Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Dans une contrée lointaine, au cœur des dunes dorées, se dresse un palais d’or, de lumière et de pierres précieuses. Sur cette terre où l’on célèbre chaque printemps la danse des éléphants et où l’on offre une fleur de lotus en signe d’amour, une nouvelle ère est sur le point d’éclore. Les destinées de la famille royale et de celle du magicien du palais s’entrelacent, notamment celle du fils du magicien, marqué par une mystérieuse cicatrice sur son visage. Un monde est prêt à changer, emportant avec lui secrets et révélations. Mais dans l’ombre, une force inconnue s’éveille, prête à tout bouleverser… Qui survivra à ce tourbillon de mystères ?
À PROPOS DE L'AUTRICE
Après une mission humanitaire en Arménie, son pays d’origine,
Magali Artinian Poulain se consacre à l’écriture, explorant le lien entre l’autisme et des signes d’un dessein céleste mystérieux. Timide de nature, l’écriture est pour elle un moyen d’exprimer ses pensées et de laisser libre cours à son imagination.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 373
Veröffentlichungsjahr: 2025
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Magali Artinian Poulain
La prophétie du désert
Tome I
Roman
© Lys Bleu Éditions – Magali Artinian Poulain
ISBN : 979-10-422-6841-1
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À Rouzanna Manoukyan Riffaud,
pour son soutien constant et ses précieux conseils
qui m’ont aidée à écrire cette histoire ;
et à Vassanta Riffaud,
qui est une source d’inspiration quotidienne.
Le personnage de Divya a été inspiré par une jeune fille autiste de 16 ans nommée Vassanta, ma princesse dans la vie de tous les jours, avec laquelle je travaille depuis plusieurs années et que j’affectionne comme une petite sœur. Il m’a paru intéressant de faire le parallèle entre l’autisme et des signes de divinité, d’un dessein céleste mystérieux dont nous ne savons encore rien. Montrer ainsi que ce qui peut sembler différent n’est pas nécessairement inférieur, fou ou marginale comme la société pourrait nous le laisser croire, mais bien au contraire supérieure à la masse dominante. Ce qui nous paraît incompréhensible dans l’autisme est les codes d’une autre sorte de communication dont nous ne possédons pas les clés, mais qui est là et qui existe quoiqu’on veuille. Comme étrangers dans un monde étrange rempli de gens qui leur paraissent tout aussi incompréhensibles pour eux. Notre différence réside dans notre manière d’être, de penser, régie par la normalité entendue par le plus grand nombre. De ce fait, nous suivons des codes établis comme tout être ordinaires tandis que les personnes atteintes d’autisme en deviennent par définition extraordinaires.
C’est une chance de pouvoir être à ses côtés, d’être exposée à une vision différente des choses et d’apprendre sans cesse. Fascinants et sensibles, être à leur contact est une véritable richesse sur le plan humain. Ils auraient tant à nous apprendre si on leur accordait un peu plus de place et de voix dans la société.
Dans une contrée lointaine, au cœur des dunes de sable chaud, dans un royaume appelé Vahevounis, se dresse un palais d’or, de lumières et de multitudes de pierres précieuses. Sur cette terre où l’on célèbre chaque printemps la danse des éléphants, où l’on offre une fleur de lotus pour déclarer son amour et où les airs d’éternité sont des mirages, une nouvelle ère est sur le point d’éclore. Dans une odeur fleurie et sucrée, au milieu des incantations et de jeunes vierges jouant du sistre, les cris d’un nourrisson que l’on met au monde retentissent. La vie se lève. Le sorcier observe le soleil couchant, attendant que les cieux lui indiquent le moment d’agir. C’est alors que le ciel s’obscurcit, les étoiles apparaissent en formant une ligne droite qui se reflète dans l’eau du fleuve, elles montrent le chemin vers la plus grande fleur de lotus. À cet instant, la naissance de l’enfant se grave dans l’univers, marquant à jamais cette heure et cette date, créant sa place dans le monde céleste et terrien, doucement, commence à se dessiner son destin. Le sorcier plonge sa main dans l’eau du Nil, saisit la fleur de lotus indiquée par les Dieux et fait couler sur le front du nouveau-né quelques gouttes de lait de cette fleur. Le ciel s’éclaircit à nouveau, le soleil reprend sa place en bas de l’horizon avec splendeur dans une douce lumière rose orangé, persistant à ne pas s’effacer, comme si lui aussi ne voulait rien rater du spectacle. Divya, déesse vivante, princesse céleste, lui accorde sa bénédiction par un baiser sacré qu’elle pose sur une de ses petites joues. L’enfant ouvre les yeux et sourit. De vieilles femmes toutes de blanc vêtues crient « Le Roi est né ! » À cette nouvelle, les paons font la roue et s’inclinent. Les lions et les tigres rugissent. Les oiseaux chantent. Les hommes et les femmes s’agenouillent. Le soleil accroît ses rayons pour les rendre plus ardents encore, au risque de rendre aveugle celui qui oserait lever la tête devant la naissance de l’enfant. Des fleurs jaillissent au milieu du désert. Les éléphants lèvent leur trompe en y faisant jaillir du vin. Les colosses d’argent lèvent le bras en signe d’allégeance. Les dieux eux-mêmes s’abaissent pour regarder la scène du haut des cieux. Le monde accueille son nouveau roi.
