La Marâtre - Honoré de Balzac - E-Book

La Marâtre E-Book

Honore de Balzac

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Extrait : "GERTRUDE. Je t'assure, mon ami, qu'il serait imprudent d'attendre plus longtemps pour marier ta fille, elle a vingt-deux ans. Pauline a trop tardé à faire un choix ; et, en pareil cas, c'est aux parents à établir leurs enfants... d'ailleurs j'y suis intéressée. LE GENERAL. Et comment ? GERTRUDE. La position d'une belle-mère est toujours suspecte. On dit depuis quelque temps dans tout Louviers que c'est moi qui suscite des obstacles au mariage de Pauline."À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN : Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants : • Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin. • Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Personnages

LE GÉNÉRAL COMTE DE GRANDCHAMP.

EUGÈNE RAMEL.

FERDINAND MARCANDAL.

VERNON : docteur.

GODARD.

UN JUGE D’INSTRUCTION.

FÉLIX.

CHAMPAGNE : contremaître.

BAUDRILLON : pharmacien.

NAPOLÉON : fils du général.

GERTRUDE : femme du comte de Grandchamp.

PAULINE : sa fille.

MARGUERITE.

GENDARMES, UN GREFFIER, LE CLERGÉ.

Acte premier

Le théâtre représente un salon assez orné : il s’y trouve les portraits de l’empereur et de son fils. On y entre par une porte donnant sur un perron à marquise. La porte des appartements de Pauline est à droite du spectateur ; celle des appartements du général et de sa femme est à gauche. De chaque côté de la porte du fond il y a, à gauche, une table, et à droite une armoire façon de Boule.

Une jardinière pleine de fleurs se trouve dans le panneau à glace à côté de l’entrée des appartements de Pauline. En face, est une cheminée avec une riche garniture. Sur le devant du théâtre, il y a deux canapés à droite et à gauche.

Gertrude entre en scène avec des fleurs qu’elle vient de cueillir pendant sa promenade et qu’elle met dans la jardinière.

Scène I

Gertrude, le Général.

GERTRUDE

Je t’assure, mon ami, qu’il serait imprudent d’attendre plus longtemps pour marier ta fille, elle a vingt-deux ans. Pauline a trop tardé à faire un choix ; et, en pareil cas, c’est aux parents à établir leurs enfants… d’ailleurs j’y suis intéressée.

LE GÉNÉRAL

Et comment ?

GERTRUDE

La position d’une belle-mère est toujours suspecte. On dit depuis quelque temps dans tout Louviers que c’est moi qui suscite des obstacles au mariage de Pauline.

LE GÉNÉRAL

Ces sottes langues de petites villes ! je voudrais en couper quelques-unes ! T’attaquer, toi, Gertrude, qui depuis douze ans a pour Pauline une véritable mère ! qui l’a si bien élevée !

GERTRUDE

Ainsi va le monde ! On ne nous pardonne pas de vivre à une si faible distance de la ville, sans y aller. La société nous punit de savoir nous passer d’elle ! Crois-tu que notre bonheur ne fasse pas de jaloux ? Mais notre docteur…

LE GÉNÉRAL

Vernon ?…

GERTRUDE

Oui, Vernon est très envieux de toi : il enrage de ne pas avoir su inspirer à une femme l’affection que j’ai pour toi. Aussi, prétend-il que je joue la comédie ! Depuis douze ans ? comme c’est vraisemblable !

LE GÉNÉRAL

Une femme ne peut pas être fausse pendant douze ans sans qu’on s’en aperçoive. C’est stupide ! Ah ! Vernon ! lui aussi !

GERTRUDE

Oh ! il plaisante ! Ainsi donc, comme je te le disais, tu vas voir Godard. Cela m’étonne qu’il ne soit pas arrivé. C’est un si riche parti, que ce serait une folie que de le refuser. Il aime Pauline, et quoiqu’il ait ses défauts, qu’il soit un peu provincial, il peut rendre ta fille heureuse.

