La Guilde des Magenciens - Claire Siméon - E-Book

La Guilde des Magenciens E-Book

Claire Siméon

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Beschreibung

Évie Stone, fillette de onze ans, pratique la magie en utilisant les différents éléments de la nature pour communiquer avec sa défunte mère. Cependant, Mathilda Brenne, une étrange femme, va lui révéler que son destin est spécial et qu’elle doit rejoindre la communauté des Magenciens dont elle fait partie. Évie commence alors un long apprentissage au cours duquel elle découvrira l’existence des Ravageurs, des mages noirs prêts à tout pour nuire aux Hommes et à la Guilde des Magenciens.

À PROPOS DE L'AUTEURE

Après des études de lettres,  Claire Siméon a été enseignante de français pendant dix ans. Passionnée de musique, de cinéma et de littérature, elle a un intérêt particulier pour la fantasy et le fantastique. Dans  La Guilde des Magenciens , elle associe, de façon harmonieuse, la beauté de la nature à la magie.



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Seitenzahl: 227

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Claire Siméon

La Guilde des Magenciens

Roman

© Lys Bleu Éditions – Claire Siméon

ISBN : 979-10-377-6710-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Chapitre 1

Magie dans la forêt

Quelque part dans le nord-ouest de la France se trouvait une forêt étrange, très étrange, elle se nommait la Forêt Tordue.

La Forêt Tordue était remplie de pins, elle portait ce nom, car la base du tronc de chaque arbre était déformée, les arbres semblaient avoir été pliés en forme de crochet. C’était un spectacle surnaturel. Dans la Forêt Tordue, il n’y avait jamais beaucoup de flâneurs. Dans les villages environnants, certains disaient que cette forêt avait été ensorcelée. Ils racontaient que des créatures surnaturelles y vivaient et que l’on entendait de curieux bruits durant la nuit ; des sons inquiétants qui provenaient de la forêt. Les promeneurs avaient donc peur d’y pénétrer et préféraient faire quelques kilomètres en voiture ou à vélo pour se rendre dans le Bois des charmes, un petit bosquet très agréable où rien ne pouvait leur arriver.

Mormal était le village le plus proche de la Forêt Tordue. Les premières maisons avaient été construites au Moyen Âge, et c’était certainement à cette époque que des villageois superstitieux avaient commencé à raconter d’étranges histoires sur l’origine de la Forêt Tordue. Les rumeurs s’étaient ensuite propagées dans le village et dans la campagne environnante.

À l’entrée du village de Mormal, il y avait une jolie petite maison de pierre, elle était entourée d’un jardinet arboré et fleuri, c’est là qu’habitait Évie Stone. La fillette aimait se rendre dans la Forêt Tordue, car quand elle pénétrait dans ce lieu mystérieux, elle était sûre d’être seule et de pouvoir faire ce qu’elle voulait sans être gênée par des promeneurs.

Lors d’une journée d’été grise et morne de la fin du mois d’août, Évie quitta la maison au début de l’après-midi. Il ne pleuvait pas, mais les nuages épais assombrissaient le ciel. La fillette prit sa bicyclette et pédala lentement, elle parcourut un kilomètre avant d’arriver à la lisière de la forêt. Elle posa son vélo contre un arbre, sans mettre son cadenas. Elle savait que personne ne viendrait voler sa bicyclette puisque les promeneurs étaient effrayés par cette forêt. Elle emprunta un petit sentier qui serpentait entre les pins tordus. Évie Stone s’enfonça ainsi au cœur de la forêt. Elle s’arrêta au milieu d’une petite clairière où elle avait l’habitude de se rendre. Les pins qui l’entouraient semblaient être des géants qui veillaient sur elle. Elle ôta son ciré jaune ainsi que la petite sacoche qu’elle portait en bandoulière et les posa par terre. Évie portait un sweatshirt noir et un pantalon de velours bordeaux. Elle s’habillait toujours avec des vêtements aux couleurs foncées lorsqu’elle se rendait dans la forêt, elle faisait ce choix vestimentaire pour éviter de se salir trop facilement quand elle ôtait son ciré. La fillette se retourna pour contempler son reflet dans une flaque d’eau. Elle n’aimait pas son visage pâle, parsemé de taches de rousseur. Jeanne, sa grand-mère maternelle, qui adorait la poésie, les appelait des « taches de nuages ». Elle ne cessait de répéter à sa petite-fille qu’elle était unique, elle lui disait que ses taches et l’éclat de ses cheveux roux illuminaient son beau visage. Mais Évie ne tenait pas compte des compliments de sa grand-mère, elle détestait son physique. Elle aurait souhaité posséder une longue chevelure bouclée. Or ses cheveux étaient très raides. La fillette préférait donc les garder court.

