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Une femme rencontre un astrophysicien, un être de feu pris dans les rets étoilés. Elle se métamorphose en petite fille pour avoir l’entière liberté et la fraîcheur de lui poser toutes sortes de questions élémentaires. Ils se donnent rendez-vous sur une petite île sauvage. Tandis qu’ils la traversent, le scientifique définit l’espace et l’univers avec des chiffres astronomiques, pendant qu'elle observe la terre sous ses pas avec sa vision personnelle, subjective et poétique, souvent en contradiction avec les descriptions et les connaissances du savant. L’infini des étoiles est donc une réflexion sur les extrêmes entre l’infiniment grand et l’infiniment petit. Mais où sont donc les étoiles ? En haut dans le ciel ou en bas sur la terre ? Et celles sur la terre que nous écrasons sous nos pieds, combien de temps vivront-elles encore ?
À PROPOS DE L'AUTEURE
Anne Ikhlef est cinéaste et réalisatrice de documentaires et de courts métrages primés. Conceptrice à l’échelle internationale de livres pour enfants et de contes-albums illustrés, mais également de livres artistiques et de recueils de poésie, elle est régulièrement exposée pour son travail photographique. Dans toute son œuvre, l’art et la science se tendent la main.
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Seitenzahl: 189
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Anne Ikhlef
L’infini des étoiles
Roman
© Lys Bleu Éditions – Anne Ikhlef
ISBN : 979-10-377-5924-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
En reconnaissance de l’image et de l’imaginaire
À la science
À André Brahic
À Hubert Reeves
Dans l’infini des étoiles
Quand je mets ma main sur votre front, je voudrais le remplir d’étoiles.
Antoine de Saint-Exupéry
Me remplir d’étoiles.
Tu l’as fait.
Au plus lointain, j’ai vu l’explosion fulgurante d’un chaos torride,un océan éblouissant de lumière, un magma de matière informe.
Puis sous mes yeux étonnés, de gigantesques masses nébulaires se sont fragmentées. S’enroulant sur elles-mêmes, elles se sont lentement dessinées en spirales bleutées et dans leurs longs bras, de formidables explosions d’étoiles projetant dans l’espace, avec une violence inouïe des moissons d’atomes multicolores. J’ai observé dans les abysses océaniques des torrents de matière opaque éjectés des cheminées volcaniques et d’immenses colonies d’organismes s’agiter en cadence pour se nourrir de cette manne sulfureuse. J’ai assisté aux combats sanguinaires des cerfs pour la femelle qui portera leur semence et veillera tendrement sur l’avenir de la lignée. Par ces spectacles, j’ai perçu la puissance du ferment d’organisation dont la nature est possédée. Et j’ai perçu en moi comme une saveur d’enthousiasme et dereconnaissance.
Mais quand j’ai été horrifié devant les tas de cadavres dans les cours des camps d’extermination, quand j’ai constaté le saccage de la planète par l’humanité avide de gains, je sentis naître un sentiment de perplexité. Ou l’aventure cosmique s’était-elle fourvoyée ? Ou bien avais-je été simplement le jouet d’une illusion, d’un rêve en couleurs ?
Du choc de ces visions contradictoires est née en moi une nouvelle idée de notre existence. Il y a quelque chose à faire de ces quelques décennies que la nature nous accorde. Prendre résolument et sans concession le parti d’embellir la réalité.
Hubert Reeves
Explosante-fixe, P. Boulez
Le temps a fait son travail… Je viens d’apprendre ta mort, c’est un effondrement !
Je parle toute seule…
Monte, descends, dégringole, tombe ! Rien, je n’écoute plus rien ! Un géant allumé, un géant plus que géant par son intensité, sa vérité, oui, sa vérité.
En face de moi, toi mort étendu là alors que je voulais que tu vives face au feu final !
Je venais juste de t’écrire !
Je ne savais pas qu’en une seconde j’écrivais à un mort !
Mon grand As comment puis-je faire le deuil de toi ? Non… non… c’est non !
Je veux tout garder, ce flamboiement, cette transparence, cette pureté matérielle, je veux tout garder en moi comme une semence de l’univers.
Tout réduire en noir et blanc, pour garder l’intensité, le noyau de l’émotion ! Garder cette alliance, cette synthèse, cet essentiel.
Mon As, si un autre ciel existe, ce ciel peut-il me voir ? Peut-il voir ce que j’ai vu moi dans tes yeux bienveillants de grand enfant ? J’aimerais tellement, puisque maintenant tu n’appartiens à rien, ni au sol ni probablement au ciel, voir et entendre tes yeux qui disaient sans cesse : Soyez heureux d’être là en vie !
