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Gianni Russo, passionné de guitare, tente d’échapper aux blessures de son enfance. Lorsqu’une rencontre aussi mystérieuse qu’improbable le propulse aux côtés des Beatles au moment où ils enregistrent leur dernier chef d’œuvre, Abbey Road, son rêve le plus fou devient réalité. Mais derrière la magie se cachent les fantômes du passé, les choix douloureux et les luttes intérieures. Entre quête de soi, musique légendaire et suspense grandissant, ce récit vibrant explore les thèmes de l’ambition et du renoncement.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Tony Manto, marqué par son enfance, trouve dans la guitare une quête d’accomplissement personnel. Passionné de littérature musicale, il publie en 2021 "Comfortably Numb, meurtre à Moletta", une intrigue au cœur de l’univers des Pink Floyd.
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Seitenzahl: 135
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Tony Manto
La passion réfrénée
Roman
© Lys Bleu Éditions – Tony Manto
ISBN : 979-10-422-7447-4
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C’est vrai, le diable est dans les détails et, parfois, il est bon de ne pas rester à la surface des choses, ne serait-ce que pour éviter le simplisme qui peut mener à l’ignorance, à la pensée unique ou au totalitarisme.
Et puis, il y a de vraies évidences que certaines personnes adorent remettre inutilement en cause.
Quand, en 1990, Michel Berger chantait la magnifique chanson Le Paradis blanc, certains y ont trouvé une douce évocation de la mort, quand d’autres ont cru qu’il s’agissait d’un manifeste écologiste du musicien.
Y a tant de vagues et de fumée,
Qu’on arrive plus à distinguer,
Le blanc du noir, et l’Énergie du désespoir.
Y a tant de vagues et tant d’idées
Qu’on arrive plus à décider, le faux du vrai
Et qui aimer ou condamner
Je m’en irai dormir dans le paradis blanc
Michel était certainement un grand écologiste, mais, en l’occurrence, c’est plutôt l’obscurantisme moderne qu’il voulait dénoncer. Il réfutait ce monde où l’abondance d’idées avait eu raison de la nuance et du discernement.
À l’heure des fake news distillées par les chaînes d’info en continu et où la fureur des mots, dopée par les algorithmes, a pris le pas sur la pertinence et la sagesse, ce constat avant-gardiste est simplement remarquable.
Désabusé, Michel trouve refuge dans le paradis blanc, une région immaculée et exempte de toute souillure morale.
Enfin, il y a certaines chansons, enfantines de premier abord, qui ont une portée insoupçonnée.
Prenez All you need is love que John Lennon compose en 1967, alors qu’il est toujours membre des Beatles, et qui n’est certainement pas la chanson qui illustre le mieux leur répertoire ou de leurs talents.
Il n’y a rien que tu puisses faire qui ne puisse être fait.
Il n’y a rien que tu puisses sauver qui ne puisse être sauvé.
Mais tu peux aussi apprendre à rester toi-même.
C’est facile.
Tout ce dont tu as besoin, c’est de l’amour.
Car, oui, l’amour est la chose la plus importante dont nous ayons réellement besoin sur terre.
Quel message simple et lumineux !
John Lennon était mi-ange et mi-démon, mais il était surtout en carence affective.
Ce chérubin dépourvu de racines et éternellement habité par un profond sentiment d’insécurité a passé sa vie à propager les messages d’amour les plus évidents.
À la fin des Beatles, John était certainement une des trois pop stars le plus célèbres et les plus adulées sur terre.
Très vite pourtant, il troqua son costume de superstar pour celui de chanteur engagé afin de prêcher la bonne parole et se tenir aux côtés des plus vulnérables.
Actif sur tous les fronts, de l’opposition à la guerre du Vietnam jusqu’au soutien inconditionnel à certains opposants politiques, John s’était attiré les foudres des services américains de l’immigration, qui le voyait comme un ennemi de l’État et un agent déstabilisateur.
Aux qualités indéniables d’homme de paix et de courage se conjuguaient les défauts d’un être un peu lâche et rempli de contradictions.
À l’apogée des Beatles, il n’avait pas hésité à abandonner, sans ménagement, sa femme Cynthia et Julian, l’enfant qu’ils eurent ensemble, afin de se jeter sans retenue dans les bras de Yoko Ono.