Elle prit un caillou et le jeta dans la flaque pour brouiller son image, puis elle s’agenouilla sur le sol humide. Elle ramassa un peu de terre et une feuille d’arbre qu’elle mit dans la paume de sa main gauche. Elle sortit un pétale fané de sa sacoche et le posa sur la feuille. Puis elle agita sa main droite au-dessus de sa paume ouverte, en décrivant une courbe et elle murmura quelques mots inaudibles. Soudain, une jolie fleur poussa dans le creux de sa main, c’était un beau lys rose. Elle contempla la fleur avec un air de satisfaction. Ensuite, elle ouvrit de nouveau sa sacoche et en sortit une petite photo. Elle posa la photographie sur le sol devant elle. Elle représentait le visage d’une belle jeune femme. Ses cheveux blonds, longs et bouclés tombaient négligemment sur ses épaules. Son nez était mince et pointu, elle avait de grands yeux bleus et une jolie bouche charnue. Elle souriait et semblait heureuse. Évie regarda la photo d’un air triste. Tout à coup une légère brise souffla, elle attrapa dans sa main droite une bouffée de vent, elle plaça son poing au-dessus de la photographie et souffla dans sa main fermée. Un petit nuage d’air gris dissimula la photo et le visage de la femme sortit du papier pour flotter en l’air, face à la fillette. Évie regarda fixement le visage flottant et dit :

— Bonjour, maman !

Soudain une voix masculine retentit au loin :

— Évie ! Évie ! Où es-tu ?

Le visage disparut aussitôt, la fillette fut déçue et surtout contrariée.

L’homme qui s’avançait sur le sentier était grand et mince. Il portait une longue veste kaki et ressemblait ainsi à un garde forestier. Il vit à quelques mètres de lui une clairière au milieu de laquelle se trouvait Évie. Elle lui tournait le dos, mais il reconnut ses cheveux roux et le ciré jaune qui était posé par terre, à côté d’elle.

— Évie, ma chérie, soupira-t-il, tu es encore partie sans me prévenir, tu es trop jeune pour ces excursions solitaires. Je te rappelle que tu n’as que onze ans.

— Je ne suis plus un bébé, papa, rétorqua Évie en fixant ses beaux yeux bleu clair sur lui.

Son père fronça les sourcils.

— Pourquoi t’obstines-tu à venir dans cette forêt ? lui demanda-t-il. Je sais que cet endroit est ton refuge, mais je n’aime pas quand tu pars comme ça sans me prévenir. Je suis venu te chercher, car j’étais inquiet.

La fillette ne répondit pas.

— Tu fais de la magie, c’est ça ?

Évie hocha la tête en signe d’approbation sans oser regarder son père dans les yeux.

— Je te l’ai déjà dit, je n’aime pas ça, la magie te fait du mal, elle t’isole et…

— Non au contraire, l’interrompit-elle sèchement, elle me fait beaucoup de bien, j’ai besoin de la magie pour me sentir vivante.

Elle hésita avant de continuer :

— Papa, j’ai presque réussi à ressusciter l’âme de maman et c’est grâce à mes pouvoirs. Je vais bientôt pouvoir communiquer avec elle.

— Ne dis pas ça, hurla son père, maman est morte. Cesse de croire que ta magie va rendre la vie à ta mère et régler tous nos problèmes.

Il était très en colère, ses paroles avaient blessé la fillette et elle se mit à sangloter. Depuis le décès de son épouse, qui était survenu quelques mois plus tôt, le père d’Évie était inconsolable. La jeune femme s’était endormie un soir et ne s’était pas réveillée. Depuis ce jour-là, il était rongé de chagrin et il s’emportait souvent contre sa fille, surtout quand celle-ci faisait de la magie. Pourtant Évie restait discrète et ne la pratiquait que dans la forêt, mais son père haïssait cette science occulte qui faisait croire à sa fille que tout était possible.

