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La confluence des sens est le récit initiatique de Louis : garçon torturé et ne se sentant pas en phase avec les jeunes gens de sa génération. Une rencontre déterminante changera son quotidien monotone et creux. Monique, femme plus âgée, fera découvrir au jeune homme, un peu malgré lui, les plaisirs de la chair. Il croisera par la suite des personnages hauts en couleur qui le pousseront dans ses derniers retranchements et parfois au-delà de ses limites. Pourtant, en définitive, et en dépit de la direction étrange qu’a prise sa vie, Louis trouvera surtout un sens à celle-ci et, en filigrane, l’amour.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Cyrille Degat a toujours été amateur de littérature. Il y trouve un espace de liberté absolu, comme à nul autre pareil. On voyage, on s’évade, on rêve, on aime, on déteste, tout le spectre des émotions y passe. Puis, un jour, à force de dévorer les livres des autres, il a décidé d’écrire le sien. Il s’est ainsi créé un autre monde dans lequel ses propres interdits n’ont plus cours.
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Seitenzahl: 241
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Cyrille Degat
La confluence des sens
Roman
© Lys Bleu Éditions – Cyrille Degat
ISBN : 979-10-377-6925-1
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Louis l’avait rencontrée par une journée chaude de juillet.
Il devait sortir avec une amie, boire un verre, aller au restaurant, pour finir en boîte de nuit, bien que cette dernière option lui déplût. Précisons qu’en fait de sortir avec une amie, il s’agissait surtout pour lui de servir de chauffeur, car à défaut d’autres qualités, Louis possédait une antique voiture, aussi moche qu’elle était fiable.
Son amie donc, Carine, craignant sans doute de sortir seule avec lui, demanda à sa meilleure amie Murielle de les accompagner. Louis soupçonnait Carine de vouloir se débarrasser de lui en refilant son trop libidineux chauffeur à son amie, ou allez savoir encore quel plan tordu toutes deux avaient pu imaginer. Il ne connaissait pas Murielle, sinon que par entendre Carine la citer à tout propos.
D’un naturel docile, il avait surtout escompté multiplier ses chances par deux d’arriver à ses fins en accompagnant ces demoiselles dans leurs pérégrinations nocturnes.
Sa stratégie était simple : être un parfait gentleman en toute occasion, serviable, aimable, poli et usant d’un humour le plus subtil possible. Nul doute qu’il finirait bien par obtenir un résultat, peu importait avec laquelle, et si les dieux étaient avec lui, peut-être avec les deux ! On pouvait toujours rêver. On pourra mesurer l’abîme de naïveté dans laquelle ses vingt ans le plongeaient.
Il élaborait donc ce plan en conduisant, tout en écoutant d’une oreille distraite la logorrhée de sa passagère. Cette dernière lui indiquait la route à suivre entre deux commentaires sur la lâcheté masculine qui n’avait d’égal que la pureté des sentiments féminins.
Le village où habitait Murielle était isolé dans la montagne et la route serpentant entre champs et forêts, ruisseaux et vallons, exhalait toutes les odeurs bucoliques de la campagne : ici le foin, là le sous-bois, ou là encore la reine des prés. Au plaisir olfactif, s’ajoutait le ravissement des yeux où la nature encore sauvage alternait avec les zones de culture à l’échelle humaine. Vraiment, l’endroit n’avait pas son pareil pour mettre les sens en éveil. Arrivés au village, il fallait encore emprunter un embryon de route pour rejoindre le hameau, lui-même excentré du village pour rallier la maison de Murielle. Un petit surplus de ravissement avant d’arriver à destination : une ferme qui semblait avoir été là depuis des temps séculaires.
*
Carine, après avoir frappé à la porte et sans attendre de réponse, les fit pénétrer dans la bâtisse où la fraîcheur et la pénombre contrastaient avec l’extérieur baigné du soleil vif de cette fin d’après-midi.
