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Alors que les ténèbres se répandent, de l’aide arrive lorsqu’elle en a le plus besoin…
Marina Fae ne s’est jamais considérée comme une puissante sorcière et jamais elle n’aurait cru pouvoir faire une différence dans la bataille pour sauver son peuple, mais quand la magie de la sorcière des mers envahit l’île de Magie, Marina conduit un groupe d’enfants en lieu sûr, et elle commence alors seulement à découvrir ce dont elle est capable.
Les recherches menées par l’inspecteur Mike Hallbrook pour retrouver deux femmes, qui ont disparu dans le parc d’État de Yachats, semblent ne mener à rien jusqu’à ce qu’il se retrouve soudain sur une plage inconnue en train de sauver une femme d’une créature tout droit sortie d’un film d’horreur !
Marina et Mike doivent s’allier pour sauver l’île de Magie et les autres royaumes, mais alors que le mal de la sorcière des mers se répand, ils savent qu’ils ne pourront pas l’arrêter seuls…
Auteur de renommée internationale, S.E. Smith propose une nouvelle histoire d’action pleine de romance et d’aventure. Débordant de l’humour qui la caractérise, de paysages éclatants et de personnages attachants, il est certain que ce livre deviendra un nouveau favori des fans !
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Seitenzahl: 359
Veröffentlichungsjahr: 2020
Je voudrais remercier mon mari Steve de croire en moi et d'être assez fier de moi pour me donner le courage de suivre mes rêves. J'aimerais également remercier tout particulièrement ma sœur et meilleure amie, Linda, qui non seulement m'a encouragée à écrire mais a également lu le manuscrit. Et également mes autres amis qui croient en moi : Jennifer, Jasmin, Maria, Rebecca, Gaelle, Angelique, Charlotte, Rocío, Aileen, Julie, Jackie, Lisa, Sally, Elizabeth (Beth), Laurelle, et Narelle. Les filles qui m'aident à continuer !
Et un merci tout particulier à Paul Heitsch, David Brenin, Samantha Cook, Suzanne Elise Freeman, Laura Sophie, Vincent Fallow, Amandine Vincent, et PJ Ochlan, les voix fantastiques derrière mes livres audios !
—S.E. Smith
La Caresse d’une Sorcière
Les Sept Royaumes Tome 3
Copyright © 2020 par Susan E. Smith
Publication E-Book en anglais janvier 2018
Publication E-Book en français octobre 2020
Traduit Par : Charlotte Spender
Relu Par : Gaëlle Darde
Couverture par : Melody Simmons et Montana Publishing
TOUS DROITS RÉSERVÉS :
Cette œuvre littéraire ne peut être reproduite ou transmise sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, y compris la reproduction électronique ou photographique, en tout ou en partie, sans l'autorisation écrite expresse de l'auteur.
Tous les personnages et événements de ce livre sont fictifs ou ont été utilisés de façon fictive, et ne doivent pas être interprétés comme étant réels. Toute ressemblance avec des personnes vivantes ou décédées, des événements réels ou des organisations est strictement fortuite et n'est pas voulue par l'auteur.
Résumé : Une jeune sorcière est sauvée par un inspecteur de police, qui cherche deux femmes disparues, et elle découvre qu’il pourrait l’aider à sauver son peuple.
ISBN : 9781952021466 (livre de poche)
ISBN : 9781952021459 (eBook)
Romance (amour, contenu sexuel explicite) | Fantasy Dragons & Créatures Mythiques | Contemporain | Paranormal | Action / Aventure | Fantasy
Publié par Montana Publishing, LLC
& SE Smith de Florida Inc. www.sesmithfl.com
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Épilogue
Notes
Plus de livres et d’informations
À propos de l’auteur
Île des Éléments — créée en premier.
Roi Ruger et reine Adrina
Les élémentaux peuvent contrôler la terre, le vent, le feu, l’eau et le ciel. Leurs pouvoirs diminuent légèrement lorsqu’ils ne sont pas sur leur île.Don de la déesse : la Gemme de Puissance.Île du Dragon — créée en deuxième.
Roi Drago
Contrôle les dragons.Don de la déesse : le Cœur du Dragon.Île du Serpent de Mer — créée en troisième.
Roi Orion
Peut contrôler les océans et les créatures des mers.Don de la déesse : les Yeux du Serpent de Mer.Île de Magie — créée en quatrième.
Roi Oray et reine Magika
Leur magie est extrêmement puissante, mais diminue légèrement lorsqu’ils ne sont pas sur leur île.Don de la déesse : l’Orbe de la Lumière Éternelle.Île des Monstres — créée en cinquième pour ceux trop dangereux ou étranges pour rester sur les autres îles.
Impératrice Nali
Elle peut voir le futur.Don de la déesse : le Miroir de la déesse.Île des Géants — créée en sixième.
Roi Koorgan
Les géants peuvent devenir colossaux quand ils sont menacés, mais seulement lorsqu’ils ne sont pas sur leur île.Don de la déesse : l’Arbre de Vie.Île des Pirates — créée en dernier pour les parias des autres îles.