C’est ainsi, avec splendeur et majesté, que cette naissance providentielle vient mettre fin à vingt-six années de règne sur un royaume qui ne connaissait aucun héritier mâle. Le peuple s’en retrouve soulagé et satisfait, leur nouveau guide est né. Un guide qu’ils pourront suivre, aimer et chérir comme un père, comme un dieu, comme un fils prodige.
C’est avec allégresse que l’aurore se lève sur une nouvelle dynastie, dans un royaume dont l’étendue semble sans limite. Un monde où des lions ailés habitent sur les nuages, protecteurs des portes du royaume des dieux. Un monde dans lequel les océans sont mauves, où les sirènes jaillissent des eaux et dans lequel se trouvent des îles où tout est fait d’or. À des milliers de lieux du désert, il existe des forêts magiques où les animaux parlent et où les fées chantent le soir venu. Un univers où il existe, des montagnes enneigées toute l’année où les pierres ont des vertus guérisseuses. Dans le désert, derrière les dunes de sable, se tiennent des nomades qui jouent de leurs instruments des mélodies qui peuvent vous extraire, par vos larmes, toute la peine qui règne dans votre cœur et votre âme. Ils les récupèrent dans des éprouvettes dont ils se servent par la suite. Au contact d’une seule goutte sur le sable surgit une oasis. Un royaume sans borne où l’harmonie règne, où les dieux sont vénérés par les hommes et où la magie est admirée et respectée. Voilà ce qui attend le nouveau roi dont le rôle sera de protéger ces terres et ses merveilles, l’allégeance fait aux dieux, ces coutumes sacrées et ces sublimes et mystérieuses créatures. Un prêtre vient saisir l’enfant et le présente à une statue en or où deux gros diamants sont agencés à la place des yeux, il s’agit là de la statue de Hepthosis, dieu de la création, père de tous les dieux qu’il conçut dans un souffle, tout ce qui existe émane de sa force et de son pouvoir. Le roi observe son fils avec fierté et satisfaction. La reine, un peu en arrière, observe la scène avec une émotion qu’elle tente de contenir au mieux, les yeux luisants, unique signe de faiblesse qu’elle montre depuis des années. Elle attendait ce moment depuis toujours, donner naissance à l’héritier du trône, mais ce qu’elle désirait secrètement par-dessus tout était d’avoir un enfant qu’elle pourrait chérir, un être qui pourrait enfin lui rendre son amour.
La naissance royale vient mettre fin aux inquiétudes du peuple, mais également à des rumeurs de malédiction qui s’abattaient sur la reine. Une reine dont le cœur a été noirci par la jalousie et le ressentiment, comme une morsure dont le venin s’est propagé dans ses veines au point de la rendre aussi sèche que du blé séché au soleil. Un fossile noir à la place du cœur. La Reine Anat, guerrière redoutable venue de la région du fleuve Euphrate, d’un royaume appelé Nayiri, est l’unique fille d’une famille de grande noblesse qui comptait déjà six fils. Elle est impétueuse, méfiante, irascible et d’une beauté sévère. Elle est également de nature très fière depuis toujours par la position et le pouvoir que sa famille détenait dans la société avant qu’elle devienne reine, hautaine même se sachant intouchable, se sentant invulnérable, admirée et convoitée de tous, habituée à être au centre de l’attention et à en retirer une grande satisfaction. Elle a une allure impériale, une posture impeccable, de longs cheveux noir ébène, un corps athlétique à la peau hâlée, une peau ornée en permanence d’un bijou en or, en haut de son bras droit, dont son père lui a fait cadeau lorsqu’il dut lui dire adieu avant son départ pour accomplir sa destinée de reine. Sous de grands sourcils noirs épais se tiennent des petits yeux marron qui révèlent leur cruauté et plus loin une bouche fine qui ne semble jamais capable de sourire. Elle défend sa place ainsi que celle de son époux avec fougue et dévotion. Toujours le regard dur et la peur au ventre que l’on cherche à la détrôner, surtout depuis que les maîtresses du roi se multiplient de plus en plus avec les années, chose qui la blesse profondément, qui assombrit son cœur, mais qu’elle doit accepter, ce qu’elle fait avec la mâchoire serrée, gardant la tête haute, digne, les poings fermés, une tristesse dans le regard et une incompréhension, celle de ne s’expliquer pourquoi son mari ne lui accorde pas toute l’attention dont elle était accoutumée depuis toujours ainsi que l’égard qu’elle mérite.
À chaque nouvelle infidélité, une petite flamme se consumait davantage dans ses yeux jusqu’à finir par s’éteindre complètement, laissant place au néant. Une déchirure, un supplice du cœur, la douleur d’une reine qu’elle ne peut se permettre de montrer, un brasier de désolation qui la consumait au point qu’il ne reste plus qu’un amas de cendres aujourd’hui et qu’elle ne ressente plus aucune pitié pour quoi que ce soit.
La reine, qui n’avait pas eu d’autre enfant après Divya, priait les divinités tous les jours, suppliant Aithrana, déesse de la fécondité et de la maternité, de lui venir en aide pour lui donner un fils. Elle éprouvait de la tendresse uniquement pour sa fille si particulière, une fille divine qu’elle n’est pas autorisée à toucher et qui n’est malheureusement pas en mesure de lui rendre son amour de manière ordinaire, enfermée dans un mutisme immuable. Anat est une femme et une mère délaissée, qui n’avait que son amertume et l’espoir d’avoir un fils pour sécher ses larmes.
