La famille Blanchard - Noël Tenet - E-Book

La famille Blanchard E-Book

Noël Tenet

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Beschreibung

Au cœur de la Champagne céréalière, cette saga familiale nous plonge dans le quotidien d’un clan uni, de 1980 à 2010. Trois générations se succèdent, affrontant les aléas de la vie tout en étant portées par une solidarité farouche enracinée dans la cellule familiale. Félix, Germain, Rita, Hubert et les autres incarnent ces héros du quotidien, tour à tour fragiles, drôles ou combatifs. À mesure que les secrets s’accumulent et que les tensions grandissent, le suspense s’installe et l’envie de tourner la page devient irrésistible. Une fresque vivante, rythmée, où la famille, malgré les blessures, reste le dernier refuge.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Après avoir été nourri par les grandes voix du roman, d’Émile Zola à Pierre Lemaître, Noël Tenet choisit de se confronter lui-même à l’exercice exigeant de la fiction. Il explore avec rigueur et humilité la liberté qu’offre l’écriture romanesque. Pour lui, écrire, c’est canaliser cette liberté infinie pour en extraire une histoire juste, dense et incarnée.

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Seitenzahl: 119

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Noël Tenet

La famille Blanchard

Roman

© Lys Bleu Éditions – Noël Tenet

ISBN : 979-10-422-7903-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À Virginie, femme de ma vie,

À Claire-Elie,

À Sylvie, fidèle linguiste.

À tous mes amis,

Xav, Anouk, Bruna, Bruno, Geneviève.

La famille 1

1995

C’est une famille unie. Le grand-père, Félix Blanchard, exploitant agricole céréalier, protège les membres comme il peut, chacun a son caractère et sa particularité. Il voit bien que son second fils Jean François prénommé Jean F. prodigue une attirance sur la femme de son frère aîné Germain, Rita. Jean F. se tue à la ferme, tente d’oublier ainsi ses sentiments interdits, répréhensibles. Rita le sait, elle ne fait rien pour l’encourager, ni surtout le séduire, l’attirer, au contraire, elle montre une fausse indifférence. Tous les deux ne veulent certainement pas casser l’harmonie familiale.

Les enfants ne prêtent pas attention à ces subtilités d’adultes. Lucas, 13 ans, le fils que Rita a eu avec son premier mari André, ne voit les choses qu’à travers sa mère qu’il vénère, ne va pas chercher plus loin. Cela ne sert à rien. Conçu dans un bonheur fragile et fugace, il n’a pratiquement pas connu son père. Ses parents ont enchaîné toutes les étapes conventionnelles d’une union comme un éclair qui annonçaient une calamité destructrice, l’alcoolisme. Elle n’a rien vu venir, rien soupçonné chez cet homme discret sur son penchant dévastateur.

Rita, jeune fille de 19 ans, dépourvue de maturité, a succombé sans précaution aucune, comme une ado bien naïve. Cinq années furent suffisantes pour passer de l’harmonie au désastre. Lucas est un petit garçon aimé, bien chouchouté, il n’a pas compris pourquoi ses parents se sont séparés. Est-ce sa faute ? Il se rappelle que son père l’aidait à trouver le sommeil en lui lisant des histoires extraordinaires. Il a le souvenir encore persistant de l’émanation qu’il laissait dans la chambre. Il peut dire aujourd’hui que cette fragrance était l’imprégnation soutenue de l’alcool. Ce dernier a eu raison de leur couple.

Aujourd’hui, c’est un gentil petit garçon qui adore sa mère, qui a digéré ce passé déplorable et qui a enfoui son souvenir. D’ailleurs, il est toujours occupé à aider son oncle Jean F. Il répare un des vieux tracteurs. Ressoude une pièce qui s’est détachée par le choc contre une grosse pierre à l’entrée du pont de l’Ardre, une rivière qui traverse le domaine. Il a de quoi faire surtout qu’il projette de réaliser un auvent pour la terrasse extérieure de la maison de la ferme qui est en plein soleil, l’été. Il veut mettre en place comme un store vénitien en métal à l’horizontale qui, suivant l’inclinaison, protège du rayonnement solaire trop intense. Son grand-père, Félix, lui a rassemblé des pièces métalliques, hors d’usage, tout à fait exploitables.

Lucas ne compte pas sur son cousin Anthony, fils aîné de Jean F. et de Marie, le « prof », qui sait bien se faire oublier quand on risque de lui demander de l’aide. Il ne participe qu’au repas dominical où toute la fratrie est réunie pour un moment plaisant. Le « prof » en profite pour se plaindre encore des politiques qui font des réformes nulles en permanence. Félix, en bout de la table, lui répond que les enseignants ne sont jamais contents, quoi que l’on fasse. Les « instits » africains avec une simple ardoise et un bout de craie apprennent à lire, à écrire, et à compter à leurs enfants. Et ils sont heureux et toujours souriants. Le « prof » rebondit sur les propos de son grand-père en évoquant le colonialisme et le capitalisme.

