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Dans le Comté de Verlonie, Oraygon, jeune initié, suit un apprentissage exigeant sous la férule d’Eusaebius Scrute-Étoile, le plus puissant sorcier de l’Ordre. Plongé au cœur des traditions occultes et des secrets interdits, il explore les mystères célestes tout en affrontant les périls insidieux qu’ils dissimulent. Cependant, un culte ancien dédié à Alkar, l’Arch Destructeur, refait surface, libérant des abominations d’outre-tombe et menaçant d’entraîner la Verlonie, et même l’Empire, dans le chaos. Oraygon doit surmonter ses doutes, embrasser un destin gravé dans les astres et sauver le Comté d’un fléau mort-vivant. Tandis que chaque défi dévoile une puissance insoupçonnée, l’équilibre fragile d’un monde vacillant repose désormais sur ses épaules. Ombres inquiétantes, magie interdite et luttes héroïques : serez-vous prêt à suivre Oraygon dans sa quête ultime pour préserver sa contrée natale face à la destruction et la nécromancie ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Quentin Istace, engagé depuis 2013 dans une carrière militaire au sein de la Marine et par la suite dans la Force Aérienne des Forces Armées Belges, puise son inspiration dans son parcours au service de son pays. C’est à bord d’une frégate que l’idée de bâtir un univers littéraire prend forme. Porté par sa passion pour l’Histoire, les sciences et la fantasy, il s’embarque dans l’écriture de son premier roman, "La quête d’Oraygon – Tome I – L’apprenti". Sa chère Wallonie natale sert de modèle pour façonner la contrée où ont lieu les périples de son héros.
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Seitenzahl: 214
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Quentin Istace
La quête d’Oraygon
Tome I
L’apprenti
Roman
© Lys Bleu Éditions – Quentin Istace
ISBN : 979-10-422-5523-7
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À Francine.
Une grand-mère aimante qui prenait plaisir
à lire mes histoires,
qui prenait plaisir à nous aimer.
La tour du Sorcier est semblable à toutes celles que l’on trouve encore dans l’Empire Horselien et au-delà. C’est une tour de pierre grise et ronde, à demi envahie de lierre et isolée, dans une contrée que l’on nomme simplement la Lande, au sud du comté de Verlonie près des Montagnes Foudroyées.
Juste au pied de cette tour, il y a un petit village, le vieux Hameau de la Tour. Ce petit hameau est l’un des nombreux trésors de la Verlonie pour sa grande tranquillité et sa beauté. Toutes les bâtisses, il y en a peu, sont faites de pierres grises extraites des carrières du nord de la Lande et les toits sont tous de chaume. Sauf le toit de la chapelle qui est, comme pour celui de la tour, d’ardoises bleu-noir. Des cerisiers poussent le long des quelques allées et le lilas a conquis presque tous les coins de mur de chaque bâtisse et ce, jusqu’au toit de la chapelle. C’est assez déroutant d’imaginer que tout ce faste de couleurs, au bout de six mois, fini dans le blanc unique et immaculé des longs hivers. Et les villageois sont de très bonnes personnes, bienveillantes. Chacun au secours de l’autre quoi qu’il arrive et surtout, ils sont très attachés au Sorcier qui est avec l’Échevin, le maître des lieux.
Ce village fait partie de la seigneurie banale et foncière du Comte et fut mis à la disposition du Sorcier pour subvenir à ses besoins. En réalité, le Comte paie le Sorcier pour ses services et ce dernier gère l’ensemble du petit domaine avec ladite solde, en étroite collaboration avec l’Échevin du village. On pourrait dire qu’il y a une petite autarcie entre le Sorcier et le Hameau de la Tour.
Car les sorciers servent un Prince. Peu nombreux sont les princes qui peuvent se permettre les services d’un sorcier comme mon maître, Eusaebius, qui est le plus puissant de son Ordre. Mais un sorcier sans revenus ne peut exercer efficacement ses arcanes, car tout aussi puissant qu’il puisse être, il faut acheter le coûteux matériel et, bien sûr, il faut se loger et se nourrir.
