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Loin de chez lui…
Alexandru Carson a un gros problème et ce n’est pas la femme qui l’a capturé… Non, c’est le fait qu’il ne se souvient de rien d’autre que son nom. Il ignore où il se trouve et comment il a fini au milieu d’une forêt qui lui paraît complètement étrangère. Mais comme si le fait d’être perdu ne suffisait pas, sa fascination et son attirance pour sa ravisseuse rendent la situation encore plus compliquée, vraiment plus compliquée… ou peut-être que c’est tout simple. Difficile à dire.
Ka’ya Stargazer est une paria au sein de sa tribu. Née avec la marque de la Chasseuse, elle est vouée à servir et à commander, et elle inspire tout autant la crainte que l’admiration. Ses compétences physiques surpassent celles des autres, mais elle est impuissante face à l’homme qui détient sa famille. Cependant, lorsqu’elle découvre un homme blessé au cours d’un voyage de reconnaissance, Ka’ya prend une décision qui changera sa vie à jamais.
Le baiser d’Alexandru donne envie de plus qu’une vie de guerrière à Ka’ya. Pourtant, alors qu’ils se rapprochent, de puissantes forces menacent de les séparer. Alexandru acceptera-t-il la revendication de Ka’ya ou le perdra-t-elle à tout jamais quand il aura retrouvé la mémoire et découvert qu’il ne vient pas de son monde ?
L’auteur de renommée internationale S.E. Smith a reçu 14 fois le prix meilleure vente USA Today ! Elle revient avec un nouveau monde de science-fiction qui prendra vie dans vos mains. Plus de DEUX MILLIONS de livres vendus !
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Seitenzahl: 214
Veröffentlichungsjahr: 2023
Je voudrais remercier mon mari Steve de croire en moi et d'être assez fier de moi pour me donner le courage de suivre mes rêves. J'aimerais également remercier tout particulièrement ma sœur et meilleure amie, Linda, qui non seulement m'a encouragée à écrire mais a également lu le manuscrit. Et également mes autres amis qui croient en moi : Jennifer, Jasmin, Maria, Rebecca, Gaelle, Angelique, Charlotte, Rocío, Aileen, Julie, Jackie, Lisa, Sally, Elizabeth (Beth), Laurelle, et Narelle. Les filles qui m'aident à continuer !
Et un merci tout particulier à Paul Heitsch, David Brenin, Samantha Cook, Suzanne Elise Freeman, Laura Sophie, Vincent Fallow, Amandine Vincent, et PJ Ochlan, les voix fantastiques derrière mes livres audios !
—S.E. Smith
La Chasseuse et le Captif
Magic, Nouveau-Mexique, Tome 3
Copyright © 2023 par Susan E. Smith
Publication E-Book en anglais Septembre 2017
Publication E-Book en français Juin 2023
Couverture par : Melody Simmons et Montana Publishing
Traduit Par : Charlotte Spender
Relu Par : Gaëlle Darde
TOUS DROITS RÉSERVÉS :
Cette œuvre littéraire ne peut être reproduite ou transmise sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, y compris la reproduction électronique ou photographique, en tout ou en partie, sans l'autorisation écrite expresse de l'auteur.
Tous les personnages et événements de ce livre sont fictifs ou ont été utilisés de façon fictive, et ne doivent pas être interprétés comme étant réels. Toute ressemblance avec des personnes vivantes ou décédées, des événements réels ou des organisations est strictement fortuite et n'est pas voulue par l'auteur.
Résumé : Alexandru Carson a un gros problème et ce n’est pas la femme qui l’a capturé… Non, c’est le fait qu’il ne se souvient de rien à part son nom. Il ignore où il se trouve et comment il a fini au milieu d’une forêt qui lui paraît complètement étrange, et il sait encore moins pourquoi il a autant de mal à garder ses distances avec la femme qui a décrété qu’il était son prisonnier…
ISBN : 9781959584414 (livre de poche)
ISBN : 9781959584407 (eBook)
Romance (amour, contenu sexuel explicite) | Action/Aventure | Fantasy
Publié par Montana Publishing, LLC
& SE Smith de Florida Inc. www.sesmithfl.com
Loin de chez lui…
Alexandru Carson a un gros problème et ce n’est pas la femme qui l’a capturé… Non, c’est le fait qu’il ne se souvient de rien d’autre que son nom. Il ignore où il se trouve et comment il a fini au milieu d’une forêt qui lui paraît complètement étrangère. Mais comme si le fait d’être perdu ne suffisait pas, sa fascination et son attirance pour sa ravisseuse rendent la situation encore plus compliquée, vraiment plus compliquée… ou peut-être que c’est tout simple. Difficile à dire.