L’homme se calma et s’agenouilla pour prendre sa fille dans ses bras.

— Pardon, ma chérie, je ne voulais pas te faire pleurer. Rentrons à la maison, tu veux bien ? Je n’aime pas cet endroit.

— Moi je l’aime cette forêt, murmura Évie en séchant ses larmes.

La fillette ramassa sa sacoche et son ciré. Puis son père et elle se relevèrent. L’homme scruta les environs, l’air inquiet.

— Qu’est-ce qu’il y a, papa ? demanda-t-elle.

— Rien, je… non ce n’est rien, partons.

La fillette se demandait pourquoi son père avait l’air si anxieux, mais elle ne fit aucun commentaire, et ils rentrèrent chez eux.

Quelques jours plus tard, Évie revint dans la Forêt Tordue. C’était une belle journée d’été ensoleillée. La fillette avait prévenu son père qu’elle allait faire une promenade à vélo. Elle ne lui avait pas précisé qu’elle se rendait dans la forêt. Son père s’en doutait, mais ce jour-là il avait beaucoup de travail et il ne prit pas le temps de sermonner sa fille. Il lui donna la permission de sortir sans lui indiquer à quelle heure elle devait rentrer. Comme d’habitude, la fillette posa son vélo contre un arbre et s’engagea sur le petit sentier sinueux qui menait à la clairière. Elle s’agenouilla sur le sol et ferma les yeux durant quelques instants. Elle se sentait si bien, seule au milieu de ces grands arbres biscornus. Ici, elle pouvait pratiquer la magie librement, car elle était sûre que personne ne viendrait la déranger. Elle commença donc à jouer avec une branche de pin qui était tombée par terre. Elle se concentra, tendit le bras droit et fit tournoyer son index. Ainsi, sans toucher la branche, elle la fit voleter en l’air. Évie souriait, satisfaite de voir que ses pouvoirs magiques étaient de plus en plus développés. Elle ouvrit son sac. Elle s’apprêtait à en sortir la photographie de sa mère lorsqu’elle entendit un murmure derrière elle, la branche tomba sur le sol et Évie se retourna brusquement. Il n’y avait personne. « Peut-être est-ce le vent ? » pensa-t-elle. Elle écouta attentivement le bruissement pour s’assurer qu’il s’agissait bien du vent. Elle entendit alors une voix traînante qui l’appelait :

— Évie Stone… Évie Stone !

— Qui est là ? demanda-t-elle inquiète. Montrez-vous !

— Évie Stone, écoute-moi bien, dit la voix, tu es unique et c’est pour cette raison que tu dois rejoindre la Guilde.

— De quoi parlez-vous ? Je ne comprends pas, dit la fillette en regardant autour d’elle. Où êtes-vous ?

— Quelqu’un va venir te chercher. Tu reconnaîtras cette personne, car elle possède la même marque que toi, la marque de la magie.

Évie savait pertinemment de quelle marque il s’agissait. Depuis sa naissance, elle avait un petit point dans la paume de sa main droite, un petit point qui ressemblait à un grain de beauté noir. Mais sa mère avait remarqué que ce grain de beauté avait une particularité, il changeait parfois de couleur et devenait bleu, blanc, vert ou brun quand Évie faisait une chose étrange ou provoquait un phénomène extraordinaire. Sa mère avait alors pour habitude de dire : « Oh ! il y a de la magie dans l’air. »

— Qui est cette personne qui va venir me chercher ? demanda Évie à la voix.

Il n’y eut aucune réponse. Seul le bruit du frémissement du feuillage des arbres troublait le silence de la forêt. La peur saisit Évie qui ramassa ses affaires et s’enfuit en courant. Lorsqu’elle revint chez elle, elle trouva son père dans son bureau, assis devant son ordinateur. Depuis que sa femme était morte, Arthur Stone, qui était journaliste pour un quotidien régional, travaillait chez lui quand cela était possible. Il avait demandé ce privilège à son patron pour pouvoir s’occuper de sa fille. Le responsable du journal était très satisfait du travail d’Arthur, il lui avait donc accordé cette faveur. Cependant, Arthur avait tellement de travail qu’il n’avait pas souvent le temps de s’occuper d’Évie.