Roi Pirate Ashure Waves, Gardien des Âmes Perdues
Collectionnent tout ce qui est beau. Féroces et malins, les pirates parcourent les îles pour faire du commerce, négocier et parfois, mettre la main sur des objets intéressants.Don de la déesse : le Chaudron des Esprits.Personnages :
Magna : mi-sorcière, mi-peuple de la mer, c’est une cousine éloignée d’Orion du côté de son père
Drago : roi des dragons
Carly Tate : directrice adjointe de banque à Yachats, Oregon
Drago Junior (DJ) : fils aîné de 4 ans de Drago et Carly
Stone : fils cadet de 3 ans de Drago et Carly
Jenny « Roo » : fille de 2 ans de Drago et Carly
Orion : roi du peuple de la mer
Jenny Ackerly : enseignante et meilleure amie de Carly
Dolph : fils de 8 ans d’Orion, de son premier mariage
Juno : fils de 5 ans d’Orion, de son premier mariage
Kapian : capitaine de la garde et meilleur ami d’Orion
Kelia : vieille gouvernante d’Orion
Kell : père de Magna
Seline : mère de Magna
Ashure Waves : roi des pirates
Bleu LaBluff : second d’Ashure
Nali : impératrice des Monstres
Ross Galloway : pêcheur à Yachats, Oregon
Mike Hallbrook : inspecteur au département de police de Yachats, Oregon
Ruth Hallbrook : comptable et sœur de Mike
Koorgan : roi des géants
Marina : sorcière
Isha : capitaine de la garde du roi et de la reine de l’île de Magie
Magika : reine de l’île de Magie
Oray : roi de l’île de Magie
Geoff : frère cadet de Marina
Erin : sœur cadette de Marina
Un monde où vivent des dragons, un peuple de la mer, des pirates, des sorcières, des monstres, des élémentaux, d’adorables garçons espiègles, qui manigancent pour compléter leur famille, et de séduisants rois solitaires entourés de secrets…
Jenny Ackerly est dévastée lorsque sa meilleure amie disparaît sans laisser de trace. Alors qu’elle cherche Carly, sa détermination se transforme en horreur quand elle voit un jeune garçon courir sur une plage déserte vers la mer glacée. Lorsque le garçon ne refait pas surface, l’instinct protecteur de Jenny se réveille et elle se jette à l’eau pour le sauver d’une mort certaine, nageant plus loin et plus profondément qu’elle ne l’aurait jamais fait en temps normal, jusqu’à ce qu’elle soit prise dans un puissant contre-courant. Quand Jenny remonte à la surface, elle se trouve dans un monde sous-marin magique.
Orion est le puissant souverain de l’île du Serpent de Mer et le protecteur des océans, mais le temps lui est compté. Pendant des centaines d’années, sa famille a été en possession des Yeux du Serpent de Mer, qui leur accordaient le pouvoir sur les océans, mais les pierres précieuses leur ont été dérobées ! Pendant ce temps, le marché que passe l’aîné de ses enfants avec la sorcière des mers menace de sceller le sort du peuple de la mer — et peut-être celui des Sept Royaumes.
La situation semble sans espoir — jusqu’à l’apparition d’une femelle farouche venue d’autre monde…
Une alliance improbable entre Jenny et Orion pourrait tout changer, mais que faudra-t-il pour survivre au mal qui se cache dans les profondeurs de l’océan ?
— Je ne peux pas, marmonna le vieil homme en secouant la tête avec détresse. Ma magie ne fonctionnera pas contre la reine. Nous sommes liés. Non, non… la reine est trop puissante.
— Oray, appela la reine depuis l’entrée de leur bureau privé.
Le roi de l’île de Magie, qui était assis derrière le magnifique bureau en bois sculpté, releva la tête. Ses yeux étaient vitreux, recouverts d’un voile d’un noir d’encre.
Fronçant les sourcils, la reine pénétra dans la pièce plongée dans l’obscurité. Elle fit un signe de la main et les stores s’ouvrirent. Oray se leva de son fauteuil avec un grognement bestial. La main de la reine se figea en plein mouvement en entendant ce son inhabituel.
— Isha, appela doucement la reine sans quitter son mari des yeux.
Elle ne vit que son reflet dans ses yeux noirs, et non l’homme chaleureux, aimant et compatissant qui avait autrefois habité son corps.
— Je le vois, Votre Majesté, répondit Isha à voix basse.
Oray se baissa et prit la boîte noire à laquelle il parlait. Serrant le petit rectangle dans ses doigts noueux, il repoussa le fauteuil et se dirigea dans l’ombre. Ses mains tremblèrent lorsque le pouvoir qu’elle renfermait commença à jaillir, avide de la magie de Magika et d’Isha. Il savait ce qu’ils regardaient : la boîte, sa boîte. Ils voulaient la lui prendre et la détruire.
Il la leur aurait donnée s’il avait pu, mais la magie noire qui l’enveloppait l’empêchait de s’en débarrasser. Au lieu de cela, il la serra contre son corps dans un geste protecteur.
— Je vous ordonne de partir, dit-il d’une voix tremblante.
— Oray, tu es malade. Donne-moi la boîte et je te ramènerai dans nos quartiers pour que tu te reposes, demanda Magika avec douceur, pénétrant plus avant dans la pièce.
— Ce n’est pas pour toi. C’est mon cadeau. Personne d’autre ne peut l’avoir, répondit le roi.
— Quand te l’a-t-elle rendue, Oray ? La sorcière des mers est bannie de l’île de Magie. Tu le sais. Tu avais promis de me prévenir si elle revenait. Je t’en prie, mon époux, donne-moi la boîte. Celui que tu étais me manque. Quelle que soit la magie anormale que renferme la boîte, elle te tue, dit Magika sans cesser d’avancer vers lui.
Oray tremblait. Il voulait céder à la requête de sa femme. Ses douces caresses, le rire dans sa voix et l’amour qu’ils ressentaient l’un pour l’autre lui manquaient. Elle le complétait…
Non, elle essaie de te piéger, siffla une voix dans sa tête.
Notre amour…, commença à protester Oray avant de grimacer sous l’effet de la douleur intense qui le traversa.
… est une illusion. Ils essaient de te détruire. Il est temps. Appelle la sorcière des mers, ordonna la voix. Nous mettrons fin à la tromperie de la reine et de ses partisans.
— Je t’en prie, Oray, implora Magika, s’arrêtant à moins de trente centimètres de lui.