LE GÉNÉRAL

J’ai laissé Pauline entièrement maîtresse de se choisir un mari.

GERTRUDE

Oh ! sois tranquille ! une fille si douce ! si bien élevée ! si sage !

LE GÉNÉRAL

Douce ! elle a mon caractère, elle est violente.

GERTRUDE

Elle, violente ! Mais toi, voyons ?… Ne fais-tu pas tout ce que je veux ?

LE GÉNÉRAL

Tu es un ange, tu ne veux jamais rien qui ne me plaise ! À propos, Vernon dîne avec nous après son autopsie.

GERTRUDE

As-tu besoin de me le dire ?

LE GÉNÉRAL

Je ne t’en parle que pour qu’il trouve à boire les vins qu’il affectionne !

FÉLIX, entrant.

M. de Rimonville.

LE GÉNÉRAL

Faites entrer.

GERTRUDE, elle fait signe à Félix de ranger la Jardinière.

Je passe chez Pauline pendant que vous causerez affaires, je ne suis pas fâchée de surveiller un peu l’arrangement de sa toilette. Ces jeunes personnes ne savent pas toujours ce qui leur sied le mieux.

LE GÉNÉRAL

Ce n’est pas faute de dépense ! car depuis dix-huit mois sa toilette coûte le double de ce qu’elle coûtait auparavant ; après tout, pauvre fille, c’est son seul plaisir.

GERTRUDE

Comment, son seul plaisir ? et celui de vivre en famille comme nous vivons ! Si je n’avais pas le bonheur d’être ta femme, je voudrais être ta fille !… Je ne te quitterai jamais, moi ! Elle fait quelques pas. Depuis dix-huit mois, tu dis ? c’est singulier !… En effet, elle porte depuis ce temps-là des dentelles, des bijoux, de jolies choses.

LE GÉNÉRAL

Elle est assez riche pour pouvoir satisfaire ses fantaisies.

GERTRUDE

Et elle est majeure ! À part. La toilette, c’est la fumée ! y aurait-il du feu ? Elle sort.

Scène II
LE GÉNÉRAL, seul.

Quelle perle ! après vingt-six campagnes, onze blessures et la mort de l’ange qu’elle a remplacé dans mon cœur ; non, vraiment le bon Dieu me devait ma Gertrude, ne fût-ce que pour me consoler de la chute et de la mort de l’empereur !

Scène III

Godard, le Général.

GODARD, entrant.

Général !

LE GÉNÉRAL

Ah ! bonjour, Godard ! Vous venez sans doute passer la journée avec nous ?

GODARD

Mais peut-être la semaine, général, si vous êtes favorable à la demande que j’ose à peine vous faire.

LE GÉNÉRAL

Allez votre train ! je la connais votre demande… Ma femme est pour vous… Ah ! Normand, vous avez attaqué la place par son côté faible.

GODARD

Général, vous êtes un vieux soldat qui n’aimez pas les phrases, vous allez en toute affaire comme vous alliez au feu…

LE GÉNÉRAL

Droit, et à fond de train.

GODARD

Ça me va ! car je suis si timide…

LE GÉNÉRAL

Vous ! je vous dois, mon cher, une réparation : je vous prenais pour un homme qui savait trop bien ce qu’il valait.

GODARD

Pour un avantageux ! eh bien ! général, je me marie parce que je ne sais pas faire la cour aux femmes.

LE GÉNÉRAL, à part.

Pékin ! Haut. Comment, vous voilà grand comme père et mère, et… mais, monsieur Godard, vous n’aurez pas ma fille.

GODARD

Oh ! soyez tranquille ! Vous y entendez malice. J’ai du cœur, et beaucoup ; seulement, je veux être sûr de ne pas être refusé.

LE GÉNÉRAL

Vous avez du courage contre les villes ouvertes.

