L’infamie divine - Martin Jolliot - E-Book

L’infamie divine E-Book

Martin Jolliot

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Beschreibung

À la suite d'une prédiction céleste, plusieurs jeunes se font embarquer dans un conflit orchestré par une entité divine aux desseins flous. Plongés dans un affrontement remuant profondément leurs convictions morales, ils suivent un élu dans une aventure dont l'issue est incertaine...


À PROPOS DE L'AUTEUR


La passion de Martin Jolliot pour l’écriture provient de sa mère, une auteure férue de littérature. Il écrit pour exprimer ses sentiments et sa fascination pour les œuvres fantastiques.

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Seitenzahl: 263

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Martin Jolliot

L’infamie divine

Roman

© Lys Bleu Éditions – Martin Jolliot

ISBN : 979-10-377-7843-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Pour Frédéric

Chapitre 1

Il adorait ce sentiment. De ses pieds jusqu’à sa tête, son corps était régulièrement parcouru de petits frissons. Ses mains étaient moites. Son estomac était noué. Mais il adorait ça. Un des deux gardes à côté de lui mit sa lance dans le dos pour le faire avancer, tandis que l’autre garde poussait la grande porte.

La vaste salle fit face à l’enfant, et comme d’habitude elle était partiellement plongée dans l’obscurité pour masquer le public, seul le centre de la pièce était éclairé. Il s’agissait d’une arène, illuminée par seulement quelques lustres suspendus au plafond. La porte d’en face, située à une quinzaine de mètres, était elle aussi ouverte. On y devinait la silhouette de l’adversaire du jeune garçon. Il avait lui aussi plus d’une dizaine d’années, et son corps à lui aussi tremblait, mais pour une raison différente : il était effrayé. Une peur viscérale s’était emparée de lui, ses jambes étaient toutes flageolantes et son regard fuyant. Sa petite tête blonde était couverte de sueur, et sa bouche entrouverte de peur. Sûrement, était-ce son premier combat ?

L’autre garçon savait que lui aussi pourrait potentiellement mourir d’ici quelques instants, mais l’adrénaline générée par la situation le rendait plus euphorique qu’autre chose. De plus, le fait que son adversaire soit terrifié le rendait presque sûr de sa victoire.

Les gardes fermèrent alors les portes derrière chacun d’eux, sonnant le début de l’affrontement. Le blond ne fit que quelques pas, malgré les hurlements de la foule censés le motiver. L’autre n’hésita pas, et se mit à courir en direction de lui, avant de sauter et profiter de son élan pour lui décocher un violent coup direct du poing droit à la mâchoire. Saisi d’effroi, le blond ne put esquiver et fut envoyé au sol. Il se releva tant bien que mal, car il lui fallait lutter pour survivre. Sa peur avait été chassée par son instinct de survie qui réussit à le faire se relever et tenter de renverser son adversaire d’une balayette.

L’autre garçon, ne s’attendant pas à une riposte de celui qu’il considérait comme déjà perdant, se fit avoir et chuta lourdement. Le blond profita de la situation et lui asséna plusieurs coups de pied sur le flanc du torse, brisant ainsi une de ses côtes. Le léger craquement fut accompagné d’un cri de douleur du garçon allongé. Le blond voulut en profiter pour en finir avec son adversaire et tenta de plonger son index et son majeur dans les yeux de l’autre, mais le garçon au sol attrapa ses doigts in extremis et les lui brisa par la même occasion.

Le garçon se releva ensuite, en ignorant sa douleur fulgurante aux côtes, et à l’opposé, le blond s’écroula à genoux sous la douleur. Le garçon s’empara brusquement du bras de son adversaire, et lui fit une clé, l’obligeant à se plaquer au sol. Une fois son opposant soumis, le garçon compléta son mouvement en lui pliant le bras dans le mauvais sens, causant un craquement bien supérieur à celui que sa côte avait émis. Le blond était au bord de l’évanouissement tant il souffrait, toutefois, l’autre ne voulut pas lui laisser ce plaisir. Il enserra sa tête à l’aide de ses bras, puis la tourna violemment afin de lui briser la nuque, résultant en la mort immédiate de son adversaire, ainsi que des applaudissements du public.

