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Vingt-trois ans après sa disparition, Alistair Savierily retrouve enfin Amélia, sa femme qui n'est autre que la détenue 732. En captivité pendant de nombreuses années, Amélia, traumatisée, a l’esprit qui vacille entre la soumission psychologique installée par le Rassemblement et sa soif de vengeance envers cette cruelle organisation. Cependant, la bienveillance de son époux lui rappelle une humanité, profondément enfouie, qui remonte peu à peu à la surface. Finalement, ce retour semble présager de bons augures. Ou pas…
À PROPOS DE L'AUTEURE
Férue de culture, d'histoire et de littérature, avec un goût prononcé pour le fantastique,
Abigaël Martraix accorde une grande importance à l’explication des émotions. Pour elle, il n’y a pas que le Bien et le Mal, il y a avant tout des histoires. Ce roman, destiné au grand public, est le second tome de la trilogie
L’oubli impardonnable. Il fait suite au premier volet,
Le pétale de glace.
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Seitenzahl: 448
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Abigaël Martraix
L’oubli impardonnable
Tome II
Le Celio
Roman
© Lys Bleu Éditions – Abigaël Martraix
ISBN : 979-10-377-6091-3
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Aux amours qui méritent d’être vécus
À Francia
La solitude est une douleur profondément ancrée dans le cœur. Un poison opportuniste qui profite d’un fugace instant de chagrin pour s’installer. Au fil du temps, le plus discrètement possible, il s’insinue dans les recoins lointains de l’âme. Il s’écoule en de multiples filaments, noircissant la lumière en nous. Il l’étouffe. La repousse dans ses tranchées. Jusqu’à ce qu’elle s’éteigne lentement. Nous laissant dans une lente et douloureuse agonie.
À chaque mise à l’écart des autres, le poison s’étire. À chaque « je suis occupé, on se tient au courant », il s’étire. Pourtant, comment en vouloir à son entourage ? Bien sûr, on peut être trop fatigué et avoir besoin de repos. Bien sûr, on peut connaître des retards à cause du travail, de la circulation, des enfants qui finissent l’école plus tard que prévu. Bien sûr, nous ne sommes pas les seuls amis que les autres ont. Bien sûr, tout ne tourne pas autour de nous.
Alors on accepte. On comprend. On pardonne aisément. Et on attend. On attend de se faire inviter lorsqu’ils seront disponibles. Mais personne ne prend contact. Personne n’écrit. Personne n’appelle. Personne ne passe.
Compte-t-on vraiment pour les gens alors ? Compte-t-on vraiment pour les membres de son entourage ? Si personne ne vient, c’est qu’il doit y avoir une bonne raison. Quel défaut particulièrement désagréable a-t-on ? Quel côté de notre personnalité est antipathique au point que personne ne nous sollicite ?
Rien qu’un café. Rien qu’une balade. Rien que quinze minutes…
On se retrouve assis là, à observer ce qui nous entoure. En silence.
Et la même question revient en boucle : pourquoi personne ne veut me voir ? Qu’est-ce qui cloche chez moi ? Qu’ai-je fait pour être rejetée à ce point ?
Les jours passent. Les jours deviennent semaines. Et les semaines deviennent mois.
Toujours personne. Toujours seule…
Ils m’ont oubliée. Ils ne veulent pas me voir. Ils auraient pu trouver un moment s’ils le voulaient vraiment ! Ils auraient pu se déplacer pour venir me voir ! Ils auraient pu… Ils ne veulent pas. C’est pour ça qu’ils me laissent là. C’est pour ça qu’ils me laissent seule. Tous. Tous autant qu’ils sont !
Ma famille.
Mes amis.
Mes collègues.
Est-ce que ce sera ainsi jusqu’à la fin ? Resterai-je seule jusqu’à la fin de ma vie ?
Si eux ne viennent pas, alors qui viendra ?
Je ne peux pas sortir. Je n’ai pas la force de bouger. Je n’ai pas la force de lever la tête. Mes yeux me brûlent. Mes paupières sont lourdes. Je dois les fermer pour ne plus avoir mal à cet endroit. Je ne peux pas sourire. Mes zygomatiques sont trop lourds.
Avant je souriais. C’était simple. Naturel. J’aimais beaucoup ça. Je souriais aux gens. Je souriais aux blagues. J’en faisais moi-même. J’aimais rire. Et faire rire. Je savais remonter le moral. Je savais trouver les mots pour apaiser les peines.
Tout cela me semble si difficile désormais. Si loin dans ma mémoire. Je n’arrive plus à dater mon arrivée ici.
Eux non plus ne viennent pas me voir. Je ne reçois pas de visites. Seulement des plateaux de nourriture. Rien de fastueux, simplement de quoi faire fonctionner la machine du corps humain. La seule fenêtre de la pièce était l’unique façon pour moi d’avoir un accès visuel sur le monde. La vue était très étrange. Une large étendue d’eau noire, sans aucune rive. Au loin, il me semblait apercevoir une haute falaise sombre et humide, mais je ne voyais pas ce qu’il y avait au-dessus. Là, au milieu (si on peut appeler cela ainsi), se dressait un minuscule îlot de mousse, où trônait un énorme chêne. Un étroit chemin de verdure s’avançait dans sa direction, mais se noyait rapidement dans les eaux sombres.
Le vent ne soufflait jamais. Le feuillage restait immobile. Aucune vague ne se formait. Un lourd silence régnait. Il ne serait pas étonnant que ce ne soit que le fruit d’une imagination lugubre.
NON ! Stop ! Cela suffit de broyer du noir. Il y a forcément des gens qui pensent à moi. Je dois forcément manquer à quelqu’un. Un tant soit peu. J’ai eu une vie avant ici. J’ai vécu avant d’être ici. J’ai rencontré des gens. J’ai parlé avec des gens. J’ai eu des fous rires. Je suis sortie. Je n’étais pas recluse dans une grotte.
Quelqu’un viendra me voir. On va venir me voir, oui. Oui, et on rira. On me racontera les dernières imbécilités du monde. Les dernières lois idiotes qui sont passées. Les derniers politiciens relâchés alors qu’ils sont les plus gros arnaqueurs du pays. Les derniers crimes commis au nom de l’idiotie. Et puis on me racontera la vie de gens dont je me fiche royalement. De gens que je ne connais pas. Et qui se foutent bien de mon existence. Et de celles qui les vénèrent. On me racontera les dernières incivilités des vieilles personnes qui estiment qu’elles ont le privilège de tout en raison de leur âge avancé.
Putain mais quelle merde !
Finalement, je ne suis pas si mal que ça ici. À l’abri de toute cette folie.
Je me souviens des actualités. Les animaux abandonnés en grand nombre. Les enfants qui vivent l’enfer à la maison. Les nombreux suicides des mineurs. Les femmes qui meurent sous les coups de leur conjoint. Le silence des femmes battues. Le silence des enfants battus. La pression sociale sur la réussite professionnelle et financière. La pression machiste sur les jeunes hommes, les adolescents, et même les petits garçons. La stigmatisation de ce que doit faire et être une petite fille. Les gens qui pensent que la protection de l’environnement est une mode qui existe pour emmerder les populations respectables qui ont passé leur vie à travailler, et « c’était comme ça quand ils étaient jeunes alors il n’y a aucune raison pour que cela change puisque ça fonctionne comme ils l’ont toujours connu ».