Le roi regarda sa femme en clignant des yeux, se concentrant sur son visage tandis qu’il tendait machinalement une main vers elle au moment où elle tendit la sienne vers lui. Ses lèvres s’entrouvrirent sur un sifflement et il recula de plusieurs pas chancelants. Oray s’arrêta en se heurtant à la bibliothèque derrière lui.
— Sorcière des mers… On m’a… ordonné de t’appeler, dit Oray en frissonnant avant d’incliner la tête, luttant pour conserver le peu de raison qu’il lui restait. Magika… Tu dois t’enfuir. Il est trop tard. Je ne peux pas le repousser plus longtemps.
La reine recula, sous le choc, lorsque la petite boîte commença à se dissoudre dans ses mains pour se transformer en une brume noire qui tourbillonna autour de lui. Oray leva la tête pour regarder sa femme avec une grande douleur. Sa lutte pour empêcher la créature de s’attacher à sa magie le vidait de ses forces. Son regard se dirigea vers le jeune guerrier qui arriva derrière Magika.
— Il est trop tard. Je ne peux qu’espérer le retenir assez longtemps pour que tu puisses emmener la reine en lieu sûr, s’efforça de dire Oray malgré la noirceur enroulée autour de sa gorge.
— Non ! cria Magika, tendant de nouveau la main vers son époux.
— Vous devez fuir, Votre Majesté, ordonna Isha en la tirant derrière lui. Par la magie de mon épée, vous allez libérer le roi.
Isha brandit son épée brillante vers la brume noire, mais Oray savait qu’il était déjà trop tard. La boîte qu’il tenait avait changé et se reformait en une créature fantomatique déterminée à l’asservir. Des tentacules noirs se heurtèrent à l’épée d’Isha, des étincelles dorées brillant avant que la magie qu’elle renfermait ne grésille et siffle. L’essence noire absorba avidement cette magie supplémentaire.
Oray sentait la connexion de la sorcière des mers avec la forme de vie étrangère. En son for intérieur, il était ébahi que la jeune fille, qu’il connaissait depuis sa naissance, ait été capable de lutter contre la force maléfique contenue dans l’essence noire. Le lien qu’il partageait avec la force obscure lui permettait de voir ce qui était arrivé à Magna. Le parallèle avec sa propre situation était terrifiant.
Elle avait été dominée, tout comme lui, et elle était toujours là, piégée à l’intérieur. Pourtant, il pouvait encore sentir l’essence de la jeune fille cachée sous les couches, cherchant à gagner sa liberté. Bien qu’il se soit battu pour comprendre, résister et contenir cette forme de vie malveillante, elle avait fini par l’aspirer dans son emprise étouffante.
— Cœur aussi froid que la glace, protège mon âme derrière ses murs de glace. Je t’ordonne de m’enfermer maintenant, dit le roi, murmurant le sort d’une voix torturée.
— Oray, NON ! cria Magika en se débattant pour rejoindre son mari.
Le cri de chagrin de la reine le transperça un instant avant que le sort ne fasse effet. Il savait que l’unique moyen de protéger son royaume — et ce qu’il restait de lui — était de jeter un sort dont seules sa reine ou la mort de l’entité pourraient un jour l’en libérer. Une couche de glace se forma sur sa peau, lui faisant prendre une couleur bleu clair. Il expira de petites bouffées d’air chaud avant que des cristaux blancs ne se forment. Le sang dans ses veines ralentit jusqu’à ce que même lui ne coule plus.
Il était vivant, et pourtant, ne l’était pas. Son corps était raide, bougeant telle une marionnette manipulée par un marionnettiste inexpérimenté quand il fut poussé par la masse maléfique qui flottait autour de lui. L’émotion de sa dernière seconde de conscience était figée sur ses traits. La dernière chose dont il se souviendrait serait le visage empreint de douleur de Magika.
Oray n’eut pas conscience de ce qui se passa ensuite. Dans son monde glacé, il n’était d’aucune utilité à la créature. Plus rien ne pouvait le toucher ou le contrôler, même les cris angoissés de sa bien-aimée ne pouvaient pénétrer la glace protégeant son âme.
— Fuyez, Votre Majesté ! cria Isha tout en brandissant son épée enchantée vers les bandes tourbillonnantes.
Il fut forcé de battre en retraite lorsque la masse noire se solidifia et forma une demi-douzaine de pointes acérées mortelles. Il trancha trois d’entre elles. Son épée produisit des étincelles au moment où elle traversa la masse, qui se dissipa et se reforma. Il agrippa la poignée de l’épée à deux mains, essayant différents sorts et frappant à maintes reprises afin d’essayer de découvrir ce qui arrêterait temporairement la bête.
Derrière lui, il entendit la reine prononcer un puissant sort. Des veines faites de diamants s’élevèrent du sol. Les longs rouleaux tubulaires vrillèrent et tournoyèrent, créant une cage autour de la créature. Isha pivota quand, du coin de l’œil, il vit un mouvement près de la fenêtre. Magna apparut d’entre les ombres. Vêtue d’une robe rouge sang, ses cheveux noirs volant autour d’elle comme s’ils étaient pris dans des vents violents, elle émergea d’une brume noire tourbillonnante.
Isha recula encore. Derrière lui, il entendait les pas de la reine, qui fuyait pour avertir les autres gardes. Il voyait déjà de fines fêlures apparaître dans la prison de diamant qu’elle avait formée autour de la créature. D’une main, il saisit la poignée de la porte et brandit son épée vers Magna de l’autre.
Son regard balaya le visage de la sorcière des mers. Sa peau était pâle comme le clair de lune et ses yeux d’un noir d’encre étaient habités d’une expression tourmentée, les faisant paraître trop grands pour son visage émacié. Ses lèvres avaient la couleur d’une nuit sans lune et étaient légèrement entrouvertes. Elle le fixa sans ciller.
— Il est temps que la magie de l’île nous appartienne, dit-elle d’une voix qui résonna étrangement dans la pièce.