Le sentiment de victoire mêlé à celui de l’adrénaline était si bon.

Ce soir, il avait le droit d’avoir un lit en récompense pour sa victoire. Malheureusement, ce plaisir serait nuancé par sa douleur lancinante au flanc. Un médecin de bas étage lui avait rapidement bandé le ventre, et aucun soin supplémentaire n’avait alors était effectué par la suite. Tant pis, il ferait avec. Sa cellule était petite, ses murs de pierre humides, son sol crasseux, mais le lit installé pour l’occasion compensait le reste. C’était un lit de fortune fait de paille et d’un drap en lin qui le recouvrait. Ce serait amplement suffisant pour le réconforter.

Un bout de viande à peine cuite avait été déposé dans sa cellule pour faire office de repas du soir. Les gens qui le maintenaient enfermé avaient conscience que bien nourrir leurs combattants, surtout avec de la viande, c’était essentiel pour de meilleurs résultats. Le garçon n’était pas tant que ça dérangé par cette alimentation particulière, car il appréciait la viande bien saignante.

Après avoir rogné son bout de viande jusqu’à l’os, il s’allongea et profita du sommeil réparateur qui lui était nécessaire. Sa vie n’était qu’un enchaînement de scènes similaires : des interactions violentes avec des enfants qu’il ne connaissait pas et pour le plaisir de gens qu’il ne connaissait pas, suivies par de longues nuits froides. Il n’appréciait pas sa vie. Pourtant, il ne la détestait pas. Il était comme résolu à vivre de la violence, et à ce que les plaisirs de cette dernière compensent les peines de son emprisonnement.

— Réveille-toi ! Réveille-toi, sac à merde !

Le garçon, réveillé par la douce voix de son geôlier, s’éveilla brusquement et paniqua l’instant de quelques secondes, ne comprenant pas pourquoi il était dérangé au milieu de sa nuit. Son geôlier, un homme gras et répugnant, se penchait sur lui, et lui avait postillonné dessus lorsqu’il l’avait incité à se réveiller. Un autre homme se tenait dans l’encadrement de la porte.

Il était bien mieux habillé que le geôlier, même si son style restait simple : simplement vêtu d’une tunique blanche éclatante, presque brillante de la bienveillance de son porteur. Sans même savoir ce que cela signifiait vraiment, le garçon lui accorda toute sa confiance. L’homme semblait à la fois jeune et vieux, son corps était frêle, et il était plus petit que le geôlier, mais une sorte d’aura de supériorité semblait se dégager de lui. Lorsqu’il vit le garçon se relever en maintenant son flanc douloureux, il ne put se retenir de faire un commentaire au geôlier :

— Ne l’endommagez pas plus qu’il ne l’est déjà, je vous en prie, je souhaite l’acheter en bon état.

— T’en fais pas mon gars, ce p’tit gars est solide. C’est sa performance d’aujourd’hui qui vous a poussé à l’acheter ?

— Absolument. J’ai senti en lui un potentiel remarquable. De plus, il est de l’année 1348, et c’est exactement ce que je recherche.

Son ton solennel traduisait son appartenance à un groupe religieux. Le geôlier, qui ne sentait rien chez ses détenus, à part une envie de les frapper, ne sut pas quoi répondre. Il déclara alors :

— Je vous le vends pour une centaine de pièces d’or. Si je fais plus bas, le patron va m’écorcher vif. N’essayez pas de chipoter sinon c’est vous qui serez écorché, c’est compris le moine ?

— Ce prix me convient.

Le moine se saisit alors de sa bourse depuis une poche insoupçonnée sous sa tunique, probablement avait-elle été conçue pour éviter les vols. Il passa une dizaine de pièces étincelantes à la raclure faisant office de geôlier. D’abord étonné de ne recevoir que si peu de pièces, il se rendit ensuite compte qu’il s’agissait d’une monnaie supérieure, car bénie par le Temple. Il les accepta sans chipoter, leur valeur totale dépassant sûrement la valeur de cent pièces d’or, et l’accord fut ainsi scellé.

