La grande subversion - Victor Abel - E-Book

La grande subversion E-Book

Victor Abel

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Beschreibung

Dans un univers teinté de réalisme magique, Efdée se lance dans une aventure rocambolesque qui expose l'absurdité des manipulations politiques des puissants. Malgré lui, il se retrouve projeté sur le devant de la scène, confronté au tumulte de son époque, où les siècles d’histoire se superposent dans un « Paris » en constante évolution. Tout en cherchant à réparer la poche droite de sa redingote, qui chaque jour lui fait perdre sa maigre fortune, il s'interroge sur ce tourbillon de circonstances.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Lorsque la réalité devient une froide lucidité existentielle dénuée de sensibilité, l’art et la littérature doivent redorer leur blason pour restaurer la joie. Le croire n’est ni utopie ni intellectualisme vain, mais plutôt la démarche et la volonté profonde de Victor Abel. En tant que peintre, il crée des images avec des mots, en tant qu’écrivain, il écrit en couleur.

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Veröffentlichungsjahr: 2023

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Victor Abel

La grande subversion

Roman

© Lys Bleu Éditions – Victor Abel

ISBN : 979-10-422-0892-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Ce matin-là, les premiers rayons du soleil furent pour la Seine. Plus belle était-elle depuis son embâcle ? Sortie des quais, elle atteignait les rues voisines. Pourtant, personne ne semblait se préoccuper du fleuve en colère et tous négligeaient les quelques immeubles qui avaient déjà été emportés par les flots. La tour du père Eiffel penchait en s’enfonçant dans le sol devenu marécageux. C’était un jour nouveau sur la République de Paris, tourbillonnante, étourdissante, ahurissante comme toujours.

6 mai, le matin, à la sortie du métropolitain, quelque part dans la République de Paris

Des mécaniciens de la Société pour la nationalisation sans perturbation des chemins de fer, la SPLNSPDCDF, s’affairaient sur un incident technique d’apparence banal, mais qui leur causait bien des préoccupations. La ligne 1 du métropolitain était ainsi bloquée depuis de nombreuses minutes. Qui s’en serait étonné ? Les ouvriers devaient travailler malgré les larmoiements des usagers qui se faisaient de plus en plus violents à leur égard. Le tumulte de la vie de la République de Paris devait s’exprimer. Et bien qu’on leur expliquait que le convoi de 7 h 34 n’avait pas su s’arrêter et s’était engouffré dans celui de 7 h 32, rien à faire ! la masse furieuse n’en dérougissait pas. Un grand classique ! La SPLNSPDCDF avait comptabilisé huit incidents de la sorte les cinq derniers jours.

À la SPLNSPDCDF, tout était bien coordonné. De haut en bas, au grand jamais de bas en haut, les ordres respectaient le cheminement naturel et, en effet, sous le regard attentif du chef superviseur, monsieur l’amiral Baudoin chevalier de la Légion d’honneur, le sous-superviseur, monsieur Martin, transmettait ses consignes à l’adjoint-superviseur monsieur Bernard. Ce dernier seulement pouvait s’adresser aux ouvriers par voie de communiqué. Justement, Léon Babin, communiqué à la main, s’affairait à extraire les derniers wagons au volant de son lourd bulldozer acquis dans des temps antédiluviens par la société. Non loin de là donc, de droite à gauche, monsieur l’amiral Baudoin, monsieur Martin et monsieur Bernard veillent scrupuleusement au grain en prenant une tasse de thé.

Une petite armée de sous-fifres certifiés conformes par l’administration publique sortait les débris rabroués par le bulldozer. On les reconnaissait facilement à leur chasuble jaune réfléchissant qui les distinguait des ouvriers standards de la SPLNSPDCDF en chasuble orange pour leur part. À l’aide de brouettes que les sous-fifres faisaient rouler sur un chemin de planches précairement disposées, ils acheminaient les morceaux de carcasses des wagons jusqu’à la sortie du tunnel. Les débris accumulés empêchaient les résidents de la République de Paris d’entrer dans le souterrain. Les sous-fifres certifiés conformes ne chômaient pas malgré leur revenu minimum d’indépendance idéologique. Le regard sévère du chef superviseur en disait long sur son humeur. Il s’adonnait aussi au fouet, même si un décret sur la sécurité et le bonheur au travail en modérait l’utilisation depuis peu.