Il n’avait même pas entendu sa fille rentrer dans la pièce. La fillette l’observa longuement, elle hésitait à lui raconter ce qui s’était passé dans la forêt. Puis elle se décida à parler :

— Papa, l’interpella-t-elle.

Son père ne réagit pas, ses grosses lunettes posées sur le nez, il paraissait très concentré devant son écran.

— Papa, insista la fillette.

— Évie, dit son père avec sévérité sans lever les yeux, je t’ai déjà dit de ne pas me déranger lorsque je travaille à la maison, oui tu peux aller faire ta promenade à vélo.

— Mais, papa, ça tu me l’as dit il y a deux heures. Je suis allée faire ma promenade.

— Tu es déjà de retour ? s’étonna-t-il en relevant la tête et en fixant son regard sur elle.

— Oui et j’ai… hésita-t-elle, j’ai quelque chose à te raconter.

— Je t’écoute, mais fais vite, soupira-t-il.

— Je suis allée dans la forêt et…

— Mais bon sang, Évie ! l’interrompit son père furieux. Pourquoi es-tu encore allée dans cette forêt ? Pour faire de la magie ?

— Oui, au début, c’est ce que je voulais faire, avoua-t-elle un peu penaude, mais ensuite il s’est passé quelque chose d’étrange.

Son père fronça les sourcils.

— Une voix m’a appelée et m’a dit que quelqu’un allait venir me chercher, elle a dit aussi que cette personne aurait une marque dans la paume de sa main comme celle que j’ai.

Évie ouvrit sa main pour la montrer à son père. Arthur parut troublé.

— Je ne veux pas entendre ce genre d’histoires ? s’énerva-t-il. Personne ne va venir te chercher. Et de quel droit quelqu’un viendrait chez moi pour prendre ma fille ?

Le père d’Évie tremblait de colère. La fillette eut peur et décida de ne pas en rajouter.

— Tu as raison, cette histoire est bizarre. Quelqu’un s’est peut-être caché dans la forêt et a voulu me faire peur. Je suis désolée de t’avoir dérangé, papa.

Arthur regarda sévèrement sa fille quitter la pièce. Celle-ci alla s’enfermer dans sa chambre, contrariée par l’attitude de son père. Cependant, elle se résolut à ne plus lui parler de cette histoire de voix. Le dîner, un simple plat de pâtes à la sauce tomate, ne fut pas très animé. Évie et son père ne s’adressèrent pas la parole.

Décidément, papa ne comprendra jamais rien à la magie, pensa la fillette.

Chapitre 2

La Magencienne

Une semaine s’était écoulée depuis le jour où Évie avait entendu la voix. Son père était toujours fâché contre elle. Il lui avait interdit de retourner dans la forêt et lui avait demandé de jouer autour de la maison. Évie voulait apaiser la colère de son père, elle avait donc décidé de lui obéir. Durant toute la semaine, elle s’était évertuée à trouver des activités pour s’occuper pendant qu’Arthur travaillait dans son bureau. Mais ce qu’elle souhaitait par-dessus tout, c’était de pouvoir retourner dans la forêt dès que son père lui en donnerait l’autorisation. Et elle était de plus en plus impatiente de se rendre dans la clairière. Elle désirait ardemment pratiquer la magie et peut-être réussir à communiquer avec sa mère.

Le soir venu, au dîner, la fillette osa rompre le silence :

— Ça va ton travail, papa ?

Arthur, surpris par cette question, répondit :

— Tu t’intéresses à mon travail, toi, maintenant ?

Évie haussa les épaules. Habituellement, elle passait son temps à reprocher à son père de ne pas s’occuper d’elle. Elle n’avait jamais posé de questions au sujet de son travail.

— Tu veux aller te promener, c’est ça ?

Évie arbora un sourire gêné.

— OK, tu pourras te balader demain, mais tu ne vas pas dans cette foutue forêt, tu ne quittes pas le village.