Le garçon, bien que toujours un peu endormi, avait conscience du changement de propriétaire, mais cela ne l’importait pas plus que ça, puisque toujours indifférent envers son propre sort. Le moine regarda le garçon s’approcher avec un regard indescriptible – qu’est-ce qu’un moine pouvait bien attendre d’un jeune garçon comme celui-ci ? Lorsqu’il fut à portée, il le regarda alors profondément dans les yeux : il éprouva un très léger doute quant à son choix. Ce garçon au regard vaseux était-il vraiment de ceux que l’Illuminé l’avait envoyé chercher ? Il le prit tout de même par la main pour le guider en se rassurant sur son choix, et se dirigea vers la sortie en saluant brièvement le geôlier. Le moine était heureux d’en avoir fini rapidement, l’air vicié de ces souterrains le mettait dans un profond inconfort.

Une fois à l’air libre, le garçon prit alors le temps d’inspecter silencieusement les environs : un grand et somptueux manoir recouvrait les galeries et l’arène dans lesquelles il avait grandi. Le moine fut heureux de voir que sa carriole n’avait pas été abîmée par une quelconque racaille – ces dernières semblant pulluler plus que jamais, et ils purent repartir sans encombre. Le garçon s’installa avec un air impassible sur la place que le moine lui avait préparée, la tête reposant sur un sac de vivres.

Cette fois-ci, le garçon eut le plaisir de se réveiller naturellement, mais surtout à l’air libre et sous un soleil agréable. Il n’aurait même pas pu dire depuis combien de temps il avait ressenti la chaleur du soleil pour la dernière fois.

— Tu es enfin éveillé ! s’exclama le moine sur un ton jovial. J’ai eu peur que tu ne meures de ta blessure.

Le garçon ne lui répondit pas, et se contenta de le fixer d’un air dubitatif.

— Je sais que tu dois être un peu désorienté, et je m’en excuse. Cependant, nous allons bientôt arriver à destination et il est nécessaire que je t’explique ce qui va t’arriver. Je suis un moine comme tu as pu le voir à ma tunique – bien que je ne sois pas convaincu que tu en aies déjà vu une – je suis moine, issu de la religion que les gens appellent « le culte du Bon », ou « l’Église du Dieu Bon », autrement appelé « Némirah ».

Le garçon posa ses yeux sur ladite tunique, comme pour confirmer ce qu’il entendait.

— Ma religion est la plus répandue en Fallonie. Comme le nom l’indique, nous vénérons le Dieu Bon, qui se manifeste en ce monde par toutes les bonnes actions que les autres ou même le hasard nous apportent. Mais là n’est pas le sujet de cette conversation. La Terre a tremblé récemment, et notre chef religieux, l’Illuminé, y a lu une prophétie. Elle spécifie qu’un héros s’élèvera de là où l’on ne s’y attendra pas, tandis qu’un démon naîtra dans le cœur d’un homme supposé être bon.

Il fit une pause dans son discours, alors que le garçon fronçait les sourcils en encaissant ce flot d’informations.

— La prophétie stipule aussi que ce héros, l’élu des forces du bien, est né il y a treize ans en même temps que ses compagnons, des êtres au potentiel supérieur à celui d’individus normaux. Bonne nouvelle, tu fais partie de ceux sélectionnés pour leurs chances de faire partie des compagnons, voire d’être l’élu !

Le moine s’arrêta un instant, pour laisser le garçon digérer les informations. Il ne lui laissa que peu de temps avant de reprendre :

— D’ailleurs, je n’ai même pas dit comment je me nomme ! Appelle-moi Silas. Quel est le tien ?

— Je ne sais plus, articula le garçon avec difficulté.

— On t’en trouvera un, le rassura Silas.