Quand elle apprenait qu’une des maîtresses du roi était enceinte, Anat, jalouse et exaspérée, faisait venir sur le champ la malheureuse. Avec une rare fureur et les yeux injectés de sang, avec la rage au ventre et une envie de massacre, elle saisissait son long sabre tout en s’avançant vers la future victime qui criait et implorait à l’aide, ce qui ne faisait qu’attiser davantage la folie meurtrière de la souveraine puis, avec toute sa violence et sa hargne, elle l’exécutait en lui tranchant la tête. Elle restait là, recouverte de sang, pendant plusieurs minutes, les yeux fixés sur la tête gisante au sol de cette femme qui avait eu l’audace d’avoir ce qu’elle ne possédait pas. Immobile, avec une respiration forte et saccadée, tout en gardant le sabre à la main dont les gouttes de sang venaient s’échouer sur le sol blanc ivoire, maintenant taché d’une marre de désillusions de ces deux vies dont le dernier souffle est parti trop tôt. Les domestiques qui avaient assistés à la scène, demeuraient statiques jusqu’au départ de la souveraine, paralysés de terreur et certains allant même jusqu’à vomir à la vue du corps. Elle quittait la scène du crime comme une harpie laisse ses restes après avoir massacré et mangé sa proie. Il arrivait même qu’elle reparte avec le cœur de sa victime à des fins occultes. Il restait maintenant aux esclaves de nettoyer la scène du crime et de se débarrasser du corps en le balançant aux crocodiles.
Dans le plus grand secret, la reine buvait des potions que le magicien lui fabriquait. Par désespoir, elle prenait même part à des rites invoquant les ténèbres et accomplissant toutes sortes de sacrifices avec une sorcière qui utilise la magie noire. Jusqu’au jour où les prières du couple royal furent enfin exaucées.
Quand elle observe les étoiles du haut de son balcon, Anat repense à sa jeunesse heureuse où elle jouait à l’épée avec ses frères, où son père qui la gâtait tant, la prenait dans ses bras et l’embrassait avant de s’endormir, où elle faisait la fierté quotidienne de sa famille par ses exploits, comme cette fois où elle revint de la chasse avec la tête d’un lion que personne n’arrivait à capturer et qui ne cessait de dévorer des paysans depuis plusieurs mois. Elle repense à cette petite fille qui a été enterrée quelque part dans ce désert, au même endroit que son cœur.
*
Dans le palais, tout le monde s’agite afin de préparer le festin pour fêter l’arrivée du futur roi de l’empire. Les effluves de nourriture provenant des cuisines ainsi que celles de précieux parfums à la rose et d’encens émanent dans tout le palais, créant un véritable trouble des sens. Des musiciens jouent partout dans l’édifice, de toutes sortes d’instruments, aussi bien magiques que mythiques. Un homme à la longue barbe rousse joue du kamâncha qui produit à la place des notes, un chant de femme qui semble être celui d’un ange, un chant d’une provenance céleste, fascinant et sublime.
Les domestiques se hâtent de toutes parts, dont un qui est assigné à sustenter le pélican de la grande salle en lui envoyant des poissons qu’il gobe dans son grand bec.
Un autre serviteur est, quant à lui, asservi à la tâche de couper et de retirer tous les pépins des pastèques pour la famille royale et les invités. Certains autres placent une couronne ornée de pierres précieuses sur la tête des paons à l’entrée de la salle principale. Un grand oiseau au pelage bleu indigo et vert émeraude à la queue rouge vole à travers les pièces, c’est Athyro, l’oiseau d’Amset le magicien. Dans le harem, dont le sol est recouvert de pétales de roses blanches, toutes les femmes, dotées d’une couronne de fleurs sur le crâne, dansent, jouent de la musique et boivent à outrance. Il y a même une femme venue des fins fonds des océans aux cheveux violets volumineux, à la peau orange et aux iris jaunes, une étrange créature que le roi a rapportée d’une de ses expéditions.
Conforme à la tradition qui veut qu’à chaque célébration tout le monde projette de la poudre colorée en l’air afin de demander l’approbation des Dieux, les serviteurs en lancent démesurément aux quatre coins du palais, dans la ville chacun en envoie sur son voisin avec plaisir et bonne humeur et bientôt tout le royaume baigne dans un océan de couleurs et d’euphorie. Imbibé de tant de couleurs, chaque être ressemble à un personnage d’un autre monde, pas une personne en est exemptée, pas même le roi, ce qui offre une vision parfaitement féérique et démesurée. Les couleurs dansent dans l’atmosphère, se mélangent, voilent les lieux, habillent les corps, teignent les cheveux, décorent les visages et rehaussent les cœurs. Soudain, un gigantesque arc-en-ciel apparaît bien nettement dans le ciel sans nuage, c’est alors que des cris de joie se font entendre partout dans le royaume, car les Dieux viennent de donner leur consentement à cette célébration, ce qui veut dire que les festivités ont également commencé au royaume céleste. À cette nouvelle, chacun se remet à festoyer de plus belle.