La main d’Isha se resserra sur l’épée.
— Tu seras enterrée dans les régions les plus sombres de l’océan avant que l’île de Magie ne t’appartienne, sorcière des mers, grogna Isha d’un ton glacial.
Fermant la porte et la verrouillant avec un puissant sort, il prit son épée à deux mains. Avec un cri, il déversa la moindre once de sa magie dans l’épée. Il la leva avant de charger Magna.
Elle resta immobile, comme si elle attendait que sa lame la transperce. Les parois de diamant explosèrent, provoquant un bruit assourdissant. Isha sentit la douleur des éclats de diamant qui le frappèrent mais l’ignora. Fendant l’air de son épée, il retint son souffle lorsque la pointe de la lame acérée fut arrêtée par un épais tentacule noir à quelques centimètres seulement du délicat cou de Magna.
Isha cria de douleur à l’instant où une autre bande mortelle s’enroula autour de sa taille. La bande le souleva tandis que d’autres entouraient ses bras et ses jambes. Son épée, que sa magie faisait encore briller, tomba de ses doigts engourdis. Il se débattit, mais les bandes qui l’agrippaient étaient comme le poing d’un géant qui serrait tant son corps qu’il était certain que ses os se briseraient.
Luttant pour reprendre son souffle, il regarda Magna s’avancer et se pencher pour ramasser son épée. Isha tenta d’en retirer sa magie, mais la noirceur le vidait de ses forces. Sa main droite forma lentement un poing de frustration.
— Mag…na, haleta-t-il.
— Tu ne sais absolument rien du pouvoir auquel nous sommes confrontés, Isha, l’informa-t-elle.
La voyant lever son épée, il cligna des yeux. Il ouvrit les doigts pour se préparer à ce qu’elle frappe, mais fut choqué lorsqu’au lieu de cela, elle plaça l’épée dans sa main. Les ténèbres voilèrent la périphérie de sa vision alors qu’un sourire serein apparaissait sur le visage de Magna.
— Dors, guerrier, murmura-t-elle.
Les lèvres d’Isha s’entrouvrirent sur un hoquet. Il sentit le sort traverser son corps en le brûlant tel un feu éclair. Ses traits se durcirent jusqu’à ce qu’il ne soit plus une entité vivante qui respirait, mais une statue de pierre à l’image du grand guerrier qu’il avait été.
Marina Fae donna un coup de pied dans un galet sur son chemin et le regarda rebondir jusqu’à ce qu’il s’arrête contre l’enceinte couverte de plantes grimpantes du palais. Mettant son arc à son épaule, un sourire malicieux éclaira son visage. Elle regarda autour d’elle avant de lever les bras et d’agiter les doigts. Les plantes grimpantes qui pendaient de l’arbre de l’autre côté du mur descendirent en spirale et s’enroulèrent autour de ses poignets. Un instant plus tard, elle se faisait déposer sur le sol de l’autre côté du mur.
Se tournant pour faire face à l’arbre, elle effectua une brève révérence.
— Merci, Monsieur l’arbre, rit-elle.
Elle se retourna et se mit à couper à travers le grand jardin entourant le palais. Techniquement, elle aurait dû passer par la grille principale, mais elle ne le faisait jamais. C’était l’un des avantages à être la sœur cadette du capitaine de la garde : tout le monde la connaissait.
Fredonnant à voix basse, elle tint son arc et partit en trottinant le long du chemin sinueux qui traversait l’immense labyrinthe du jardin. Elle était excitée. Isha devait rentrer à leur village ce jour-là. Elle le surprendrait au palais, et s’assurerait simplement qu’il n’avait pas oublié qu’il avait dit qu’il rentrerait.
Le festival annuel des lumières qui se tenait ce week-end-là était un moment très spécial dans leur village. Celui-ci se situant bien plus à l’intérieur des terres que le palais, qui était plus proche de la mer, les montagnes s’animaient une fois par an avec l’éclosion des fleurs étoiles de nuit. Les fleurs s’ouvraient et les graines brillantes qu’elles renfermaient flottaient dans les arbres, illuminant la forêt et la parant de couleurs. Les voix des villageois s’élevaient en chants et dispersaient leur magie dans la brise afin qu’elle se mêle aux graines volantes. C’était une nuit réellement magique et elle adorait y assister.
Marina ralentit le pas lorsqu’elle entendit des cris et un hurlement, qui s’interrompit brusquement. Elle vacilla au moment où le sol trembla sous ses pieds en raison d’une puissante explosion qui déchira l’air. Pour se stabiliser, elle tendit la main gauche et s’accrocha à l’épaisse branche de l’un des grands buissons qui bordaient le labyrinthe. Elle était presque à la sortie près des jardins principaux, à la droite de l’entrée du palais.
Lâchant la branche, elle murmura quelque chose à son arc. Elle sentit la corde se tendre à mesure qu’elle réveillait la magie qu’il renfermait. Inquiète, elle avança en entendant la voix de la reine s’élever par-dessus les cris, les pleurs et les hurlements.
Un sentiment d’inquiétude envahit Marina. Elle ne put s’empêcher de penser de façon curieusement détachée qu’elle n’avait encore jamais entendu la reine élever la voix de colère. Elle n’avait fait que quelques pas quand la surprise lui coupa le souffle. D’épaisses bandes de magie tourbillonnèrent autour d’elle telle une rivière tumultueuse, se ruant dans la direction d’où lui était parvenue la voix de la reine. La beauté et la puissance pures des couleurs flottantes époustouflèrent Marina.
Repérant la sortie du labyrinthe, elle accéléra puis s’arrêta dans une glissade en dépassant la dernière haie. Ses lèvres s’entrouvrirent dans une admiration horrifiée. Une femme élancée se tenait sur le perron du palais. Tout autour d’elle, une brume noire tournoyait et bouillonnait. La femme semblait faite de l’essence noire.