La joie du moine remplissait le garçon d’allégresse. Mais toute cette histoire restait assommante pour le garçon, et lui semblait d’ailleurs vide de sens. Était-il réellement concerné ? Tant qu’on lui disait quoi faire, il le ferait, telle était sa façon de voir les choses à cet instant. Qu’on lui explique autant les circonstances semblait donc absurde pour lui.

— Dès que nous arriverons au Temple, tu te changeras en vitesse, décida Silas. Ta tenue n’est pas adéquate pour un lieu saint.

Pour la première fois, le garçon se rendit compte de son propre état. Effectivement, il était vraiment sale. Ses cheveux étaient gras, son visage noirci, et ses habits sentaient le rat crevé.

Le reste du trajet fut silencieux. Silas semblait comme perdu dans ses pensées, et le garçon examinait attentivement les environs. La carriole était tractée par deux chevaux en pleine forme sur un chemin de terre battue, ils allaient donc assez vite. Les environs n’étaient constitués que de plaines et de petites collines avec quelques bois, et ce à perte de vue. Seule une montagne se dressait dans leur horizon, et c’était exactement dans cette direction que se rendaient les deux compagnons de route.

Chapitre 2

— Bienvenue à tous les candidats. J’espère que vous serez à la hauteur des attentes que nous avons placées sur vous. Nous allons vous examiner afin de savoir si vous êtes la ou les personnes que nous recherchons.

L’homme qui parlait était un moine d’un âge assez avancé. Le siège sur lequel il était assis, bien que sobre, indiquait son rôle important dans le Temple. Sa tunique n’était en rien différente de celles des autres moines : il s’agissait d’une simple robe blanche nouée à la taille par un bandeau doré. Les moines étaient positionnés en cercle autour des enfants, les scrutant avec attention. Ils avaient été rapidement lavés et des habits propres leur avaient été confiés.

Face à eux se dressait le Temple de Némirah, un amas de bâtiments d’un blanc immaculé, parcouru de décorations aux teintes dorées, le tout étant donc assorti aux tuniques des moines. Les enfants n’avaient jamais vu des bâtiments pareils.

Le vieux moine reprit :

— Nous allons débuter d’ici peu. J’ai envoyé treize moines chercher des enfants, et un seul ne nous est pas encore revenu, il est actuellement porté disparu. Vous êtes donc douze, et allez par conséquent être séparés en quatre groupes de trois afin de vous affronter en équipe. Il est primordial que vous sachiez vous battre en symbiose, l’unité et la solidarité étant votre meilleure voie vers la réussite. Encore une chose, bien qu’il s’agisse d’un combat, il est interdit de blesser sévèrement ses adversaires. Notre Dieu prime la bonté, malgré l’obligation de se battre que nous subissons en ces temps difficiles. Bonne chance et bon courage.

Le garçon à la côte cassée lança un regard à Silas, un peu désorienté et ne sachant pas avec qui se mettre en équipe, ni même comment il devrait se battre avec sa blessure. Silas ne se contenta que de le pousser délicatement vers deux autres enfants qui semblaient eux aussi déboussolés. Le premier était petit, roux et maigrelet alors que l’autre était bien plus grand, avec une musculature très développée. Ils n’échangèrent pas un seul mot, un échange de regards embarrassés suffit à les mettre d’accord.

Peu de temps après, les groupes furent formés, et étaient reculés contre les murs pour former une sorte d’arène d’une dizaine de mètres de diamètre au centre de la cour. Les enfants n’avaient plus de chaussures, juste la tunique qui leur avait été prêtée, mais le dallage du sol était chaud en cette période de l’année, ce qui procurait une sensation agréable.