Ka’ya Stargazer est une paria au sein de sa tribu. Née avec la marque de la Chasseuse, elle est vouée à servir et à commander, et elle inspire tout autant la crainte que l’admiration. Ses compétences physiques surpassent celles des autres, mais elle est impuissante face à l’homme qui détient sa famille. Cependant, lorsqu’elle découvre un homme blessé au cours d’un voyage de reconnaissance, Ka’ya prend une décision qui changera sa vie à jamais.
Le baiser d’Alexandru donne envie de plus qu’une vie de guerrière à Ka’ya. Pourtant, alors qu’ils se rapprochent, de puissantes forces menacent de les séparer. Alexandru acceptera-t-il la revendication de Ka’ya ou le perdra-t-elle à tout jamais quand il aura retrouvé la mémoire et découvert qu’il ne vient pas de son monde ?
Tapi à l’ombre d’un genévrier, Alexandru observait deux hommes qui s’approchaient de la maison de ses parents. Il attendait l’un d’eux : le grand aux cheveux blonds et dont émanait une allure aristocratique. Simon Drayton dégageait une aura de pouvoir et de danger. Il avait tout de quelqu’un qui avait vécu très longtemps.
Si tout se passait comme le voulait Alexandru, cette longue vie était sur le point de se terminer de la plus douloureuse des façons. Un rictus sardonique lui courba les lèvres. Simon était tellement focalisé sur sa destination que la possibilité qu’il soit en train de se jeter droit dans la gueule du loup ne lui était même pas venue à l’esprit.
Son regard se posa sur l’homme aux cheveux noirs et à la peau foncée qui accompagnait Simon ; Alexandru avait parlé à plusieurs occasions au garde du corps personnel de l’homme. Youssef Sharif était discret et vigilant. Visiblement, il savait ce qu’était son employeur, pourtant, il lui restait loyal. Alexandru espérait que cette loyauté ne lui coûterait pas la vie. Youssef Sharif était humain et ne représentait pas une grande menace pour les êtres immortels tels que Simon et lui.
Il plissa les yeux lorsque le blond s’avança sur le chemin près des marches du perron de la maison. Sans un bruit, Alexandru bondit en avant. Il frappa Simon au flanc, le soulevant dans les airs avant de le jeter loin des marches. Si l’autre mâle avait été humain, le coup lui aurait brisé plusieurs côtes… mais Simon n’était pas humain. Alors même qu’il tournoyait en l’air, ce dernier se transforma, la bête à l’intérieur de lui comprenant qu’il était en danger.
Alexandru décrivit un cercle autour du loup-garou enragé. La haine le consumait dès qu’il pensait à ce que Simon avait fait à sa petite sœur Tory. Le feu de la magie lécha ses veines et s’intensifia encore quand l’autre mâle renifla l’air à la recherche de sa sœur. Déterminé à détourner son attention de Tory, Alexandru envoya une puissante décharge d’électricité vers le loup-garou. Simon fit un bond au dernier instant, évitant de peu sa frappe étourdissante.
— Je savais que tu viendrais, gronda-t-il. J’espère que Youssef t’a dit que je prévois de te tuer.
Voyant que le chef de la sécurité de Simon commençait à s’avancer, il ajouta à son attention :
— Je resterais en dehors de ce combat, si j’étais toi, Youssef. Je n’ai nullement envie de te tuer.
La menace arracha un petit grognement à Simon. Le regard d’Alexandru se posa sur le pistolet que tenait le garde du corps. D’un claquement de doigts, l’arme disparut.
— Elle ne veut pas te voir, Simon, continua Alexandru. Je vais m’assurer qu’elle n’aura plus jamais à s’inquiéter que tu l’approches.