Bande d’abrutis !
Je me souviens de ce que deviennent les gens qui osent se soulever, dénoncer, et se battre. Ils connaissent tous le même sort. Des disparitions en masse se faisaient trop remarquées. Alors les gouvernements, les grosses richesses, et les lobbyistes se sont contentés de les matraquer. De les mutiler. De les agresser. De les enfermer.
Et tous ces enfoirés restent à leur place bien confortable sans rien craindre de la justice. De la vraie justice. Celle qui punit ceux qui entravent le bon fonctionnement des sociétés. Ceux qui font passer leurs intérêts financiers avant le bien-être du monde. Ceux qui préfèrent laisser les gens à la rue plutôt de donner les moyens aux patrons d’embaucher, ou de créer leur entreprise. Ceux qui se rendent aux sommets politiques sur l’urgence climatique en avion privé, en hélicoptère privé, en jet privé, ou dans leur voiture de sport. Ceux qui s’amusent à attiser la haine. Qui détournent les regards et les pensées vers des populations différentes de la leur.
Il y a peu, les Australiens ont été évacués d’urgence. Près de vingt-quatre millions d’habitants qui quittent leur pays de force. Ces hommes, ces femmes, ces enfants qu’on arrache à leur foyer, car le cataclysme ultime arrive. Deux cent mille personnes ont refusé de partir. Deux cent mille personnes ont été englouties par les eaux des tsunamis, avec leur pays. De l’Australie, il ne reste que son peuple, leurs souvenirs. Et des images numériques. Les humains refusaient de les recueillir. Ils avaient déjà bien assez à s’occuper dans leur pays pour aider tout un peuple qui n’en a plus. Je me souviens des manifestations pour forcer les dirigeants à changer de décision. Mais rien n’y faisait. Alors, les Fées des Montagnes sont intervenues, et les ont accueillis. La vie en montagne ne convenait pas à tous, alors des émissaires sont partis pour demander à d’autres peuples féeriques de leur donner un foyer. Heureusement, les fées de la Nature du monde entier ont répondu favorablement. Ainsi, le peuple australien se sépara aux quatre coins du monde.
La magie des fées était aussi belle que généreuse. C’était dans la nature de la plupart d’entre elles. Bien sûr, chacune avait son caractère, sa personnalité. Certaines étaient méfiantes, craignant que l’avidité des humains ne se manifeste de façon exacerbée au sein de leur communauté. L’envie de s’approprier leur magie. D’assouvir les fées. Il y eut de nombreux complots. Et de rares tentatives de prise de pouvoir. S’attaquer aux fées était une très mauvaise idée, démontrant la preuve d’une capacité de réflexion très limitée. En effet, lorsqu’un peuple de fées est en danger, ce sont les fées des Neiges qui interviennent. Elles sont l’armée officielle des fées. Mi-fées, mi-elfes, leur pouvoir est unique. Elles possèdent la puissance tellurique féerique, et les talents de combat elfiques. Une combinaison fatale. Certaines légendes racontent même qu’elles rivalisent avec les divins. Bien sûr, ce ne sont que des légendes.
Je me souviens d’en avoir rencontré. Oui, j’ai déjà rencontré des fées des Neiges. Cependant, je n’arrive plus à me souvenir quand. Ni ce qui a bien pu se passer lors de cette rencontre. C’est navrant.
C’est terrifiant.
Je ne me rappelle plus.
Et je ne sais pas comment cela a pu se produire…
Ni comment Il a pu m’oublier… Je représente donc si peu…
Tu m’as oubliée.
Et moi aussi.
C’était une belle journée qui commençait. Les rayons du soleil filtraient à travers les feuillages. Une brise légère faisait danser la cime des arbres. Une danse lente et apaisante. Au loin, le chant des moineaux s’élevait dans les airs, annonçant l’éveil de la faune. Un groupe de jeunes écureuils s’aventuraient sur les troncs d’arbres morts, se cachant tour à tour dans les racines arrachées.
L’air était encore frais à cette heure de la matinée. La rosée encore fraîche perlait sur la pelouse et les feuilles mortes. L’odeur douceâtre de l’humus était agréable. Cette odeur de terre, de feuillage et d’eau. La clairière semblait briller de mille minuscules étoiles. C’est dans ce cadre merveilleux que Lucius démarrait sa journée.
Le visage enfoui dans l’herbe, barbouillé de boue, Lucius Savierily tentait de se relever encore une fois. Après la dernière rencontre avec la harpie Bloody Freddie, le jeune homme avait ardemment réclamé, auprès de son ami Charlie, un entraînement qui lui permettrait d’agir enfin. De ne plus avoir à rester caché. Il ne voulait plus avoir la sensation d’être un couard. Il ne voulait plus laisser les autres agir à sa place.
Endolori par les coups assénés par l’ange, se relever devenait aussi douloureux que de se battre. Charlie, alias Iezalel, ne lui faisait pas de cadeaux. Il l’avait prévenu : pas de pitié. Pas de ménagement. Car les ennemis n’en auront pas. Il ne serait peut-être pas le meilleur, mais il saurait se défendre tout seul. L’ange n’y allait pas de main morte. Bien qu’il retenait ses coups, sa force restait considérable.
« Allez, relève-toi ! »
Facile à dire ! Il ne sentait plus ses poignets. En voulant riposter, il avait reculé son pied pour avoir meilleur appui. C’était sans compter un caillou qui se trouvait là. Ce simple petit caillou l’avait fait fléchir. Sa cheville a vacillé sur ce petit caillou. Ce qui lui valut sa dernière chute.
« Allez, Lucius ! Debout ! »
Reprenant courage, il s’appuya sur ses poignets, et se releva avec peine. Sa cuisse devenait raide. Il n’avait pas pensé à s’échauffer. Charlie l’avait pourtant prévenu. Échauffer ses muscles, avant un entraînement, permettait une meilleure endurance, et la possibilité de progresser plus rapidement. Mais Lucius n’était pas un sportif dans l’âme, bien au contraire. Des gouttes de sueur ruisselaient sur sa peau embuant sa vue. Le soleil brillait. Il sentait sa chaleur, encore timide, sur sa peau. Il se retourna, et fit face à son maître d’armes. Charlie se tenait droit. Les épaules en arrière, les bras le long du corps, les jambes tendues, il se tenait prêt à attaquer de nouveau. Lui, en revanche, n’était pas sûr de pouvoir donner une simple pichenette.