Le métropolitain de 7 h 42 allait entrer en gare. Le fouet s’agitait de plus en plus. L’efficacité était de rigueur et la paresse farouchement réprimandée.

Les plus gros morceaux de wagons qu’on ne parvenait pas à extraire furent poussés au fond du tunnel. D’autres ouvriers, tout aussi conformes, élevèrent une cloison cache-misère afin de camoufler tout ce fatras.

Sept heures quarante-deux sonnaient déjà. Des vibrations annonçaient l’arrivée imminente du convoi. Les sous-fifres certifiés conformes par l’administration publique se retirèrent et se mirent en rond-point pour prier. Un boulon grippé avait résisté à leur matériel hautement sophistiqué : maillets, tenailles, torches et égoïne. Ils se résignèrent à prier pour que cela n’entraîne pas le déraillement du prochain convoi. Un Pater et deux Ave furent entonnés, mais au troisième, ils furent censurés par deux agents de la Sécularisation nationale qui patrouillaient dans ce secteur. Des avertissements furent distribués sous les prétextes de précaution et de laïcité en milieu de travail. On était aussi sensible à ne pas ébruiter un nouveau scandale contre les chasubles jaunes.

Enfin, le chauffeur du train de 7 h 42 fut averti par pigeon postal réputé infatigable. Il devait entrer doucement en gare afin d’éviter de s’inscrire au registre des retraites anticipées, mesure disciplinaire mise en place depuis le matin même par monsieur l’amiral Baudoin pour minimiser les interventions de terrain qui faisaient mauvaise presse. Bien entendu, le système de freinage était inspecté annuellement. Cela n’empêcha pas un bataillon d’étincelles pressées d’aller se refroidir à l’air libre et pur de l’extérieur, de s’échapper du crissement aigu des roues et des rails. Deux fois encore, le chef de wagon offrit un spectacle pyrotechnique aux quelque quarante usagers hautement mécontents des transports en commun qui faisaient le pied de grue sur le quai. L’expérience seule du chauffeur lui servit et il s’arrêta sans que le chef superviseur de la SPLNSPDCDF dût rappeler Léon Babin et son bulldozer qui venait avec peine de s’extraire de la porte étroite du métropolitain.

L’un des ouvriers de la Société pour la nationalisation sans perturbation des chemins de ferraille poussa un soupir de soulagement. Ce dernier signa même sa croix à l’insu des agents de la Sécularisation nationale qui verbalisaient un groupe de syndicalistes de la Régie vraiment indépendante pour le travail bien fait, la RVIPLTBF, qui ne scandait pas leur slogan en alexandrins, comme le prévoyait la loi sur les mœurs et le rythme des revendications du 14 mai dernier.

« Le repos, c’est tabou ! On en viendra tous à bout ! 35 heures, c’est du passé ! Le dimanche, c’est dépassé ! »

Dans ces cas-là, les autorités, habituellement oisives, passaient au crible les manifestants trop industrieux. On s’efforça néanmoins de ne pas entraver la marche des passagers républicains qui bénéficiaient bien entendu de l’immunité idéologique. Philippe Duruisseau fut le dernier à s’extirper de son wagon réservé aux royalistes. Les deux derniers de la file, les plus inconfortables et les plus bruyants étaient réservés aux gens de son engeance.