Il la devina plus qu’il ne la vit, mais étaient-ce ses sens en émoi ou un sort jeté, il se sentit immédiatement attiré, et comme fou de désir.
Ils étaient dans la cuisine, et ses yeux s’étant habitués à l’obscurité relative, son observation qu’il espérait la plus discrète possible lui confirma sa première impression. Le flot de paroles ininterrompu de Carine était en cet instant son plus précieux allié, car il eût été bien maladroit pour entamer la moindre conversation. Au lieu de cela, il ne put qu’esquisser un minable bonjour, qui lui fut rendu avec un regard appuyé et un demi-sourire, le tout le plongeant dans un océan de volupté…
Elle ne rentrait pas dans les canons de la beauté : plutôt forte et bien charpentée, mais tonique et ferme, elle se déplaçait avec souplesse, comme en glissant. Elle était vêtue d’une jupe légère qui eut pu être transparente si la lumière avait été propice ; la hauteur de jupe laissait voir la moitié des mollets, massifs, musclés et bien dessinés ; des mules rendaient visibles les ongles de pieds vernis d’un rouge bordeaux. En haut, un débardeur rouge moulant laissait deviner un soutien-gorge robuste, qui pourtant semblait avoir du mal à contenir une poitrine opulente, à la peau diaphane, et qui cherchait à s’échapper de sa prison de dentelle. Ses seins volumineux faisaient un bloc à la consistance liquide louvoyant au gré des mouvements, et contrastaient de manière hypnotique avec la fermeté du reste du corps. Les bras nus, de la taille de jambes chez d’autres, étaient prolongés par des mains soignées, mais de travailleuse manuelle. Louis se prit à imaginer cette main, tenant fermement le pis d’une vache pour en extraire le lait et cette pensée manqua de le faire défaillir. Le visage était régulier, bien rempli, muni d’une bouche bien dessinée et charnue et son regard semblait lire en lui comme dans un livre ouvert.
Il avait les plus grandes difficultés à réprimer une érection naissante, des gouttes de sueur perlaient sur son front, et a contrario, sa bouche était sèche. Craignant de perdre totalement le contrôle, il demanda le chemin des toilettes.
*
Il fallait sortir de la cuisine, traverser l’entrée, et emprunter un couloir coupant la maison en deux. Les toilettes, comme souvent dans les vielles fermes, étaient dans la même pièce que la salle de bains, et se situaient donc au fond du couloir à droite. La pièce était petite et modestement équipée, la décoration tout à fait démodée, mais le tout était d’une propreté irréprochable. Il s’assit sur le couvercle des toilettes après en avoir testé la résistance, pour tenter de reprendre ses esprits.
Son regard fut attiré par un objet en plastique, muni d’un couvercle et ajouré de dessins formant des arabesques compliquées. La corbeille de linge sale. L’œil humain peut être d’une redoutable efficacité : à peine assis, juste le temps de mettre un nom sur l’objet et son œil avait déjà repéré à travers les interstices une forme sans formes de couleur chair, munies de décorations fines et en même temps chargées : indubitablement une culotte féminine. Il ferma les yeux immédiatement et se prit la tête entre les mains, mais trop tard, l’image avait marqué sa rétine et persistait, persistait, persistait…
Il lutta courageusement, pris en tenailles entre ses instincts les plus primaires, et une honte certaine, conséquence d’une éducation traditionnelle sans doute. Il ne résista pas très longtemps et souleva le couvercle religieusement. Il saisit la culotte comme un prêtre une relique. Il la tenait à deux mains et la retournait lentement en tous sens pour en inspecter le moindre centimètre carré.