« Recommence ce que tu as fait, lui ordonna Charlie. Prends l’épée et remets-toi en position. »
Fatigué, il scruta le sol à la recherche de l’épée. Elle était à quelques mètres de lui. L’arme mesurait cinquante centimètres, forgée par les elfes. Deux lames en spirale, parsemée d’épines de plomb. Les blessures qu’elle pouvait infliger étaient terribles lorsque les lames étaient affûtées. Une fois en main, il se demanda quelle approche il comptait utiliser pour attaquer Charlie. L’ange était trop rapide. Trop vif. Trop précis. Alors, Lucius courut, épée au poing, le regard rivé sur son adversaire. Il visa les jambes, mais Charlie le bloqua, le repoussa, et l’attaqua à son tour. Le coup fut porté à l’épaule. Un nerf fut touché, ce qui engourdit son bras. N’ayant plus qu’un faible contrôle douloureux de son bras gauche, il lança avec élan son épée en direction des cuisses de son adversaire.
Contré. Un coup dans les côtes. La douleur le brûlait de l’intérieur. Un coup derrière les genoux. Plus d’équilibre. Une pointe glacée lui piquait la gorge, le visage de Charlie au-dessus du sien. Lucius tentait de reprendre son souffle. La force de son adversaire était plus grande que la sienne. Pourtant, le jeune homme n’avait d’autres choix que de continuer ! Cet entraînement lui permettrait d’être actif, il se devait de ne pas renoncer !
Charlie baissa sa lame, et tendit sa main vers son ami, qui la saisit pour se relever. L’ange était de bonne humeur, aucune fatigue ne se lisait dans ses yeux. Lucius se demandait s’il serait capable de pareil prodige un jour. Était-il seulement possible pour un humain d’avoir une telle énergie ? La curiosité le motivait à continuer.
« Arrêtons-nous là pour aujourd’hui, lui dit Charlie, comme s’il avait lu dans ses pensées.
Avec un soulagement non dissimulé, le jeune homme ferma les yeux, prenant plaisir à respirer l’air frais de cette magnifique forêt. Il entendit son ami ricaner doucement. Souriant à son tour, il s’imagina à sa place, essayant d’enseigner l’art de l’escrime à un débutant peu agile. L’image était assez amusante.
— Je ne savais pas que les anges savaient se battre ! se moqua-t-il gentiment. D’habitude, vous êtes les fesses à l’air avec un petit arc et des flèches, non ?
— Figure toi que mes fesses sont une distraction parfaite face à l’ennemi ! se vanta Charlie fièrement. Ces petites merveilles ont déjà fait leurs preuves !
— Oh je n’ai aucun mal à croire que tu en aies fait souvent usage !
— Saurais-je te narrer mes nombreuses victoires, se mit-il à fanfaronner d’un air faussement prétentieux, dont ce corps idéal en fut le héros ?
— Oh je me passerais des détails, répondit Lucius, ne pouvant s’empêcher de sourire en réponse aux imbécilités de son ami. Dis-moi, tu as appris tout ça chez les divins ? Je veux dire, vous avez… des cours ?
— En quelque sorte, répondit Charlie en retrouvant un semblant de sérieux. En fait, nous sommes créés avec des capacités. Certains d’entre nous ont une spécialité, mais nous avons les mêmes enseignements.
Ils s’assirent sur un énorme tronc mort, faisant fuir un petit moineau posé là. Sortant deux sandwichs de sa besace, il en tendit un à Lucius, qui ne se fit pas prier pour le dévorer.
— Je ne t’ai pas demandé mais, tu préfères que je t’appelle comment ? Est-ce que Charlie fait partie de tes prénoms ? Ou seulement Iezalel ?
— Tu peux continuer de m’appeler Charlie, répondit ce dernier la bouche pleine. C’est un de mes noms d’emprunt dans votre monde. Iezalel est bien plus formel. Mais nous n’avons pas ce genre de relation toi et moi, lui lança-t-il avec un clin d’œil.
— Tu as dit que Marlène et Mathis sont au courant pour toi. Mais, as-tu une famille ? Une femme ? Des enfants ?
— Hmm… pouffa-t-il. Tu ne sais donc rien sur les divins ?
Lucius remua la tête.
— Bien, je suppose donc que j’ai beaucoup de choses à t’apprendre. Je n’ai pas de femme. Je n’ai pas d’enfants non plus. Pas de mon sang ni de ma chair. Mais, je considère chacune des personnes que j’ai protégées comme mon enfant. Je n’arrive pas pour trois jours dans la vie de quelqu’un. Mes missions durent des années. Je me suis souvent attaché aux humains. C’est d’ailleurs ce qui m’a valu de nombreux conflits avec les autres anges. Les démons s’en fichaient. Ils ne comprenaient pas que les anges refusent tout contact affectif avec les humains. Ils estiment, dit-il avec amertume, que nous ne devons pas nous mélanger. Que nous ne devons pas nous abaisser à les aimer. Que notre mission est de les empêcher d’anéantir le monde. Rien de plus.
— Les anges n’ont pas l’air aussi gentils et bienveillants que dans les histoires.
— Nous ne sommes pas les gentils petits êtres ailés des contes de fées, admit Charlie en essuyant la mayonnaise qu’il avait au coin des lèvres. Tout comme les démons ne cherchent pas à semer le chaos et la destruction. Les nouveau-nés sont rares chez les divins. Cela ne fonctionne pas comme chez les humains. Nous pouvons avoir des relations sexuelles et y prendre du plaisir. Mais il n’y a pas de grossesse. Nous sommes créés. Chacun d’entre nous existe jusqu’à ce que sa tâche soit accomplie. Ensuite, nous appartenons au monde.
Lucius n’avait pas imaginé un seul instant que la conversation serait si triste. Passionnante, certes. Les anges semblaient si durs. Si froids. Pourtant, ils n’étaient pas égoïstes, puisqu’ils venaient en aide aux humains. Cela paraissait effrayant. Charlie ne semblait pas ainsi pourtant.
En repensant à la question qu’il lui avait posée, Lucius se demanda si Charlie n’avait pas menti. Son ami savait depuis longtemps que lorsque Charlie pouffait de rire quand on lui posait une question, c’est qu’il s’apprêtait à mentir. Peut-être n’avait-il pas le droit de parler de sa famille. Ou bien l’avaient-ils abandonné, et Charlie estimait qu’il n’avait plus de famille ?
— Tu ne ressembles pas aux anges que tu décris », lui fit remarquer Lucius.
Une tristesse s’empara de l’ange. Lucius s’en voulut aussitôt. Il était évident que son ami avait connu des douleurs dont il ignorait tout. Charlie se mua dans le silence. Un silence parlant. Sa vie n’avait pas dû être facile.
Que dit-on à un divin pour le réconforter ? Lucius se contenta de rester là, à finir son sandwich à ses côtés.
Sur le chemin du retour, Charlie n’avait pas prononcé un mot. Il n’était plus aussi taciturne, mais leur discussion avait certainement réveillé des souvenirs marquants. Arrivés au potager de Gayette, l’ange lui tapota l’épaule avant de s’enfoncer dans la forêt. La culpabilité lui donna des maux de ventre. C’est dans la cuisine qu’il retrouva Gayette. Le doux fumet d’une délicieuse compote de pommes toute chaude se dégagea de sa petite marmite. Les étagères étaient remplies de bocaux dans lesquels étaient rangés des herbes, des légumes secs, des perles, des plumes, des écailles, des liquides de différentes couleurs, et même des bulles. Sur la table en bois, grossièrement taillée, étaient disposés des tasses d’argile, de bambou et des paniers de paille. L’un des murs servait de potager d’herbes aromatiques et d’herbes magiques. Les boutures de mandragore commençaient à gémir et se tortiller.