Je regarde ce tapis et suis comme lui. Rien, rien, rien. Je suis avec toi là où tu es.
Je m’effondre en ruisseaux de larmes ! Tellement de ruisseaux. Je n’arrive à rien, je suis nulle part ! Pour moi c’est tout perdre !
J’ai tout construit sur toi !
Le vaisseau le plus grand du monde vient de rendre l’âme !
Des larmes qui coulent comme des zéros… zéros… zéros, des milliards de zéros à l’infini. Quelques gouttelettes qui scintillent et s’éteignent une à une dans le silence… Je suis à plat, un corps mort sur cette infinité.
Tu es mort, une douleur, un cri qui n’est rien face à cet infini. Tout mon corps est un volcan. Sais-tu ce que c’est un volcan qui pleure des larmes de feu ?
Rien, nous ne sommes rien, pas de photos, pas de mots, tout cela a-t-il un sens devant la mort et un sens sur cette planète si minuscule, rive, dérive sous ce vide sans fin où coulent quelques gouttes d’étoiles ?
Minutes… minutes… minutes… seconde… seconde… seconde, il n’y a plus de temps à perdre, tu viens de mourir !
Ce soir sur mon assiette, pauvre planète, moi, dans l’univers, je ne peux que clamer ma danse ou ma suffisance, ma souffrance ou ma jouissance et ma microbienne existence.
Après une rencontre dans un observatoire en pleine neige, tu m’as appelée :
« Je dois participer à un colloque scientifique à Porquerolles, peux-tu m’accompagner ? »
Une île parmi toutes les îles, c’est là que tout a commencé.
Devant cette décision et ce vol en avion, j’ai été prise de palpitations, et comme un papillon, je me suis envolée.
Comment exister moi femme devant une pensée d’homme qui traverse l’univers ?
Il n’y avait qu’une solution, me cacher dans la peau d’une petite fille.
Une petite fille peut poser toute sorte de questions, alors qu’une femme qui ne traverse pas, comme vous les scientifiques, l’univers n’existe pas devant votre savoir.
Alors tu vois, j’ai décidé de camper avec ma main d’enfant un grand géant qui entourera notre petite planète bleue avec ses bras et la regardera avec ses yeux : ce sera le Cosmos.
Je sais que tu ne croyais pas aux dieux ni à un dieu, moi non plus. Et c’est un immense effort de penser que nous ne sommes que poussières et que nous n’existerons plus après la mort.
Ce géant que je nomme Cosmos va raconter toute notre histoire et observer notre planète comme on raconte une histoire aux petits et grands enfants. Mais il vient de te perdre et est anéanti. Je perçois ce qu’il ressent :
« Moi, le géant Cosmos, et je viens de voir disparaître toute une nappe d’étoiles, une vie, celle d’un homme qui avait la conscience de mon existence ! Me voici réduit en nuages et je m’effondre en larmes.
Sur la terre, ils ne savent pas ce qu’ils font. Ils tournent en rond sur leur petite boule. Mes larmes vont peut-être leur donner un peu de rosée et de vie… de la vie… ils en ont tant besoin ! Cette petite terre oublie trop souvent qu’elle a besoin d’êtres ou de vies qui tendent des bras vers moi !
C’est plus fort que moi, je vais laisser tomber mes larmes sur cette vie qui n’est plus là ! »
Il pleure comme moi, ce Cosmos géant, des larmes de pluie.
Il vient de comprendre qu’il vient de perdre sur notre planète une vie, toi, As, un homme qui tendait ses bras vers lui.
Tu vois, faute de dieux, ce géant va nous observer et nous étudier. Bien sûr, comme les dieux, ce géant est né de mon imaginaire. Les hommes n’ont-ils pas inventé et imaginé tous les dieux et ensuite le dieu unique, ainsi qu’imaginent tous les contes et récits, peut-être pour pouvoir exister, subsister en dessous de ton immensité, toi le géant, l’univers ? Je sais que ce géant que je viens d’ébaucher pourrait ressembler à un dieu et parler comme un dieu, mais ce dieu-là a cette différence : il a une connaissance et une science qui remontent à 13 milliards d’années-lumière. Il représente l’univers et son infinité et il dépasse toute notre représentation et compréhension humaine.
Je le vois se pencher sur notre boule bleue la terre et la prendre dans ses bras :
« Ah, je vois venir le vent ! Il va glisser sur mes pans et sécher mes larmes ! Des larmes… des larmes ! Est-ce qu’on peut pleurer, éternellement ? Je vais allumer un grand feu ! Devant ce feu, quand nous serons tous rassemblés comme dans les temps très anciens, je vous raconterai une histoire.