Revenons rapidement à Philippe Duruisseau ! Appelons-le Èfdée, comme tous les personnages de cette histoire le feront d’ailleurs. Ce sera plus commode. Vous verrez ! Enfin…

Les pics de grève laissés à l’abandon par les membres de la Régie vraiment indépendante pour le travail bien fait furent enjambés pour certains et piétinés pour d’autres. Cela valut quelques injures en langue de bois à l’attention d’Èfdée, qui se soumettait au contrôle de sa carte pour l’uniformisation de l’identité nationale. Indifférent à la cause des pics abandonnés, il ne l’était cependant pas aux nouvelles du jour. À la sortie de l’escalier du métropolitain, un héraut agréé par l’Agence républicaine pour la communication symétrique criait l’actualité qui ne le réjouissait pas. Les mots à la gloire du président qui sortaient de la bouche du héraut agréé battaient de l’aile et se répandaient aux alentours. Une nuée bavarde entoura Èfdée, mais il la chassa comme on repousse des oiseaux malfaisants.

C’était un matin de mai ensoleillé. Èfdée marchait d’un pas ferme sur l’avenue du séjour des âmes vertueuses de la République que le maire de Paris avait baptisé ainsi lors d’une fête aussi onéreuse que faste en l’honneur du Caïd Bonifacio, père de Gaule et nouvellement grand officier de la Légion d’honneur. C’était qu’il était le seul rescapé de la bombe qu’avaient déposé le père Hugo et le père Kléber au cœur de la ville. Depuis l’explosion qui avait sectionné l’avenue, la nouvelle configuration en étoile des rues de la ville avait tant changé que l’on ne s’y reconnaissait plus. Bienvenue dans la République de Paris.

On n’avait pas encore terminé les peintures sur les façades. Certains hôtels particuliers revêtaient encore le noir et le gris de la nuit. Les peintres semblaient hors d’haleine. Pas autant que l’ingénieur-coloriste en chef. Celui-ci ne savait plus où donner de la tête. Il tentait de déchiffrer les plans de colorimétrie du jour, mais tout avait été écrit en arabe, même les chiffres.

Èfdée ne semblait pas aussi gai que d’autres et avançait en évitant d’être importuné par les fêtards. On chantait des chansons paillardes. On buvait bouteilles à la main. Les étincelles résiduelles des coups de frein de la locomotive du métropolitain et des mots voltigeurs des hérauts virevoltaient encore ici et là. On venait de réélire le Président pour un troisième mandat. Dans l’histoire pourtant longue de ce pays, bien que souverainement menacé par l’Union des vingt-sept, cela ne s’était jamais vu.

Dans la poche droite de sa vieille redingote bleu pervenche, Èfdée tenait une pièce de bronze de trois mille francs gaulois. Il avait l’intention de l’échanger contre une pièce de nickel de sept mille pounds sterling, devise bien plus utile pour un honnête royaliste de sa trempe. S’il ne relâchait pas son poing, c’était que la couture de la doublure de sa redingote s’était décousue sur trois bons centimètres. Il avait ainsi perdu la semaine d’avant une pièce de cuivre de deux cents, pourtant de diamètre supérieur à celles de mille. Cette même semaine, il avait inespérément trouvé trois pièces de quatre cents francs gaulois en bonze à deux cents pas d’intervalles. Pièces qu’il allait perdre à cause de ce fichu trou cent cinquante pas plus loin. Si l’on considère que huit cents pas lui étaient nécessaires pour aller travailler, son espoir de calmer le courroux de ses créanciers n’avait duré qu’un instant.

Èfdée se souvenait de ce jour comme d’une brûlure à l’huile bouillante et espérait soulager l’inflammation de son angoisse à l’aide de cette pièce de bronze que le trou de la poche de sa redingote élimée n’avait pas encore laissée au hasard. Si le banquier avait l’humeur favorable, pouvait-il espérer cette transaction contre des pounds sterling ? D’ailleurs, il connaissait bien M. Sinus, Président-Dictateur-Gentleman de la banque d’écoagriculture de Gaule avec lequel il avait rendez-vous le soir même. Ce sobre personnage avait réussi à conserver son poste malgré les changements de régime depuis la Cinquième République, en passant par les restaurations des Malapartes, jusqu’au coup d’État du président Zola. Èfdée n’avait pas eu cette fortune. Il attribuait l’immuabilité du poste régalien de son ami à la vertu de la ruse. Il ne l’avait jamais interrogé sur ses moyens de se maintenir et n’avait pas non plus l’intention de le faire ce soir-là lors de leur rendez-vous.