« Que t’es-tu cassé cette fois, petit bonhomme en sucre ? demanda Gayette en lui lançant en regard en coin rempli de malice.
— Qui te dit que je me suis cassé quelque chose ? répondit-il en lui souriant. Par contre, il m’a pas loupé, je dois l’admettre !
— Assieds-toi.
Lucius tira la première chaise qui se présentait sous sa main. Enfin, il pouvait étendre ses jambes. Il en profita pour se masser doucement la cuisse.
— Tu trouveras de la pommade dans ta chambre. Tiens, dit-elle en lui versant une tasse de thé. Ça peut pas te faire de mal. Ne t’inquiète pas pour lui.
— C’est si évident que ça ?
— Iezalel a connu de nombreuses épreuves douloureuses. Il est différent de la plupart de ses semblables. Il est unique en son genre.
— Je ne peux pas m’empêcher de me dire que j’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas.
— La mémoire a des conséquences et des pouvoirs impensables. Et la sienne détient beaucoup de données, dit-elle en s’asseyant face à lui. Laisse-le avec ses pensées un moment. On a tous besoin de petits moments de solitude. Tu as eu de nouvelles visions ?
— Non, répondit-il sombrement. Je ne fais que ressasser ce que j’ai déjà vu. Je n’arrive pas à comprendre comment il se peut que je voie les souvenirs de ma mère. Et encore moins pourquoi ça arrive maintenant !
Gayette pinça les lèvres, acquiesçant Lucius. En effet, c’était étrange. Les mains crispées autour de sa tasse de thé, Lucius tentait de retrouver son calme. Tout cela était très stressant. Il avait l’impression d’être embarqué dans une mission contre son gré. Sauf qu’il n’y avait aucune feuille de route ni aucune consigne.
De plus, Alistair n’avait donné aucune nouvelle depuis bien trop longtemps. Bien qu’ils n’échangeaient pas beaucoup par téléphone, les circonstances des évènements récents changeaient la donne. Si lui s’était fait à nouveau attaquer par cette harpie, alors qu’en était-il de son père ? Il fallait sortir de la forêt. Il devait retourner chez lui. Se terrer ici ne rimait à rien. Les gens finiraient par avoir des soupçons ! Et il avait hâte de reprendre les entraînements du professeur Turpin. La magie serait certainement plus utile que le maniement des armes. Même s’il reconnaissait volontiers que cela pourrait se révéler nécessaire sur le terrain.
— Je dois retrouver mon père, déclara-t-il déterminé. Personne n’a eu de nouvelles, ni de lui ni d’Alice. On ne sait même pas s’ils sont arrivés chez les Elfes ! Il faut combien de temps pour y aller ?
— Tout dépend le déroulement de l’entrevue avec les gardiens.
— Les gardiens ?
— Tu ne crois quand même pas que les Elfes laissent l’entrée libre aux premiers clampins venus ? Ils filtrent les allées et venues bien sûr ! Surtout depuis que notre président a déclaré que les elfes devaient reconnaître la suprématie intellectuelle des humains… Comme quoi les longues études ne sont pas synonymes d’intelligence ! dit-elle en pinçant les lèvres et haussant un sourcil. Autant te dire que les Elfes sont sur la défensive. Ils n’ont pas laissé entrer beaucoup de monde depuis ces trente dernières années. Mais je serais quand même étonnée que ton père ne passe pas la sécurité. Après tout, il s’est marié avec Ta mère !
Son regard se perdit dans le vide, un tendre sourire flottant sur son visage marqué par le temps. Lucius pouvait lire dans ses yeux qu’elle se remémorait d’agréables souvenirs à propos de Sa mère. D’habitude, il n’aurait pas osé la déranger ni remuer le couteau dans la plaie, mais ces derniers temps, il n’avait plus envie de rester poli.
— Gayette ?
— Hmm ?
— Je veux savoir… Pourquoi Ma mère a l’air si importante ?
— Par où commencer… murmura-t-elle en déposant sa tasse. Tu sais qu’Elle avait des pouvoirs ? En fait, Elle en avait beaucoup. Avec une puissance incroyable. Elle était fascinante ! Il lui arrivait d’intervenir dans des conflits juste avant le point de non-retour. On lui a demandé de stopper des êtres maléfiques comme des ensorceleurs, des nécromanciens, des adeptes de magie noire avancée, et des créatures venues des limbes. Les Elfes et les fées du monde entier la considéraient comme leur égale. Elle n’abusait jamais de Sa magie. De nombreuses forêts, plages, grottes et glaciers ont été protégés de tout impact néfaste. Il fallait La voir !
Les yeux de Gayette révélaient une admiration presque juvénile envers Elle. Cette joie le rendait heureux, et lui donner envie d’en savoir encore plus.
— C’est Ta mère qui a redonné vie à la Forêt Obscure ! Elle a anéanti les entités malfaisantes qui avaient empoisonné les sols et les eaux de ce lieu féerique sacré. La lutte était acharnée. Les entités étaient là depuis plusieurs siècles, et le mal profondément ancré. Tu sais gamin, quand on veut débarrasser un endroit ou une personne de forces malveillantes, il faut d’abord la dominer. Il faut pouvoir la contrôler. Il ne suffit pas d’arriver, de faire apparaître des étincelles, et pouf ! Non ! Il faut avoir une puissance aussi forte, voire plus, pour contrôler, dominer, puis définir l’étendue des dégâts. Ensuite, il faut l’absorber complètement.
— L’absorber ? s’exclama Lucius. Mais pourquoi ? Enfin, ça tuerait n’importe qui !
— Pas Ta mère, répondit Gayette avec un sourire malicieux. La magie est un échange de matière. Tu ne peux rien faire apparaître du néant. C’est impossible. Alors, Elle absorbait les forces obscures, et utilisait leur puissance pour défaire ce qu’elles avaient causé.
— Et, Ma mère a fait ça ? s’étonna Lucius impressionné à la fois par la puissance de Sa mère, et aussi par la complexité du processus de la magie.
— Et plusieurs fois, mon garçon ! Elle était incroyable. Ses combats L’épuisaient énormément. Elle en ressortait blessée, et épuisée. Plusieurs fois, Elle a frôlé la mort. Mais Elle n’a jamais voulu arrêter. Jamais Elle n’a refusé d’aider quelqu’un. Même ceux qu’on estimait perdus.
— Tu veux dire qu’Elle réussissait à changer la mentalité des gens ?
— Pas vraiment. Elle lisait en eux pour savoir d’où leur venaient leurs ressentiments. Les gens ne naissent pas monstres. Ils le deviennent. Ta mère le savait, et essayer de les raisonner. Elle était capable de contrôler les esprits, mais elle a toujours refusé de le faire. La liberté de choisir était une liberté essentielle selon Elle. Forcer quelqu’un à faire quelque chose n’a pas la même valeur qu’une prise de conscience. Mais Elle se trompait : certains sont foncièrement mauvais. Et pour ceux-là, Elle n’avait aucune pitié.