Mon feu, ce n’est pas un feu de cheminée avec des brindilles comme le font les habitants de la petite boule terre, mon feu, je l’allume avec le soleil et les étoiles ! »
Sous l’effet du vent, il s’étale, semble penseur. Il caresse les cimes des arbres, et commence à faire revivre notre histoire…
« Ah, murmure-t-il, j’aperçois une petite fille qui est la vie !
Au nom du soleil, de la lune et des étoiles, je l’appelle Lou parce qu’elle loue tout ce qu’elle voit. Pour elle, tout le ciel est en bas sous ses pas, et la terre, elle la porte dans ses bras. Il semble qu’elle soulève la terre vers le ciel, et à chaque pas qu’elle fait. Elle illumine d’étoiles tout ce qu’elle aperçoit. Cette petite fille pourrait ressembler à Alice au pays des Merveilles.
Au nom des toutes les planètes, étoiles, galaxies, nébuleuses et aussi du vide, lui, je l’appelle AS parce que c’est un As, il brûle comme un astre, il a la tête dans les astres et rêve de faire connaître le monde des étoiles à tous les enfants… il n’oublie pas les grandes personnes car les grandes personnes sont aussi des enfants. »
Alors tu vois, As, mon géant Cosmos que je viens de créer, c’est lui qui va être notre grand conteur, car j’adore les contes de fées, et notre histoire est pour moi un conte de fées, bien que je ne croie pas non plus aux fées.
Je l’admire par-dessus tout ! Lui seul a compris que notre planète est un minuscule point dans l’immensité.
Je ne suis pas venue te rejoindre à Porquerolles. Mais après quelques mails échangés, nous nous sommes donné rendez-vous à l’université de Paris où tu enseignais l’astrophysique.
Direction Étoile : je monte et descends les marches d’un escalier d’un souterrain de métro. Je vais à ta rencontre.
Je te pose une première question, celle d’un enfant :
« Les marches, est-ce qu’elles montent ou elles descendent ? » et j’entends déjà ta réponse : « Ta question, c’est la même question que l’on pose pour la Terre et pour les étoiles. Qu’est-ce qui est en haut, qu’est-ce qui est en bas ? »
Je suis troublée, mais je sais que je dois profondément protéger une toute petite flamme, une toute petite étincelle qui vacille en moi. Je dois rencontrer celui qui est devenu un grand scientifique des étoiles. Je sais aussi que je dois garder vivante cette flamme jusqu’à mon arrivée devant un champion : le champion desétoiles. Le vent s’engouffre dans les couloirs noirs et fait trembler la minuscule goutte de lumière dans moncœur. J’atteins enfin une esplanade avec des tours gigantesques, sors un plan et essaie de comprendre. Je me trouve tout à coup dans une salle où toutes les têtes sont tournées dans une seuledirection. Le professeur As est debout, les bras et les jambes écartées, pris dans des schémas invisibles. Dans quels rets, dans quels filets gigantesques est-il pris ? Dans quel immense incendie ? Ses mains, ses bras et ses jambes sont constellés d’un voile d’étoiles et il ne semble pas s’en rendrecompte.
J’ai devant moi un véritable être vivant, un homme qui se consume plus vite qu’une torche !
Certains se débattent toute leur vie dans un cachot, dans une cellule obscure, mais lui, est capturé vif dans un jaillissement d’étoiles. On dirait qu’il est dévoré par cette immense toile d’étoiles. Il est totalement transpercé, et il semble qu’il n’a pas de chair, pas de corps, criblé de mille trous, de mille ballesd’étoiles. Toutes ses phrases sortent à une vitesse vertigineuse comme sous le choc de bombardements.
Est-ce une vision ? Est-ce une hallucination ?
As pose toute sorte de questions qui volent d’elles-mêmes comme des tableaux irréels au-dessus de ce qui est construit, ces bâtiments de bétongris.
« Pourquoi le ciel est-il bleu ? pourquoi les nuages sont-ilsblancs ? pourquoi certains nuages sont-ils noirs surterre ? Et pourquoi certains nuages sont-ils roses surMars ? Comment se fait-il qu’une nuit de pleine lune, le ciel nous paraisse noir et non bleu ? Et pourquoi le ciel est-il noir lanuit ? »
Je suis stupéfaite : « Comment faire face à ce géant étoilé ? Qui suis-je en face de lui et comment garder cette flamme enmoi ? »
Alors l’enfant que je suis se met étrangement à ressembler à une sorte de chenille ou plutôt à un ver luisant. Comme une chenille, je fais bouger mon ventre, tous mes anneaux, en rampant pour avancer face à ce géant étoilé. Ma taille, en oscillant, est prise dans des cerceaux, des sortesd’anneaux. On voit sans doute maphosphorescence. Mais comment ne pas être incandescente face à un brasier vivant ? Ne sommes-nous pas comme des caméléons qui, sans le savoir, prennent les couleurs de l’instant par crainte, pour se protéger ? La question est bienlà.