Sur un tableau en ardoise était décrit le déroulement de cette sorte de tournoi : la première équipe affronterait la deuxième, la troisième affronterait la quatrième, et enfin les deux équipes qualifiées se départageraient en finale. La première équipe était constituée des deux seules filles de la sélection, probablement des jumelles, ainsi que d’un garçon brun qui avait l’air constamment perdu dans ses pensées. Trois garçons sans rien de particulier, si ce n’est quelques cicatrices sur le visage, formaient le groupe deux. Le groupe trois était celui du garçon à la côte cassée. Finalement, le quatrième groupe réunissait un garçon borgne, un autre avec d’étranges cheveux blancs hérissés, et finalement un garçon à la peau noire, chose rare en cette région.

Le premier affrontement débuta. À la surprise générale, les filles étaient plus fortes qu’on ne le pensait. Le brun perdu dans ses pensées le resta le long du combat, car les deux jumelles en eurent vite fini avec leurs adversaires : le premier garçon s’élança sans chercher à travailler en équipe, mais fut envoyé valdinguer d’un simple coup de pied à l’estomac. Le deuxième et le troisième optèrent pour un assaut synchronisé, mais furent eux aussi balayés par des coups de pied, un dans le nez et l’autre dans le plexus. La victoire fut donc accordée sans l’ombre d’un doute au premier groupe. Les trois garçons en face se relevaient lentement, et auraient théoriquement pu continuer à se battre, mais ce n’était pas nécessaire, puisque leur cruelle infériorité avait déjà été prouvée.

C’est à ce moment que le garçon à la côte cassée commença à ressentir les petits frissons traverser son corps, et ses mains devinrent moites, puis son cœur se mit à battre plus vite. Il adorait ça. Il le sentait au plus profond de lui, son corps était prêt au combat. Il savait pertinemment bien que sa performance dans les instants à venir pourrait déterminer le reste de sa vie, ce qui ne faisait qu’amplifier son excitation.

Les prochains combattants s’avancèrent. Le garçon à la côte cassée jaugea que le borgne devait être le plus faible. Lorsque le vieux moine annonça le début de l’affrontement, rien ne se passa. Les enfants s’examinaient sans oser attaquer. Finalement, le petit roux se précipita sur celui à la peau mate – car agacé par l’impassibilité de ses camarades. Le garçon baraqué le suivit directement, ne voulant pas abandonner son ami seul face à l’adversité.

Le temps que leurs adversaires aient le temps de réagir, celui à la peau mate s’était pris un crochet vicieux dans la mâchoire de la part du roux. Le borgne intervint directement et se jeta sur le roux dans l’unique but de le faire tomber, ce qui s’avéra efficace. Celui à la côte cassée se décida enfin à intervenir et s’approcha de celui aux cheveux d’un blanc surnaturel : leur regard se croisa, et il s’approcha en retour, prêt à en découdre. Le grand de l’équipe trois souleva le borgne de ses deux bras pour libérer le roux, puis il lui mit un coup de genou dans le ventre qui le fit s’effondrer. Le noir se releva, mais fut renvoyé au sol par le roux qui s’était jeté sur lui de tout son poids.

Le blessé et celui qui se présentait comme son rival démarrèrent un échange de coups rapides, mais la différence était flagrante : celui aux cheveux blancs avait beau être plus fort que les autres membres de son équipe, il ne faisait pas le poids face au blessé. Ce dernier réussissait à esquiver la plupart des coups malgré sa blessure, et les rendait avec plus de force. L’échange ne dura pas longtemps, car le garçon aux cheveux blancs finit par s’écrouler, après avoir tout de même infligé quelques coups à son adversaire. Cela marqua la fin du combat et la victoire du groupe trois. En un seul combat, le garçon à la côté cassée avait développé du respect envers celui aux cheveux blancs.

Les moines semblaient impressionnés que de si jeunes enfants pussent manifester autant d’esprit combatif. Il allait sans dire qu’ils étaient pratiquement tous des êtres au potentiel supérieur. Aucun des combattants qualifiés pour la finale n’avait été endommagé durant les combats, et le dernier affrontement prit donc place immédiatement.