— Est-ce que…
Lucius avait peur de poser la question. Il n’était pas sûr d’avoir envie d’entendre la réponse. Mais il avait envie de savoir. De La connaître !
— Est-ce qu’Elle a… tué ?
Gayette le regarda tristement tout à coup. Tout son récit était un éloge merveilleux envers une femme qui a agi pour le bien du monde. Mais chaque pièce a son revers…
— Lorsque c’était nécessaire, oui. Tu te souviens du célèbre mage noir Fabien Guirmi ? Celui qui s’acharnait sur les enfants. Les sévices étaient si atroces qu’Elle n’a pas supporté ce qu’Elle a lu en lui. Il était heureux de les tuer. Il en était si fier ! Elle n’avait vu aucune douleur dans son passé. Et il était impossible de lui faire comprendre que ce qu’il faisait était inadmissible. Il en était si heureux, qu’on dit qu’il riait à gorge déployée lorsque Ta mère l’a condamné. En réalité, ils étaient entourés des dépouilles des enfants. Lui continuait de dépecer un nourrisson, avec un plaisir malsain. Alors, Elle l’a détruit.
Cela n’avait rien à voir avec ce que son père lui racontait. Il avait du mal à croire que la femme décrite avec amour par Alistair, et la guerrière décrite par Gayette, était la même personne.
— Mon père n’a pas de pouvoirs lui, reprit Lucius songeur. Alors, comment se sont-ils rencontrés ?
Gayette éclata de rire. Laissant Lucius perplexe.
— Alors ça, c’est ce qu’on appelle la force du destin ! dit-elle en s’essuyant les yeux. Ils n’étaient pas du même monde. Ta mère fréquentait la magie, et ton père n’y était pas très familier. Et puis, un ami de Ta mère L’a invitée à venir passer le réveillon du Nouvel An avec lui et des amis à lui. Elle a accepté, et…
— Il l’a vue, la coupa Lucius. Oui, cette histoire je la connais. Alors, c’est simplement le hasard ? Mais, personne ne Lui tournait autour ? Je veux dire…
Lucius se sentit gêné. C’était méprisant de le dire, et encore plus de le penser. Surtout venant de lui…
— Elle a fait de grandes choses ! Et, papa, lui, il a pas vraiment le même caractère !
— Tu en es sûr ? » lui susurra Gayette avec un regard interrogateur qui signifiait qu’il se trompait lourdement.
Son père aurait été différent ? Ça, c’était un scoop !
Depuis cette soirée horrible, Alistair dormait très mal. Chaque nuit, des cauchemars envahissaient son esprit, ne lui laissant aucun répit. Chaque nuit avait son lot de peur et d’angoisse. Il ne cessait de traverser des couloirs dans un bâtiment immense et interminable. Un dortoir, ou bien une école, il n’en savait rien. Il y avait de nombreuses cages d’escaliers, certaines étaient délabrées. Les portes menaient parfois sur des pièces, parfois dans le néant. D’autres restées fermées.
L’un de ces cauchemars l’avait mené à un sous-sol dans un collège. Le sous-sol était aménagé en salles de classe. Mais un couloir était sombre. Seulement un. Et les élèves ne voulaient pas y aller. « Il est hanté », entendait-il. Un professeur se tenait derrière lui, et lui ordonna de se rendre dans la salle de classe au fond de ce couloir, pour y rejoindre des élèves. Alors, il entra. Il poussa les grosses portes jaunes, et se retrouva dans un couloir rénové, repeint de blanc avec une bande de la même couleur jaune que les portes. Al ne vit qu’une seule porte au fond à gauche. Là, ce n’était pas une salle de classe ordinaire. Il y avait un espace avec des ordinateurs sur des tables, et toute la pièce était recouverte de branches, de racines et de toiles d’araignées. Une vive lumière artificielle émanait d’un coin du plafond, dévoilant la deuxième partie de la salle. C’était une pièce immense, avec un très grand plafond. Le fond était si noir qu’il ne savait pas jusqu’où allait le mur. Là, parmi les troncs, les racines et les toiles d’araignées, une jeune fille de bonne corpulence peignait un tableau rouge, une autre avec une épaisse chevelure noire frisée réglait son appareil photo. Il y en avait une troisième. Alistair ne voyait pas à quoi elle ressemblait, ni même sa taille, ni la longueur de ses cheveux, ni même si elle était mince. Il ne la voyait pas. Mais il savait qu’elle était là. Les deux jeunes filles s’attendaient à sa visite, et lui expliquèrent que personne ne venait plus ici depuis un meurtre il y a plusieurs années de cela. Une élève, poussée à bout, avait massacré ses harceleurs. Alors, comme pour cacher la tristesse de ce moment, les arbres s’étaient mis à pousser et à recouvrir les murs et le sol. Les esprits des morts restaient prisonniers de cet espace. Et elles, sorcières, étaient là pour veiller à ce qu’ils restent ici, et se préparaient à perpétrer un nouveau crime.
Alistair ne comprenait jamais la logique de ses cauchemars. Tout ce qu’il savait, c’est qu’il en faisait chaque nuit. Il se réveillait très fatigué, avec des maux de tête, parfois forts. Alice lui conseillait de se reposer, et l’encourageait à boire des infusions de fleurs de Beca, un arbre elfique dont les fleurs ont la propriété, entre autres, d’apaiser les tourments.
Il avait raconté à Alice ce qu’il avait vu, ce soir-là, au « spectacle ». Les combats. Le tas de cadavres ensanglantés. Le mélange de sable et de sang. Le public enivré d’un spectacle abominable. Les paris. La peur dans les yeux des condamnés. Il n’avait pas voulu parler des visions. Lui-même ne savait pas qu’en penser. Alors, pourquoi lui soumettre l’idée que Sa femme était encore vivante ? Si c’était bien le mot… Pouvait-on réellement dire qu’Elle était envie ? Alistair n’en savait rien. On lui a présenté la détenue comme étant immortelle. Mais son corps, ses blessures, les fils barbelés tranchant ses lambeaux de peau… Ce n’était plus un corps, c’était un cadavre qui tenait par la seule force de la magie qui l’habitait. Une magie qu’il n’avait jamais vue.
Et pourtant, il en avait vu. Lucius n’en savait rien bien sûr, il avait préféré ne rien lui dire. Tout cela ne le regardait pas. Il craignait que son fils veuille continuer la tâche qu’était la Sienne. Mais il n’aurait pas pu. Il aurait probablement fait des promesses qu’il n’aurait pas pu tenir, ce qui lui aurait apporté d’énormes problèmes. Lucius n’avait pas Ses pouvoirs. Ni Sa puissance. Il avait quelques dons, mais rien d’égal aux Siens.
Alistair se souvenait de ce qu’il avait vu. Toutes ces choses incroyables qu’Elle avait faites. Faire revivre l’Arbre Cœur des Elfes, sauvegardant ainsi leurs pouvoirs et leur longévité. Bannir les Esprits Noirs des terres féeriques. Retrouver des enchanteurs adeptes de nécromancie et de rites diaboliques. Il s’était toujours demandé ce qu’Elle pouvait bien ressentir lorsqu’Elle venait à se battre. L’ayant vue s’entraîner aux armes et à la magie, Alistair avait une idée de Ses talents. Mais ne L’avait jamais vue à l’œuvre.