Félix, le grand-père, a hérité de la ferme familiale qu’il a fortement développée en achetant des terres bien grasses et fertiles qui constituent un grand domaine maintenant. Il a construit autour de la maison originelle qu’il a agrandie, des hangars et des granges nécessaires à l’exploitation d’un puissant céréalier qu’il était devenu. C’est un bâtisseur. Il reste modeste et humble. Généreux et protecteur avec les siens. Il ne retire aucune gloire de sa réussite.

Il a su fédérer sa famille autour de lui et n’oublions pas Laure, « sa belle » comme il l’appelle. Il a beaucoup de gratitude à son égard. Il la respecte énormément. Elle règne dans sa cuisine comme une princesse dans son royaume. C’est la grand-mère que l’on rêverait d’avoir. Elle est douce, attentionnée, gaie, maternelle. Elle adore ses petits-enfants, Anthony toujours mécontent, contrarié, Hélène la discrète, Lucas qu’elle a adopté naturellement, et la dernière, arrivée dans la famille, Flo 4 ans. Elle les aime de la même façon.

C’est parti pour des discussions qui n’en finissent pas. Les femmes, Marie, l’épouse de Jean F. et Rita, la compagne de Germain, leur demandent de cesser ces disputes récurrentes et de balancer des propos usés jusqu’à la corde. C’est dimanche, c’est jour de repos alors reposons-nous et ne gâchons pas le repas, en s’étripant comme des chiffonniers.

La famille 2

Qui a des nouvelles d’Hélène ? lança à l’assemblée, Laure, la grand-mère, qui est très attachée à sa petite fille, Hélène, 21 ans, la fille de Jean F. et de Marie.

Hélène est une jeune fille extrêmement discrète. Elle fut un bébé silencieux, qui faisait ses nuits sans réveiller ses parents. Souriante, toujours agréable, elle était conciliante sans aucun caprice. Enfant, elle ne disait jamais « non », elle était toujours bien où on la plaçait. S’occupant seule, à ses poupées, à ses déguisements de princesse, elle chantait devant le miroir des airs connus et populaires. Elle était dans son monde féérique, imaginaire et enchanteur. À l’école, elle était sage et en avance. Elle avait acquis le langage très tôt. Toujours en retrait, elle conversait avec la maîtresse pendant la récré. Elle se réfugiait dans la lecture dans son coin à l’écart, dans son univers fantasmagorique. Dès qu’elle a obtenu le bac à 16 ans, aider les autres dans une O.N.G. était son désir le plus cher. Dès qu’elle a eu ses 18 ans, elle s’engagea pour l’Afrique.

Personne dans l’assemblée ne répond, cela veut dire qu’elle n’a pas téléphoné. Les dernières nouvelles datent déjà de presque un mois. Elle n’imagine pas notre inquiétude à son encontre, s’en fiche. Se contente de dire « chacun sa vie ».

— J’essaie de l’appeler ? demande Anthony.
— Oui, tente le coup, Tone, reprit Félix.

Le numéro en mémoire est activé, ça sonne… On tombe sur le répondeur comme souvent. On connaît par cœur le message : « Occupée à faire des miracles avec peu de moyens, je n’ai pas de temps à vous consacrer. Désolée. »

— Je laisse un message ? questionne Anthony.
— Donne-lui le bonjour et dis-lui qu’on l’aime. Qu’elle ne nous laisse pas trop longtemps sans nouvelle, propose Marie.

La famille 3

Germain, le fils aîné de Felix et Laure, commence à montrer de l’impatience en captant l’attention de Rita qui sait qu’il a sa partie de poker du dimanche soir avec ses copains. C’est comme ça, Rita lui permet.

1985

C’est ainsi que leur histoire, Germain, 23 ans, et Rita, 26 ans, avait commencé, au cours d’une de ces fameuses parties de poker. Germain était immédiatement tombé sous son charme. Elle était venue avec son mari André, qui était attablé à jouer. Germain avait deviné que ce n’était pas l’entente parfaite dans ce couple. À cette époque, un ami l’avait entraîné dans cette soirée, lui confia en aparté, une suspicion de maltraitance exercée par son mari.

— Il a le vin mauvais, continua-t-il. Il rend les parties de cartes compliquées quand il a abusé d’alcool. Il en est venu aux mains avec des joueurs qui l’ont mis à la porte. Il était devenu, irascible, irritable, une persona non grata.

C’était la première fois que Germain venait à ces soirées. Il avait été invité par un joueur. Rita était désolée du comportement inacceptable de son mari André, et chacun comprenait son embarras. Ce n’était pas la première fois qu’il agissait de la sorte. Cela se reproduisait de plus en plus souvent. Germain s’entretenait avec Rita sur la banquette du salon pendant que les autres joueurs autour d’une grande table ronde reprenaient le cours du jeu, perturbés par l’individu indiscipliné, coléreux. Rita était sous le choc. Elle se plaignait de la vie insupportable que lui faisait subir son mari. Cela ne pouvait plus durer. Elle devait prendre des mesures radicales : demander le divorce. Elle ne voulait pas rentrer à la maison, plus le voir, surtout. Germain lui proposa un accueil dans un logement inoccupé à la ferme, en attendant de voir venir. Il apprit qu’elle avait un fils de cinq ans, Lucas, confié à une amie ayant également un garçon du même âge. Étant dans la même classe, cette situation rendait plus commode l’accompagnement à l’école le lendemain matin.