Dans la salle principale, les flammes impressionnantes des cracheurs de feu atteignent une hauteur de trois mètres, elles étourdissent et frappent de toute leur chaleur les visages. Des danseuses provenant des quatre coins du royaume s’exécutent au son de la musique. Un homme qui joue de la flûte fait danser les fleurs bercées par sa douce mélodie. Avec virtuosité et souplesse époustouflante, des acrobates accomplissent des prouesses dans les airs. Des faiseurs d’étoiles font surgir leur précieux trésor de leurs larges manches au bon vouloir des invités, venant décorer le plafond et illuminant la pièce comme une constellation. Les tigres de Divya rugissent. De longs cris aigus et modulés sont poussés par des femmes venues d’un continent où le sol est aride et où le soleil ne meurt jamais. Une fontaine de vin coule à flots au milieu de la pièce, ainsi qu’une petite fontaine d’eau-de-vie aux parfums de fruits, dont un prêtre éméché est déjà étendu à ses côtés. L’euphorie se répand partout, sur tous les visages, dans tous les cœurs. Ivre de l’extase générale, tout le monde se met à danser, à rire ou à crier, il en va de même dans la ville où le peuple s’est arrêté de travailler pour fêter l’évènement et où l’hilarité se propage dans les rues. Toutes les épices, les arômes, les saveurs, les senteurs de différentes victuailles importées des différentes régions du monde, tout se mélange dans le luxe et l’opulence. Certains ont l’impression de devenir fou, de baigner dans un songe et c’est avec légèreté et grâce, qu’ils basculent dans une douce folie à la vue de tout ce que le monde n’a jamais créé de plus beau et de fantastique, qui se retrouve à profusion ici, devant eux, à ce banquet aux airs divins.
Le roi, assis sur son trône, saisit une coupe en or et incrustée de rubis, remplie d’alcool à base de miel et de fleurs de paradis. Il se lève en brandissant la coupe en direction des cieux :
Au cours de la célébration, seule une personne ne se réjouit pas, c’est Divya, qui demeure calme et silencieuse. Assise dans le fond de la pièce, près d’un de ses tigres. Elle observe les centaines de personnes présentes ainsi que son père qui danse autour de ses maîtresses, pendant que sa mère dîne à la table avec les dames de la cour, lasse. N’appréciant pas la foule, elle quitte discrètement la salle accompagnée de son animal.
Avant la naissance de son petit frère, Divya était la fille unique du couple royal. Elle est née au cours de la dixième année du règne de son père. Divya, aimée des dieux et redoutée des hommes. Envoyée sur terre par des puissances astrales qui n’ont toujours pas levé le voile obscur sur leur dessein pour ce personnage énigmatique. Elle suscite les curiosités et effraie. Attendrit et fascine. Elle intrigue le monde depuis sa naissance, l’univers tout entier suit et observe son histoire depuis qu’elle a ouvert les yeux pour la première fois. Dès sa plus tendre enfance, la princesse s’exprimait uniquement par des sons. Elle sentait et léchait les objets avant de les utiliser ainsi que les aliments avant de les manger, c’était sa façon à elle de les découvrir et de les posséder. Il arrivait, avec sa tête légèrement penchée, que son regard semble partir au loin dans le vide, ne prêtant plus du tout attention à ce qu’il se passait autour d’elle, cela pendant plusieurs minutes. Comme si elle s’extrayait de ce monde provisoirement, que son esprit partait à plusieurs années-lumière du lieu où elle se trouvait. Puis, soudainement, redressait la tête et reportait son regard sur l’action qui se menait. Son père comprit vite qu’il avait engendré là un être sacré dont il était incapable d’en mesurer la portée.
C’est alors tout naturellement que l’on baptisa la petite princesse « Divya », ce qui veut dire divine, car c’est à l’âge de 5 ans que l’on attribue des prénoms aux enfants, afin de les nommer selon leur nature et ceux à quoi il semble aspirer.
Il arrivait que la petite fille se prenne à danser, des danses furieuses, comme une transe, faisant voler ses longs cheveux noirs bouclés dans l’air, retombants sur son visage aux traits doux et laissant apparaître ses grands yeux couleur noisette regorgeant de malice. Puis, de sa bouche généreuse, laissait découvrir un sourire merveilleux qui ne la rendait que plus belle encore et dont le rire faisait écho dans tout le palais, apportant de la joie à tous ceux qui l’entendait. Par espièglerie et bien qu’elle possédât une salle débordante de jouets venus des quatre coins du royaume, elle aimait jouer avec les nouvelles inventions des savants du palais, au risque de les casser ainsi que s’amuser dans les cuisines à démanteler et projeter la nourriture au sol des plats que les servantes avaient préparés et qui étaient prêts à être envoyés au roi à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit selon son bon vouloir. Mais personne ne la réprimandait, par peur de la fureur du roi et des dieux. Nul n’est autorisé à poser la main sur elle, jamais, sous quelconque condition que ce soit, la considérant comme divine, nul être terrestre ne pouvait être en mesure de toucher cet être extraterrestre, cet être céleste, excepté bien évidemment son père qui était considéré comme le favori des dieux, au détriment de sa mère qui en était exemptée. De ce fait, la reine Anat observa grandir sa petite fille Divya sans avoir jamais aucun contact physique avec elle, une vraie torture pour une mère dont le cœur est un océan d’amertume et de larmes.
Suite à des crises de nerfs de nombreuses fois répétées pendant lesquelles la jeune enfant portait les mains à ses oreilles en hurlant, l’on demanda au magicien du palais de trouver un moyen de soulager ses maux. Il découvrit que ses crises se déroulaient à chaque fois que plusieurs personnes parlaient simultanément dans différents endroits du palais. Durant les festins où toute la cour était présente, il arrivait même que ses oreilles se mettent à saigner. Il se saisit alors d’un bout de papyrus et l’enchanta avec quelques formules magiques, puis le glissa derrière une des oreilles de la petite. Elle en sembla soulagée. Divya, solitaire de nature, passait la plupart de son temps seule à jouer dans les jardins du palais, se joignant parfois au troupeau de tigres qui la respectait et la considérait comme une des leurs.