Lorsqu’ils rendaient visite à Ses amis, Elle était toujours accueillie avec un profond respect, et une grande reconnaissance. Elle n’était pas de nature à profiter de sa position pour exiger quoi que ce soit, ni pour traiter les autres comme étant en dessous d’Elle. Lui-même doutait qu’il puisse garder la tête froide comme cela. Tous les présents qui Lui étaient offerts ! Elle les gardait tous, sauf l’argent et ce qu’Elle jugeait impensable qu’Elle ait : des bijoux de famille, des héritages, des époux même (certaines tribus de centaures et de lutins voulaient lui en offrir !). Heureusement pour Al, Elle les avait refusés car : « ça aurait fait moins de goûters pour toi tout seul,Alistair ! ».
Elle avait réalisé de nombreuses choses pour les autres. Et tant de choses dont Elle n’avait jamais voulu lui en parler.
Une nuit, Elle était rentrée en catimini. Al était couché, mais ne parvenait pas à dormir. Le son de Ses pas était inhabituel. Il était collant. Poisseux. Tandis qu’Elle montait les escaliers, la tête cachée sous la couette, Alistair devinait un pas claudicant, et une respiration haletante, fatiguée. Ressemblant davantage à un râle rauque. Lorsque la douche s’enclencha, il décida d’aller voir comment Elle allait, sans La déranger. Alors, sans faire un bruit, il se glissa hors du lit, et alla passer la tête dans l’embrasure de la porte de la salle de bain. Là, sous la douche, à travers la vitre, il voyait l’eau s’écouler le long de Ses longs cheveux bruns, et de Sa peau légèrement mate. Enfin, c’était plutôt du sang qui s’écoulait. Il n’en avait jamais vu autant. Sa chevelure reluisait d’un rouge sombre et brillant, tant Elle en était recouverte. Le sang coagulé sur Sa peau était si dense qu’il recouvrait toutes les nouvelles blessures. Le liquide épais ruisselait sur Sa peau délicate, tandis qu’avec difficulté, Elle levait ses bras pour nettoyer Ses cheveux.
C’était la première fois qu’il voyait autant de sang. S’il s’en était écoulé directement du pommeau, il n’y aurait eu aucune différence. La vue de Sa femme, nettoyant Son corps du sang de ses ennemis, était un spectacle inquiétant. Peu à peu, le savon dévoilait l’étendue de Ses nouvelles blessures. Elle avait une énorme griffure qui Lui lacérait la moitié du dos. Une morsure profonde Lui perforait le bras droit. Sa jambe droite tremblait : elle était couverte d’ecchymoses. La poussière et la terre partaient également. Inquiet pour Son état, il s’avança, prenant soin de faire suffisamment de bruit pour être entendu, mais pas trop pour ne pas La déranger. Dans ces moments-là, Elle avait besoin de faire le vide dans Son esprit. En entendant le froissement des vêtements, Elle tourna très légèrement la tête, le regard bas. Alistair devinait Sa fatigue, et cette peine lourde que ressentent les soldats au front. Il s’installa à Ses côtés, sous l’eau chaude ; et L’enlaça tendrement, sans trop appuyer. Elle se retourna face à lui, et, sans lever les yeux, enfouit Sa tête dans le creux de son cou.
Relevant la tête, de retour à la réalité, Alistair était dans le couloir sombre qui menait à la cellule. Depuis les combats, il s’était souvent demandé si c’était bien Elle. Si ce n’était pas juste une créature qui L’avait bien connue. Et lu dans son esprit. Une créature capable de lire non seulement les pensées, mais également les souvenirs ! De ce qu’Elle lui avait expliqué, la télépathie basique consistait à lire les pensées instantanées. Tout le monde n’en était pas capable, cela nécessitait un grand pouvoir psychique. Et si l’on était assez puissant, on pouvait capter les impressions de chacun sur les individus qui l’entourent, leurs émotions.
L’étape suivante consistait à être capable de remonter dans la mémoire de l’individu, tout en captant les pensées et les émotions du moment du passé, et en les dissociant de ceux du présent. Remonter dans la mémoire était dangereux : si l’on n’était pas suffisamment fort, on pouvait détériorer la mémoire, la changer, en supprimer des évènements, des personnes, et cela de manière définitive.
Et enfin, il y avait les plus puissants. Eux étaient capables, en plus de ces prodiges, de modifier volontairement, selon leur volonté, leur mémoire, mais aussi, leurs émotions passées et actuelles, et enfin, manipuler les individus à leur guise. Leur créer des sentiments, des affinités et des animosités, des envies, des culpabilités. Certains en usaient pour pousser leurs victimes au suicide, au meurtre, à faire leurs basses besognes, ou encore, à créer un sentiment similaire à l’amour, ou de la dépendance affective. Bien que cela soit faux, si le cerveau est persuadé que la donnée est vraie, alors l’individu est pris au piège. Les maux causés à l’esprit sont bien plus difficiles à guérir que ceux de la chair.
À quelques mètres de la porte, Alistair remarqua que quelque chose n’allait pas : l’épaisse porte de bois était grande ouverte. Cela ne signifiait rien de bon. Hâtant le pas, il vit la cellule vide. Les chaînes gisaient nonchalamment sur le sol. Il n’y avait aucune trace de lutte. Les serrures n’avaient pas été forcées. Pas de sang frais non plus. Inquiet, Alistair se dirigea vers la porte émeraude, espérant qu’un gardien pourrait lui en dire davantage. Mais il n’y avait que l’eau sombre aux reflets vert brillant. Après tout, peut-être qu’il n’y avait jamais personne ici ! Il n’avait jamais pensé à cela.
« Tu ne La trouveras jamais ici…
La voix venait de la première cellule. En effet, maintenant qu’il y pensait, il n’avait pas entendu pleurer. Intrigué par ces propos, Alistair sortit lentement de la pièce, pour se positionner à quelques pas de la première porte. Conscient qu’il s’agissait probablement d’un mensonge, ou d’un délire, il ne voulait pas y prêter trop d’attention. Mais la curiosité était là. Alistair se tenait droit, face à une porte de bois.
Soudain, il se rendit compte qu’il était seul, dans le couloir le plus dangereux de la prison. Seul, avec les prisonniers.
Il se tenait à quelques pas de la porte, craignant que la porte soit propulsée, et que le détenu lui saute dessus. Un frisson lui parcourut le dos. Le couloir était froid et humide. Et sa faible position n’était pas pour réchauffer l’atmosphère. Fixant la porte avec défi, il se demandait s’il n’avait pas rêvé. C’était la première fois qu’il entendait quelqu’un parler derrière cette porte. C’était une voix rocailleuse et masculine. Après deux minutes de silence, il décida de remonter.
— Elle n’est pas ici…
— Qui êtes-vous ? s’écria Alistair en direction de la cellule.