Pendant la fraction de seconde qui s’écoula avant que Simon ne charge, il vit la tension croître dans son corps. Les pattes arrière du loup-garou grattèrent le sol et firent voler de l’argile rouge foncé, de l’herbe et des cailloux derrière lui. Les griffes de ses pattes avant s’allongèrent et creusèrent de profonds sillons dans le sol.
Alexandru se prépara. À la seconde où Simon plongea en avant, il bondit pour aller à sa rencontre. Les deux mâles entrèrent en collision. Simon le fit reculer de plusieurs mètres, mais Alexandru parvint à tourner sur lui-même et à enrouler ses bras autour de la gorge du loup-garou.
Il recula vivement la tête lorsque Simon tenta de le mordre. Son souffle chaud et ses mâchoires puissantes lui rappelèrent qu’une seule morsure pouvait infliger de sérieux dommages, voire être fatale. Le loup-garou poussait de toutes ses forces contre le sol avec ses pattes arrière et tous deux luttaient pour conserver leurs appuis. Alexandru sentit sa prise se desserrer. Ses canines s’allongèrent et il planta ses crocs dans son oreille gauche.
— Tu es un homme mort, Simon. Ce que tu as fait à Tory… c’est la peine de mort, gronda Alexandru avec fureur, jetant le mâle sur le côté.
— Monsieur Carson, intervint Youssef, qui se tenait à distance de l’affrontement. Votre sœur partage l’affection de Simon. Elle est sa compagne.
— Elle était innocente, rétorqua Alexandru.
— Elle l’aime, insista Youssef.
La rage prit le dessus sur lui et il attaqua avec l’intention de tuer. Il sauta au dernier moment, passa au-dessus du dos de Simon et enroula ses bras autour de lui par-derrière. Son adversaire essaya de le déloger, mais Alexandru affermit sa prise et commença à serrer. Le loup-garou tomba en arrière pour tenter de se débarrasser de lui, sans succès, et il serra encore plus ses côtes.
Du coin de l’œil, Alexandru vit Youssef s’élancer pour venir en aide à Simon. Faisant apparaître une boule d’énergie dans la paume de sa main, il agrippa son poignet gauche et fit pivoter son bras jusqu’à pouvoir lancer son projectile sur l’humain. La puissante rafale frappa Youssef à l’épaule gauche. Le bruit d’os se brisant et le cri de douleur de ce dernier se mêlèrent à un autre son : le hurlement horrifié de Tory.
— Arrêtez ! Nonny ! À l’aide ! Alexandru, Simon, arrêtez !
Entendre la voix de sa sœur envoya une onde d’énergie dans tout son corps et il serra assez fort pour sentir une côte de Simon se briser sous la pression. Alexandru lâcha le loup-garou et s’éloigna d’une roulade tandis que l’autre mâle se tordait de douleur. Son regard resta braqué sur son adversaire. En arrière-plan, il entendit le cri paniqué de sa sœur, qui appelait à l’aide. Déterminé à mettre fin au combat tant qu’il avait l’avantage, il s’élança.
Alexandru écarquilla les yeux lorsqu’un trou noir apparut soudain devant lui. La voix de Tory s’éleva pour entonner un sort qu’il avait déjà entendu. Les couleurs tourbillonnantes d’un portail magique et son élan ne firent qu’amplifier son mauvais pressentiment.
Incapable de s’arrêter avant de franchir le portail, Alexandru sentit la magie l’envelopper. Si les pouvoirs de Tory étaient imprévisibles quand elle savait ce qu’elle faisait, ils étaient chaotiques quand elle les utilisait sans se rendre compte de ce qu’elle disait. Il était impossible de dire où — ou, dans certains cas, à quelle époque — il pourrait se retrouver.
L’espace d’un instant, il crut que son corps allait être déchiqueté par la férocité de la tempête de magie qui faisait rage à l’intérieur du long tunnel. Il bascula la tête à l’envers avant d’être expulsé de l’autre côté. Ses pieds atterrirent sur un sol moelleux et inégal. Incapable de garder l’équilibre, il bascula et dévala la pente. Il eut l’impression que sa chute n’en finissait plus, puis il se sentit comme en apesanteur. L’instant suivant, il retomba avec un bruit sourd sur un chemin au pied d’une colline. Il roula plusieurs fois avant de s’arrêter, sa tête heurtant un rocher.
