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« La Mort d'Olivier Bécaille » d'Émile Zola est une nouvelle saisissante qui plonge le lecteur dans les méandres de la conscience d'un homme enterré vivant. Olivier Bécaille, le protagoniste, souffre d'une maladie qui le plonge dans un état de catalepsie si profond qu'il est déclaré mort. Le récit, narré à la première personne, offre une perspective unique et angoissante sur l'expérience de la mort apparente. L'histoire débute dans une modeste chambre d'hôtel à Paris, où Olivier et sa jeune épouse Marguerite séjournent. Soudainement frappé par une crise, Olivier se retrouve paralysé, incapable de communiquer, mais pleinement conscient de son environnement. Il assiste, impuissant, à sa propre veillée funèbre, entendant les lamentations de sa femme et les discussions des personnes présentes. La narration de Zola est d'une intensité palpable lorsqu'il décrit les sensations et les pensées d'Olivier durant son enterrement. Le lecteur ressent la terreur croissante du personnage, son désespoir face à l'impossibilité de signaler qu'il est vivant, et son angoisse à l'idée d'être enfermé vivant dans un cercueil. La nouvelle prend un tournant inattendu lorsqu'Olivier, par un effort surhumain, parvient à s'extraire de sa tombe. Sa résurrection le confronte à une réalité bouleversante : le monde a continué sans lui, et il doit faire face aux conséquences de sa « mort ». Zola explore avec finesse les thèmes de la solitude, de l'identité et de la résilience humaine. Il offre une réflexion profonde sur la fragilité de la vie et la frontière ténue entre la vie et la mort. La prose précise et évocatrice de l'auteur crée une atmosphère oppressante qui maintient le lecteur en haleine jusqu'à la dernière page. « La Mort d'Olivier Bécaille » est une oeuvre puissante qui interroge notre rapport à la mort et à l'existence, tout en offrant un aperçu saisissant du talent narratif de Zola.
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Seitenzahl: 50
Veröffentlichungsjahr: 2024
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LA MORT D’OLIVIER BÉCAILLE
I
II
III
IV
V
C’est un samedi, à six heures du matin, que je suis mort, après trois jours de maladie. Ma pauvre femme fouillait depuis un instant dans la malle, où elle cherchait du linge. Lorsqu’elle s’est relevée et qu’elle m’a vu rigide, les yeux ouverts, sans un souffle, elle est accourue, croyant à un évanouissement, me touchant les mains, se penchant sur mon visage. Puis, la terreur l’a prise ; et, affolée, elle a bégayé, en éclatant en larmes :
— Mon Dieu ! mon Dieu ! il est mort !
J’entendais tout, mais les sons affaiblis semblaient venir de très loin. Seul, mon œil gauche percevait encore une lueur confuse, une lumière blanchâtre où les objets se fondaient ; l’œil droit se trouvait complètement paralysé. C’était une syncope de mon être entier comme un coup de foudre qui m’avait anéanti. Ma volonté était morte, plus une fibre de ma chair ne m’obéissait. Et, dans ce néant, audessus de mes membres inertes, la pensée seule demeurait, lente et paresseuse, mais d'une netteté parfaite.
Ma pauvre Marguerite pleurait, tombée à genoux devant le lit, répétant d'une voix déchirée :
— Il est mort, mon Dieu ! il est mort !
Était-ce donc la mort, ce singulier état de torpeur, cette chair frappée d’immobilité, tandis que l'intelligence fonctionnait toujours ? Était-ce mon âme qui s’attardait ainsi dans mon crâne, avant de prendre son vol ? Depuis mon enfance, j'étais sujet à des crises nerveuses. Deux fois, tout jeune, des fièvres aiguës avaient failli m’emporter. Puis, autour de moi, on s’était habitué à me voir maladif ; et moi-même j’avais défendu à Marguerite d’aller chercher un médecin, lorsque je m’étais couché le matin de notre arrivée à Paris, dans cet hôtel meublé de la rue Dauphine. Un peu de repos suffirait, c’était la fatigue du voyage qui me courbaturait ainsi. Pourtant, je me sentais plein d’une angoisse affreuse. Nous avions quitté brusquement notre province, très pauvres, ayant à peine de quoi attendre les appointements de mon premier mois, dans l’administration où je m’étais assuré une place. Et voilà qu’une crise subite m’emportait !