GODARD

Ce n’est pas cela du tout, mon général. Vous m’intimidez déjà avec vos plaisanteries.

LE GÉNÉRAL

Allez toujours !

GODARD

Moi, je n’entends rien aux simagrées des femmes ! je ne sais pas plus quand leur non veut dire oui que quand le oui veut dire non ; et, lorsque j’aime, je veux être aimé…

LE GÉNÉRAL, à part.

Avec ces idées-là, il le sera.

GODARD

Il y a beaucoup d’hommes qui me ressemblent, et que la petite guerre des façons et des manières ennuie au suprême degré.

LE GÉNÉRAL

Mais c’est ce qu’il y a de plus délicieux, c’est la résistance ! On a le plaisir de vaincre.

GODARD

Non, merci ! Quand j’ai faim, je ne coquette pas avec ma soupe ! J’aime les choses jugées, et fais peu de cas de la procédure, quoique Normand. Je vois dans le monde des gaillards qui s’insinuent auprès des femmes en leur disant : – « Ah ! vous avez là, Madame, une jolie robe. – Vous avez un goût parfait. Il n’y a que vous pour savoir vous mettre ainsi. » Et qui de là partent pour aller, aller… Et ils arrivent ; ils sont prodigieux, parole d’honneur ! Moi, je ne vois pas comment, de ces paroles oiseuses, on parvient à… Non… Je pataugerais des éternités avant de dire ce que m’inspire la vue d’une jolie femme.

LE GÉNÉRAL

Ah ! ce ne sont pas là les hommes de l’empire.

GODARD

C’est à cause de cela que je me suis fait hardi ! Cette fausse hardiesse, accompagnée de quarante mille livres de rente, est acceptée sans protêt, et j’y gagne de pouvoir aller de l’avant. Voilà pourquoi vous m’avez pris pour un homme avantageux. Quand on n’a pas ça d’hypothèques sur de bons herbages de la vallée d’Auge, qu’on possède un joli château tout meublé, car ma femme n’aura que son trousseau à y apporter, elle trouvera même les cachemires et les dentelles de défunte ma mère. Quand on a tout cela, général, on a le moral qu’on veut avoir. Aussi, suis-je M. de Rimonville.

LE GÉNÉRAL

Non, Godard.

GODARD

Godard de Rimonville.

LE GÉNÉRAL

Godard tout court.

GODARD

Général, cela se tolère.

LE GÉNÉRAL

Moi ! je ne tolère pas qu’un homme, fût-il mon gendre ! renie son père ; le vôtre, fort honnête homme d’ailleurs, menait ses bœufs lui-même de Caen à Poissy, et s’appelait sur toute la route Godard, le père Godard.

GODARD

C’était un homme bien distingué.

LE GÉNÉRAL

Dans son genre… Mais je vois ce que c’est. Comme ses bœufs vous ont donné quarante mille livres de rente, vous comptez sur d’autres bêtes pour vous faire donner le nom de Rimonville.

GODARD

Tenez, général ! consultez mademoiselle Pauline, elle est de son époque, elle. Nous sommes en 1829, sous le règne de Charles X. Elle aimera mieux, en sortant d’un bal, entendre dire : Les gens de madame de Rimonville, que : Les gens de madame Godard.

LE GÉNÉRAL

Oh ! si ces sottises-là plaisent à ma fille, comme c’est de vous qu’on se moquera, ça m’est parfaitement égal, mon cher Godard.

GODARD

De Rimonville.

