L’inconnue du 82 - Jean-François Devars du Mayne - E-Book

L’inconnue du 82 E-Book

Jean-François Devars du Mayne

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Beschreibung

L’inconnue du 82 dévoile une rencontre qui bouleverse tout. Ce roman raconte le parcours chaotique d’un collégien en difficulté, dont la vie change grâce à la présence rassurante et charmante d’une compagne de voyage adolescente. Sa bienveillance douce et troublante réveille la confiance de ce jeune homme qui se croyait peu aimé.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Au seuil de sa carrière de professeur de médecine, Jean-François Devars du Mayne revisite les doutes et les expériences de son passé en les mettant par écrit. Il replonge dans ses années de collège, une période marquante qu’il explore dans "L’inconnue du 82".

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Seitenzahl: 73

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Jean-François

Devars du Mayne

L’inconnue du 82

Roman

© Lys Bleu Éditions – Jean-François Devars du Mayne

ISBN : 979-10-422-4262-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

1er octobre

Entrée en 6e ! Un rite de passage dans un ailleurs inconnu, bien mystérieux, bien loin de mon petit chez moi ! Pire que le passage du Rhin…

Je n’ai vraiment rien d’un César franchissant le Rubicon et marchant sur Rome. J’ai certes la couleur de ce fleuve avec le froid qui commence. Mais pas vraiment un moral de vainqueur !

J’attends le bus censé m’amener dans ce monde nouveau du collège… Le fil d’Ariane qui me ramènera ce soir chez les miens. Je ploie déjà sous mon nouveau cartable, un premier cartable en cuir garanti « bon marché » ! Encore à moitié vide… Saleté de scoliose à convexité gauche. Trois ans de gymnastique corrective n’ont fait que m’humilier. La faute au lait Guigoz, mauvais succédané du lait de vache introuvable après-guerre. Et j’en suis un enfant…

Et les compléments de lait « Mendés France » sont arrivés trop tard pour moi ; pourtant j’avais souvent une double ration en récompense de mes dictées sans faute. L’impression d’être certes un peu falot, mais pas racho quand même. « Je vais m’en sortir. »

Les mises en garde sur « le collège » n’ont fait que pleuvoir tout l’été, ternissant mes vacances : nouveaux profs, nouvelles matières, nouvelles règles, nouveaux lieux ; et mention spéciale pour ce qu’on appelle « l’emploi du temps »… Sans compter un « lâcher du lest désormais » de mon père, pas bien compris par ma mère ; et que j’ai ressenti comme une menace, d’abandon ? Mais on me dit que l’éducation engendre la confiance ; alors à cœur vaillant…

Et ce bus qui n’arrive pas… Un rythme toutes les vingt minutes d’après ma mère et son enquête de prérentrée ! Car si elle n’a pas voulu m’accompagner ce matin, elle a déjà tout repéré de mon trajet : « À toi de jouer mon grand. » Un sanglot dans la voix en mettant mon écharpe. Une protection maternelle et infantile que je suis bien disposé à rapidement faire semblant d’avoir oubliée dans le tréfonds d’une classe. Comme une défense dérisoire désormais, un doudou transitionnel dépassé… De fait, un vrai licou !

Pas le droit de manquer un bus ! Sinon gare au retard et au collège, c’est la retenue. Le temps d’une micro-constipation et… c’est la punition. Je sens que je vais apprendre vite à « passer mon tour » ! Car on parle même de colles !

Une honte qui colle à la peau, qui comme un chewing-gum vous reste entre les doigts. Ce ne serait pas bien pour un aîné censé donner l’exemple. Mais aucune nécessité d’être un modèle. Car je revendique la possibilité de me tromper ! Encore plus ce matin plein d’incertitudes, ou je quitte mon quartier d’enfance, mes amis, mon école élémentaire ; pour un monde inconnu, imprévisible et peut-être dangereux. Et tout le monde, je crois, a peur de l’inconnu. J’ai vraiment froid, « le grand vent d’automne » comme dans la récitation.

Ouf ! Le bus arrive enfin : je le vois passant devant l’école Militaire. Un monde à part, que celui-ci de ces jeunes embrigadés bientôt envoyés à la guerre pour un autre destin. Car si mes parents n’en parlent pas, notre maître d’école l’a évoqué, cette guerre, sans vraiment nous l’expliquer ; il nous a parlé de rétablissement de l’ordre ! Or les gros titres de France Soir sont souvent sur cette Algérie… et sur des massacres, des rebelles, une révolution, une indépendance ? Mais pourquoi ce pays, et pourquoi la France ? Pas de télévision chez nous. Un poste de TSF où nous écoutons un soir par semaine, tous autour de la table, réunis avec notre père, l’émission « quitte ou double ». Loin du bruit et de la fureur de la bataille d’Alger.