Les enfants se mirent en place, chacun choisissant une stratégie pour se démarquer. Les jumelles étaient persuadées de leur supériorité, mais ne désiraient pas se précipiter pour autant. Le rêveur rêvait. Le roux prévoyait de foncer en espérant réussir quelque chose. Le musclé ne désirait qu’être un support utile pour son ami au tempérament agité. Le blessé quant à lui ne prévoyait qu’une chose : il gagnerait pour profiter au maximum des plaisirs du combat, ainsi que pour se démarquer. Sans même trop s’en rendre compte, ce petit tournoi lui avait donné l’envie pressante de démontrer à l’ensemble des moines, et surtout à Silas, que son existence dédiée à la violence faisait forcément de lui l’élu.

Le combat démarra. Comme prévu, le roux fonça sans réfléchir aux conséquences, suivi par son ami. Les jumelles eurent plus de difficulté qu’au premier combat, car le roux esquiva le coup de pied qui lui était destiné, tandis que l’autre garçon arrêta le pied avec sa main, et qu’il en profita pour renverser la fille. Le roux saisit la chance qui lui avait été donnée par son esquive, et tenta de mettre un coup de poing dans le nez de son attaquante, sans succès.

Voyant que ses camarades s’en sortaient bien, le garçon à la côte cassée s’attaqua au rêveur qui n’avait pas bougé d’un pouce depuis le début de l’affrontement. Au moment décisif, quand il allait se prendre un coup dont il ne se serait pas relevé, il sembla s’éveiller brusquement, et fit un bond en arrière. Le blessé ne se soucia pas de ce changement et le suivit d’un bond similaire pour lui asséner un coup au plexus, l’envoyant bouler plus loin.

La première fille tenta à nouveau de mettre un coup de pied au roux, et cette fois-ci il ne put esquiver et fut mis à terre. La deuxième se releva promptement et s’éloigna du mieux qu’elle pouvait du gigantesque garçon qui lui faisait face. Ce dernier arrêta ses assauts, désemparé de voir que son camarade roux était à terre. Les jumelles en profitèrent pour lui infliger un assaut simultané qu’il ne put ni arrêter ni esquiver. Il tomba à la renverse, trop étourdi pour se relever.

Le dernier garçon était désormais seul contre trois. Le plaisir qu’il ressentait était sur le point d’exploser, il n’avait jamais eu l’occasion d’affronter autant d’adversaires à la fois. Pendant que le rêveur se remettait de son coup, les jumelles optèrent pour une attaque synchronisée constituée d’un coup de pied sur chaque flanc, censé ne laisser aucune chance de s’échapper à leur opposant. Cependant, le garçon vit venir cette attaque et fit un bond en arrière pour sortir de leur portée.

Cette attaque manquée causa un déséquilibre chez les jumelles, que le garçon rentabilisa : il envoya la première au sol d’un direct rapide à la mâchoire, et la deuxième avec un uppercut dans le ventre qui lui coupa le souffle. Il se stoppa un instant, pensant en avoir fini. Soudain, le rêveur était en face de lui, désormais bien réveillé, et lui infligea une série de frappes rapides sur l’ensemble du corps. Lorsqu’un de ces coups toucha la côte abîmée du garçon, il tomba à genoux sous la douleur. Le rêveur en profita pour lui mettre un coup de genou dans le nez.

Il était au sol. Son nez saignait abondamment. Il s’approchait de la perte de conscience. Le rêveur regardait les moines pour savoir s’il devait s’arrêter ici, mais ils n’eurent pas le temps de s’exprimer. L’instinct de survie du garçon s’était emparé de lui, et il se releva d’un bond pour agripper ses mains autour de la gorge du garçon afin de le faire chuter. Il l’écrasa de tout son poids pour le maintenir au sol, sans relâcher sa prise sur son étranglement. Le rêveur eut beau se débattre de toutes ses forces, il finit par tomber dans les pommes à cause du manque d’afflux sanguin dans son cerveau.

Satisfait, le garçon se releva. Il toisa son adversaire quelques instants, et fixa par la suite les moines. La satisfaction d’être le vainqueur et d’avoir prouvé sa valeur le combla de joie, mais il s’effondra peu de temps après. Cet effort l’avait vidé de son énergie.