LE GÉNÉRAL

Godard ! Tenez, vous êtes un honnête homme, vous êtes jeune, vous êtes riche, vous dites que vous ne ferez pas la cour aux femmes, que ma fille sera la reine de votre maison… Eh bien, ayez son agrément, vous aurez le mien ; car, voyez-vous, Pauline n’épousera jamais que l’homme qu’elle aimera, riche ou pauvre… Ah ! il y a une exception, mais elle ne vous concerne pas. J’aimerais mieux aller à son enterrement que de la conduire à la mairie, si son prétendu se trouvait fils, petit-fils, frère, neveu, cousin ou allié d’un des quatre ou cinq misérables qui ont trahi… car mon culte à moi, c’est…

GODARD

L’empereur… on le sait…

LE GÉNÉRAL

Dieu, d’abord, puis la France ou l’empereur… c’est tout un pour moi… enfin, ma femme et mes enfants ! Qui touche à mes dieux ! devient mon ennemi ; je le tue comme un lièvre, sans remords. Voilà mes idées sur la religion, le pays et la famille. Le catéchisme est court ; mais il est bon. Savez-vous pourquoi en 1816, après leur maudit licenciement de l’armée de la Loire, j’ai pris ma pauvre petite orpheline dans mes bras, et je suis venu, moi, colonel de la jeune garde, blessé à Waterloo, ici, près de Louviers, me faire fabricant de draps ?

GODARD

Pour ne pas servir ceux-ci.

LE GÉNÉRAL

Pour ne pas mourir comme un assassin sur l’échafaud.

GODARD

Ah ! bon Dieu !

LE GÉNÉRAL

Si j’avais rencontré un de ces traîtres, je lui aurais fait son affaire. Encore aujourd’hui, après bientôt quinze ans, tout mon sang bout dans mes veines si, par hasard, je lis leur nom dans un journal ou si quelqu’un les prononce devant moi. Enfin, si je me trouvais avec l’un d’eux, rien ne m’empêcherait de lui sauter à la gorge, de le déchirer, de l’étouffer…

GODARD

Vous auriez raison. À part. Faut dire comme lui.

LE GÉNÉRAL

Oui, Monsieur, je l’étoufferais !… Et si mon gendre tourmentait ma chère enfant, ce serait de même.

GODARD

Ah !

LE GÉNÉRAL

Oh ! je ne veux pas qu’il se laisse mener par elle. Un homme doit être le roi dans son ménage, comme moi ici.

GODARD, à part.

Pauvre homme ! comme il s’abuse !

LE GÉNÉRAL

Vous dites ?

GODARD

Je dis, général, que votre menace ne m’effraye pas ! Quand on ne se donne qu’une femme à aimer, elle est joliment aimée.

LE GÉNÉRAL

Très bien, mon cher Godard. Quant à la dot…

GODARD

Oh !

LE GÉNÉRAL

Quant à la dot de ma fille, elle se compose…

GODARD

Elle se compose…

LE GÉNÉRAL

De la fortune de sa mère et de la succession de son oncle Boncœur… C’est intact, et je renonce à tous mes droits. Cela fait alors 350 000 francs et un an d’intérêts, car Pauline a vingt-deux ans.

GODARD

367 500 francs.

LE GÉNÉRAL

Non.

GODARD

Comment, non ?

LE GÉNÉRAL

Plus !

GODARD

Plus ?…

LE GÉNÉRAL

400 000 francs. Mouvement de Godard. Je donne la différence !… Mais après moi, vous ne trouverez plus rien… Vous comprenez ?

GODARD

Je ne comprends pas.

LE GÉNÉRAL

J’adore le petit Napoléon.

GODARD

Le petit duc de Reichstadt ?

LE GÉNÉRAL

Non, mon fils, qu’ils n’ont voulu baptiser que sous le nom de Léon ; mais j’ai écrit là Il se frappe sur le cœur. Napoléon !… Donc, j’amasse le plus que je peux pour lui, pour sa mère.

GODARD, à part.

Surtout pour sa mère, qui est une fine mouche.

LE GÉNÉRAL

Dites donc ?… si ça ne vous convient pas, il faut le dire.

GODARD, à part.

Ça fera des procès, Haut. Au contraire, je vous y aiderai, général.

LE GÉNÉRAL

À la bonne heure ! voilà pourquoi, mon cher Godard…

GODARD

De Rimonville.