— La sorcière des mers ! murmura Marina, le regard rivé sur Magna.
— Je t’ordonne de t’arrêter, Magna ! En tant que reine de l’île de Magie, je te condamne à mort pour ta tromperie et tes actes de trahison, déclara Magika en levant les mains.
— Tu ne peux pas m’arrêter. Je contrôle maintenant l’île de Magie et tous les pouvoirs de ce royaume, répondit la sorcière des mers d’une voix étrangement monotone.
— Tu te trompes, Magna. Quelle que soit la magie maléfique que tu as invoquée, elle ne vient pas de ce monde. Pense aux dommages que tu causes, répondit Magika d’une voix froide.
— Magna !
Marina se tourna pour voir apparaître Kell et Seline, les parents de Magna ; la reine devait les avoir appelés. Une vague d’espoir la traversa. Les prières des parents de la sorcière des mers allaient sans doute parvenir à émouvoir leur fille.
— Pense à ta famille, Magna, dit la reine.
Le regard de Marina se porta anxieusement vers sa souveraine. Un petit sifflement lui échappa lorsqu’elle comprit ce qu’elle faisait. La reine Magika tissait un sort de ses mots et se servait des parents de Magna pour distraire la sorcière des mers.
Marina n’avait encore jamais vu une magie aussi pure et magnifique être tissée si étroitement, si précisément. La capacité de voir la magie était l’un de ses talents. Elle avait hérité son don de sa grand-mère, qui lui avait conseillé de ne confier cela à personne.
Personne n’a le même talent que toi et moi, Marina, lui avait-elle dit alors qu’elle n’avait que dix ans. Sauf peut-être la reine et le roi. Être capable de voir la magie n’a pas grande utilité, sauf en cas de besoin. Garde bien ce petit secret. L’on ne sait jamais quand il pourrait servir, avait-elle ajouté en lui faisant un clin d’œil.
À présent, elle regardait les fils se tendre vers Magna. La magie était subtile, tissée dans les mots prononcés par la reine. Marina se tourna pour se reconcentrer sur la sorcière des mers. Était-elle capable de voir la magie ? Comment réagirait-elle vis-à-vis de ses parents ?
Marina fut bouche bée en voyant l’essence noire qui entourait Magna se tendre avidement vers les bandes de magie cachées. La reine poussa un cri de douleur lorsque les bandes dévorèrent les fils magiques. Elle vit la brume malveillante absorber la magie de la reine… et se renforcer !
— Non, Magna ! cria Kell, s’avançant et s’interposant entre la reine et sa fille. Laisse-nous t’aider. Je t’en prie, je t’en supplie. Rends-toi et nous t’aiderons.
L’expression de Magna s’adoucit, ses lèvres s’entrouvrirent et l’espace d’un instant, Marina crut que la sorcière des mers céderait. Même à plusieurs mètres de là, elle pouvait voir le conflit sur le visage de la femme. L’indécision ne dura pas plus d’une seconde avant que son expression ne se durcisse.
— Attention ! cria Marina, levant une main en guise d’avertissement.
Elle vit le changement dans la brume. Horrifiée et impuissante, elle regarda deux longs tentacules jaillir. Les bandes s’enroulèrent autour de Kell. Seline, la mère de Magna, leva ses mains brillantes pendant que ses lèvres bougeaient, lançant un sort mortel pour arrêter l’attaque de sa fille. Une vague de brume submergea Seline, durcissant ses traits jusqu’à ce qu’ils deviennent pierre et figeant le sort incomplet sur ses lèvres.
Une magie comme Marina n’en avait jamais vue s’éleva autour de ceux qui se tenaient dans la cour. Tout autour d’elle, les traits des gardes de la reine et des rares domestiques qui avaient fui à l’extérieur se mirent à se figer et à se durcir. Même la reine Magika n’était pas immunisée contre l’horrible brume qui transformait son peuple en pierre.
Marina balaya éperdument la mer de visages à la recherche de son frère. Elle devait le trouver. Isha sentirait sans doute le danger que courait la reine et viendrait lui porter secours, à moins, pensa-t-elle avec une panique croissante, qu’il protégeât le roi.
— Monsieur l’arc, il me faut des flèches, ordonna Marina, levant l’arc et bandant la corde.
— Isha ! cria la reine, se débattant pour empêcher la brume noire de l’envelopper.
— Il ne te répondra pas, il est en mon pouvoir, ma Reine, tout comme le seront tous ceux qui me résisteront, l’informa la sorcière des mers, descendant lentement les marches.
— Quelle est cette magie ? exigea de savoir Magika d’une voix tremblante alors que le cercle se refermait autour d’elle.
— Ce n’est pas de la magie. C’est quelque chose de bien plus puissant, de plus mortel, de plus horrible que tout ce que la magie pourrait créer, répondit Magna d’une voix qui portait à peine dans le vent.
Les doigts de Marina tremblèrent et elle abaissa l’arc qu’elle tenait. Ses yeux s’agrandirent tandis qu’une vague de douleur et de chagrin la submergeait. Elle vit un homme apparaître derrière Magna. Il marchait avec des mouvements raides et brusques. Son visage, scintillant sous un film de glace dans la lumière, était dénué de toute émotion, comme si seul son corps était présent. Derrière le roi, la statue parfaitement sculptée de son frère Isha, sa main tenant toujours fermement son épée magique, flottait sur une vague de la brume noire et le dépassa. Marina émit un cri de dénégation brisé.
Le cri angoissé de la reine se mêla à celui de Marina. La rage transperça la bulle d’horreur qui l’entourait et sa mâchoire se serra de détermination. Levant son arc, elle n’hésita pas cette fois. Elle décocha la flèche magique. Le feu qui brûlait dans ses veines s’amplifia lorsqu’elle vit les bandes noires qui tourbillonnaient autour de Magna s’élever pour dévorer sa flèche.