La famille 4

Ce soir-là, la partie de cartes s’acheva rapidement. Le cœur n’y était pas. Il faut dire que les participants étaient déconcentrés en raison de cette situation déplorable. Ces hommes formaient une bande de copains bien soudée, très respectueux de l’autre. Ils déplorèrent l’incident, réconfortèrent Rita et se concertèrent pour trouver rapidement une solution de logement. La proposition de Germain fut retenue, considérant que l’accueil de Rita à la ferme était la meilleure solution tant pour elle que pour son fils, ainsi éloignés, et protégés, d’un homme violent, imprévisible. La campagne se prêtait idéalement à ce refuge.

Avec son Audi noire flanquée d’une publicité pour une agence immobilière, elle suivit Germain. Ils approchèrent de la ferme. Des points lumineux éclairaient avec difficulté la façade en pierre. C’était l’exploitation de son frère Jean F. Il lui indiqua le logement qui méritait un bon nettoyage et le transfert de toutes sortes d’objets hétéroclites. Germain n’avait pas imaginé à ce point l’importance de cet encombrement. Il commença, aidé de Rita à faire de la place en priorité dans une chambre. Il sortit d’une armoire, des draps, une couette et un oreiller. Se retrouvant les bras chargés de linge, il posa le pied malencontreusement sur un skate qui traînait là et s’affala lamentablement. Dépité, il regarda Rita, et soudain, ils furent pris d’un éclat de rire qu’ils ne purent réprimer. Elle se baissa pour l’aider à se relever. Leurs visages se rapprochèrent ainsi que leurs bouches qu’ils soudèrent d’un baiser non prévu au programme. Ce fut le début d’une nouvelle aventure pour tous les deux.

Ils se confièrent toute la nuit, évoquant leur parcours respectif. Vers 7 h, on entendit frapper dans l’entrée. Déjà habillé, Germain se précipita et ouvrit la porte. C’était Marie, femme de Jean F. avec sa fille Hélène, qu’elle emmenait à l’école.

Marie interrogea Germain :

— À qui appartient la voiture dans la cour de la ferme ?
— J’ai offert l’hospitalité à quelqu’un. Conduis la petite et on se retrouve tout à l’heure, lui répondit Germain.

Il invita Rita à venir prendre le petit déjeuner chez Jean F. et Marie qui vivent avec les parents paternels, Laure et Félix, à la ferme. Ce dernier arrivait avec le pain frais. Rita fut présentée à la famille, elle n’était pas à l’aise, mais l’accueil chaleureux, sincère, la rassura. Elle demanda la salle de bain. Elle y fut dirigée. Pendant ce temps, Félix s’affairait dans la cuisine. Germain profita de l’absence de Rita pour éclaircir la situation. Il précisa qu’elle avait un garçon de cinq ans, Lucas. On lui permit de disposer du logement comme elle le désirait. Elle devait organiser son divorce. Elle les remercia. L’appartement où elle vivait avec son mari et leur enfant Lucas lui appartenait. Il lui fut donc aisé de le récupérer dans les meilleurs délais. Rita consulta son avocat le matin même.

— Notre fille Hélène, âgée de onze ans, pourra surveiller votre fils, si vous voulez, intervint Laure.

La famille 5

Le divorce fut prononcé assez rapidement et Rita eut sans difficulté la garde de Lucas. Germain finit par habiter l’appartement de Rita qui se trouve à Épernay. Rita est une fille sympa, simple, toujours agréable, serviable et de surcroît, un cordon bleu hors pair, très famille. Germain est tombé sur une perle. Il a désormais ses entrées dans le club fermé des joueurs de poker qu’il honore de sa présence les dimanches soir.

La famille 6

1986

La vie s’écoule lentement. L’histoire de cette famille très croyante s’écrit dans un rituel rythmé par des moments où chacun peut s’exprimer en toute franchise.

Ces échanges se font tous les dimanches autour de la table de la salle à manger que préside Félix, le patriarche de la famille. Il écoute avec sagesse et compréhension les récits de la vie quotidienne de chaque membre du clan.

La famille 7

Rita est « initiée » lors de son intronisation un dimanche. Germain l’a informée de cette tradition de franchise et de confession pratiquée dans leur famille. Rita, après un trouble bien compréhensif, lui répond du tac au tac :

— Je n’ai rien à cacher.
— Ce n’est pas un tribunal, continue Germain, c’est le contraire, c’est libérer la parole, la rendre utile, et même libératrice. Toute l’assemblée est bienveillante, soudée, sans jugement. La famille est sacrée.

Le jour arrive où Rita fait son entrée en mars 1986 dans « l’arène », comme elle dit, le repas dominical peut se dérouler. Spontanément, elle a offert son aide à la préparation du repas. Elle obtient une réponse de non-recevoir de la part des maîtresses de maison, Laure et Marie :

— Pas pour la première fois, Rita. Peut-être les autres fois si tu veux, aucune obligation ne t’est faite.