La fillette hocha la tête en signe d’acquiescement. Le lendemain après-midi, elle monta sur son vélo et pédala à vive allure. Elle fit plusieurs fois le tour du village et s’arrêta près de sa maison à l’entrée du hameau. Elle vit la forêt au loin et l’observa durant quelques secondes. La légère brise qui soufflait ce jour-là faisait danser les branches des pins. En voyant cette danse, Évie en était sûre ; la forêt l’appelait. Elle s’apprêtait à désobéir à son père et à pédaler jusqu’à la Forêt Tordue lorsque soudain, elle entendit une voix, la voix :

— Évie Stone,il est temps de rentrer chez toi, la Magencienne va venir te chercher.

— Une Magencienne ? Qu’est-ce que c’est ? interrogea Évie.

Mais la voix ne répondit pas à sa question, elle se tut. Évie était troublée. Devait-elle en parler à son père ? Cette fois-ci, elle ne lui avait pas désobéi, même si elle avait été sur le point de le faire. Si elle racontait franchement ce qui s’était passé, peut-être serait-il plus enclin à la croire. Elle réfléchit un instant et décida finalement de ne rien lui dire. Évie remarqua que le ciel s’obscurcissait progressivement, elle entendit le tonnerre gronder au loin, un orage approchait. Elle suivit les conseils de la voix et rentra chez elle. Lorsqu’elle fut sur le seuil de la porte, les gouttes de pluie commencèrent à tomber. Évie se réfugia dans sa maison. Elle prit un goûter dans la cuisine, elle regardait par la fenêtre le vent souffler de plus en plus fort, et la pluie fine se transformer en averse.

— Qu’est-ce que tu regardes ?

Évie sursauta. Son père venait d’entrer dans la cuisine sans faire de bruit.

— Excuse-moi, ma chérie, je t’ai fait peur en arrivant si subitement.

— Ou… oui, un peu, bredouilla Évie. Viens voir, papa, c’est le déluge dehors.

Arthur prit une tartine sur laquelle il étala du miel, puis il rejoignit sa fille près de la fenêtre. Soudain, un éclair apparut, suivi d’un violent coup de tonnerre. Tous deux sursautèrent.

— On dirait bien quel’orage est juste au-dessus de notre maison, remarqua Arthur en croquant sa tartine.

Tout à coup, quelqu’un frappa à la porte. Évie et son père se regardèrent très étonnés.

— Qui peut être assez fou pour braver cette tempête et venir jusqu’ici ? s’interrogea Arthur.

Évie pensa alors à la voix qui lui avait dit qu’une Magencienne n’allait pas tarder à venir la chercher. Était-ce cette mystérieuse personne qui frappait à la porte ? La fillette éprouva une angoisse inexprimable.

Évie et Arthur sortirent de la cuisine, le père de la fillette se dirigea vers la porte d’entrée et abaissa la clenche. Un vent furieux poussa la porte qui s’ouvrit violemment. Une silhouette apparut alors dans l’embrasure de la porte. Soudain, un éclair illumina le visage encapuchonné de la personne durant quelques secondes. C’était une femme. Elle n’attendit pas l’invitation d’Arthur pour entrer dans la maison. De toute façon, celui-ci était tellement abasourdi par cette visite étrange qu’il restait muet. La femme ferma la porte derrière elle. Elle enleva sa capuche. Évie et Arthur purent alors admirer la beauté de cette grande femme mince, elle portait une longue cape bleu marine. Les gouttes de pluie dégoulinaient de ses longs cheveux noirs ondulés. Elle secoua ses cheveux et son corps, sa chevelure et ses vêtements séchèrent aussitôt. Puis elle fixa ses yeux violets sur Évie et son père qui étaient médusés. Elle enleva sa cape et la posa sur la console, près de la porte d’entrée. Évie observa sa longue robe noire. Elle était parfaitement cintrée, le col montant était orné de petites paillettes ce qui plut beaucoup à la fillette. La femme portait une ceinture sur laquelle était accrochée une petite bourse en cuir marron. Le regard d’Évie fut attiré par l’étrange pendentif qui brillait autour de son cou. Il s’agissait d’une tige pointue en cristal d’une longueur d’environ huit centimètres. L’objet ressemblait à un pendule. L’intérieur du cristal était rempli d’un liquide pourpre. La partie supérieure de la tige était en céramique, elle avait une forme arrondie et était décorée de différentes arabesques. Mais Évie n’eut pas le temps d’observer plus attentivement ces dessins. La femme sourit et rompit enfin le silence :

— Bonsoir, je me présente, je suis Mathilda Brenne.