Il n’avait aucun doute : il s’agissait bien de la sienne. Elle était plutôt élégante et légère ce qui contrastait avec la taille respectable. À cet instant, quelque chose le retenait encore de regarder à l’intérieur, mais tremblant d’excitation, il tâcha de démêler l’enchevêtrement de froufrous pour distinguer enfin le Saint-Graal : cette petite bande de tissu en contact avec la vulve, sa vulve ! Son cœur battait à tout rompre, et son aspect, justifiant sa présence en cet endroit, ne faisait que décupler son excitation. Il était dans un état second et il faisait durer le plaisir en réfrénant ses pulsions, mais soudain, n’y tenant plus, dans un mouvement rapide et désordonné, et à deux mains, il précipita la culotte sous son nez. Comme un drogué en manque, il renifla un grand coup en fermant les yeux. Il ne fut pas déçu.
Après une attaque aigrelette, une odeur forte, puissante, presque sauvage, surnageait et remplissait tout l’espace. Quelques notes de parfum en arrière-plan complétaient le tableau. Il prit plusieurs inspirations, et il éprouvait un plaisir indicible. Cette fois, il bandait dur, de ces érections douloureuses qui semblent ne jamais vouloir s’arrêter. Il dut se soulager au-dessus de la cuvette des toilettes, et de longues saccades telluriques le délivraient d’une tension devenue insupportable.
Il reprit ses esprits, comme sorti de transe, et il réalisa bien vite, piteux, ce qu’il venait de faire.
Après une inspection minutieuse, il s’employa à remettre en ordre l’endroit et à effacer les traces de son forfait. Mais, ne sachant quel diable le manipulait encore, il prit soin de ne pas remettre la culotte telle qu’il l’avait trouvée. Au contraire, il la remit à l’intérieur de la corbeille, maintenue pendue par le couvercle de celle-ci. Manière certainement de signifier à sa propriétaire tout l’intérêt qu’il avait porté à l’objet. À moins que ce ne fût un désir refoulé de se faire repérer et châtier ?
Il ne savait pas combien de temps il était resté enfermé, et il craignait d’éveiller les soupçons.
Aussi, il s’aspergea le visage d’eau froide, et tenta de regagner une figure digne. Si on l’interrogeait, il prétexterait le malaise, conséquence de la canicule.
Et il regagna la cuisine, un rien chancelant.
*
Il n’en menait pas large et commençait déjà à regretter son audace quant à la remise en place de l’objet du délit. Il ouvrit la porte et tout de suite son regard le transperça, il crut qu’elle savait exactement ce qu’il venait de faire.
Mais entre-temps, Murielle était apparue, sortie d’on ne sait où, et pérorait de concert avec Carine. Les présentations faites : bonjour, enchanté, smack, smack, il put détailler la physionomie de la nouvelle venue. Elle était plutôt jolie et bien faite et avait un charme certain. Sa voix douce et sa diction lente, mâtinée de l’accent typique de la région contrastaient avec celle de Carine qui donnait toujours l’impression de ne pas pouvoir maîtriser son débit.
En bref, Louis eut pu être séduit et attiré par Murielle s’il n’avait pas au préalable rencontré sa mère, Monique.
Il évitait soigneusement de regarder cette dernière, qui continuait de virevolter au travers de la cuisine, de peur d’être découvert, d’une part, ou de devoir rejouer la même scène qu’un peu plus tôt, d’autre part. Aussi, il prit l’initiative : « Vous êtes prêtes les filles ? On y va ? »
Monique le regarda droit dans les yeux et lui fit promettre d’être prudent, de ne point boire et de respecter le Code de la route. Évidemment, pur fantasme ou réalité, son regard fiché dans le sien semblait dire tout autre chose…
Il promit tout, en essayant de garder une certaine contenance et en surjouant le jeune homme conscient et responsable.
Et ils partirent.
*
Le reste de la soirée et de la nuit ne fut pour Louis qu’un long chemin de croix.