Je medemande : « Que puis-je faire face à toutes ceslumières ? »
J’entoure ma tête de mes bras et tente de cacher ma phosphorescence dans mes vêtements. Une série de cartes du ciel ressemble à des œufs, elles ont une forme ovoïde, et nous démontrent ce que nos yeux ne peuvent pas voir : l’invisible, grâce à toute sorte de longueursd’onde. Je tente de poser une question et lève un doigt comme un insecte dresserait une antenne :
« Je ne comprends pas, pourquoi l’univers a cette forme de cocon puisqu’il estinfini ? »
Photo d’André Brahic
Je ne comprends pas !
Ma question est inaudible et les mots, les explications de As passent, volent dansl’air sur mes « je ne comprends pas », éblouie par tant delumière.
Subitement, moi, ver luisant face aux œufs incompréhensibles de l’espace, je m’éteins et cache ma tête dans mon cocon noir. Je tente quelques envolées comme une chenille qui veut devenir papillon. Je dévisage As traversé par toutes les planètes qu’il décrit. Tous les canaux de la planète Europe irriguent son visage, le nuage de la Tête de cheval apparaît sur son corps, le sol de Triton surgit à mi-hauteur sur sa chemise.
« Comment expliquer les quatre petites planètes autour de la terre? Et comment se sont formées les planètes géantes ? »
À ces « je ne comprends pas, ces je ne comprends rien » que moi chenille-papillon je murmure encore dans ma chrysalide, je me pose cette ultime question, du moins pour ma journée de papillon :
« Est-il possible qu’un homme qui valse dans les étoiles avec ses équations et sa raison puisse être l’ami d’une minuscule chenille papillon ? »
Je cours me poster devant toi et te regarde droit dans les yeux.
« Alors pourquoi le ciel est-il bleu ? »
As a les yeux bleus, une cravate bleue, une veste bleue. Je ris et aussitôt je me demande : « Comment peut-il avoir la couleur de sa planète et celle du ciel ? »
Au-dehors, le vent tempête et frappe les vitres avec des éclairs fulminants.
As se déploie tel un danseur comme si des particules invisibles se libéraient dans l’air et le soulevaient.
Mais au fur et mesure que le cours se déroule dans cette salle devant tous ces élèves sombres et silencieux, peu à peu, le vent est devenu doux, très doux, comme une brise, autour du bleu de ses vêtements et autour de ses joues.
« Qui peut expliquer pourquoi la terre tourne autour du soleil ? »
« Pourquoi une étoile brille ? »
Les équations gm(r) ds dl(r)/r² glissent maintenant sur son front à mesure qu’il bouge comme le ferait la projection d’une lanterne magique. Le mot gravitation passe de son bras à sa main.
« Drôle de jongleur ! » me dis-je.
Je me retourne et vois qu’autour de moi tout n’est plus que poussière, un semis d’étoiles infiniment plus petites qu’une tête d’épingle.
Subitement, tous les objets sont baignés de cette lumière étoilée. Cela veut dire que des milliards de particules dansantes et lumineuses bougent, vivent, entourent de leur voile invisible tous les objets et aussi les êtres vivants. Et plus les objets sont sombres, plus ils baignent dans une pluie d’étoiles.
Cela ressemble à un océan, un océan d’étoiles ! Cela me semble inimaginable !
« Alors pourquoi le ciel est-il noir la nuit ? Tu vois, je suis devenue chenille papillon malgré moi ! Et cette chenille papillon te posera à nouveau les questions quand je serai seule avec toi ! »
Totalement illuminée, je sors subitement :
« Il flambe… Il flambe… »
Et avec tout ce feu en moi, je m’engouffre à nouveau dans des couloirs noirs.
Demain, je vais prendre un bateau et retrouver une autre île, une île qui n’est plus l’île de France, mais une simple île qui flotte dans un immense océan.
Aveu
Children’s Corner deC. Debussy
Tu as compris pourquoi je me suis transformée en enfant de ton vivant : la peur devant toi !
J’ai pris ma robe de petite fille, et tu viens de le voir aussi, mon habit d’insecte !