Arthur hésita avant de lui répondre, il était séduit par la beauté de cette femme. Son teint laiteux mettait en valeur l’étrange couleur de ses yeux et les traits de son visage étaient parfaits. Mathilda Brenne, quant à elle, paraissait également séduite par ce quarantenaire. Il faut dire que le père d’Évie était un bel homme. Ses cheveux noirs mi-longs parsemés de poils gris plaisaient beaucoup aux femmes. Celles qui croisaient son regard bleu azur étaient aussitôt charmées. Mathilda Brenne ne se priva donc pas de regarder attentivement Arthur Stone en attendant une réponse. L’homme sortit enfin de sa torpeur et bredouilla :

— Bon… bonsoir, madame. Vous avez été surprise par la tempête ? Que pouvons-nous faire pour vous aider ?

— Je n’ai pas été surprise, répondit Mathilda Brenne vexée. Cette tempête, c’est moi qui l’ai créée. Je voulais être sûre que vous soyez chez vous.

Elle toucha son pendentif qui s’illumina, puis elle tendit sa main droite et l’ouvrit. Un petit nuage gris flottait au-dessus de sa main. Évie eut le temps d’apercevoir une petite tache noire qui ressemblait à un grain de beauté dans sa paume. La tache changea de couleur, elle devint bleue puis blanche. La femme referma brusquement sa main et l’orage cessa aussitôt.

— Vous êtes une Mage… une Magen… bafouilla Évie.

— Je suis une Magencienne, jeune fille, et je suis venue te chercher pour t’emmener dans notre cité.

Arthur Stone parut déconcerté.

— Attendez une minute, intervint-il, qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Et qu’est-ce qui vous fait croire que vous allez pouvoir emmener ma fille ?

— Papa, je t’avais dit que j’avais entendu une voix dans la forêt, et cette voix m’a parlé une nouvelle fois cet après-midi. Elle m’a parlé de la Magencienne et…

— Arrête, Évie, s’énerva son père, je t’avais pourtant interdit de retourner dans cette forêt.

— Mais, papa, je n’étais pas dans la forêt, la voix m’a parlé alors que j’étais près de la maison, à l’entrée du village.

Mathilda Brenne écoutait attentivement cette discussion et commençait à s’impatienter.

— Monsieur Stone, intervint-elle, votre fille a fêté ses onze ans il y a quelques semaines, n’est-ce pas ?

Arthur hocha la tête en signe d’acquiescement. Trois semaines auparavant, il avait préparé pour Évie une petite fête d’anniversaire. Il avait commandé des pizzas et un gros gâteau au chocolat pour le dîner. Il avait invité Laure, la meilleure amie d’Évie. Les filles avaient passé un agréable moment. Arthur repensait à cette soirée lorsque Mathilda Brenne annonça :

— Vous savez donc pertinemment qu’elle doit rejoindre la Guilde des Magenciens.

Évie regarda son père d’un air anxieux.

— Tu étais au courant de ça, papa ?

Arthur ne lui répondit pas et fronça les sourcils.

— Comment connaissez-vous mon nom ? demanda-t-il à la Magencienne.

— Je vous l’ai dit, je ne suis pas n’importe qui, je suis la Magencienne Mathilda Brenne, je seconde notre Magencien Suprême. Je sais tout sur votre famille et je sais que votre fille possède un don rare, le don unique, notre Guilde la surveille depuis sa naissance.

— J’aimerais qu’elle n’ait jamais eu ce maudit don, vociféra Arthur. La magie est inutile, elle ne devrait pas exister.

— Vous avez tort de dire cela, s’indigna Mathilda Brenne, la magie n’est pas une mauvaise chose. Ce monde en a besoin pour pouvoir évoluer sereinement. Les Magenciens utilisent la magencie, une ancienne magie. Elle permet à la Nature de jouer parfaitement son rôle. Arroser les récoltes après une importante sécheresse, dépolluer une ville qui commençait à étouffer, rendre la terre fertile. Comment croyez-vous que ces petits miracles arrivent ? C’est la magie des Magenciens qui fait tourner ce monde, mon cher monsieur.

