La fantastique destinée de monsieur de Saissac - Prisca Meyel - E-Book

La fantastique destinée de monsieur de Saissac E-Book

Prisca Meyel

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Beschreibung

Oriane est loin de se douter, lorsqu'elle achète un vieux livre, qu'elle s'apprête à réveiller un personnage mort depuis près de deux siècles.

Cette intrigue l'emporte en 1830, à la croisée du mystère et du fantastique.

En franchissant les limites du temps, elle se retrouve confrontée à sa propre destinée qui la transporte bien au-delà des contours de son existence humaine.

Amoureuse de la littérature depuis son plus jeune âge, Prisca Meyel est très attachée aux auteurs romantiques du 18 et 19ème ainsi qu’à la philosophie antique.







À PROPOS DE L'AUTRICE




Prisca Meyel

A 17 ans, elle écrit son premier recueil de poèmes qu’elle propose deux ans plus tard au concours de l’université de Bordeaux.

Après un parcours de caméléon professionnel en France et à l’étranger, elle comprend que le sel de sa vie se trouve dans l’écriture et dans la créativité.

Très sensible, contemplative et curieuse, elle se sent profondément liée à la Nature qui la ressource pleinement.

Elle a aussi écrit un livre pour enfant et un roman, prochainement en parution.





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Seitenzahl: 73

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Le manuscrit

J’ai toujours aimé chiner dans les bourses aux livres. Flâner au milieu de vieux manuscrits usés, quand les pages froissées se mêlent aux couvertures fanées qui sentent le grenier. Le livre ancien porte en lui une double histoire, celle du récit de son auteur et celle de sa propre traversée dans le temps en tant qu’objet. C’est bien là toute la magie.

Je me suis arrêtée sur un stand élégamment présenté. On avait exposé de beaux ouvrages, vestiges de passé et d’histoire qui côtoyaient des héros de fictions contemporaines flanquées de couvertures modernes et colorées. La quantité d’écrits en tout genre était colossale. Mon choix s’est porté sur un livre qui me donnait l’impression d’appeler à l’aide, étranglé entre un gros atlas et un polar d’Agatha Christie. Il m’a intriguée. Je ne saurais dire pourquoi. Probablement le titre, La tragique destinée de Monsieur Dupé de Saissac, qui résonnait comme un signal de détresse.

Je l’ai saisi et j’ai commencé à le feuilleter. Je l’ai touché et humé comme une pierre de monument dont on a envie d’absorber les siècles. Mes doigts ont caressé la coiffe cartonnée et les plats abîmés. Mes yeux ont cherché à lire le nom de l’auteur et l’année d’édition qui avaient tant pâli qu’ils n’étaient plus lisibles. J’ai continué en parcourant de mes mains les coins émoussés, et en effleurant les rousseurs des pages jaunies. Les paragraphes crayonnés et les quelques annotations, livrant de probables confidences et pensées intimes, attisaient ma curiosité. Une certaine « Annie Lesage 1938 », avait inscrit les traces de son passage à la plume.

Je n’ai pas pris garde mais il manquait les dernières pages qui avaient dû se désolidariser. J’ignorais que ce détail aurait de l’importance…

En me détachant d’un attroupement de flâneurs bruyants, je me suis approchée du vendeur.

- Bonjour Monsieur, vous savez à quelle date il a été édité ? ai-je dit l’ouvrage à la main.

Il a fait mine de saisir un vieux registre et m’a répondu compendieusement :

- J’ai pas d’informations sur ce bouquin, peut-être début du XIXè ?

- Et combien pour ce livre ?

- Tout dépend. L’unité à cinq euros et trois pour dix euros !

- C’est gentil, mais seul celui-ci m’intéresse.

- Êtes-vous certaine de votre choix ? a-t-il exagérément accentué en détachant chaque syllabe.

Dans sa voix, une gravité solennelle et des tonalités de mise en garde que je n’ai guère prises au sérieux. Ce jeu de personnage, sur cette scène de marché publique, m’amusait. Mon attitude désinvolte l’a contrarié. Il s’est dressé sur son mètre quatre-vingt-cinq et a plongé ses yeux plissés dans les miens, me figeant dans la profondeur infinie de son regard. Un long frisson m’a parcourue. En un tour de magie, je me suis sentie happée dans une sorte de seconde intercalaire1 me révélant un monde troublant d’histoires et d’aventures d’un autre siècle… d’autres siècles.

L’apparence de cet homme dégageait un mélange de mystère et de sagesse brutale. Une physionomie hors d’âge mais dont le visage n’avait pu échapper au sceau du temps. Un front droit et noble dominait ce beau visage au port altier, une peau parcheminée et creusée par de profonds sillons çà et là. Il ressemblait à ses livres, précieux, froissés et tannés. En m’approchant, j’étais certaine de pouvoir humer la poussière dans ses cheveux aux mèches argentées. Il m’extirpa de ma rêverie avec un rappel énergique et bruyant :

- Ce sera cinq euros !

Une réponse brumeuse est sortie de ma bouche :

- Heu … oui oui … je le prends !

- Très bien ! Comme vous voudrez ! Vous vous êtes choisis.