Plus fort que moi !
Comme une bête qui se cache, je ne fais rien d’autre, je suis comme toutes les bêtes qui se tapissent dans les herbages, dans les eaux, dans les airs et sous la terre et se recouvrent de tous les masques protecteurs.
Face à l’immense inconnu, je me masque.
C’était pour moi la solution pour t’écrire et te parler. Te dire ce que j’avais en moi de la façon la plus simple. Te poser aussi des questions simples d’enfants.
Quand on est une grande personne, on doit avoir lu et savoir de quoi l’on parle et poser les bons mots accompagnés de formulations et surtout de citations.
Je voulais face à toi être une petite allumette qui scintille, qui ne risquait rien puisque ce feu n’était encore qu’une étincelle. Bien sûr un simple souffle de ta part aurait éteint cette étincelle qui couvait sous un brasier et se cachait bien sous la cendre.
Tu me répétais sans cesse « l’amour, c’est de l’admiration ». Oui, maintenant j’y pense souvent et je me le répète sans cesse ! L’amour c’est de l’admiration ! Maintenant et toujours j’en serai sûre !
Dissimulée, on ne voit pas ce temps qui passe, qui avance, qui accomplit son travail. Ce travail lent d’un incendie final ?
Quelle horloge faudrait-il imaginer ? Quelle pendule pourrait exprimer tout ce qui frémit, ondule, surgit, ce qu’on appelle la vie et qui peu à peu ferme ses paupières et enlève de la lumière ?
Quelle horloge m’aurais-tu donnée si j’avais pu te le demander ?
Alors le géant Cosmos poursuit son histoire :
« Je dois vous dire, reprend le Cosmos, que je suis né tout petit. Je pesais à peine dix kilogrammes, j’étais une bulle toute noire pas plus haut qu’une pomme de Newton… Ah ! il faut que je me souvienne ! Newton, le savant qui a découvert dans mon univers, des milliards d’années après, la gravitation… un détail parmi tellement de mystères ! J’insiste, des mystères pas encore découverts ! On ne sait toujours pas quand je suis né et on ne sait pas encore quand je finirai… Je suis l’univers, un assemblage d’environ quatre cents milliards d’étoiles. Cela dépasse encore et toujours notre connaissance et notre imagination. »
Il penche alors sa tête et aperçoit le soleil qui se couche sur la toute petite île au milieu de l’immense océan.
« Avec toutes ces pensées, j’ai oublié mon feu ! Il faut que je l’alimente, il va s’éteindre ! J’adore quand je l’attise, quand je souffle dessus et que mes nuages arrivent comme des nappes vaporeuses au-dessus de ma petite planète bleue. J’aime aussi, je dois le dire, quand les arbres se balancent et bruissent, quand les vagues grondent et mugissent sur les rivages. Mais ce que j’adore par-dessus tout c’est fermer chaque soir les paupières du soleil en même temps que celles des hommes sur cette minuscule planète. »
Il regarde tomber le soleil derrière la planète bleue. Il va faire nuit.
« Vous voyez, dit-il, “l’infini” que je suis s’interroge et vous raconte votre histoire. C’est souvent comme cela quand on raconte une histoire. On raconte cette histoire pour mieux comprendre sa propre histoire. On dit que mon histoire a commencé avec le Big Bang, mais on évoque aussi l’idée d’univers précédents… Les multivers… »
« Ah, justement voilà, j’aperçois un détail qui m’amuse, un ver luisant qui parle avec un épouvantail. Drôle d’idée ! Regardez bien dans cette petite île. Il y a debout en plein milieu d’un champ de blé un épouvantail qui tourne à tous les vents. Son meilleur ami est un ver luisant blotti à ses pieds. »
« Ma Tilda ! Ma Tilda ! chante-t-il.
Eh oui… chante l’épouvantail, en regardant le ver luisant, cela me prend comme cela, c’est comme cela que j’ai envie de t’appeler. Je tourne, je tourbillonne, je suis fou ! Fou sous toutes ces étoiles, ces lucioles du ciel, ces milliards de lucioles plus grandes que toi mon Ma Tilda ! Toi tu es tout petit et seul à mes pieds, tu vacilles, tu clignotes à peine et au moindre coup de vent déjà tu t’éteins ! Regarde comme je tourne, je tourbillonne comme un égaré ! Rempli de bulles de boissons du ciel ! J’ai trop bu ! Trop bu pour comprendre ne serait-ce qu’une seconde de lumière ce que sont ces maudites étoiles ! »
Un lapin sauvage surgit, et en un clin d’œil bondit dans son terrier.