Les ténèbres obscurcirent sa vision, le monde tourna à une vitesse vertigineuse autour de lui, puis tout sombra dans une obscurité paisible. La dernière chose à laquelle pensa Alexandru avant que ses yeux ne se ferment, c’était qu’il ne se rappelait pas qu’il y avait une forêt si épaisse et luxuriante près de Magic, au Nouveau-Mexique. Sa tête retomba sur le sol frais et humide et son corps se détendit, réduisant au silence le martèlement douloureux qui lui vrillait les tempes.
* * *
Ka’ya Stargazer se détourna du groupe de jeunes hommes, tous encore adolescents, qui se tenaient près de la fontaine. Elle posa sa cruche sur le large rebord et appuya son arc sur le côté. Leurs voix se turent et elle sentit leurs regards méfiants sur elle. Les ignorant, elle remplit sa cruche avant de reprendre son arc.
— Chasseuse, appela une voix de l’autre côté de la large route.
Ka’ya se tourna vers les deux anciens de la tribu qui approchaient. Ses lèvres se pincèrent d’agacement. Ils ne l’abordaient jamais seuls. La peur… Elle avait une odeur qu’elle ne connaissait que trop bien. Parfois, la peur de la tribu menaçait de l’étouffer.
— Oui, honorable Mayleaf, salua-t-elle en inclinant la tête.
— Nous avons appris que tu étais revenue des grottes. As-tu réussi à tuer la bête responsable des attaques contre les fermes éloignées ? demanda Mayleaf.
Ka’ya pinça les lèvres et elle ravala les mots qui faillirent lui échapper. La « bête » s’était révélée être deux jeunes cybears dont la mère avait été tuée par un fermier. Affamés, les petits s’étaient aventurés dans les champs, à la recherche de nourriture. Ka’ya avait passé la moitié de la journée à cueillir des baies pour conduire les créatures à travers un col de montagne jusqu’à un endroit où abondaient baies fraîches, insectes et fleurs comestibles. Elle soupçonnait la mère cybear d’avoir voulu retourner à son habitat d’été après avoir donné naissance à ses petits à une altitude plus élevée.
Ka’ya cacha sa véritable opinion de la situation et adressa un bref hochement de tête à Mayleaf, resserrant sa prise sur la cruche d’eau.
— Y a-t-il autre chose, honorables anciens ? Il est temps pour moi de rompre mon jeûne. Je n’ai pas mangé depuis hier matin.
— Mange si tu le dois, mais fais vite. Des pillards ont été aperçus sur le sentier en direction du nord. Il faut que tu ailles voir s’ils se sont déplacés, ordonna l’honorable Direwolf.
Ka’ya fronça les sourcils. Le village n’avait souffert d’aucune attaque de pillards depuis près de quatre ans. Durant cette période, elle n’avait croisé des pillards solitaires qu’en de rares occasions. L’on racontait qu’un nouveau dirigeant avait pris le contrôle des Vikars et procédait à des changements. Elle en avait été témoin lorsqu’elle s’était rendue dans la ville de Perth, environ un an plus tôt.
— Chasseuse, as-tu entendu l’honorable Direwolf ? demanda Mayleaf, la tirant de ses réflexions.
— Oui, honorable ancienne. Je partirai à la première heure.
— Pourquoi ne peux-tu pas partir avant la nuit ? interrogea Mayleaf d’une voix tremblante. Les pillards pourraient venir pendant que nous dormons.
Ka’ya secoua la tête.
— C’est pour ça que nous avons la frontière. Les limites sont sécurisées. Je m’en suis assurée avant de venir chercher l’eau, répondit-elle impatiemment.
— Tu partiras ce soir, ordonna l’honorable Direwolf.
Ka’ya s’apprêtait à protester, mais elle ravala sa réplique frustrée à la vue de l’expression dans les yeux de l’ancien. Ce dernier parcourut le village du regard, s’arrêtant sur un jeune garçon qui jouait avec un bâton et un galet devant l’une des huttes. Elle fit un pas sur la gauche, lui bloquant la vue.
— Je pars immédiatement, dit-elle doucement en inclinant une nouvelle fois la tête.