Alors que je lui déposais les quelques pièces dans sa main, il m’a semblé entrevoir sur son avant-bras une marque brune étrange, une sorte de tatouage représentant deux ondulations entrelacées. Il a immédiatement baissé sa manche de son autre main, celle qui était habillée d’une grosse chevalière aux teintes rouges et or. Je l’ai remercié en glissant le manuscrit dans mon sac.

Tout en m’éloignant du stand, je sentais le regard persistant de cet homme sur moi. J’avais la sensation d’une « drôle » de rencontre.

*

Le dimanche était pour moi une ritournelle sacrée que je consacrais, dès que je le pouvais, aux activités qui me ressourçaient pleinement. Remplir mon corps, mon cœur et mon esprit de bon, de beau et de calme. Un équilibre qui me permettait d’être pleinement disponible pour les autres et offrir à mon tour, ma joie, mon temps, mon écoute et mon aide.

Après une magnifique balade en bord de mer, suivie d’une séance de méditation chez une amie, j’ai conjugué les embruns iodés aux notes fumées d’une tasse de Lapsang Souchong. Ma dernière gorgée de thé japonais s’est synchronisée avec le «gong» de l’horloge qui indiquait six heures.

Je suis rentrée chez moi, résolue à me coucher tôt. Une journée bien remplie m’attendait le lendemain. Une grosse pile de dossiers entassés sur mon bureau que je devais à ma rapidité d’exécution et à ma conscience professionnelle. « C’est un gage de reconnaissance hiérarchique ! », m’avait dit un jour ma collègue, entre deux gorgées de son dixième café et le tapotage frénétique de son clavier d’ordinateur. Donner le meilleur de moi-même était irrépressible, et cette épée de perfection qui damait le pion à Damoclès, là, suspendue au-dessus de ma cervelle bouillonnante, me dictait aussi ma conduite au travail. Le lâcher-prise était l’antidote, je le savais. J’y travaillais à grands coups de développement personnel, de méditation et de trois gouttes de Foutez-vous la paix2 tous les matins au réveil.

Ce soir-là, confortablement installée dans mon lit, le félin aux yeux d’or couché sur mes pieds, vibrisses ronronnantes, j’ai ouvert le vieux livre à la lumière tamisée de mon chevet.

L’histoire se déroulait dans les années 1830. Le premier chapitre commençait classiquement par une description des personnages principaux, donnant quelques vagues détails de la période de la fin de la restauration.

À mesure que je tournais les pages, mon corps s’engourdissait et glissait dans la molle tiédeur du sommeil. Je fus emportée par la scène de bal, étourdie par les danses qui faisaient valser les robes de crinoline et les étoffes volantées. Je tournoyais au-dessus de la salle. Je pouvais sentir les odeurs de poudre des dames aux notes de lavande, de rose et de marjolaine. J’assistais au magnifique défilé de vêtures splendides, de parures de pierreries étincelantes sur des peaux d’albâtre et d’ivoire. Je frôlais les textures de velours et les soieries des danseurs qui s’entrecroisaient. J’observais les jeux de mains codifiés et les revers d’éventails assortis d’œillades et de sourires discrets. Les hommes rivalisaient d’élégance et de classe simple. Je percevais les attirances et les sentiments inavoués entre les amoureux transis et les jeunes femmes corsetées de bienséance.

J’ai fini par sombrer, le livre sur ma poitrine, le chat sur mes pieds.

*

La clarté de ma chambre m’a réveillée dans la nuit. Je ne m’endormais jamais en lisant. Mon estomac vide s’est serré et a commencé à gargouiller. Après avoir lutté une poignée de secondes, je me suis décidée à lui autoriser une petite collation sucrée. Il était fort et il gagnait toujours à ce jeu. Je me suis dirigée vers la cuisine.

Là, dans la pénombre se détachaient les contours d’une silhouette effrayante. Elle semblait gigantesque. Une bête de la mythologie grecque, version sanglier juché sur deux pattes et croisée de fragments d’apparence humaine. Une tête difforme sous une crinière ébouriffée. J’ai sursauté et j’ai hurlé :

- Qu’est-ce que vous faites ici ? Vous êtes quoi ? Sortez, je suis armée !

J’ai bafouillé d’autres injonctions entremêlées, puis je l’ai menacé d’appeler la police, les pompiers, le SAMU, le GIGN et la NASA en cherchant des yeux un objet pour me défendre et l’assommer. Vêtue d’une culotte et d’un vieux tee-shirt de nuit, mes longs cheveux embroussaillés recouvrant mon corps menu, je n’étais pas très menaçante. Je me suis jetée sur l’interrupteur du plafonnier de la cuisine et j’ai levé le voile sur le mystère de la bête.

Mon cerveau assiégé par la peur avait leurré mes fonctions visuelles. Libéré de ses déformations physiques par la lumière, l’humain me donna la réplique en s’exclamant :

- Mais où suis-je ? Et qui êtes-vous ? Est-ce là une supercherie ? M’a-t-on mis quelque potion dans mon verre et m’a-t-on enivré pour me conduire jusqu’à ce lieu ? Êtes-vous une quelconque soubrette du duc ?

Cette espèce de culotté bouffant ou de bouffon culotté, à cette heure-ci je ne savais plus très bien, venait non seulement de m’affubler du titre de soubrette mais de surcroît, se croyait victime d’un enlèvement ou d’une ruse.