Ce poète, qui sublimait la rêverie, la fraternité et l’amour, avait fait preuve, en ces circonstances, du minimum de compassion envers ses proches.
Inutile d’essayer de trouver une quelconque trace de logique dans ses déclarations, car l’homme avait trop souffert des affres de l’enfance pour prétendre à une cohérence qu’il n’assumerait de toute façon pas.
Il portait souvent un T-Shirt avec, inscrit dessus :
La guerre est finie… Si tu le veux.
Une déclaration tellement remplie de bon sens !
Oui, la fin de la guerre ne dépend que de nous. Mais pas uniquement de nous. Les autres le veulent-ils aussi ?
Qu’en pensent les marchands d’armes ?
Et est-ce bien dans les intentions de ces présidents ? Qu’ils occupent une maison de couleur blanche ou un énorme palais moscovite !
Et que dire de ces faucons ou de ces colons ?
Eux qui n’ont de cesse de prospérer, de se faufiler, et de progresser tant que le brouillard persiste, allant même jusqu’à tuer un des leurs pour que la paix ne soit pas conclue entre gens de bonne volonté !
Quand John Lennon fût chassé des cieux (dont l’extrême vacuité l’étonnait toujours), cet ange déchu et torturé ne trouva malheureusement jamais le repos de l’âme.
Il avait lu l’histoire de Randy Cox, ce type qui parlait de ses désirs et de ses fantasmes sexuels qui l’avaient hanté toute sa vie. À vingt ans et puis à trente, Randy avait cru que ça allait se calmer, mais cela n’avait pas été le cas.
À quarante ans, ce n’était pas mieux.
Ni à cinquante ni à soixante, d’ailleurs.
À soixante-dix ans passés, Randy continuait à saliver encore dans sa tête alors qu’il ne pouvait plus rien faire.
Merde, s’était dit John Lennon, moi aussi j’espérais que ça se calme, mais cela semble ne jamais s’arrêter !
Le but du jeu, c’est peut-être d’arriver à dominer tout ça avant de partir sans quoi on revient pour un tour de piste.
Le 08 décembre 1980, une déflagration nous parvenait de New York : à quarante ans, John Lennon était sauvagement assassiné.
Ce fabuleux artiste nous avait demandé d’imaginer un monde où le paradis et l’enfer n’existent pas. Un monde sans frontière et sans religion, peuplé d’êtres dépourvus de la volonté de tuer ou de posséder.
Il s’était interrogé sur nos facultés à imaginer l’inimaginable : l’arrêt des guerres et un monde en paix.
Nous avions le choix : le traiter de rêveur ou le rejoindre dans ses délires.
Mais il est déjà trop tard.
Et nous n’avons plus que nos larmes pour le pleurer.
En juin, la belle saison prend enfin ses quartiers.
La chaleur s’installe, l’abondante végétation remplit les parcs et les jardins, et les douces soirées de quiétude et de contentement se profilent à l’horizon.
Le début de l’été est une période de belle lumière au cours de laquelle s’achève, dans une effervescence généralisée, la fin de l’année scolaire.
Les vacances arrivent et, avec elles, le départ des copains vers la mer ou la montagne.
Né en juin 1964, Gianni Rosso dut attendre très longtemps afin de fêter son anniversaire et, pour lui, les grandes vacances étaient surtout synonymes d’ennui.
À défaut d’exotisme, il ne fréquentait que la plaine de jeux ou la piscine communale.
Un ballon de football ou un maillot de bain suffisaient à occuper les garçons de sa cité qui n’avaient pas l’occasion de voyager.
À leur retour de vacances, les copains les plus chanceux relataient avec moult détails les aventures et les joies de leur séjour à l’étranger.
L’imagination de Gianni était cruelle et sans limite, mais il savait pertinemment bien qu’il lui était inutile de fantasmer.
Il n’avait pourtant jamais reproché à ses parents de ne pas avoir beaucoup voyagé. Comment pouvait-il en être autrement ?
À la maison, ses parents devaient prendre soin de quatre garçons et de quatre filles (il était le 7e dans la lignée) et l’argent manquait cruellement.