Il était à peine dix-huit heures et la chaleur était toujours aussi accablante. Cela ne semblait pas indisposer ses deux camarades qui s’étaient lancées dans le récit circonstancié de leurs conquêtes sentimentales respectives. Une purge. Et un rien vexant, car elles partageaient des éléments de l’ordre de l’intime comme s’il était transparent ou absent. Au début, il tendait une oreille attentive, espérant retenir des informations essentielles qui auraient pu lui servir lors d’un prochain exercice de séduction, mais il rendit rapidement les armes : tout ce qu’il entendait était d’une profonde bêtise.
Le prenaient-elles vraiment pour un boy ou était-ce une provocation ? Il l’ignorait, et il s’était d’ores et déjà résigné à ne tenter aucune approche envers elles de la soirée. Il avait la tête remplie de Monique, ou tout du moins de son corps, et il n’avait de place pour rien d’autre. Il s’en tenait donc à sa stratégie initiale : serviable en tout, presque servile. Il dut par exemple changer la musique qui ne plaisait pas à ces dames, et faire un crochet pour ramasser une troisième copine. Cette dernière, Estelle, était prête, mais il ne se formalisa pas de ne pas avoir été informé. D’ailleurs celle-ci, lui dit bonjour avec un franc sourire, ce qui lui mit du baume au cœur et lui redonna le sentiment d’exister.
La conversation reprit un rythme effréné, et évidemment il ne pouvait en placer une. Ils firent ce soir-là la tournée des bars, l’excitation des filles prenait un palier à chaque nouvelle enseigne, elles rencontraient des amis des 2 sexes, ça braillait, ça rigolait, et ça buvait sec. Louis ne ménageait pas ses efforts pour rester sociable, mais fidèle à sa promesse, il restait sobre. Le fossé se creusait donc entre les fêtards et lui et il s’ennuyait passablement. De plus, il commençait à s’inquiéter de l’état de ses finances. S’il n’était pas le seul à régler les consommations, il avait du mal à voir partir le fruit d’une semaine de travail en une seule soirée. Il était encore étudiant, et pendant ses vacances estivales il travaillait chez un maçon qui faisait de gros chantiers. Il passait ses journées derrière une bétonnière et à transporter du ciment dans une brouette. À chaque Malibu ananas réglé, il ne pouvait s’empêcher de convertir en nombre de pelles de sable jetées dans la bétonnière.
Au moins, cela avait-il le mérite d’ôter momentanément Monique de sa tête.
Loin de ces considérations, et bon an, mal an, la petite équipe qui s’était étoffée se retrouva déjà passablement éméchée en boîte. Une punition pour Louis. Il détestait la musique qu’on y passait, faite de boom-boom abrutissants. La surpopulation, la promiscuité des corps transpirants, gigotant au rythme des trépidations de la musique le dégoûtaient passablement. De plus, il ne comprenait pas comment ce lieu pouvait engendrer des rencontres basées sur la séduction dans ces conditions.
Il observait Carine et Murielle se trémousser à qui mieux mieux pour attirer les regards masculins sur elles. Aucune conversation n’était possible dans cette cacophonie, et la désinhibition engendrée par l’alcool n’était propice qu’aux rapprochements physiques. Les résultats étaient probants pour les deux jeunes filles : il suffisait d’agiter un décolleté bien rempli pour qu’un aréopage de mâles leur tourne autour, elles n’avaient plus qu’à faire leur choix. Ce qui ne manqua pas d’arriver, les plus bellâtres furent choisis et les langues se mélangèrent sans retenue. Il détourna la tête avec des airs supérieurs, se convainquant qu’il était très au-dessus de ça, mais en réalité il était très jaloux. Pourquoi n’arrivait-il pas lui aussi à jouer ce jeu ? Son physique quelconque, seul, ne pouvait l’expliquer. Les remarques de Carine lui revenaient en tête : les femmes étaient des êtres incompris aux sentiments très purs alors que les hommes étaient des salauds et des lâches n’agissant que dans l’intérêt de leur pénis. Si, avec un minimum d’honnêteté, on ne pouvait nier ce dernier point, comment pouvait-on exiger davantage au vu des scènes observées ce soir-là ?