Aujourd’hui, la petite princesse est devenue une jeune femme, devenue plus belle encore que les esprits pussent imaginer. Elle passe maintenant le plus clair de son temps dans un temple sacré. Un temple qui lui est dédié, que son père érigea en son nom, où nul autre n’est autorisé à entrer, pas même lui le roi ou les prêtres. Personne ne sait ce qu’elle y fait, bien que nous puissions sentir quelques effluves d’encens et entendre des bribes de sons parfois lorsqu’on se trouve à proximité du temple. Certains disent qu’elle communique avec les dieux, d’autres qu’elle copule avec des animaux, certains disent même qu’elle exécute des sacrifices pour invoquer les esprits en utilisant la magie noire. Rien de cela n’est certain car rien de tout cela ne peut être prouvé. Ce mystère ne sera probablement jamais révélé. Quand elle n’est pas au temple, elle est avec les tigres qu’elle chérit et avec lesquels elle a grandi, se faufilant avec eux jusqu’à une sortie secrète du palais puis disparaissant pendant plusieurs heures. Elle utilise maintenant le langage des hommes, mais seulement en de rares occasions et de façon spectaculaire. Une fois, après que son père eut levé le ton sur elle parce qu’elle avait cassé un objet qui lui était cher, il la menaça sous la colère de tuer ses tigres adorés, elle le foudroya du regard et dit haut et distinctement : « Tu n’as aucun droit tu n’es pas mon père ! » puis retourna dans son mutisme. Son père en resta bouche bée, il en fut pétrifié d’effroi et se mit à la redouter. Il se questionna longtemps sur la signification de cette phrase, le tourmentant même encore aujourd’hui. Elle impressionne et terrorise même certains servants. Une domestique a rapporté comment une fois, marchant dans le palais en direction des cuisines, elle croisa Divya sortie de nulle part qui se tenait là, droit devant elle, impériale. La princesse resta immobile pendant plusieurs secondes qui lui semblèrent durer plusieurs heures, elle l’observa avec ses grands yeux sans un seul battement de cils, en faisant de légers mouvements d’épaules, comme si elle était en train de lire en elle, de sonder son âme et son cœur disait la servante. Apeurée, elle en laissa tomber son panier de fruits, elle le ramassa sur le champ ainsi que quelques fruits dispersés et une fois redressée, Divya avait disparu.
La princesse solitaire, aussi bien que mystérieuse, est maintenant pourvue d’un regard empli de sagesse, comme s’il refermait toutes les vérités et détenait des secrets qui nous dépassent. Un regard qui semble dire : « Si vous saviez, pauvres fous, vous n’avez aucune idée de ce que demain vous réserve ! Vous n’avez aucune idée du futur du monde ! »
*
Les festivités s’achèvent après plusieurs jours et plusieurs nuits. Certains ont l’impression de sortir d’un rêve. L’enchantement se dissipe laissant place à un dégrisement terrible.
Dans la chambre royale, dont la couche est désertée par le roi pratiquement toutes les nuits, se tient la reine près du berceau de son fils. Elle se penche au-dessus de lui et observe son nouveau-né avec émotion. Un sourire se dessine sur son visage, un calme qu’elle n’avait pas ressenti depuis longtemps. Soudain, une pensée lui vient à l’esprit « Et s’il devient comme son père ? » L’espoir et la peur se mélangent dans son estomac. Elle prie pour que la tendresse qui brille dans les yeux de cet enfant à son égard ne s’éteigne jamais, que ni le temps ni les autres ne l’emportent au loin, que rien ni personne ne vienne l’arracher de ses bras et qu’il la grave dans son cœur, qu’il ne l’abandonne pas, jamais. Elle se met à fredonner tout en prenant le bébé dans ses bras. Puis, d’une voix de cristal que personne ne lui connaissait, avec tout l’amour qui lui reste, avec toute l’émotion, tout le chagrin, toutes les désillusions et les déceptions qu’elle retenait dans sa poitrine depuis tant d’années, les yeux luisants, elle commence à chanter :
Oh toi ma lumière dans la nuit
Le phare de ma vie
Sens mon cœur qui bat
Pour toi mon futur roi
Jamais ne l’oubli
Oh ma lumière dans la nuit,
Ou je serai dans le noir
Désarçonnée et hagard
Pour le reste de ma vie
Anat pose un baiser sur le front de l’enfant et une larme de la reine tombe sur sa joue.
Elle lève la tête et observe maintenant les étoiles. « Puissent-elles m’entendre elles aussi », se dit-elle. Espérant que sa prière sera entendue et ne sera pas dissoute dans la nuit, étouffée par la voie lactée et remplacée par un épais brouillard.
Au même moment sous les étoiles, sur une dune de sable qui surplombe la ville et le palais, se tient une silhouette à l’aspect lugubre. Une silhouette qui semble posséder de gigantesques ailes noires. Pendant un long moment, elle reste là, impassible, avec un air d’ange de la mort, à observer la cité éclairée par la lune avant de s’envoler, laissant une plume, d’une taille démesurée, tomber derrière elle sur le sable.
Aux abords de la ville, un enfant fait la lecture à un éléphant et à un vautour qui écoutent attentivement. Des enfants jouent avec des bouts de nuage tombés du ciel et des femmes chantent des prières pour Souinia, déesse de la mer et des océans, afin qu’elle soit clémente et apporte bon vent durant la traversée de leurs maris marchands. Un peu plus loin, une petite fille rêveuse est assise dans le sable. Elle observe l’horizon, se demandant à quoi la vie peut ressembler derrière ces dunes, ses cheveux dansent dans les airs emportés par une douce brise.