Si les quelques voyages qu’il eut l’occasion de faire en Italie (le pays d’origine de ses parents) furent plutôt inconfortables, il avait néanmoins été très heureux de pouvoir s’extraire de son quotidien, ne serait-ce que pour aller se baigner ou déguster une bonne glace.
Ses souvenirs d’école, encore plus contrastés, étaient le reflet de la dure réalité de sa condition sociale.
Gianni en avait beaucoup souffert, mais, pendant longtemps, il avait accepté, sans rechigner, de porter les habits usagés de ses trois grands frères.
Dans la cour d’école, la multitude de nationalités qui se côtoyaient reflétait les différentes vagues migratoires qui s’étaient succédé en Belgique.
Malgré un racisme latent, tous ces enfants venus des pays avoisinants allaient vite s’intégrer grâce à l’école et à la contribution colossale de leurs parents aux efforts de redressement économique de l’après-guerre.
Durant son enfance, Gianni avait plusieurs fois été la cible de moqueries.
Il y eut d’abord le comportement très étrange de ce garçon qui allait profondément le traumatiser.
C’était un jour d’automne et, dans la cour d’école, les feuilles tourbillonnaient allégrement.
Malgré le froid qui sévissait, Gianni portait une veste bien trop légère qui aurait dû être rangée dès la fin de l’été.
Un short un peu usagé laissait apparaître ses maigres jambes. Sur le mollet gauche, un pansement couvrait une pommade que sa mère avait appliquée afin d’atténuer les effets d’une brûlure qu’elle lui avait malencontreusement occasionnée.
— Tu n’as pas trop chaud avec tes nouveaux habits de plage ? lui lança le garçon avec un regard méprisant.
Devant le petit attroupement moqueur qui venait de se former, Gianni demeura pétrifié.
Il connaissait le nom de ce garçon, un certain Jacques Devillié.
Son visage allait le hanter pendant de nombreuses années.
Était-ce une incarnation du mal ? Il n’était pas loin de le penser.
Il lui était inconcevable qu’un humain puisse avoir des pouvoirs si nuisibles. Et si ce n’était pas du ressort d’un humain, cela ne pouvait donc être que le diable en personne.
Cette moquerie avait anéanti la maigre assurance que Gianni avait laborieusement consolidée.
Bien entendu, il ne put rien répondre à Jacques Devillié.
Faire le gros dos, pensa-t-il.
Voilà la seule chose que je puisse faire pour le moment. Attendre des jours meilleurs.
Il y aura bien un moment où je me sortirai de cette impasse. Je dois prendre patience.
Un jour, je prendrai mon envol et qui sait où il me portera ?
Comme ses frères et sœurs, Gianni fréquentait une école communale où la discrimination n’était pas d’ordre racial, mais économique.
Contrairement à ses camarades de classe, il n’invitait que rarement un copain à la maison et (bien entendu) ne partait jamais en voyage scolaire.
L’école doublait pourtant d’efforts, car, à la Saint-Nicolas, les enfants recevaient des souliers ou des cartables flambants neufs.
Un geste appréciable, mais d’une portée un peu limitée.
Gianni était réellement conscient de sa pauvreté et plusieurs évènements allaient renforcer cet indélébile sentiment.
Un de ses plus lointains souvenirs d’école primaire est d’avoir été confiné tous les midis dans l’établissement à l’heure du déjeuner.
Ils étaient trois ou quatre élèves à demeurer en classe pour manger les tartines préparées la veille par leur maman respective.
Pendant ce temps, à la grille de la cour d’école, des parents attendaient leur progéniture et, ensemble, ils rentraient se restaurer à la maison.
Avec le recul, on peut se demander comment tout cela était possible. Rejoindre la maison sur le temps de midi, là où un repas chaud vous attend, nécessite forcément qu’un des deux parents soit disponible, ce qui était loin d’être son cas.
Une journée éclatante de juin, Madame Véronique, son institutrice, avait remarqué que Gianni s’apprêtait à fêter ses dix ans.
Elle lui adressa la parole :
— Sais-tu que tu es un enfant de l’été ? lui avait-elle déclaré.
Gianni ne sût que dire. Lui qui, jusqu’alors, avait été complètement transparent aux yeux de sa maîtresse, réalisait que c’était la première fois qu’une adulte lui disait quelque chose de plutôt aimable.
Gianni mit cette déclaration sur le compte de l’allégresse qui entoure souvent les fins de périodes scolaires.