Mais il mesurait cependant tout le paradoxe de sa situation. De quel bois était-il donc fait ? Il avait du mal à supporter la compagnie de jeunes gens de son âge, et leurs centres d’intérêt, alors que quelques heures auparavant, il se branlait à l’aide de la culotte sale d’une femme inconnue qui pouvait avoir cinquante ans et qui n’avait pas le physique d’un top model. Là encore, il ne comprenait pas, et cet état de fait le plongeait dans des abîmes de perplexité.
En temps normal, il se serait enivré pour disperser ses pensées déprimantes, mais il était tenu par sa promesse…
Aussi, il prit son mal en patience, en essayant de ne pas trop observer le manège des autres. Peine perdue : il nota les absences assez longues de Murielle et Carine, le faisant ruminer davantage sur sa médiocrité. Il manqua de se faire casser la gueule pour cause de regard appuyé sur petite amie officielle. Dès lors, il fut surveillé de près et sans doute catalogué comme pervers. Il faudrait qu’il surveille ses arrières à la sortie.
Enfin, au bout de la nuit, ses camarades épuisées par leur soirée bien remplie délivrèrent leur chauffeur de ses tourments. Il ramena tout ce petit monde à bon port et le silence régnant dans la voiture contrastait avec l’ambiance électrique de l’aller. Seuls les relents d’alcool et de sueur accompagnés d’un bourdonnement sourd des oreilles témoignaient de l’agitation passée.
Il fut gratifié de timides mercis, mais il rentra désespérément seul, privé du moindre contact charnel. À cette heure, une marque d’affection appuyée l’eût comblé.
*
Il logeait chez un de ses cousins qui habitait lui aussi une ferme isolée, mais sur l’autre versant de la vallée. C’était une ferme plus haute et plus grande que la moyenne régionale, avec des pierres de taille ouvragées, ce qui était rare. Elle avait dû appartenir à de riches paysans au temps de sa gloire, mais elle était désormais quelque peu défraîchie.
Louis dormait dans le grenier qui surplombait ce qui avait dû être l’étable. Il y avait encore quantité de foin, sans doute là depuis plusieurs dizaines d’années, sur lequel il avait disposé un matelas équipé de son couchage. Cette « chambre » au confort sommaire offrait l’avantage de l’autonomie. On y entrait en effet par la porte du chari, sorte de grange que sépare le corps de logis d’une ferme comtoise de l’espace dévolu aux animaux.
Ainsi il ne craignait pas de déranger la famille de son cousin avec ses allées et venues à toute heure. Bien sûr, il s’était imaginé qu’il serait tranquille si d’aventure il devait ramener une fille.
Il était encore une fois bien naïf : quelle fille aurait accepté de dormir, et plus si affinités, en ce lieu ? Il fallait pour accéder, traverser le chari en terre battue, et encombré d’objets divers, grimper à une échelle de bois branlante pour accéder au grenier, parcourir plusieurs mètres dans le foin avant d’arriver au matelas posé au milieu de nulle part. Évidemment, le tout à la lampe de poche s’il faisait nuit. Si par un coup de chance formidable, une inconsciente était arrivée jusque-là, il fallait encore supporter les bruits de la nuit : les grenouilles le disputaient aux chouettes pour les bruits connus, et tout un panel de bruits non identifiables pouvait rebuter les plus téméraires. Enfin, il avait soigneusement choisi l’emplacement du matelas pour éviter les gouttières par temps de pluie.
Ces mêmes gouttières qui jetaient des rais de lumière au petit matin, donnant des airs de commencement du monde au lieu.