Al accourut à la porte, le cœur palpitant, la gorge serrée. La tête mêlée de surprise, d’appréhension et d’empressement.
— Qui êtes-vous ? répéta Alistair, le souffle court. De qui parlez-vous ?
Il ne savait pas très bien s’il voulait entendre la réponse. Ni même s’il voulait croire à sa véracité. Mais pour le moment, cet homme était le seul à lui parler.
— Ils L’ont emmenée…
Sa voix ressemblait davantage à un murmure. Il semblait fatigué. La voix éraillée. Alistair se demandait quels sorts avait subis ce prisonnier. Si les tortures étaient les mêmes pour tous. Et surtout, pour quelle raison il se trouvait là. Derrière l’épaisse porte, il entendit des pas traînants, et un souffle rauque. Tendant l’oreille, attentif au moindre son produit, Alistair retenait son souffle.
— Elle ne doit pas être réveillée… Ils l’ont emmenée… Vous ne devez pas La réveiller…
— Pourquoi ? Qu’est-ce qui arriverait ?
— Elle ne pardonnera pas… Vous en paierez le prix…
— Pourquoi ? Qui est-ce ? »
Mais il n’y eut plus aucune réponse. Les pas traînants retournèrent dans l’autre sens. Alistair savait qu’il n’était plus nécessaire de tenter quoique ce soit. Alors, il remonta pour de bon.
Les paroles de cet homme étaient inquiétantes. La situation était déjà complexe, mais les questions se remirent à fuser avec force. L’identité de la détenue restait floue. Plus il y pensait, plus il se rendait compte que rien ne prouvait réellement qu’elle puisse être Elle. Il était sûr d’une chose : son identité était la clé.
Il faisait nuit dans la forêt. Gayette dormait paisiblement. La chaumière était silencieuse. Charlie était reparti. Et Lucius, lui, n’arrivait pas à dormir. Le pétale de glace s’était illuminé, et ne s’éteignait pas cette fois-ci. La forme noire n’avait pas refait surface. Les visions non plus. Mais le pétale était allumé, et lévitait, seul. Cela n’était jamais arrivé auparavant. Et compte tenu des circonstances, et des évènements récents, Lucius sentait qu’il y avait une raison à cela. Que, peut-être, le pétale voulait le guider. Alors, il se releva, poussa la couette, s’habilla, et, comme il s’y attendait, le pétale se trouvait face à lui, à l’angle de la porte de sa chambre. La scène était telle qu’il se demanda s’il n’était pas en train de rêver.
Le pétale avança dans le couloir. Et, dans sa course lente, son halo orangé le suivait telle la flamme d’une bougie. Lucius n’avait pas peur. Il était intrigué de ce nouveau fait. Il voulait en savoir plus. Il voulait comprendre.
Lorsque le pétale traversa la porte d’entrée, Lucius courut préparer un sac à dos, prit un manteau, et partit suivre le pétale dans la forêt. Tandis qu’il fourrait hâtivement un sweat-shirt et sa brosse à dents dans son sac, Lucius se sentait coupable d’agir ainsi, sous le toit de Gayette. C’est comme s’il se sauvait. Comme s’il abandonnait cette femme qui avait veillé sur lui. Lucius tenait beaucoup à Gayette, mais son cœur lui disait de suivre le pétale.
Il préviendrait la vieille femme plus tard, il n’y avait pas de raisons de s’inquiéter. C’était juste pour une petite balade en forêt !
N’étant pas familier des petits chemins, il suivait le pétale de près. Et tentait même d’entrer en contact avec lui. Mais le pétale restait silencieux.
Lucius espérait ne pas aller au-devant d’ennuis qu’il ne saurait maîtriser. Il faisait très sombre. La seule lumière émanait du pétale. Autant dire qu’il n’y voyait pas grand-chose… Les feuillages étaient bien trop denses pour laisser filtrer l’éclat de la lune. De toute façon, elle était en croissant cette nuit. Le ciel n’était pas très étoilé. « Peu de planètes sont mortes », pensa Lucius.
Il était très fréquent que, lorsque le jeune homme admirait les astres, il ait un pincement au cœur, en pensant que chaque étoile était la mort d’un astre. C’était comme s’il admirait un cimetière astronomique.
Concentré sur son trajet, il essayait de ne pas glisser sur l’humus ni de s’empêtrer dans des fougères ou des buissons de houx. Bien qu’il ne soit pas de nature craintive, les bruits nocturnes, amplifiés par l’obscurité, n’étaient pas pour le ragaillardir. Ses tremblements n’étaient pas dus à la frayeur. L’humidité et la fraîcheur de la forêt en étaient responsables.
De nombreux animaux nocturnes s’attelaient à leurs tâches. Il entendait les mulots courir sous les feuilles mortes, les hiboux et chouettes hululer et partir à la chasse, quelques sangliers couraient au loin, et il reconnut même un cerf gali. Le pas de cet animal féerique était accompagné du bruissement de ses ailes tintinnabulantes.
Plus il avançait, plus l’irritation gagnait du terrain. Il faisait froid ! Il faisait humide ! Il faisait nuit noire ! Il ne voyait rien ! Il ne savait pas où il allait ! Et il avait faim ! Seulement, contre qui crier ? Personne ! Car, s’il s’en prenait au pétale, qui lui garantissait qu’il n’aurait pas un retour de monnaie ? Alors, il se taisait, frustré de ne pas pouvoir expulser son ras-le-bol.
À ce moment-là, il remarqua que le sol devenait plus dur. Que les feuilles mortes laissaient place à la terre et aux pierres. Les arbres étaient moins nombreux, et plus jeunes. Ils sortaient de la forêt ! Relevant la tête vers le pétale, il vit au loin l’arrêt de bus par lequel il venait rendre visite à Gayette. Ils avaient déjà parcouru tout ce chemin ?
« Gayette va s’inquiéter », se dit le jeune homme avec une pointe de regret. Mais il devait suivre le pétale. Elle comprendrait.
En arrivant au bord de la route, le pétale ne s’arrêta pas, et prit le chemin de la ville. Il n’escomptait tout de même pas que Lucius fasse tout le trajet à pied ?! Il en était hors de question ! Ses jambes étaient lourdes, ses cuisses lui faisaient mal, ses pieds étaient engourdis, et son dos était en compote ! Il ne pouvait plus avancer. Et il n’en avait plus envie !
Alors, il balança son sac, sans délicatesse, au sol, et s’affala par terre. Comme s’il avait ressenti l’abandon de Lucius, le pétale fit demi-tour, et se mit devant ses yeux. Lucius comprenait bien que le pétale venait lui redonner du courage, mais il n’avait aucune idée de leur destination, et donc du temps de marche qu’il lui restait.