Aucun des deux anciens ne répondit. Ils se contentèrent de tourner les talons et de s’en aller. Ka’ya garda la tête basse jusqu’à être certaine qu’ils étaient assez loin pour qu’elle puisse se retourner et observer le garçon sans risque. Son expression s’adoucit lorsqu’une femme âgée sortit de la petite hutte pour le chercher. L’espace d’une fraction de seconde, son regard croisa celui de la femme — sa mère — avant que son frère ne dise quelque chose, détournant l’attention de sa mère.
— Protégez-nous, Chasseuse, se moqua l’un des jeunes hommes près de la fontaine, agitant les mains en l’air tandis que ses amis riaient.
— Prêt à passer la nuit avec vous, Chasseuse, plaisanta un autre adolescent.
— Attention à vous, paysans. Pendant que vous tremblez dans vos chaumières, je vis telle une ombre dans la nuit, répliqua Ka’ya, se tournant pour darder un regard froid et implacable sur les garçons. Toutes les lumières de vos huttes ne peuvent éclairer les recoins les plus sombres. Vous ne saurez jamais si j’y suis tapie, à attendre que vous fermiez les yeux.
Les adolescents restèrent interdits, mais elle vit la façon dont ils reculèrent, leurs épaules se relevant dans une attitude défensive au moment où elle fit un pas vers eux. Lorsqu’elle fendit leur groupe, ils s’écartèrent tout en l’observant avec une méfiance révélatrice de la peur qu’elle leur inspirait. Ka’ya garda la tête haute. Plus jeune, elle s’était promis de ne jamais laisser l’opinion des autres habitants de son village affecter ce qu’elle pensait d’elle-même. Avoir des doutes la rendrait vulnérable à leur animosité.
Son regard glissa vers la hutte dans laquelle sa mère et son frère cadet avaient disparu. Aller les voir trop souvent était dangereux ; il valait mieux qu’elle fasse comme si elle ne s’intéressait pas à eux. La menace tacite des anciens contre sa famille planait dans chaque ordre qu’elle recevait et elle n’avait aucune envie de les inciter davantage à utiliser sa mère et son frère contre elle.
Son père avait déjà payé le prix ultime pour la protéger. Ils l’avaient banni du village, près de dix ans auparavant, quand son frère n’était qu’un bébé et qu’elle avait douze ans. Tout ça à cause de la marque avec laquelle elle était née : la marque de la Chasseuse.
Les superstitions étaient profondément enracinées dans la tribu et un homme, Jorge, le guide spirituel de son peuple, utilisait ces superstitions avec la même précision mortelle qu’elle utilisait son arc ou sa lame. Sa mère lui avait dit que Jorge avait de l’influence sur le vieux chef et les autres anciens bien avant sa naissance.
Sa mère lui avait également raconté que Jorge était un étranger qui était apparu quelques années avant qu’elle ne rencontre son père. Il avait parlé dans une langue inconnue, mais avait été accepté après avoir sauvé le chef du village d’une meute de chiens-loups. Elle lui avait confié que l’homme était arrivé avec en sa possession de mystérieuses choses qu’il prétendait venir de la déesse. Le vieux chef l’avait cru et l’avait proclamé guide spirituel.
À la mort du vieux chef, Jorge avait affirmé qu’il guiderait le village aux côtés du fils du vieux chef. C’était alors que le père de Ka’ya était arrivé et avait tenté de prévenir le fils du vieux chef des dangers qu’il y avait à donner un tel pouvoir à Jorge. Elle se rappelait l’expression de sa mère — la peur — lorsqu’elle avait raconté à voix basse que le nouveau chef et le Conseil des anciens avaient menacé de bannir toute sa famille si son père ne cessait pas d’opposer une telle résistance à Jorge.
Ka’ya comprenait combien cela avait dû être difficile pour son père. Il avait toujours été considéré comme un paria — tout comme elle — jusqu’au jour où il avait poussé Jorge à bout. Peu après que son père avait été banni, le nouveau chef était mort dans des conditions mystérieuses et le guide spirituel avait rapidement remplacé les anciens qui avaient quitté leur position par des villageois qui soutenaient ses croyances. Depuis, Jorge dirigeait le village avec une cruauté qui frôlait la folie. Ces dernières années, il était devenu reclus, mais également plus puissant.
