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"La poubelle des vanités" offre un portrait mordant d’un univers où le tri sélectif moral n’a pas encore fait son apparition. Cupides et véreux s’y côtoient, chacun manipulant ou exploitant les ambitions des autres pour atteindre leurs propres objectifs. Dans cette galerie de personnages détestables, mais étrangement familiers, une course effrénée s’engage, rythmée par des intrigues et des manœuvres douteuses. À l’issue de cette compétition sans scrupules, une question demeure : peut-il vraiment y avoir un vainqueur ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
En mars 2020, en raison de la pandémie, tout s’est figé.
Corentin Vialle, habitué à écouter les bruissements de la plaine, remarqua pour la première fois le silence de l’autoroute, comme lors des rares matins enneigés. C’était l’instant. Écrire devenait une nécessité, un refuge face à la torpeur ambiante et aux décomptes incessants des chaînes d’information. En jetant un regard à sa bibliothèque, il croisa les yeux de Delacourt, Sattouf, Balzac, Lemaitre et Proust, ces provocateurs bienveillants qui semblaient le défier : « T’es pas cap. » Il leur répondit : « OK, mais pas de moqueries sur le résultat. » Mal lui en prit, ces génies rient de tout.
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Seitenzahl: 108
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Corentin Vialle
La poubelle des vanités
Roman
© Lys Bleu Éditions – Corentin Vialle
ISBN : 979-10-422-5777-4
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Après,
On brûlera les semaines comme un livre d’images,
On marchera droit devant sans compter ni l’heure ni le temps.
Les seules qui comprendront notre absence d’ancrage,
Seront les fleurs clouées au sol qui rêvent de voyages.
Marcher, voilà tout, la ligne d’horizon comme seul objectif.
Oublier tout ce qui fut l’essentiel et qui est à présent devenu un amoncellement de souvenirs polluants.
D’abord, le train, la gare de Lyon, 8 h 59, Lyon Part Dieu et Le Puy-en-Velay, ensuite marcher jusqu’à Saint-Jean du Gard, marcher, marcher, guérir et se retrouver.
Peut-être, se perdre.
Tarragone, mars.
Sara a l’œil noir. Colin déambule sur les pavés roses de la cour fermée. L’air sent bon le printemps catalan.
Il marche avec son téléphone vissé sur l’oreille, sa main libre faisant des gestes saccadés, puis circulaires, puis partant se réfugier dans sa poche pour y puiser une énergie improbable et soudain ressortant comme revigorée pour aller se loger sur le haut du front et ramener ses cheveux vers l’arrière.
Sara s’est postée contre l’évier et par la petite fenêtre qui surplombe la cour, elle le regarde marcher, froncer les sourcils, amorcer un sourire qui signale un doute levé, puis se replonger dans un autre tourment.
Colin est arrivé hier soir à l’aéroport de Gérone. Sara l’attendait avec son impatience contenue, et néanmoins lisible. Ils sont tombés dans les bras l’un de l’autre comme si ce moment attendu promettait une nouvelle vie. Il ne s’agissait pourtant que d’une semaine de vacances.
Une semaine que Sara avait cochée sur le calendrier chargé d’annotations. Ce répit, qu’elle s’accordait pour s’occuper un peu d’elle, mais aussi pour passer du temps avec Colin. Tout ce qu’elle n’a pas pu faire depuis que son Père, Alejandro, est parti en septembre, emporté par la maladie.
Tout ce vignoble, toute cette tradition familiale qui reposent sur ses épaules tannées par le soleil catalan. Toute cette fierté, toutes ces souffrances, tous ces cancers.
Ici, le vin sera bio, c’est la promesse de Sara.
Le loquet de la porte d’entrée se soulève, Sara a le cœur qui bat plus vite soudain.
Colin entre dans la pénombre augmentée par le long moment qu’il vient de passer dans la cour baignée de soleil. Son oreille est rougie par la durée de la conversation avec Jean-Philippe, son patron.
Sara le dévisage, la lecture qu’elle en récolte est précise :
Sara n’écoute plus, elle a déjà quitté la grande cuisine.
Le taxi s’avance devant le porche, Colin rentre à Paris. Sara est dans la chambre qui fut celle de ses parents à l’étage, elle regarde à travers les voilages légers s’éloigner le reflet du soleil sur la lunette arrière du taxi entre les oliviers poussiéreux de l’allée.