Pendant ce temps-là, le roi Aktophis ouvre péniblement les yeux, dans un lit avec trois femmes nues à ses côtés. Il a un mal de tête terrible suite à toutes ces journées et ces nuits passées à célébrer la naissance de son fils, comme si un colosse de pierre tapait à l’intérieur de son crâne avec un marteau. Il pousse les femmes sans ménagement afin de s’extraire du lit, nu, il attrape un peignoir de soi. Aktophis, grand et bel homme d’une carrure imposante aux cheveux noirs, à la peau mate, se rapproche de son balcon en contemplant l’horizon. Il observe ce sable, ce désert, imagine les mers et les océans, toutes les îles, toutes les terres allant jusqu’aux nuages y compris l’air que l’on respire, tout ce qui existe, tout ce qui se trouve à Vahevounis, tous les êtres, toutes les créatures, tous les animaux, toute la magie qui sont à ses ordres, tout cela constitue son royaume, absolument tout. Tout est en sa possession et dans son infini pouvoir il pourrait, s’il le désirait, tout embraser en quelques jours. Il serait en mesure, si cela lui chantait, d’exterminer toute la population, de créer des guerres, de briser des villes, de saccager des continents, d’oblitérer des années d’histoire, d’éradiquer des cultures de différentes populations, de rendre des enfants orphelins et des femmes veuves, d’inventer de nouvelles langues, d’instaurer une religion différente pour chaque région du globe et de les faire se battre entre elles pour une cause que lui seul aurait créée. Il lui serait possible de faire bâtir des murailles et des frontières, de faire naître la haine et la méfiance entre les hommes, qu’ils aient peur de ce qu’ils ne connaissent pas à la place d’en être fascinés et admiratifs. Il serait capable d’établir la domination sur les animaux, de tous les mettre au fer et de les dresser dans le seul but de nous divertir aussi bien que l’asservissement de toutes les créatures magiques. Il serait à sa portée d’établir comme une vérité universelle, que l’homme est supérieur à la femme et qu’il doit la gouverner, qu’elle lui doit reconnaissance et que seule, sans son pouvoir pour la protéger, elle ne pourrait subsister, élaborer une faiblesse afin que l’homme ne s’en pense que plus fort, faire disparaître le nom de toutes les déesses et des grandes guerrières qui ont gouvernées ainsi qu’éradiquer l’histoire des amazones. Il serait en son pouvoir de faire souffrir les exploitations en prenant plus que ce dont on a besoin, d’empoisonner les océans et l’eau potable. Il serait à même de faire de la terre un abîme, des limbes où le mal empoisonne les cœurs et les esprits. Si l’envie lui prenait d’engendrer la fin du monde et de l’humanité, nous serions tous perdus.Il ressent un sentiment de toute-puissance, se sentant invincible dans un royaume gigantesque que personne ne pourra lui enlever, mais pourrait-il avoir encore plus ? Pourrait-il avoir davantage que le royaume de Vahevounis ? Pourrait-il aller au-delà ? Après tout, pourquoi s’arrêter ? Ivre de pouvoir, avec délectation il se pense le maître du monde, il se convainc d’être au même niveau que les dieux, au même rang que Thosis, Dieu soleil qui est le fils le plus puissant de Hepthosis, ou bien Hepthosis lui-même pourquoi pas après tout. « Pourquoi ne serais-je pas vénéré comme un dieu vivant ? Pourquoi seulement Divya y a droit et non pas moi ? Moi le roi le plus puissant et le plus riche que le monde n’ait jamais porté ! » se dit-il. Brusquement, il se retourne et fait appeler l’architecte du palais. Lorsque celui-ci fait son entrée, le roi, toujours dans son peignoir, ordonne à l’architecte :
L’architecte, un peu abasourdi par la demande démesurée du souverain, prend quelques secondes avant de répondre, un peu perplexe :
L’architecte n’osant pas s’insurger face au roi, conscient que s’il refuse il finira exécuté, se penche alors en avant en signe de révérence avant de se retirer de la pièce. Obéissant, mais peureux de devoir accomplir une telle tâche, craintif de la colère des dieux. Discrètement, il marmonne une prière pour Hepthosis afin qu’il lui pardonne et qu’il le protège ainsi que sa famille.
Un lion ailé vole au-dessus du palais, Aktophis prend cela comme un signe de bon augure, comme un signe que les dieux lui donnent raison et le soutiennent. « Peut-être même que bientôt, une de ces créatures m’attendra sur mon balcon pour me faire voler jusqu’au royaume des dieux, pour que je puisse les rencontrer en personne », pense-t-il.
*
Amset le magicien est assis dans les jardins du palais, tenant une fleur de lotus dans une de ses mains. Il observe Athyro, son fidèle oiseau, se rapprocher doucement de lui et finir par atterrir à ses côtés. Le bel oiseau, bienséant aux airs de noblesse, fait une révérence à son maître en guise de salutation. Amset sourit et lui chuchote quelque chose à l’oreille. Athyro saisit alors la fleur de lotus dans son bec puis prend son envol. Le volatile déploie toute sa superbe dans la lumière du soleil, exhibant ses ailes grandioses au reste du monde et son pelage majestueux. Il vole en direction du palais. Arrivé à la hauteur d’une fenêtre ouverte, il se perche sur le rebord et dépose avec délicatesse la fleur de lotus. Il se met à roucouler en regardant à l’intérieur de la pièce. Une femme se retourne, c’est Tiya, elle sourit en voyant Athyro. Avec enthousiasme elle saisit la fleur et la hume avec bonheur. Ses lèvres effleurent les pétales, le tambour de son cœur se met à battre et une douce mélodie emplit ses oreilles.