Il s’était endormi comme une masse, terrassé par la fatigue. Il travaillait chez son patron maçon, de six à treize heures toute la semaine, et il passait ses après-midis à aider son cousin dans la construction de sa nouvelle maison. Une nuit blanche et les émotions de la veille eurent raison de sa résistance. Il dormit peu, d’un sommeil sans rêves. Couché au petit matin, il fut réveillé vers onze heures par la chaleur : sa suite étant directement sous les tuiles, les grasses matinées tournaient court par beau temps.
Il descendit dans la cuisine, où le petit déjeuner l’attendait encore. Florence, la compagne de son cousin, lui servit un grand bol de café fumant et lui demanda avec un sourire entendu :
Devant sa moue dubitative, elle eut le bon goût de ne pas insister.
Après avoir débarrassé la table, il prit le chemin de l’étang. Celui-ci était perdu au milieu de la nature encore sauvage, et son accès n’était possible qu’à pied. Il n’était donc que très peu fréquenté, et on y était seul la plupart du temps. C’était un vaste étang, peu profond, entouré de bouleaux, de fougères, et de bruyères. À sa périphérie, on trouvait des tourbières où prospéraient des droséras. La faune n’était pas en reste : carpes et couleuvres évoluaient dans l’eau, accompagnées de nuées de grenouilles ; des sentiers tracés dans la végétation témoignaient du passage de gros gibier, alors que dans les airs évoluaient les buses dans leur vol tournoyant.
Amateur de photo, Louis n’avait jamais pu rendre sur ses clichés, en dépit de son entêtement, toute la beauté et la majesté du lieu. Il n’y venait qu’empreint de respect et d’humilité et tâchait de se faire le plus discret possible afin de ne pas perturber l’équilibre et la sérénité du site. Il entrait dans l’eau furtivement et nageait en évitant les éclaboussures : un plongeon eut profané l’endroit. Ensuite, il s’asseyait sur une grosse pierre lisse et observait le tableau, jamais égal, en laissant libre cours à ses méditations.
Une heure dans ce lieu, presque magique, vous remettait les idées à l’endroit, vous rebranchait avec vos fondamentaux et redonnait aux plus déprimés le goût de la vie. Plus sûrement que le Xanax.
Encore que, l’année d’après il y emmena une conquête espérant qu’elle trouverait l’endroit romantique, ce fut un cuisant échec. Elle n’avait retenu que les ronces qui griffent et les insectes qui piquent. Mais c’est une autre histoire.
Pour l’heure, il rentra à la ferme, ragaillardi par sa parenthèse champêtre. Florence lui dit :
Heureuse époque, où le téléphone mobile n’existait pas !
*
Louis ne savait quoi penser de ce coup de fil. Après s’être séparés au petit matin, ils n’avaient pas parlé de se revoir le jour même. Il ne croyait pas beaucoup au hasard, et même si la réponse qu’il avait faite à Florence était assez probable, il sentait le traquenard.
Il craignait principalement, tout en l’espérant au fond de son âme perverse, que ses frasques de la veille aient été découvertes. Il s’imaginait déjà menotté par les gendarmes faisant la une du journal local : « Le renifleur de culotte arrêté ! »
Il était partagé sur la conduite à tenir : ne pas s’y rendre eut été le plus simple, mais il n’aurait pas les réponses à ses questions, et surtout il était curieux de savoir si Monique avait remarqué quelque chose et quelle serait sa réaction. Il décida donc d’assumer ses actes et de se rendre au rendez-vous.
Le temps le séparant du moment où il allait revoir Monique lui parut une éternité, mais il le mit à profit pour anticiper les différents scénarios possibles et préparer ses réactions en conséquence.
Il les avait hiérarchisés et avait retenu du plus probable au moins probable :
Il se prépara et attendit l’heure du départ avec appréhension.