Cette année-là, il avait été pressenti par le professeur de musique pour chanter en solo devant ses camarades lors des festivités de fin d’année.
Il était de coutume que les enfants chantent, par classe, une chanson qu’ils avaient apprise tout au long de l’année.
Le professeur avait eu l’idée de permettre aux enfants ayant certaines prédispositions d’interpréter seuls une chanson.
Ce souvenir était encore très vif dans la mémoire de Gianni. C’était une chanson d’Enrico Macias, un chanteur au style arabo-andalou que son papa aimait bien.
La chanson choisie par le professeur s’appelait « malheur à celui qui blesse un enfant ».
Les répétitions s’étaient très bien déroulées. Le professeur jouait la mélodie sur son piano et, d’instinct, Gianni avait trouvé la bonne tonalité et le bon rythme.
Il s’était dit que cela ne représentait aucun effort particulier pour lui.
Certains de ses petits camarades l’avaient même un peu charrié sur l’hypothétique chance de pouvoir se mettre en avant devant une belle assemblée.
Et puis, sans le prévenir, le professeur de musique abandonna cette idée sans que Gianni n’en comprenne les raisons.
Était-ce sa condition sociale ? Cela n’était pas impossible.
Contrairement aux autres enfants qui venaient accompagnés de leurs deux parents, le papa de Gianni n’assistait jamais aux spectacles de fin d’année scolaire et les institutrices avaient l’habitude de recevoir quelques présents. L’une était couverte de fleurs. L’autre se voyait offrir des pralines. Gianni se demanda longtemps si le fait de ne pas avoir les moyens de faire, lui aussi, un petit geste ne lui avait pas été préjudiciable.
Cet incident fut le déclencheur d’un sentiment de rejet qu’il allait cultiver toute sa vie.
Que ce soit en sport, en amitié ou en musique, les gens se regroupent souvent en fonction de leur origine, de leur niveau ou de leur degré d’affinité.
Regardez à quel moment se forme un groupe : tout se passe dans les premiers instants.
Il est question d’intention, de désir et d’ouverture d’esprit.
Gianni n’avait jamais débordé d’énergie de ce côté-là.
Il s’était toujours méfié des barrières qui tombent trop facilement et il avait constaté que, sur la longueur, ses actes finissaient toujours par plaider en sa faveur. Sa préoccupation était d’attendre le bon moment, celui au cours duquel il allait pouvoir briller sans forcer son jeu.
Si un cercle était trop imperméable à ses yeux, il préférait toujours, par instinct ou manque de ténacité, rester sur le côté ou battre en retrait.
Aujourd’hui, quand la chanson passe à la radio, elle résonne encore en lui :
Il n’a pas de père et il n’a pas de mère, c’est le plus frondeur de tout l’orphelinat. Son accent fait rire. Il ne peut rien faire. Sans qu’on lui reproche d’être un étranger.
Ce n’était pourtant pas son cas. Ses parents étaient très présents.
Et lui-même n’était pas frondeur pour un sou (son père ne l’aurait pas toléré). Il ne vivait pas non plus à l’orphelinat.
Mais ses parents ont toujours eu l’accent italien. Et le mot « étranger » était un terme tellement puissant qu’il touchait sans peine tous ceux qui avaient dû quitter leur terre natale pour trouver refuge dans un pays dont ils ne connaissaient même pas la langue.
Il vole au marché un gâteau, une orange, et on le poursuit, il faut le rattraper. On donne l’alerte, on arrête un ange. Et pour se défendre, il se met à pleurer.
L’objet des larcins de Gianni n’était jamais de la nourriture, mais plutôt des disques ou des verres de bière qu’un ami collectionnait.
En revanche, oui, il pleurait souvent, car cela l’aidait à faire face aux injustices qui jalonnaient le destin de ses frères, de ses sœurs, et de ses parents.
Et la première injustice à laquelle il fût confronté était cette décision, jamais expliquée, de ne pas le faire chanter en solo, en cette journée de juin 1973.
Qu’il soit un démon, qu’il soit noir ou blanc, il a le cœur triste, il est toute innocence. Qu’il soit né d’amour ou par accident, malheur à celui qui blesse un enfant.
Gianni venait de fêter son neuvième anniversaire.