Sur ses joues brunes coulent des larmes chargées de peine, d’abandon et d’espoirs infondés.
Sara et Colin se sont rencontrés à Barcelone, dans une foire. Colin feignait de chercher des idées pour faire des cadeaux de fin d’année pour sa clientèle. Sara rayonnait sur son stand aux côtés de son père. Des hommes d’affaires chinois négociaient et Colin tournait autour du stand presque aimanté.
Il passait comme un hologramme, il en est toujours ainsi lorsqu’on aimerait bien se faire remarquer, songea-t-il.
Il observait les clients, soulevant les sourcils à la dégustation des vins puissants, ils souriaient ensuite.
Des parfums de chorizos et de jambons secs flottaient dans l’allée colorée et quelques voix forcées de vendeurs aguerris venaient ajouter du relief à ce joyeux bazar.
Sara s’avança enfin, souriante et sûre d’elle. Ses cheveux tirés vers l’arrière laissaient toute leur place à ses yeux foncés et volontaires. Lui, tellement à l’aise à l’accoutumée, se sentit perdu comme un enfant.
L’homme d’affaires parisien était poussé dans les cordes par cet accent catalan, cette tentation qui paraissait inaccessible soudain. Mais il se reprit vite.
Tellement vite que l’après-midi même, il osa envoyer un message au numéro inscrit sur la carte de visite. Son cœur battait la chamade et une petite notification lui revint : oui, avec plaisir, à 21 heures devant le casino, c’est OK, et entre parenthèses était ajouté suivi d’une émoticône souriante : c’est pour le business, bien sûr.
Voilà le point de départ d’une passion dévorante, d’une histoire bancale aussi. Deux amoureux aux vies tellement différentes et aucunement complémentaires. Sara adore les moments délicieux qu’elle partage avec Colin, mais le poids des responsabilités la rattrape vite, jusqu’à lui en faire oublier sa présence.
Colin, de son côté, se laisse bercer par ces escapades catalanes, mais ses affaires, ses ambitions, l’excitation et la reconnaissance que lui procure sa réussite parasitent tout. Tacitement, chacun perçoit que ces trajectoires respectives les conduisent vers une rupture que leurs cœurs occultent.
Alors, ils se conduisent comme si chaque nouveau contretemps était le premier.
Jusqu’au dernier… Jusqu’à l’usure.
Les promesses de Jean-Philippe, la confiance qu’il place en Colin, lui feraient presque oublier que nous sommes dimanche, qu’il va devoir se rendre au bureau l’après-midi, que le ciel d’Orly est tout gris alors qu’il a quitté Gérone sous le soleil.
Le chauffeur de taxi fait la gueule, échange des banalités au téléphone avec un autre chauffeur de taxi. L’avantage du dimanche, c’est que ça roule bien, se dit Colin.
Il est déjà dans la réunion qui l’attend l’après-midi, la tête près de la vitre, il regarde défiler les glissières de l’autoroute.
Lambert ne sera pas là, c’est certain, cette fois, les choses changent enfin et Jean-Philippe mise sur l’avenir, la jeunesse, l’ambition. Un sourire vient aux lèvres de Colin. Il imagine Pierre Lambert en train de pêcher ses truites dans les Pyrénées, avec ses bottes, sa tenue camouflage qui contraint son embonpoint, sa casquette sur sa calvitie.
Tout cela pendant qu’il sera avec Jean-Philippe en train de préparer la stratégie pour concevoir un concept pour toute la sécurité et pour toutes les agences d’un grand groupe européen.
Voilà, il y a cinq ans, il apportait le café de Lambert et aujourd’hui, il le pousse petit à petit vers la sortie. Il pousse tout le paquet par la porte étroite de l’arrière-boutique, Lambert, sa suffisance, ses blagues foireuses, les certitudes de Jean-Philippe pour ce compagnon de la première heure que Colin identifie surtout comme un profiteur.
Le taxi quitte la porte de Vitry, rejoint le boulevard National, puis la rue de l’hôpital. L’image de Sara lui vient à l’esprit, son cœur se pince un peu. Il paye, descend, prend ses bagages, court vers son immeuble, tape son code et n’attend pas l’ascenseur. L’escalier sent la sardine, c’est comme ça le dimanche et, quand il rentre essoufflé de son jogging dominical, cette odeur lui soulève l’estomac.