*
Il reprit la route empruntée la veille, seul cette fois. Sa curiosité était à son paroxysme, et au fur et à mesure qu’il approchait, le stress augmentait. Plus qu’il ne l’aurait cru. Il fut tenté à plusieurs reprises de faire demi-tour, mais il finit par arriver dans la cour de la ferme. De sa vie, il n’avait jamais été aussi mal à l’aise, et il s’en voulait de se mettre dans des situations pareilles.
Cependant, tout était calme dans la cour, et il avait noté avec un certain soulagement l’absence de véhicule de gendarmerie. En fait, il retrouva la maison comme elle était la veille. Personne ne vint l’accueillir, et en l’absence de sonnette, il frappa à la porte résolument.
Il entendit un bruit de porte intérieur et des pas s’approchant, qu’il identifia comme ceux de Monique. Son cœur se mit à battre la chamade et sa poitrine se retrouva comme sous pression. Il faillit céder à la panique, et prendre ses jambes à son cou, mais il était paralysé sur place.
La porte s’ouvrit enfin et découvrit une Monique encore plus attirante que la veille. Il vit en premier le haut du corps : les bras nus, le décolleté proéminent et le cou. Il n’osait pas la dévorer des yeux de long en large, aussi il remonta vers le visage comme un robot, mais il ne put soutenir son regard. Il eut à peine le temps d’apercevoir un léger sourire et crut y voir, il ne savait si c’était de l’espièglerie ou un soupçon de moquerie bienveillante. Cela eut l’effet de faire redescendre un peu la pression, il était néanmoins toujours statufié. Elle lui dit alors :
En son for intérieur, il se dit : Aïe ! C’est l’heure de prendre un savon !
Elle lui fit traverser l’entrée, puis la cuisine pour enfin déboucher sur la pièce qui faisait office de salle à manger et en même temps de salon. Comme il la suivait, il put laisser aller son regard. Elle était vêtue avec le même style que la veille, aux chaussures près. Elle portait des nu-pieds noirs vernis à talons qui mettaient en valeur ses mollets musclés et bronzés. Depuis la mi-mollet, une jupe légère, fluide et dont les motifs étaient de petites fleurs, remontait sur les cuisses que l’on devinait elles aussi musclées ; elle recouvrait enfin des fesses volumineuses et larges, pour finir sur une taille resserrée. Là, un débardeur rose cette fois, mais tout aussi moulant recouvrait le dos et le solide soutien-gorge, et laissait apparaître le haut du dos et la nuque que la coupe de cheveux courte dégageait, le tout hâlé par le soleil de l’été. Monique avait le physique ondulé typique des femmes, sauf que chez elle, tout était plus large. Et Louis était sous le charme.
La salle à manger était meublée de manière rustique et hétéroclite. La table était énorme, en chêne massif et dégageait une impression de poids que seul le buffet pouvait surpasser. D’autres meubles, dont un antique canapé, ainsi que de nombreux objets de décoration remplissaient la pièce qui était trop petite pour pouvoir tous les contenir. L’ensemble était propre et rangé, mais donnait un sentiment de surcharge, sans doute accentué par le plafond bas.
Monique tira sur deux chaises, le fit asseoir sur une, et s’installa sur l’autre juste en face, et légèrement de côté. Elle n’avait jamais été aussi près de lui, il sentait son odeur, il pouvait presque la toucher, l’effleurer, et son regard était attiré comme un aimant sur ses seins majestueux.
Il releva la tête pour la regarder dans les yeux, mais cette fois, c’est elle qui ne put soutenir son regard. Elle baissa la tête et semblait avoir perdu toute assurance. Elle était perdue dans ses pensées et on avait l’impression qu’elle se livrait à un terrible combat intérieur. En cet instant, et en dépit de son physique, elle était fragile et vulnérable. Il n’en était que plus attiré. Il voulut l’aider en prenant l’initiative ; il voulait s’excuser pour sa conduite de la veille et réfléchissait à la meilleure formulation quand soudain, toute résistance vaincue, elle le saisit par le cou et l’embrassa fougueusement.
*