Malheureusement pour Ka’ya, Jorge la redoutait autant qu’il la désirait. Peu lui importait qu’elle soit encore une enfant. Il croyait que la posséder lui conférerait les pouvoirs de la Chasseuse.
Un sourire flotta sur les lèvres de Ka’ya au souvenir de la réponse que son père avait donnée au guide spirituel lorsqu’il avait exigé que sa famille la lui cède. Son père croyait qu’arracher son cœur noirci de sa poitrine serait une meilleure alternative. Son sourire mourut quand elle se rappela le prix que sa famille avait payé pour avoir refusé ce que Jorge avait demandé. Quelques jours après que son père avait été banni pour avoir menacé de tuer le guide spirituel, les anciens du village l’avaient traînée devant cet homme cruel.
* * *
Dix ans plus tôt :
Ka’ya se tenait avec raideur entre les deux anciens qui l’avait conduite à la hutte du guide spirituel. Son nez se plissa, irrité par les odeurs fétides des épices brûlées. La fumée lui brûlait les yeux, mais elle refusa de les frotter. La femme à sa droite réprima une quinte de toux tandis que l’homme à sa gauche levait une main pour s’essuyer le coin de l’œil.
Elle observa la pièce avec dégoût. L’intérieur sombre était déprimant ; il ne ressemblait en rien à l’intérieur lumineux de sa hutte. Le plafond était couvert de suie et faisait paraître le peu de lumière qui s’y déversait grise et sale.
Des os d’animaux jonchaient une longue table et le sol. Des bouteilles de liquides s’alignaient sur plusieurs étagères contre un mur. Tout avait l’air crasseux et à l’abandon. Ka’ya ne pouvait pas concevoir que cet homme puisse se déclarer être mieux que son père. Il ne savait pas ce que cela signifiait que de comprendre l’esprit de la terre et des animaux.
— Elle est ici, guide spirituel, lança la femme.
Jorge sortit d’une autre pièce. C’était un homme mince aux yeux perçants, presque noirs. Les cernes qui les entouraient donnaient l’impression que leurs orbites étaient plus grandes qu’en réalité. Sa peau d’albâtre était striée de traces de suie laissées par ses doigts sales et le faisait paraître plus âgé que ses trente ans. Il portait une tunique blanc cassé, sale elle aussi, par-dessus un pantalon brun foncé et des bottes assorties. Ses cheveux étaient fins sur le dessus, avec juste quelques mèches qui formaient une ligne et étaient rabattues sur le côté.
Il soutint le regard de Ka’ya sans un mot, comme s’il cherchait à lui faire détourner les yeux la première. Au lieu de cela, elle leva le menton et planta son regard vert clair dans le sien. Elle voyait le cercle de lumière de la porte ouverte entourer ses iris marron, leur conférant une lueur maléfique. Au centre, elle distinguait son reflet. Même lorsqu’il fit un pas en avant et caressa sa joue de ses doigts sales, elle ne détourna pas le regard. Il plissa les yeux et serra son menton avec force entre ses doigts.
— Oses-tu me défier, ma fille ? exigea-t-il de savoir d’une voix nasillarde.
Ka’ya dégagea son menton de sa prise et le fusilla du regard.
— Oui, répondit-elle, se mordant la lèvre pour s’empêcher de rajouter autre chose.
Jorge l’observa longuement. Elle soutint son regard en silence. Elle ne tressaillit pas alors qu’il levait la main pour la frapper. Le coup n’arriva jamais… grâce aux alarmes qui se mirent à sonner. Jorge leva les yeux vers l’homme à côté d’elle et désigna la porte d’un signe de la tête.
— Va voir ce qui se passe, ordonna-t-il.
Ka’ya se tourna légèrement au moment où l’homme ouvrit la porte. Un bruit sourd se réverbéra en elle et l’ancien recula en chancelant. La longue hampe d’une flèche dépassait de son torse. La femme à côté d’elle hurla lorsqu’une pluie de flèches s’abattit sur eux. Jorge et la femme tombèrent par terre. Ka’ya profita du fait que la porte soit ouverte et s’enfuit.
Émergeant à l’extérieur, elle vit plus d’une vingtaine de Vikars traverser le village, mettant le feu aux charrettes de foin et pourfendant les hommes qui les chargeaient. Son attention se porta sur l’un des pillards. Il traînait sa mère hors de leur maison. Celle-ci serrait son frère nouveau-né dans ses bras pour le protéger.