LE GÉNÉRAL

Godard, j’aime mieux Godard. Voilà pourquoi, après avoir commandé les grenadiers de la jeune garde, moi, général, comte de Grandchamp, j’habille leurs pousse-cailloux.

GODARD

C’est très naturel ! Économisez, général, votre veuve ne doit pas rester sans fortune.

LE GÉNÉRAL

Un ange, Godard.

GODARD

De Rimonville.

LE GÉNÉRAL

Godard, un ange à qui vous devez l’éducation de votre future ; elle l’a faite à son image. Pauline est une perle, un bijou ; ça n’a pas quitté la maison, c’est pur, innocent, comme dans le berceau.

GODARD

Général, laissez-moi faire un aveu ! certes mademoiselle Pauline est belle.

LE GÉNÉRAL

Je le crois bien.

GODARD

Elle est très belle ; mais il y a beaucoup de belles filles en Normandie, et très riches, il y en a de plus riches qu’elle… Eh bien ! si vous saviez comme les pères et les mamans de ces héritières-là me pourchassent !… Enfin, c’en est indécent. Mais ça m’amuse : je vais dans les châteaux, on me distingue…

LE GÉNÉRAL

Fat !

GODARD

Oh ! ce n’est pas pour moi, allez ! Je ne m’abuse pas ! c’est pour mes beaux mouchoirs à bœufs non hypothéqués ; c’est pour mes économies, et pour mon parti pris de ne jamais dépenser tout mon revenu. Savez-vous ce qui m’a fait rechercher votre alliance entre tant d’autres ?

LE GÉNÉRAL

Non.

GODARD

Il y a des riches qui me garantissent l’obtention d’une ordonnance de Sa Majesté, par laquelle je serais nommé comte de Rimonville et pair de France.

LE GÉNÉRAL

Vous ?

GODARD

Oh ! oui, moi !

LE GÉNÉRAL

Avez-vous gagné des batailles ? avez-vous sauvé votre pays ? l’avez-vous illustré ? Ça fait pitié !

GODARD

Ça fait pit… À part. Qu’est-ce que je dis donc ? Haut. Nous ne pensons pas de même à ce sujet ! Enfin, savez-vous pourquoi j’ai préféré votre adorable Pauline ?

LE GÉNÉRAL

Sacrebleu ! parce que vous l’aimiez…

GODARD

Oh ! naturellement, mais c’est aussi à cause de l’union, du calme, du bonheur qui règnent ici ! C’est si séduisant d’entrer dans une famille honnête, de mœurs pures, simples, patriarcales ! Je suis observateur.

LE GÉNÉRAL

C’est-à-dire curieux…

GODARD

La curiosité, général, est la mère de l’observation. Je connais l’envers et l’endroit de tout le département.

LE GÉNÉRAL

Eh bien ?

GODARD

Eh bien ! dans toutes les familles dont je vous parlais, j’ai vu de vilains côtés. Le public aperçoit un extérieur décent, d’excellentes, d’irréprochables mères de famille, des jeunes personnes charmantes, de bons pères, des oncles modèles ; on leur donnerait le bon Dieu sans confession, on leur confierait des fonds… Pénétrez là-dedans, c’est à épouvanter un juge d’instruction.

LE GÉNÉRAL

Ah ! vous voyez le monde ainsi ? Moi, je conserve les illusions avec lesquelles j’ai vécu. Fouiller ainsi dans les consciences, ça regarde les prêtres et les magistrats ; je n’aime pas les robes noires, et j’espère mourir sans les avoir jamais vues ! Mais, Godard, le sentiment qui nous vaut votre préférence me flatte plus que votre fortune… Touchez-là, vous avez mon estime, et je ne la prodigue pas.

GODARD

Général, merci. À part. Empaumé, le beau-père !

Scène IV

Les mêmes, Pauline, Gertrude.