J’espère qu’au collège ce ne sera pas « quitte ou redouble ». Non, je préfère tout humble que je suis, affronter le danger. Humble, mais pas modeste ! N’ai-je pas toujours été dans les premiers de la classe ; certes pas le préféré des enseignants de mon école primaire ! Barré par le fils d’un enseignant lui-même, pas le meilleur d’entre nous selon moi ! Un quasi-usurpateur, auquel je cassai une dent de devant par un shoot vengeur… bien sûr par inadvertance ! Heureusement pour une dent de lait, pas de conséquences financières pour mes parents… Mais une convocation par maître Coudroy, hardi défenseur de son hypocrite de fiston, et bientôt… responsable de ma chute de plus de cinq places au classement général de fin d’année ! Une injustice qui faillit menacer mon passage dans le collège de mon choix… « Quel Tartuffe ; le pauvre homme », cria mon père : un propos bien définitif traduisant son courroux, propos que je ne compris pas mais qu’aussitôt j’adoptais pour qualifier des expériences passées et… d’autres à venir. Seule compensation : je ne vis plus le fils de ce hussard de la République rigoler à pleines dents !

Et surtout, j’aimais cette solidarité paternelle, rare preuve d’un amour si discret que j’en ai toujours douté… Loin du « tu seras un homme, mon fils » affiché dans la chambre de mon ami Jean Pierre ! Pudeur, discrétion, retenue, je ne sais… Et le saurai-je jamais ?

« En voiture Simone » ! Et je monte non dans un bus à plateforme, mais un bus à portes automatiques. Adieu la décapotable, bonjour le poulailler. Je suis fier de montrer au contrôleur ma carte d’abonné trois sections, plastifiée par ma mère ; un peu moins lorsqu’il me demande ma carte « famille nombreuse ».

Car c’est la raison pour laquelle mes cousins appellent la voiture de mon père « le mini bus ». Une réduction de 40 cents… Comme pour les invalides de guerre qui montent au premier arrêt devant le tombeau de Napoléon. Mais pourquoi « familles nombreuses et invalides de guerre » sont-ils des handicaps jugés se valoir par la nation ? Non, là j’exagère : pas envie de me faire plaindre. C’est à ma pauvre mère que je pense ; l’a-t-elle voulu cette marmaille, l’a-t-elle vraiment souhaité ? L’aîné que je suis a sans doute été désiré. Mais pour mes deux sœurs nées à moins d’un an d’intervalle ? Quand je vois la joie feinte de mes tantes accueillant qui leur quatrième, qui leur cinquième rejeton, cela me fait froid dans le dos ! Un sérieux handicap celui-là pour l’avenir de ces chérubins de cousins… Mais je leur souhaite d’en faire une vraie force de vie. Comme je le fais ce matin, en route vers mon collège ! D’autant que le bus dépasse la rue Éblé, la rue de mon école maternelle et la rue Duquesne de mon école primaire ; j’en ai fini avec ma zone de confort. Ma mère ne m’y attendra plus avec mon goûter dans son sac ! Plus de parties de foot sur les pelouses de l’avenue de Breteuil ! Plus d’achat de rouleaux de réglisse à la Boutique de la mère Mérot et ses caramels à un centime ! Plus d’échange de billes avec les petits cathos de l’école religieuse d’en face, trop naïfs pour notre bande communale sans scrupules.

Dommage, car point de jalousie envers eux ; une pure mesure de justice sociale à la Robin des Bois… Pas de quoi en confesser un péché !

Station Duroc ! Pas très rock’n’roll comme appellation. Je crois avoir entendu parler du coup du roque aux échecs ! « Le coup du roi », disait mon oncle, qui prétendait pouvoir initier même des gamins de 4 ans, pas des boutonneux de mon espèce ! Et si se jouait désormais une partie d’échecs !

Qui sera mon adversaire sinon le destin de ma vie ? mais ne peut-on le refuser, ce destin ? N’est-ce pas le caractère, le tempérament qui peuvent le faire fléchir ? Et le destin est certes une question de choix, mais aussi de chance. Et la chance arriva par la porte automatique du milieu du bus ! Une grande brune d’environ 16 - 17 ans, cheveux courts à la garçonne, cachant ses formes sous un imperméable type trench-coat. Et un regard noir, perçant sûr de lui, mais bienveillant et ouvert sur tout.

Je me recroquevillais alors sur mon cartable de cuir, blotti sur mes genoux. Mais j’avais trouvé la Reine de mon jeu d’échecs, ma Dame de cœur, ma chance ; du moins jusqu’à la sonnerie de 8 heures…