Le garçon ouvrit les yeux doucement, s’étonnant d’être sur une sorte de matelas. De plus, il était enveloppé d’une couverture. Une fois ses yeux habitués à la lumière environnante, il observa les alentours. Il venait de s’éveiller dans une des nombreuses chambres du Temple. Il se sentait apaisé dans cette pièce à l’atmosphère douce et au style sobre, mais délicat.

Il se rendit vite compte qu’il n’était pas seul dans la chambre : impossible de ne pas remarquer la présence du petit roux, qui ne pouvait s’empêcher de gesticuler en permanence. Son visage tout rond était luisant de satisfaction, alors qu’il racontait ce qu’il considérait comme ses exploits lors des affrontements à son ami – qui lui était aussi massif qu’impassible. Ils finirent par s’apercevoir que le garçon s’était éveillé, et les fixait calmement.

— Tu vas rester longtemps à me regarder comme ça ? l’interrogea le roux. C’est chiant, j’aime pas me faire dévisager ! Coéos, tu crois qu’il est muet ?

— Je ne sais pas, répondit sobrement son grand ami.

Celui-ci n’était que légèrement blessé : un mince bandage entourait son crâne et plaquait une partie de ses cheveux noirs comme de jais.

— Il doit être encore un peu sonné, conclut le roux.

Il le dévisagea en silence quelques secondes, comme s’il évaluait sa potentielle dangerosité.

— Moi, c’est Roland, lança-t-il finalement, et l’autre gros tas c’est Coéos. On se connaît depuis un bout de temps déjà. C’est quoi ton nom à toi ?

Le garçon ne savait toujours pas. En avait-il eu un par le passé ?

— Je n’en ai pas.

— C’est possible ça ? En tout cas, c’est bizarre. Les gens d’ici vont te trouver un nom, je pense. Ils sont vachement gentils d’ailleurs, ils nous ont prêté cette pièce pour qu’on se repose en attendant que tu te réveilles.

— J’ai beaucoup dormi ? demanda le blessé.

— Une p’tite journée à tout casser. Faut qu’on se bouge maintenant que t’es debout, pour ne pas les faire attendre plus longtemps.

Le garçon sans nom se releva donc, et s’habilla, puis les trois sortirent. Un moine les croisa alors qu’ils étaient perdus, et les mena dans une grande salle où attendaient plusieurs moines et leur vieux chef. Celui qui les avait accompagnés leur intima de se mettre à genoux devant celui qu’il appelait l’Illuminé – à savoir le vieux moine. L’Illuminé annonça :

— Vous faites, tous les trois, partie de nos futurs sauveurs ! Vous et la plupart des autres équipes aurez l’honneur de défendre le bien sur Terre lorsque les ténèbres s’éveilleront, en votre qualité de compagnons de l’élu.

Ils ne réagirent que peu, puisqu’ils ne réalisaient pas trop ce que signifiaient toutes ces belles paroles.

— J’ai fait appeler les autres, quand vous serez au complet, je vous annoncerai celui qui parmi vous est l’élu.

Après quelques minutes interminables, ils arrivèrent. Il y avait le rêveur, celui aux cheveux blancs hérissés, et enfin les jumelles. Ils avaient tous l’air bien plus en forme que lors des affrontements, probablement était-ce lié à cet endroit particulier et à son ambiance apaisante, voire curatrice.

— Je place de gros espoirs sur vous, les enfants, affirma l’Illuminé. Nous allons nous consacrer à votre formation, pour vous permettre d’accéder à votre plein potentiel et d’être en mesure de sauver le monde lorsque cela sera nécessaire. Je suis certain que notre Dieu sera comblé d’apprendre que ses fidèles sont ainsi dévoués à la sauvegarde de son monde. Trêve d’explications, notre élu, c’est bien toi, jeune homme.