Ka’ya s’avança. Le regard braqué sur sa mère et son frère, elle se pencha près du cadavre d’un garde et arracha l’épée ensanglantée de son corps. À l’instant où sa main s’enroula autour de la poignée, le pouvoir explosa dans son corps et une vague de connaissances déferla dans son esprit. C’était comme si elle avait vécu des milliers de batailles, traqué les bêtes les plus féroces et qu’elle savait ce qu’elle devait faire. Elle serra l’épée avec une force qui démentait son jeune âge, fit volte-face et transperça l’un des agresseurs, qui se dirigeait droit vers elle.
Alors qu’elle s’approchait de la hutte de sa famille, le pillard qui tenait le bras de sa mère leva le long manche de sa lance pour la tuer. Ka’ya ramena son bras en arrière et lança l’épée. La lame s’enfonça dans le torse de l’homme, l’envoyant contre le mur en pierre de la chaumière. S’élançant en avant, elle s’agenouilla et aida sa mère à se lever.
— Rentre, dit-elle d’une voix basse et pressante.
— Ka’ya, murmura sa mère, lui caressant le visage d’une main tremblante.
La jeune fille lui sourit.
— Rentre. Je vous protégerai.
Mayli considéra sa fille avec inquiétude, mais se précipita à l’intérieur. Son frère se mit à pleurer, mais sa mère l’apaisa rapidement. Ka’ya entra à sa suite dans la hutte lumineuse. Elle sentit le regard de sa mère sur elle lorsqu’elle prit l’arc et les flèches de son père.
— N’y va pas, Ka’ya, la supplia Mayli en voyant sa fille se retourner vers la porte.
Ka’ya lui jeta un coup d’œil. En arrière-plan, des hurlements et des bruits de combat se faisaient encore entendre. Son visage se ferma et elle sentit une nouvelle fois la force la traverser. Elle savait que si les pillards n’étaient pas vaincus ou chassés, il ne resterait rien du village — ni de sa famille.
— Je dois le faire, répondit-elle, pivotant et armant son arc.
Elle tira. L’homme qui se tenait sur le seuil baissa les yeux avec surprise avant de tomber en avant. Ka’ya prit une autre flèche dans son carquois et s’avança vers la porte. Enjambant le cadavre, elle décocha trois nouvelles flèches sans perdre un instant avant de disparaître dehors.
Dix flèches ; dix pillards morts par son arc. Par son épée, elle en tua cinq autres avant que les agresseurs ne commencent à la cibler en masse. Ka’ya savait que ce ne serait pas simple, mais elle n’abandonna pas. Elle fit appel aux pouvoirs qui coulaient en elle et utilisa ces connaissances pour frapper mortellement un ennemi après l’autre. Son besoin désespéré de protéger sa mère et son frère, qui n’était encore en bas âge, lui donnait la volonté de continuer à se battre. Motivés par le nombre décroissant de pillards, les villageois se joignirent à elle jusqu’à ce que leurs assaillants battent en retraite, vaincus.
Ka’ya tourna lentement sur elle-même tandis que les villageois qui s’étaient mis à l’abri sortaient peu à peu de leurs huttes et se rassemblaient autour d’elle. Elle sentit leurs regards sur elle et sourit. Jorge émergea de sa chaumière, dans laquelle il s’était caché, et elle le considéra avec mépris. Son épée ensanglantée à la main, elle repoussa sa fine tunique de son autre main, révélant son épaule et la marque de la Chasseuse.
— Je suis Ka’ya Stargazer. Je suis la Chasseuse, dit-elle d’une voix claire.
Ka’ya entendit les hoquets de surprise des villageois. Ses yeux vert clair brillaient d’un feu surnaturel alors qu’elle toisait Jorge. Elle leva lentement sa lame couverte de sang et la pointa vers lui.
— Vous ne posséderez jamais mes pouvoirs.
La marque que ses parents avaient essayé de cacher, celle dont Jorge avait mystérieusement appris l’existence et qu’il avait décidé d’utiliser pour son propre bénéfice, était à présent visible aux yeux de tous. Elle ne la cacherait plus. Personne ne la contrôlerait.
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