Aujourd’hui, il s’en fiche vraiment des sardines de M. et Mme Ferreira, qu’il trouve sympas et attachants, outrepilchards1, s’amuse-t-il en grimpant hâtivement les trois étages. Et puis c’est normal qu’un Colin méprise les sardines.
Le scooter de Colin file à vive allure entre les autos ralenties du périphérique. Parfois, les mollets frôlent les masses froides et Colin active son klaxon à chaque écart. Il ne sait pas qualifier ces parcours qui lui procurent autant d’adrénaline que d’effroi. Parfois, il longe un corps, allongé parce qu’une voiture a changé de file et que la moto n’a rien pu faire, sa vitesse étant trop élevée pour la circonstance. Colin pense aussi qu’un jour ce sera peut-être lui. Il voit les secours s’activer autour du corps qui, quelques minutes auparavant, était un maître du périf comme lui. Il imagine sa mère en train de répondre au policier qui la prévient, il la voit s’effondrer, son père venant à la rescousse.
Puis il pense qu’il ne va pas assez souvent voir ses parents près de Montargis, puis il songe à Sara de nouveau. Ensuite, il balaye tout ça, il repense à Pierre Lambert qu’il va désintégrer et obliger Jean-Philippe à le ranger dans un placard, en se disant « on ne sait jamais, ça peut toujours servir ».
Colin s’imagine bien d’ailleurs dans le bureau de Lambert dès que les choses seront éclaircies. Il le trouve clair et bien situé. Il y a parfois des prémonitions.
La sortie Neuilly se profile, il est temps de se rabattre, encore quelques coups de frein, un doigt dressé sans équivoque. Colin imagine parfois amusé qu’un jour, il n’ait pas reconnu Jean-Philippe à son volant et qu’il doive expliquer son geste. Il dira par exemple : tu n’as pas vu le drone qui passait au-dessus ? Je pense qu’il nous filmait…
Avenue Charles de Gaulle, le pont de Neuilly, l’île du Pont, Colin adore Paris.
Son cœur bat à présent un peu plus vite, il connaît l’enjeu de cet entretien avec Jean-Philippe.
Il actionne son bip, la lourde porte cochère s’ouvre lentement et l’univers s’effondre.
L’Audi de Lambert, le flasque Luxembourgeois est là. Elle est garée près du Porsche Cayenne de Jean-Philippe sur l’un des deux emplacements réservés à la direction.
Colin est au bord du demi-tour, de la démission, du prochain avion vers la Catalogne, proche de tout planter.
Partir, aider Sara, vendre du vin, faire un bébé.
Mais ça, ce n’est pas le Colin qui se rêve parfois avec une belle montre au poignet, un costume sur mesure, une grosse berline allemande, une villa sur la côte et un appartement dans Paris, et toutes les conquêtes féminines qu’il souhaite. Voilà, ça c’est Colin ! Il montera sa boîte un jour, et pourquoi pas, coulera Jean-Philippe. Après tout, pourquoi pas ?
Il surmonte sa déception, comme toujours. Il gare son engin, compose le code et se dirige vers l’ascenseur. La porte s’ouvre sur le troisième étage et Colin entend déjà la voix rauque de Lambert.
Un nouveau frisson le traverse.
Le bureau est entrouvert. Jean-Philippe et Pierre Lambert sont déjà en pleine conversation.
Colin tapote trois fois la porte et s’avance.
Jean-Philippe le coupe :
Colin n’a même pas le temps de répondre, Jean-Philippe enchaîne des banalités pour lesquelles il n’attend aucune réponse.
Pierre Lambert prend la parole :
Jean-Philippe acquiesce et plisse les yeux de bienveillance.
Colin est complètement déstabilisé, les douches chaudes et froides successives lui ont fait perdre le fil. Toutes les idées auxquelles il avait pensé dans l’avion semblent évaporées. Il relit ses notes, propose difficilement sa vision.
La réunion s’achève et Colin part poser son dossier dans l’open space avec dans la bouche un goût d’inachevé. Lambert frappe à la porte vitrée et entre :