C’est en pointant du doigt le garçon qui s’était battu avec une côte cassée qu’il avait dit cela. Un silence se posa alors sur la pièce. Ils le savaient tous déjà au fond d’eux que ce serait lui, après tout il avait été le dernier à se tenir debout dans l’arène. Roland avait alors l’air un peu frustré, mais son ego s’en remettrait. Le vieux moine reprit :

— Pourriez-vous dès à présent vous présenter ?

Le garçon aux cheveux blancs hérissés se nommait Nemas. Il avait le visage fin, des yeux bleus perçants et un corps svelte, mais musclé. Il se présenta comme venu d’une tribu des glaces, cela étant supposé expliquer ses cheveux particuliers. Coéos et Roland révélèrent qu’ils se connaissaient depuis un moment déjà, mais n’en dirent pas plus.

Les jumelles se présentèrent froidement. Elles se nommaient Fréa et Vanadis et avaient toutes les deux des cheveux blonds s’arrêtant aux épaules, un visage rond, et des yeux allongés. C’est d’ailleurs seulement la couleur de ces derniers qui permettait de les différencier, Fréa les avait bleus, et Vanadis verts. Le rêveur s’appelait Mond et, à la surprise générale, il annonça avoir été un noble.

Pour le garçon qui avait reçu le titre d’élu, les choses furent plus compliquées. Sans histoire concrète ni famille, impossible de mettre le doigt sur ce qu’il était vraiment. On lui donna comme prénom « Nihil ».

À partir de ce jour et pour les années à venir, le Temple et ses moines formeraient ces enfants pour en faire des héros, en se basant sur ce simple tournoi comme outil de sélection. Tous firent quand même confiance en la décision de l’Illuminé. C’est au travers du spectre de la violence que les adeptes du Dieu Bon trouvèrent son élu.

Chapitre 3

Dans la cour de ce fortin se tenait une macabre cérémonie. Un cercle avait été tracé au sol avec le sang d’une vache égorgée gisant juste à côté. Un homme enroulé dans une ample tunique sombre se dressait au centre du cercle, un couteau à la main. Face à lui se trouvaient cinq jeunes femmes presque dénudées, âgées d’une vingtaine d’années chacune. Elles étaient maintenues par d’autres cultistes vêtus de ces mêmes toges sombres. Une quinzaine de larbins avaient été postés çà et là pour protéger les acteurs de cette cérémonie.

Les alentours n’étaient constitués que de plaines laissant une bonne visibilité, mais quelques ombres réussirent tout de même à se rapprocher du bâtiment sans se faire repérer. Ces individus, qui s’avéraient être au nombre de trois, se mirent à escalader les murs lézardés. Leur escalade fut pénible, car encombrée par leurs armures pourtant légères ainsi que de leurs armes. Un garde passa au-dessus d’eux, s’arrêta un instant comme pour humer l’air, mais il ne vit rien et poursuivit son chemin. Une première ombre franchit les créneaux, et s’empressa de poignarder silencieusement le larbin en le faisant retomber délicatement au sol pour ne pas faire de bruit.

Pendant ce temps, les deux autres ombres finirent leur escalade. Une d’entre elles avait peiné plus que ses camarades, car elle portait une lance d’au moins un mètre quatre-vingts dans le dos. L’autre n’avait en comparaison pas à se plaindre de l’épée longue qu’elle arborait à sa ceinture, mais jalousait la facilité qu’avait eue le premier individu avec ses couteaux et son arc léger. L’ombre à la lance retira alors sans réfléchir sa capuche, révélant ses cheveux d’un blanc étincelants, qui reflétèrent immédiatement les lumières des feux de la cour.

— T’es un idiot fini, Nemas, déclara d’un ton presque paisible la première ombre.

L’idiot en question lâcha un petit juron, et remit sa capuche en vitesse, mais c’était trop tard : ils avaient été repérés. Alors que les truands s’empressèrent de dégainer leurs armes et de courir dans leur direction, Nemas déclara :

— De toute façon, on n’est pas là pour une visite de courtoisie, s’il faut éliminer ces sauvages, autant ne pas perdre de temps.