Tiya regarde par la fenêtre et aperçoit Amset dans les jardins du palais qui l’observe. Elle sourit d’un sourire angélique. Amset, avec un regard enjôleur, répond par un geste, comme un code secret, le symbole de son amour dévoué envers elle, le poing fermé sur son cœur qu’il déplace sur sa bouche puis l’ouvre en portant son bras dans la direction de Tiya. Dans un élan du cœur, elle sort de la chambre en courant pour rejoindre Amset dans les jardins. Une fois retrouvé, elle l’embrasse comme si un long voyage de plusieurs années les avait séparés. Il caresse ses cheveux, inhale son parfum et la regarde comme si le monde pouvait s’écrouler à présent, du moment qu’il peut se perdre dans ses yeux et y contempler les anges voler, les monts enneigés, les fleurs de cerisier et le soleil briller.
Amset est le magicien du roi. Il habite au palais avec sa femme Tiya, danseuse à la cour et leur fils. Tous les trois vivent heureux, dans une aile du palais qui leur est dédiée, signe de l’estime que le roi accorde à cette famille. Par sympathie également, car le roi et le magicien sont amis depuis qu’ils sont enfant, ils ont fait leurs premiers pas ensemble dans une des tours du palais. Amset est le fils du magicien du souverain précédent, un statut que l’on se passe de père en fils. Sa mère était domestique. Il a la peau claire et les cheveux blond cendré. Il possède de petits yeux gris qui passent au vert quand l’émotion vient à le submerger. Grand avec un corps sec et musclé dû à une longue danse ancestrale, dont l’enseignement est transmis de génération en génération, qu’il exécute tous les matins à la venue de l’aurore pour saluer et vénérer Thosis, le dieu soleil, ainsi que pour le remercier des dons qu’il lui a offerts. Cadeaux mystiques à la magie sublime. La divinité lui accorda une partie de la splendeur de son pouvoir.
Amset est sage et éloquent, très observateur et discret. Il est capable, après avoir observé une personne pendant plusieurs minutes sans avoir échangé un seul mot avec elle, de lui révéler sa personnalité ainsi que de lui donner la description d’un deuxième visage. Un visage invisible aux yeux des autres. Décrivant avec une telle justesse une vérité sans détour, avec une honnêteté sans pitié, au risque de sembler cruel, qu’il arrive parfois que le souverain lui demande son avis à propos d’un de ces sujets, ce qui lui a valu d’obtenir quelques ennemis à la cour. Il attise également les jalousies, car il lui arrive, parfois, de réaliser l’exploit de tempérer le caractère impétueux du roi.
Tiya, la femme d’Amset, vient du royaume de Téqua, où se trouvent des montagnes d’argent, surplombées par de grands et splendides aigles bleus hauts de plusieurs mètres, à des milliers de lieux d’ici. Elle maîtrise l’art de la danse qui lui a été enseigné par un maître dans un temple secret, situé dans les hauteurs des cimes du monde. Belle avec un esprit libre, passionnée et fougueuse, intuitive et parfois féroce. Elle a de grands yeux noirs et un regard de braise, un long nez, des pommettes saillantes et une bouche plutôt pulpeuse. Tout son visage expose son caractère. De longs cheveux noirs bouclés lui arrivent jusqu’au creux des reins. Elle a une peau caramel et satinée, son corps représente les formes de l’Orient.
Leur rencontre se déroula lors d’un festin, où le roi, attisé par la curiosité et afin de chasser l’ennui, avait fait demander les meilleures danseuses de l’autre bout du monde. Les danseuses apparurent et Tiya était au milieu de toutes. Elle était celle qui se distinguait des autres, faisant voler ses mains tel un oiseau qui vole dans le ciel, ses mouvements de velours subjuguaient et attiraient tous les regards. Sa grâce et sa volupté envoûtèrent tous les esprits. Attisant le désir de tous les hommes se tenant dans la salle, y compris le roi lui-même. La reine, jalouse, observait la scène avec une mine sévère et un regard dur. Une jalousie qui, depuis ce jour, demeura inflexible pour Tiya et elle ne cessa jamais de l’observer discrètement du coin de l’œil. Néanmoins, se rappelant l’amitié de son mari avec le magicien, elle n’osa jamais tenter quoi que ce soit envers la danseuse.
C’est donc le magicien qui réussit à conquérir le cœur de la belle Tiya, qui accepta sa demande en mariage et décida de rester vivre au palais avec lui. Vivant une idylle sans nuage, de bonheurs simples et d’amour sincère.