« Laisse-moi deux minutes pour reprendre alors, d’accord ? »
Et, comme s’il avait compris, le pétale alla attendre deux mètres plus loin. La situation était étrange. D’habitude, ils communiquaient via les visions et les sensations. Là, il suffisait à Lucius de penser, pour que le pétale comprenne, et lui donne une réponse. Peut-être avaient-ils évolué dans leur relation. Peut-être que ses pouvoirs avaient grandi, et qu’il pouvait désormais communiquer plus facilement avec le pétale ! Ce serait une très bonne nouvelle ! Cela lui éviterait les visions d’horreur. Avec un peu de chance…
Soudain, au loin surgit le grognement d’un moteur : une voiture arrivait. Ne souhaitant pas être vu, et ne sachant quel type d’individu se trouvait à l’intérieur, Lucius alla se cacher derrière un buisson. De là, il pourrait voir le passage du véhicule. Seulement, la voiture ne passa pas son chemin. Lucius la vit ralentir, puis s’arrêter sur le bas-côté, là où se trouvait plus tôt le pétale. Le conducteur n’éteignit pas le moteur ni les phares. La portière s’ouvrit.
Lucius était désormais bien éveillé. Son corps endolori n’était plus que le cadet de ses soucis. Les douleurs auraient pu cesser d’exister, cela aurait été la même chose. Si l’individu pouvait avoir seulement envie de faire une pause, il pouvait également être là pour une tout autre raison… Ayant la lumière des phares dans les yeux, Lucius ne put voir le visage de la personne. Mais elle semblait savoir qu’il était là.
Le pétale s’était réfugié sous son manteau, tout contre le jeune homme. L’inconnu ne pouvait donc pas voir de lumière ! C’était un homme. Il portait un long manteau et des chaussures de ville. Lucius retint son souffle. Il se sentait piégé. L’individu s’arrêta à quelques pas devant lui. Un instant, Lucius se dit qu’il avait juste envie de se dégourdir les jambes, avant de reprendre la route. Et s’il avait une envie pressante ?
« Et s’il me pissait dessus ? se dit Lucius, écœuré à l’idée de s’être caché à cet endroit précis. »
« A priori, vous n’étiez pas au courant de notre rendez-vous Lucius !
Le professeur Turpin ricana légèrement de voir son élève ainsi accroupi.
Eh bien pour une surprise ! Le pétale s’échappa rapidement du manteau de Lucius, et vola à toute vitesse en direction du professeur. Il tournoya tout autour de lui, s’illuminant de rose et de jaune. M. Turpin rit de bon cœur, et tendit sa main, sur laquelle se posa délicatement le pétale. À la lueur orangée, Lucius vit que le professeur semblait ému de cette vision. Il regardait le pétale avec émotion, un sourire flottant sur son visage. Sortant de sa cachette, il n’arrivait toujours pas à y croire !
— C’est lui qui m’a prévenu, dit le professeur en levant sa main avec le pétale qui restait à la verticale. Selon ses dires, c’est Bloody Freddie qui vous a attaquée ?
Sa voix s’était durcie. Il devait la connaître : la gravité de la chose lui semblait évidente. N’ayant pas retrouvé l’usage de la parole, Lucius se contenta de hocher la tête.
— Vous ne pouvez pas rester dans la forêt, reprit le professeur sur le même ton. Vous vous retrouveriez piégé. Si elle a pu percer la protection, alors elle le refera. Et elle ne reviendra sans doute pas seule. Venez, nous ne devons pas rester là. »
C’était un soulagement de revoir cet homme. Lucius sentit comme un poids en moins sur ses épaules. C’est comme si on était venu à son secours au moment où il n’en pouvait plus. Depuis que Gayette et Charlie lui avaient confié que les visions étaient très probablement des souvenirs de Sa mère, il se sentait responsable. Responsable de son impuissance. Responsable de son inefficacité. Et encore, lui n’avait pas de pouvoirs. Lui n’avait pas de longévité incroyable. Lui n’était pas immortel. Eux, si. S’ils avaient tous ces pouvoirs, et s’ils en avaient autant qu’ils le laissaient penser, alors pourquoi n’avaient-ils rien fait pour Sa mère ? Pourquoi ne L’avaient-ils pas sauvée ?
D’ailleurs, comment savaient-ils que ces souvenirs étaient les Siens ? C’est vrai ça ! Comment ? Lucius se mit soudain à émettre des hypothèses. Et aucune n’était à leur avantage… Après tout, Sa mère avait des amis un peu partout dans le monde. Dont des sorciers, des sorcières, des elfes, des fées, des enchanteurs et d’autres créatures puissantes. Et, parmi cette foule « d’amis », aucun n’avait pu Lui venir en aide ?
Et si plutôt, aucun n’avait voulu Lui venir en aide ?
La culpabilité ramenait certaines personnes dans le droit chemin. Et les poussait à corriger leurs fautes. Et réparer leurs remords. Serait-ce le cas présent ?
Son sac à dos était sur le siège arrière. Le pétale, illuminé de rose, ne tournoyait plus, et restait sagement sur les genoux de Lucius. Le professeur lui avait proposé des biscuits et de l’eau, qu’il avait emmenés spécialement pour lui. Le professeur lui expliqua que le pétale l’avait contacté et montré l’attaque. Après quoi, le pétale lui avait demandé de venir en aide à Lucius. C’était la première fois que le jeune homme entendait que le pétale communiquait avec quelqu’un d’autre. Et un étranger qui plus est ! Le professeur lui cachait-il, lui aussi, quelque chose ?
« Est-ce que vous connaissez la personne à qui appartiennent les souvenirs que je vois ? avait-il demandé, suspicieux.
— Il semblerait en effet que je la connaisse. Mais je n’aurais jamais pensé avoir de Ses nouvelles de cette façon, répondit M. Turpin d’un air pensif.
Lucius ne voulait pas lui apprendre qu’il y avait de fortes chances pour que les souvenirs appartiennent à Sa mère. Il était curieux de découvrir exactement ce que savait le professeur.
Cet homme était arrivé de nulle part, à l’entrée de la forêt, deux minutes après qu’il en soit sorti. Car, soi-disant, le pétale l’aurait contacté… Gayette et Charlie lui avaient pourtant expliqué qu’il était impossible de communiquer avec l’extérieur lorsque l’on se trouvait dans la forêt. Que la barrière n’était pas seulement là pour emprisonner Gayette, mais aussi pour la protéger, et empêcher quiconque de malveillant de la retrouver.
Et si l’intrusion de Bloody Freddy avait créé des altérations dans la protection magique ? Cela voulait-il dire que Gayette pouvait sortir désormais ? Retrouver une vie normale ? Si cette protection était si puissante qu’elle semblait, comment une harpie aurait pu la briser ? De ce qu’il savait, les harpies n’avaient pas de magie.
Soit elle n’agissait pas seule, soit elle s’était procuré un artefact.
— Où allons-nous ? demanda alors le jeune homme.
— Je vous ramène chez vous, répondit simplement le professeur. Avez-vous eu des nouvelles de votre père ?
— Non, répondit Lucius en baissant la tête. Il semblerait que personne n’en ait…
— Hmm… marmonna le professeur. Ce n’est pas bon… Votre père n’est jamais arrivé au royaume des elfes.
— Comment le savez-vous ?
— J’ai un ami là-bas, et ils n’ont reçu aucune visite de votre père. Des choses étranges sont en train de se passer. Avez-vous une idée de qui est Bloody Freddie ?
— On m’en a parlé oui…