Marina plissa les yeux et elle siffla de fureur. Passant une main par-dessus son épaule, elle tira une flèche de son carquois. Si la créature se nourrissait de magie, elle allait voir si elle aimait les éléments non magiques. Encochant la flèche, elle banda la corde et murmura à son arc :
— Que ma flèche vise juste, Monsieur l’arc.
Ses doigts s’écartèrent, lâchant la corde. La flèche fendit l’air. Les bandes noires se tendirent avidement vers le tube en bois, mais la flèche s’incurva, évitant les tentacules qui tentaient de l’arrêter. Magna se tourna à la dernière seconde, la pointe de la flèche dessinant une fine mais profonde entaille le long de son biceps gauche.
La reine Magika pivota et la vit.
— Marina, tu dois prévenir le royaume…, cria-t-elle quelques secondes avant que la brume noire ne la recouvre et que son corps ne se raidisse.
— Arrêtez-la ! grogna Magna en serrant son bras blessé de son autre main.
Marina recula de plusieurs pas chancelants quand la masse noire commença à prendre forme. D’immenses créatures se formèrent à partir des bandes et se solidifièrent. Leurs yeux brillaient d’un rouge sinistre alors que de longs crocs noirs brillants s’allongeaient au niveau de leurs mâchoires supérieures. Les bêtes noires possédaient de longs museaux avec une série d’arrêtes qui prenait fin entre leurs yeux. Des piquants rigides se dressaient au sommet de leurs crânes et couraient le long de leurs dos jusqu’au bout de leurs queues ressemblant à des fouets. Leurs quatre pattes massives aux griffes acérées s’enfonçaient dans les parties herbeuses meubles du jardin, qui était jonché des corps pétrifiés des soldats du palais, des domestiques et de la reine.
Marina recula maladroitement vers l’entrée du labyrinthe, prenant une autre flèche dans son carquois. Ses mains restèrent assurées alors même qu’elle prenait une inspiration tremblante. Elle n’avait encore jamais vu de magie telle que celle qui constituait ces créatures. Ce que la reine avait dit à Magna lui revint à l’esprit : « … elle ne vient pas de ce monde. Pense aux dommages… ». Levant le menton, elle banda la corde de l’arc et inspira profondément quand la bête la plus proche d’elle grogna et fit un pas en avant.
— Voyons si tu es réelle.
Elle murmura un sort. Un film bleu foncé recouvrit la pointe de sa flèche. Ouvrant les doigts, elle lâcha la corde au moment où la bête bondit en avant. Marina n’attendit pas de voir si la flèche avait fait son travail ou non. Elle tourna les talons et s’enfuit dans le labyrinthe.
Yachats, Oregon :
— Mike, tu as de la visite, lança Patty depuis l’accueil.
Mike grimaça et essuya la tache humide sur sa chemise, à l’endroit où il avait renversé son café. La journée s’annonçait bien. Elle avait commencé avec sa sœur Ruth, l’appelant à une heure indue pour l’informer qu’elle lui rendrait visite. Il pouvait remercier son anniversaire pour cette merveilleuse occasion.
— Une minute, répondit Mike, laissant tomber le dossier sur son bureau.
Il posa le café, qu’il avait acheté au café en bas de la rue, sur une serviette en papier pliée, qui affichait la preuve de sa maladresse des jours précédents. De qui se moquait-il, bon sang ? Toute la semaine avait été une suite d’accidents. Tout en secouant la tête, il prit une serviette froissée dans le sac de bagels qu’il avait ajoutés à sa commande à la dernière minute.
— Je t’ai pris un everything bagel1, grogna Mike, sans lever les yeux en entendant les pas s’arrêter devant la porte.
— Merci, mais j’ai déjà mangé, répondit une voix inconnue.
— Oh, hé, Mike, tu as pensé au cream cheese cette fois ? demanda Patty, lui jetant un coup d’œil, derrière l’homme asiatique élancé qui le regardait avec une expression légèrement amusée.
— Ouais, j’ai demandé un supplément, répondit Mike, essuyant distraitement la tache humide sur sa chemise bleu foncé. Je peux vous aider ?
Mike parcourut l’homme du regard, notant et enregistrant les détails : début de la trentaine, environ un mètre soixante-dix-sept, yeux marron, fine cicatrice près de l’œil gauche. Les plis de son pantalon de costume, les chaussures noires polies et la coupe précise de ses cheveux indiquaient qu’il était militaire ou ancien militaire. Le regard de l’homme enregistrait tout ce qu’il remarquait chez Mike et dans son bureau et il se dit qu’il devait être un membre des services de renseignements militaires.
— Oui, fut sa brève réponse.
— J’ai oublié ton cappuccino, Patty. Pourquoi tu n’irais pas le chercher ? Je prendrai les appels, suggéra Mike en tendant le sac contenant les bagels.
— Tu es sûr ? demanda Patty, jetant un bref coup d’œil à l’homme qui s’était effacé pour lui permettre d’entrer.
Les lèvres de Mike tressaillirent quand les yeux de celle-ci firent des mouvements brusques comme s’ils essayaient de lui transmettre un message secret.
— Je suis sûr, répondit-il sèchement.
— Oh, d’accord. Eh bien, ça ne me prendra que quelques minutes. Si tu as besoin de moi, tu n’as qu’à m’appeler, dit Patty, serrant le sac contre sa poitrine et se tournant pour regarder leur invité. Le café est genre, juste à côté. Les murs sont fins… vraiment fins, comme du papier, si vous voyez ce que je veux dire.
— Vas-y, Patty, ordonna Mike avec exaspération.
— Seigneur, j’y vais, murmura-t-elle.