— Vous êtes en train de me dire que les phénomènes naturels que nous observons autour de nous n’en sont pas vraiment et que tout cela est dû à cette magen… comment appelez-vous cela ? De la magencie ?

Le père d’Évie éclata de rire.

— Permettez-moi de vous dire que tout ceci n’a aucun sens, ajouta-t-il.

— Non, monsieur, je ne vous le permets pas, s’énerva Mathilda Brenne. Je n’affirme pas que tous les phénomènes naturels sont causés par la magencie, mais la plupart le sont. Lorsqu’il faut remettre de l’ordre sur cette Terre, nous sommes là pour le faire. Voyons, vous avez pourtant une Magencienne sous votre toit et vous ne croyez pas à la magie, c’est désolant.

— Je ne veux pas y croire, je veux que cette magie disparaisse de ma vie. Ma fille pense qu’avec ses pouvoirs elle pourrait ressusciter l’âme de sa mère. Ma femme est morte et j’aimerais qu’on laisse son âme en paix !

La Magencienne resta silencieuse en voyant l’homme désespéré, elle regarda Évie du coin de l’œil.

— Je n’ai plus que ma petite Évie maintenant, ajouta Arthur d’une voix désespérée, si vous me l’enlevez, je serai seul. Même si parfois je n’agis pas de la bonne manière avec elle, je l’aime. Comment vivre sans elle ?

— Je suis désolée, déplora la Magencienne, mais je dois emmener votre fille. Nantosuelta, la déesse de la Nature, vous a offert cette enfant. Votre femme et vous saviez que vous pourriez la garder onze années et qu’ensuite vous devriez la confier à notre communauté.

— Je n’y comprends plus rien, intervint Évie. Papa, tu savais ça et tu ne m’as rien dit.

Arthur resta muet et regarda sa fille l’air désolé. Voyant l’embarras du père de la fillette, Mathilda Brenne expliqua clairement les faits à Évie :

— Tous les cent ans, Nantosuelta choisit un couple d’humains qui ne réussit pas à concevoir l’enfant qu’il désire. Elle offre un nouveau-né à ce couple. Cet enfant est particulier, car il possède le don unique, celui qui le rend capable de maîtriser tous les éléments de la nature. En acceptant ce cadeau, le couple conclut un pacte avec Nantosuelta ; les deux jeunes parents élèvent l’enfant et lorsque celui-ci atteint sa onzième année, ils doivent le laisser rejoindre notre communauté, la Guilde des Magenciens. Les jeunes Magenciens possèdent des pouvoirs magiques qui deviennent de plus en plus puissants. Lorsqu’ils atteignent leur onzième année, ils peuvent commencer leur apprentissage, ils doivent apprendre à maîtriser la magencie pour devenir les gardiens de la Terre, c’est leur unique destinée.Tes parents ont passé un accord avec Nantosuelta, et ton père sait qu’il doit te laisser partir, n’est-ce pas, monsieur Stone ?

Arthur acquiesça, puis il regarda Évie, l’air triste.

— Dans notre cité, Évie apprendra à maîtriser correctement la magencie, continua Mathilda Brenne, et elle ne l’utilisera que pour faire le bien autour d’elle. Ne vous inquiétez pas, monsieur Stone, il n’est pas question pour les Magenciens de communiquer avec les morts. Nous ne pratiquons qu’une magie pure et bienfaisante.

En entendant cela, Évie regarda Mathilda, l’air déçu. Son père quant à lui, parut plus serein.

— Où se trouve votre cité ? Est-ce loin d’ici ? demanda-t-il.

— Je ne peux rien vous dire, je suis désolée. La seule chose que je peux vous révéler c’est que cette cité se nomme Runes. Ce lieu doit rester secret. De toute façon, vous ne pourrez pas rendre visite à votre fille. Les humains n’ont pas le droit de pénétrer dans notre cité. En revanche, nous permettrons à Évie de quitter Runes, elle pourra ainsi se reposer chez vous. Ces moments de répit sont nécessaires, car l’apprentissage de la magencie demande beaucoup de rigueur. Lors de ses déplacements, Évie sera toujours accompagnée d’un protecteur, nous estimons que cela est plus prudent. Le don que possède votre fille est précieux et le devoir de la Guilde est de protéger Évie.

Arthur paraissait complètement désemparé.