photo dans sa main. On dirait que ce dernier était comblé de la nouvelle qu’il venait d’entendre sans même savoir de qui était cette photo.

En tenant le garçon dans ses bras, le vieux Mboko déclara :

–Si je crois à mes oreilles, je viens d’entendre quelque chose là de très sérieux. Alors, explique à ton neveu de quoi il s’agit. Tu sais que tu es mon oncle ?

Le garçon sourit avant de répondre

–Oui grand-père

–Oh, appelle-moineveu

–Oui neveu,

–Bien, je t’écoute l’oncleNkari

–Bon, voilà, il s’agit de notre oncle Mboudi, l’enfant du vieux Souesse de Nguiramone qui habite à Ntsama. Il a envoyé cette photo et voulait épouser Pamela. Il m’a donc demandé de vous informer qu’il souhaitera venir vous voir lui-même.

–Tu es très sage oncle. Montre-moi cette photo.

Le garçon tendit la photo au vieil homme. Bien qu’aveugle, le vieux Mboko voulait la toucher de ses propres mains, la sentir. Oh, combien voulait-il en avoir le cœur net sur cette nouvelle dominicaine.

Dès qu’il prit la photo dans ses mains, un large sourire illumina son visage boursouflé.

–Comment trouves-tu ce jeune homme, Jacquie, demanda-t-il à sa femme ?

–Véritable blanc-noir, oh mon rêve va à bientôt devenir réalité. Oh, Pamela, ma fille, un blanc-noir. Ma fille est sollicitée, et je sais qu’elle va se marier, merci, Seigneur…

–Silence à toi. Surtout, ne parle plus de ça. Ce problème me concerne personnellement. Je ne voudrais pas que les gens de ce village soient informés avant le jour J. Bien, est-ce que tu as déjà réchauffé la marmite d’hier.

–C’est ce que je viens de faire.

–Bien, n’attends plus que je te demande de nous servir avec mon oncle Nkari.

C’était un bouillon de courge qui allait accompagner cette causerie matinale entre vieux et enfant. Et pendant que le duo partageait le repas, ils bavardaient.

–Écoute l’oncle Nkari, va dire à ton oncle qu’il n’y a aucun problème de mon côté. Nous vous attendons le plus tôt que possible, ce soir si vous voulez bien, demain matin ou quand vous voudrez, enfin ce soir d’ailleurs ça serait l’idéal. Tu comprends, ce sont les humains qui dorment, les problèmes eux il ne faut pas les faire dormir, sinon le malin génie est là pour toujours détourner les bonnes choses dans lanuit.

–Oui, grand-père, dit le garçon. Je vais transmettre le message.

À la fin du repas, et à la demande du vieux Mboko, Jacqueline Boundembou remit quelques doigts de banane plantain au petit garçon.

–C’est quand même un signe qui va témoigner que tu es arrivé chez des gens. Dit la vieille femme.

–Merci grande mère, répondit le petit.

Le garçon sorti en courant, traduisant sa joie. Derrière, le vieux Mboko appela sa femme pour tenir conciliabule.

–Jacquie, Jacquie,

–Me voici mon grand,

–Bien, nous devons nous préparer pour recevoir ces étrangers qu’on ne sait pas exactement quand ils vont arriver. Écoute, passe-moi ma corbeille des esprits. Et où est Pamela ?

–Me voici Papa, répondit la fille qui avait rapidement essuyé ses larmes.

–Appelle-moi ton frère Moss le plus rapidement possible.

Le vieux Mboko ouvrit sa corbeille des esprits, il prononça quelques paroles magiques avant d’y plonger sa main et en retira quelques pièces de monnaie de son contenu avant de le refermer. Il demanda à sa femme de le remettre à son endroit habituel.

Les anciens Kongo avaient toujours chacun une corbeille magique (corbeille des esprits) et dans cette corbeille, il devait être la seule personne à y mettre la main parce que là-dedans se trouvaient ses esprits protecteurs et personnels. Ces esprits sont non seulement ses protecteurs, mais aussi ses porte-bonheur. Et une main étrangère dans cette corbeille serait attaquée par ces esprits et donc maudite. Dans cette corbeille, le propriétaire pouvait cacher même ses biens les plus précieux comme l’argent.

Le vieux Mboko devait par conséquent se préparer en tant que chef de famille pour la réception de ces personnes. Il avait des tâches à distribuer à tout le monde. Soudain, Moss et Pamela arrivèrent.

–Je suis là, Papa, s’annonça Moss. Pamela était partie s’asseoir à côté de sa maman.

–Ah, c’est bien. Mais toi tu n’es jamais sur place ici à la maison, tu te promènes trop toi. Même le jour que les bonnes choses vont arriver dans cette maison, tu seras toujours dehors. Approche ici, où es-tu ?

–Tout juste devant toi,papa.

–Approche, tiens cet argent et va me faire une commande de quatre litres de vin de ntsamba

(vin de palme). Et au retour tu viendras égorger le plus gros coq de notre petite ferme. Faisvite.

–Qu’y a-t-il, papa, avons-nous reçu un étranger ou quoi ?

–Fais-toi ma volonté et vite, tu sauras tout ce soir si Dieu leveut.

Moss se retourna vers sa maman avec un air inquisiteur. Celle-ci lui fit signe de s’exécuter.

Le vieux Mboko changea de position pour parler à sa femme.

–Bien quant à toi Jacquie, j’espère que nous n’avons plus de banane, prend le panier et court vite dans la plantation d’à côté chercher un régime de bananes.

–C’est compris, Pamela va m’accompagner

–Non, va seule, elle a autre chose à me faireici.

La vieille femme sans chercher à savoir quelle serait la mission de sa fille s’enalla.

Derrière, le vieux Mboko ordonna à sa fille de pousser la porte de la case et de s’approcher de lui afin de lui souffler quelques paroles sacrées, paroles de vie d’un papa à sa fille bien-aimée.

–Pamela ma fille dit-il en la serrant dans ses bras, Dieu a écouté mes prières, tu feras ma fierté dans ce village et dans les villages environnants. Il n’y a rien d’extraordinaire et je sais que tu as un cœur, et un véritable. Tu feras un bon foyer. Moi ton père je te donne toute la bénédiction pour que les choses se passent bien. Mes esprits également sont avec toi. Et il lui donna un baisé frontal avant de poursuivre : est-ce que ta robe que nous avons payée il y a deux marchés est propre ?

–Oui, papa, je l’ai portée une fois seulement.

–Il faut encore la vérifier. C’est cette robe que tu vas porter ce soir. Je sais qu’ils vont venir ce soir. Ce garçon est un homme. Il est issu d’une famille respectueuse. C’est un véritable « blanc-noir ». De toutes les façons tu as vu la photonon ?

–Oui, papa, je l’aivue.