Èfdée traversait la rue des Malapartistes qui allait être baptisée de nouveau d’ici la fête nationale du 14 juillet. Le défilé militaire devrait, selon le programme, arracher tous les panneaux faisant référence au plus modeste des rois de Gaule, qualité qui causa d’ailleurs sa perte. À quelques pas devant lui, il apercevait son trafiquant de journaux, le seul de toute la République de Paris. Depuis le moratoire sur les crayons à papier dont les capitaux étaient essentiellement contrôlés par des royalistes, on n’écrivait guère en Gaule. Les royalistes tentaient tout de même de rester informer, souvent au péril de leur vie, grâce à la parution clandestine de la Sarcelle enchaînée. Le lendemain d’une réélection présidentielle, Èfdée espérait un peu de lumière sur cette affaire. Il avait tant espéré le changement. Qui sait ? La restauration légitime du roi de Gaule, peut-être ? Ainsi, aurait-il pu recouvrer ses privilèges et acheter une redingote neuve sans trou, si possible, « made in China ». Il usait la sienne depuis les temps glorieux du roi de Gaule qui l’avaient promu à une brillante carrière. Il n’aurait pas songé que sa chance n’aurait été qu’électorale et donc passagère.

Depuis l’éviction des royalistes aux affaires de l’État, ses économies avaient connu la sécheresse puis la famine. En passant par le décret sur la saisie des montres détaxée auxquelles ses rentes étaient greffées et le Décret sur les malfaçons sanitaires et les vices cachés, son pécule s’en était allé. Mais ce qui avait réduit à néant ses rentes avait été l’effondrement du marché du sel, ressource dans laquelle la plupart des monarchistes avaient fortement investi depuis dix ans. Le syndicat des marchands de sel dont il était membre s’effondra. L’intelligentzia avait tenté de publier un rapport attribuant à quelques ministres républicains des manœuvres d’initiés ayant pu influencer négativement les cours de la denrée, mais ils furent soumis au silence et leurs papiers furent mis à l’index.

Un héraut criait non loin de là :

« Cher confrère, le ministère de l’Agroéconomie vous informe. Depuis la loi 1021, articles un à seize du treize mai de l’an trois de la Sixième République, toute culture monétaire doit impérativement être déclarée dans les six jours qui suivent la germination à la banque agricole de votre secteur. De plus, lors des récoltes, tous les capitaux doivent transiger par la Société Générale d’Agroéconomie. Tous défauts à ces mesures, mis en place par notre très estimé président Zola, seront considérés comme de la culture souterraine et seront sévèrement réprimandés par la cour républicaine du syndicat des riches écomarchandeurs. »

Six mai, le matin, dans les rues de la République de Paris

Èfdée marchait sur la rue du Maréchal Baudelaire. D’ailleurs, il connaissait en personne monsieur le maréchal. Ce célèbre monarchiste dont les victoires aux champs de bataille avaient été encensées par les uns et qualifiées par ses détracteurs de crimes contre la conscience de l’humanité. Retiré en province afin de rependre l’entreprise familiale de crayons à papier, il fut ruiné lors de l’annexion par les républicains du graphite au registre des matières dangereuses à proscrire.

Èfdée s’approchait de la cabane de M. Alexandre Figaro, son trafiquant de journaux. Ce dernier s’aperçut immédiatement qu’il avait retiré son épinglette tricolore qui avait servi à reconnaître les partisans du roi pendant les trois heures qu’avait duré la campagne électorale des tiers partis.

— Apparemment, dit Èfdée à M. Alexandre Figaro, les quelque quatre semaines de campagne électorale républicaine leur auront bien servi.

— Hum !