*
Dans un temple proche du palais, dans des effluves d’encens à la rose, à la lumière d’une lanterne à la flamme vacillante, Tiya danse en faisant onduler ses mains dans les airs au son d’un tambour. D’une beauté mystique et divine, elle fait tinter ses bijoux aux bras, à la tête et aux pieds, créant des ombres envoûtantes et oniriques, comme un poème du corps, un chant du cœur, le lyrisme de l’âme, l’allégorie d’un rêve. Tout son corps tournoie dans des mouvements gracieux. Elle s’élance, elle flotte avec adresse et élégance. Par le langage de ses hanches et son regard de feu, elle semble comme envoûtée. Les statues l’admirent et les ornements dorés la subliment. En dansant, elle fait vivre toutes les émotions qui l’habitent, extériorise toutes ses peurs et prie pour le retour proche de son fils, parti il y a plusieurs mois en pèlerinage. Les gouttes de sueur coulent sur son front et sur son cou, prise dans une frénésie du corps et des sentiments, elle a perdu la notion du temps. Elle danse au milieu d’un grand cercle de fleurs blanches, symbole de sa dévotion, de son inquiétude et de son amour pour son enfant. Lorsqu’elle s’arrête, épuisée, elle constate que dehors le soleil s’est couché. Il a laissé place à la lune qui vient observer nos songes et bercer nos nuits. Essoufflée, elle observe la constellation et espère que son fils sera apaisé par les notes du musicien, qu’il le bercera en embaumant son cœur et qu’il s’endormira en toute quiétude. Elle souhaite qu’il entende les doléances de son cœur et que les dieux le protègent.
*
Un homme assis sur la lune, au milieu des étoiles, joue de la flûte de roseau afin de consoler le cœur de tous ceux qui pleurent, d’alléger le poids des secrets, d’escorter la volupté enveloppée dans le noir, d’apaiser les corps qui se languissent, de rassurer les espoirs qui suffoquent et d’accompagner les rêvent qui se font étouffer par la nuit. Il berce les étoiles et les tombeaux des âmes déchues. La lune en est amoureuse et le chérit, c’est pour lui qu’elle brille toutes les nuits, pour ce musicien à la flûte de roseau et s’il s’arrêtait de jouer, elle en serait dévastée. Cet homme la retrouve alors chaque nuit, sa lune adorée et joue pour la quiétude des hommes, dans le sommeil du monde, dans le silence de la Voie lactée, jusqu’à la déchirante séparation à la percée de l’aurore.
*
Le lendemain, la silhouette d’un jeune homme se distingue au loin dans le désert. Elle se rapproche des abords de la ville. Au fur et à mesure, ses yeux bleus se remarquent de plus en plus au-dessus de son foulard, ainsi que sa peau mate. Le vent fait danser ses cheveux noirs bouclés. Arrivé aux portes de la ville, afin de se faire reconnaître, il retire son étoffe et laisse apparaître le reste de son visage et une barbe de quelques jours. Un gardien l’observe du haut du mur et donne son approbation pour le faire entrer dans la cité. Lorsque les portes s’ouvrent, tous les regards se posent sur ce jeune homme à peine sorti de l’adolescence aux yeux bleu azur doté d’une cicatrice sur un côté de son visage. Une femme chuchote avec enthousiasme « Menoit est revenu ! » En marchant dans les rues de la ville, les femmes l’observent et les hommes le toisent. La métropole ne semble pas lui avoir manqué, il regarde les gens avec lassitude et marche comme un automate. Il déambule près des murs colorés sans envie, sans joie, sans satisfaction d’aucune sorte, dans l’unique but d’atteindre le palais. Il semble même porté un poids sur les épaules, un poids du cœur, quelque chose qui le mine, qui le consume de l’intérieur et qui démange sa conscience. Parvenu à proximité, il voit Athyro virevolter dans les airs au-dessus de lui. La nouvelle de son arrivée se répand comme une traînée de poudre. Lorsqu’il passe les portes du palais, toutes les domestiques sont agglutinées aux fenêtres dans le seul but de pouvoir l’apercevoir. Un tigre étendu dans le couloir lève la tête, curieux, et le regarde. Menoit passe à côté de lui avec calme et indifférence. Divya, qui est assise dans les jardins, aux côtés de deux tigres, soulève soudainement la tête en la penchant légèrement et se met à produire un son en claquant plusieurs fois la langue dans sa bouche, comme si elle sentait l’agitation naître au sein du palais.
Tiya court vers lui, en criant de joie « Menoit, mon fils, tu es revenu ! » Elle l’embrasse et le serre dans ses bras. Il sourit, son cœur semble se réchauffer tout à coup.
Attendrie par ces paroles, elle lui sourit avec joie et bienveillance. Elle lui caresse la joue, un geste tendre qu’elle exécute avec tout l’amour qu’elle possède pour son fils, avec toute la lumière de son cœur.
Tiya saisit Menoit par la main et l’emmène dans leurs appartements.
Tiya, qui est une épouse aimante et une mère dévouée, aime son fils et le considère comme sa merveille, comme le plus beau cadeau que les dieux pouvaient lui offrir. Pour cela, elle les remercie tous les jours en leur apportant des offrandes, en les recouvrant de fleurs ou en dansant pour eux aux pieds de leurs statues. Elle honore et vénère les dieux religieusement, consciente que chaque talent que l’on possède et que chaque bonheur que l’on vit est un don venu de forces qui nous dépassent et qui nous observent, une faveur céleste. Menoit quant à lui, est un garçon discret et solitaire, il possède une mystérieuse cicatrice sur un côté du visage allant du coin du front jusqu’à la joue, ressemblant à un croissant de lune, qui au contraire de l’enlaidir le rend encore plus beau, lui donnant un aspect d’autant plus mystérieux et dur à ce jeune homme calme.
Lorsqu’il était petit, quand il rentrait dans des colères, son regard devenait sauvage, donnant l’impression qu’il contenait une tempête qui grondait dans l’océan de ses yeux azur et qu’il était prêt à abattre sur vous, un raz de marée afin de vous y noyer.