Mike resta debout jusqu’à ce qu’il entende la clochette de la porte d’entrée carillonner, puis il désigna le siège en face de lui. Il attendit que l’homme soit assis pour l’imiter. Rassemblant les photographies qui avaient glissé du dossier au moment où il l’avait laissé tomber un peu plus tôt, il les remit dedans et le posa sur le côté avant de se carrer dans son siège.
— Maintenant, que puis-je faire pour vous, Monsieur…, commença Mike.
— Tanaka, agent Asahi Tanaka, CIA, répondit Asahi, mettant une main dans la poche intérieure de sa veste et en sortant son insigne.
Mike se pencha en avant et prit le fin portefeuille en cuir. Il l’ouvrit, étudia la carte d’identité à l’intérieur avant de le refermer et de le lui tendre. Asahi le remit dans sa poche.
— Alors, qu’est-ce qui amène la CIA à Yachats, dans l’Oregon ?
— Le dossier que vous avez sur votre bureau, inspecteur Hallbrook.
Le regard de Mike se dirigea immédiatement vers le dossier froissé et taché de café. Le remplacer devenait nécessaire. Le dossier était presque usé à force de l’avoir emporté partout avec lui. Il pinça les lèvres et leva les yeux vers l’homme assis en face de lui.
— Qu’est-ce que la disparition de deux femmes a à voir avec la CIA ? demanda Mike, joignant les mains et formant une pointe de ses deux index. Je pourrais comprendre pour le FBI, mais la CIA ? C’est exagéré, à moins que vous ne pensiez que Carly Tate et Jenny Ackerly aient été des espionnes travaillant pour le compte d’un gouvernement étranger.
Le regard d’Asahi glissa vers le dossier avant de revenir se poser sur Mike. Il pinça les lèvres un instant avant de se détendre et son expression devint indéchiffrable. Mike ne doutait pas un seul instant que cet homme passait plus de temps sur le terrain qu’à remplir de la paperasse.
— Je ne suis pas autorisé à donner des explications, mais oui, leur disparation suscite notre intérêt, dit Asahi en inclinant légèrement la tête.
Mike se pencha en avant, posant les bras sur le bureau. Un pli lui barra le front à l’idée de ce que pouvaient avoir fait les deux femmes pour attirer l’attention de la CIA. Tout ce qu’il avait appris ou entendu lui laissait croire que Carly et Jenny n’étaient que deux citoyennes américaines ordinaires, le hasard voulant qu’elles se connaissaient et se trouvaient au même endroit lorsqu’elles avaient disparu.
— Si vous n’êtes pas autorisé à me le dire, alors pourquoi êtes-vous là ? questionna Mike d’un ton sarcastique.
— Vous étudiez cette affaire depuis un moment.
— Depuis que j’ai pris la relève ici, répondit Mike en hochant la tête.
— Avez-vous découvert quelque chose… d’inhabituel à propos de leur disparition ? interrogea Asahi.
Le coup d’œil qu’il lança au dossier n’échappa pas à Mike. L’homme voulait le regarder. Il le sentait au plus profond de lui. Curieux, il posa la main gauche sur le dossier et le poussa vers l’agent.
— À vous de me le dire, suggéra-t-il.
Leurs regards se croisèrent un bref instant avant qu’Asahi ne tende la main pour prendre le dossier. Mike le retint assez longtemps pour que l’agent comprenne que les informations ne seraient pas gratuites. Un bref éclair d’agacement passa dans les yeux d’Asahi.
— Seules les personnes directement concernées ont accès à ces informations, expliqua Asahi d’une voix calme.
Mike haussa un sourcil.
— Ça me concerne, répondit-il avec un sourire en coin.
— Depuis combien de temps vivez-vous à Yachats, inspecteur Hallbrook ? demanda Asahi, tirant le dossier vers lui et l’ouvrant quand Mike le lâcha et se laissa aller contre le dossier de son siège.
— Un peu plus de deux ans. Pourquoi ?
— Avez-vous remarqué quoi que ce soit d’étrange depuis que vous vivez ici ? interrogea Asahi, tournant lentement les pages des notes et des documents que Mike avait amassés.
— Définissez « étrange », dit-il sèchement. Nous avons notre lot d’individus étranges qui vivent dans la région, mais il n’y a personne que je qualifierais de dangereux.
— Dangereux n’est pas nécessairement ce que je cherche, répondit Asahi, marquant une pause devant un document écrit à la main comparant les disparitions de Carly et Jenny. Puis-je avoir une copie de ce dossier ?
— Bon sang, qu’est-ce qui se passe, agent Tanaka ? exigea de savoir Mike.
Asahi leva la tête vers lui. Son regard était on ne peut plus sérieux. L’estomac de Mike se noua lorsque l’homme hésita et ferma le dossier.
— Des extraterrestres, dit Asahi en même temps que la clochette de la porte d’entrée carillonna.
— Mike, je suis revenue ! Est-ce qu’on a eu des appels ? Est-ce que ce gars biz…. Oh, il est toujours là, dit Patty en s’arrêtant dans l’embrasure de la porte.
Il se leva en même temps qu’Asahi. Ils s’observèrent un moment. Mike se demanda s’il l’avait bien entendu tandis qu’Asahi attendait la réponse à sa demande de copie du dossier.
— J’allais partir, déclara Asahi en tendant le dossier.
— Patty peut vous faire une copie du dossier et vous l’envoyer, dit Mike, perdu dans ses pensées tout en prenant le dossier.
— Merci. Je lui laisserai mes coordonnées, répondit Asahi en contournant le siège.
Mike baissa les yeux vers le dossier qu’il tenait. Il se sentit commencer à secouer la tête d’incrédulité. Il releva les yeux au moment où Asahi franchissait la porte.
— Tanaka…, appela-t-il.
L’interpellé se retourna et le regarda. Il étudia l’expression fermée de l’autre homme.
— Oui ?
— Vous êtes sérieux ?