Était-ce bien la mort ? Je m’étais imaginé une nuit plus noire, un silence plus lourd. Tout petit, j’avais déjà peur de mourir. Comme j’étais débile et que les gens me caressaient avec compassion, je pensais constamment que je ne vivrais pas, qu’on m’enterrerait de bonne heure. Et cette pensée de la terre me causait une épouvante, à laquelle je ne pouvais m’habituer, bien qu’elle me hantât nuit et jour. En grandissant, j’avais gardé cette idée fixe. Parfois, après des journées de réflexion, je croyais avoir vaincu ma peur. Eh bien ! on mourait, c’était fini ; tout le monde mourait un jour ; rien ne devait être plus commode ni meilleur. J’arrivais presque à être gai, je regardais la mort en face. Puis, un frisson brusque me glaçait, me rendait à mon vertige, comme si une main géante m’eût balancé au-dessus d’un gouffre noir. C’était la pensée de la terre qui revenait et emportait mes raisonnements. Que de fois, la nuit, je me suis réveillé en sursaut, ne sachant quel souffle avait passé sur mon sommeil, joignant les mains avec désespoir, balbutiant : « Mon Dieu ! mon Dieu ! il faut mourir ! » Une anxiété me serrait la poitrine, la nécessité de la mort me paraissait plus abominable, dans l’étourdissement du réveil. Je ne me rendormais qu’avec peine, le sommeil m’inquiétait, tellement il ressemblait à la mort. Si j’allais dormir toujours ! Si je fermais les yeux pour ne les rouvrir jamais !
J’ignore si d’autres ont souffert ce tourment. Il a désolé ma vie. La mort s’est dressée entre moi et tout ce que j’ai aimé. Je me souviens des plus heureux instants que j’ai passés avec Marguerite. Dans les premiers mois de notre mariage, lorsqu’elle dormait la nuit à mon côté, lorsque, je songeais à elle en faisant des rêves d’avenir, sans cesse l’attente d’une séparation fatale gâtait mes joies, détruisait mes espoirs. Il faudrait nous quitter, peut-être demain, peut-être dans une heure. Un immense découragement me prenait, je me demandais à quoi bon le bonheur d’être ensemble, puisqu’il devait aboutir à un déchirement si cruel. Alors, mon imagination se plaisait dans le deuil. Qui partirait le premier, elle ou moi ? Et l’une ou l’autre alternative m’attendrissait aux larmes, en déroulant le tableau de nos vies brisées. Aux meilleures époques de mon existence, j’ai eu ainsi des mélancolies soudaines que personne ne comprenait. Lorsqu’il m’arrivait une bonne chance, on s’étonnait de me voir sombre. C’était que tout d’un coup, l’idée de mon néant avait traversé ma joie. Le terrible : « À quoi bon ? » sonnait comme un glas à mes oreilles. Mais le pis de ce tourment, c’est qu’on l’endure dans une honte secrète. On n’ose dire son mal à personne. Souvent le mari et la femme, couchés côte à côte, doivent frissonner du même frisson, quand la lumière est éteinte ; et ni l’un ni l’autre ne parle, car on ne parle pas de la mort, pas plus qu’on ne prononce certains mots obscènes. On a peur d’elle jusqu’à ne point la nommer, on la cache comme on cache son sexe.
Je réfléchissais à ces choses, pendant que ma chère Marguerite continuait à sangloter. Cela me faisait grand’peine de ne savoir comment calmer son chagrin, en lui disant que je ne souffrais pas. Si la mort n’était que cet évanouissement de la chair, en vérité j’avais eu tort de la tant redouter. C’était un bien-être égoïste, un repos dans lequel j’oubliais mes soucis. Ma mémoire surtout avait pris une vivacité extraordinaire. Rapidement, mon existence entière passait devant moi, ainsi qu’un spectacle auquel je me sentais désormais étranger. Sensation étrange et curieuse qui m’amusait : on aurait dit une voix lointaine qui me racontait mon histoire.