— Complètement. Bonne journée, inspecteur Hallbrook. Je suis certain que nous nous reverrons, dit Asahi avant de tourner les talons et de partir.
Mike resta debout près de son bureau, regardant le couloir désert sans le voir. Remarquant le retour de Patty, il secoua la tête et se laissa choir sur son siège. Il leva les yeux lorsqu’elle s’arrêta devant le bureau.
— Tu te fous de ma gueule ? La CIA ? Qu’est-ce qui se passe, bon sang ? souffla Patty.
Mike secoua la tête.
— Quand tu auras trouvé, dis-le-moi, rétorqua-t-il sèchement. Est-ce que tu peux… ?
— Ouais, il m’a donné ses coordonnées, dit Patty, anticipant ce qu’il allait lui demander, avant de prendre le dossier et de secouer la tête, abasourdie. Qui aurait cru qu’il y aurait autant d’animation dans cette petite ville endormie !
Mike regarda Patty tourner les talons et franchir la porte. Il savait que la moitié de la ville serait au courant de la visite de l’agent Tanaka avant le dîner. Les autres l’apprendraient avant le lendemain matin. Se levant de son siège, Mike prit son café et contourna son bureau. C’était une bonne chose qu’il n’ait pas enlevé sa veste ce matin-là.
— Je sors un moment, Patty, cria-t-il, se dirigeant vers la porte arrière du poste de police.
Il l’ouvrit et sortit. Le fin brouillard matinal avait pris la forme d’un épais rideau. Un sombre sourire étira le coin de sa bouche. Pas de pêche ce jour-là ; cela semblait être la journée idéale pour rendre visite à quelqu’un qui avait vécu ici toute sa vie et qui connaissait les deux femmes.
Tournant vers la gauche, Mike décida qu’il serait plus prudent de marcher que de conduire. Cela lui donnerait également le temps d’assimiler ce que Tanaka lui avait dit. Le type lui avait demandé s’il avait remarqué quelque chose d’étrange… en dehors de la disparition des deux femmes.
— Seulement un agent de la CIA un peu fou qui croit que les extraterrestres ou les monstres existent vraiment, marmonna Mike en secouant la tête.
Mike s’arrêta sur le trottoir devant le bar populaire chez les gens du coin. Il se trouvait à l’entrée de l’un des ports de plaisance préférés des pêcheurs de la région. De vieux chalutiers s’alignaient le long des quais. Ils formaient un contraste saisissant avec les bateaux de plaisance plus récents et plus coûteux qui se trouvaient dans le port de la ville.
— Ross Galloway ? demanda Mike à un vieil homme qui sortait du bar.
— À l’intérieur.
— Ne prenez pas le volant, l’avertit Mike en sentant l’haleine chargée de bière de l’homme.
— Peux pas, caisse en panne, grommela-t-il.
Mike commença à grogner. Il n’était même pas encore dix heures du matin. Le juron mourut sur ses lèvres quand il vit une femme âgée vêtue d’un manteau rouge apparaître à l’angle du bâtiment. Le vieil homme leva la tête et avança en chancelant vers elle.
Il écouta la femme réprimander affectueusement l’homme avant de passer un bras autour de sa taille. Mike les regarda disparaître tous les deux dans le brouillard. Prenant une profonde inspiration avant de soupirer, il se reconcentra sur sa mission. Il ouvrit la porte et se retrouva dans l’intérieur chaleureux du bar.
Malgré l’heure matinale, presque une douzaine de personnes étaient présentes, taillant une bavette, mangeant ou jouant au billard. L’odeur de bacon fit gronder son estomac, lui rappelant qu’il avait pris son café, mais que Patty avait réquisitionné le bagel supplémentaire qu’il avait acheté plus tôt. Balayant l’intérieur sombre, son regard s’arrêta sur Ross Galloway, assis à une table près du fond.
Mike traversa la salle à grands pas, faisant des signes de tête à ceux qui le saluaient. Ross leva les yeux et fronça les sourcils lorsqu’il vit qu’il se dirigeait vers lui. Ignorant son expression renfrognée, Mike tira la chaise en face de Ross et s’assit.
— Salut, Mike. Qu’est-ce que tu prendras ? demanda Dorothy depuis le bar.
— Deux œufs au plat retournés à point, du bacon, des galettes de pommes de terre et des toasts au blé complet… et un café, répondit Mike avant de reporter son attention sur Ross.
Ce dernier prit sa fourchette et la planta dans ses œufs brouillés. Le pêcheur avait à peu près le même âge que Mike, avec un corps trapu et musclé, et des cheveux noirs et hirsutes, aussi sauvages que sa réputation. Mike recula sur sa chaise lorsque Dorothy lui apporta son café.
— Merci, dit-il avec un sourire appréciateur.
— Je t’en prie. Encore un peu de café, Ross ? demanda Dorothy.
Celui-ci grogna et poussa sa tasse vers la cafetière que la serveuse tenait. Il marmonna un merci entre ses dents. Mike s’avança dès que la serveuse s’en alla. Il prit sa tasse de café entre ses mains, fixant le liquide marron foncé.
— Je vous l’ai dit, j’ai rien fait, finit par dire Ross.
— Je sais.
Ross leva la tête et étudia le visage de Mike pendant un moment avant de réattaquer son petit-déjeuner.
— Alors pourquoi est-ce que vous êtes là, dans ce cas ? demanda-t-il franchement.
— J’avais faim.
Ross lui lança un regard qui lui fit comprendre qu’il ne le croyait pas. Mike fut amusé quand il se demanda quelle serait son expression s’il lui demandait s’il avait déjà vu des extraterrestres traîner dans le coin. Même s’il voulait considérer la visite de Tanaka comme une plaisanterie ridicule, c’était impossible. L’homme avait été bien trop sérieux.
— Et voilà, mon chou. Il te faut autre chose ? demanda Dorothy en posant l’assiette de Mike devant lui.