Les leçons de Maître Eusaebius commençaient toujours aux aurores. Ainsi, en ce cent-unième jour de l’été de l’année impériale 334, j’eus, comme chaque matin, tout juste le temps d’avaler mes œufs brouillés que je cuisinais moi-même au feu de ma propre chambre ; une petite pièce suffisamment meublée que le Sorcier mettait à la disposition de son apprenti. À midi, je mangeais de nouveau seul et le soir nous mangions ensemble. Une domestique habitant le petit Hameau de la Tour venait nous préparer notre repas du soir. Ce moment était l’occasion de faire le point sur les leçons de la journée. Une conversation qui était en réalité une longue succession de reproches de la part de mon mentor. Il m’arrivait même d’en prendre des notes en mangeant, car comme disait le Sorcier : « Toutes les occasions sont bonnes pour sortir sa plume. » Ou encore : « Un bon sorcier a toujours sur lui de quoi écrire, où qu’il se trouve et quoi qu’il fasse. » Après une année entière d’étude assidue et uniquement théorique (c’est l’usage lors de la première année d’apprentissage d’un sorcier), j’avais fait de ces devises des commandements sacrés.
J’avalai donc mes œufs brouillés, et après une toilette rigoureuse, je revêtis comme chaque jour ma robe à pèlerine grise d’apprenti en laine feutrée, serrée par une ceinture dont la grosse boucle de fer était gravée de l’étoile d’Aedrius.
Au rez-de-chaussée se trouve le salon où le Sorcier reçoit ses visiteurs. C’est une grande salle bien meublée et très confortable avec une grande cheminée, deux grands fauteuils recouverts de fourrures, une longue table pour manger et une porte donnant sur la cuisine. Un escalier de bronze en colimaçon nous mène au premier étage où se situent la chambre du Sorcier et la mienne séparées d’un simple corridor. De ce corridor, le même escalier de bronze nous conduit à la bibliothèque. La plus haute et la plus belle salle de la tour aux étagères remplies d’épais volumes de cuir, séparées par de grands vitraux colorés qui resplendissent majestueusement au soleil. Quand je dis la plus haute, c’est assez vague, car cette salle est enchantée. Il n’y a pas vraiment de plafond. Le haut de la salle se fond dans un ciel crépusculaire avec pour nuages des nébuleuses allant du pourpre à l’indigo. Ces nébuleuses mouvantes sont parsemées d’étoiles dorées et, de temps à autre, elles sont traversées par des comètes multicolores. C’est l’œuvre d’une belle et puissante magie qui manipule l’espace pour un cadre plus propice à l’érudition et à la méditation. Cette salle est une des plus éclatantes preuves du savoir-faire de mon très respecté professeur. On y trouve le bureau du sorcier et mon écritoire séparés chacun par une petite fontaine de marbre à l’effigie de l’Arch Aedrius.
Je devais me rendre dans la salle juste au-dessus de celle-ci, au troisième étage. Je montai donc l’escalier en colimaçon vers ce vide cosmique pour arriver dans une salle qui se matérialisait autour de moi au fur et à mesure que je gravissais les marches. Ce changement procurait une sensation désagréable de désorientation et de déséquilibre auquel je m’étais habitué. La première fois, je m’étais senti si mal que je m’étais effondré dans l’escalier, m’agrippant pitoyablement à la rampe, nauséeux. J’appris par la suite que l’usage de la magie et divers enchantements procurait ce genre de vertiges et qu’il fallait s’y accoutumer, un peu comme les brûlures pour un forgeron ou la peur du vide pour un funambule. Là, ça ne me faisait plus rien. J’arrivai donc dans la salle au sommet de la tour que l’on nomme l’Arcanarium. C’est le laboratoire où le Sorcier pratique la magie. Dans cette grande salle se trouve une longue table d’alchimie qui suit la courbure du mur auquel elle est adossée avec dessus toutes sortes d’ustensiles de verre et de métal, de flacons et de fioles contenant des substances colorées liquides ou plus ou moins solides, parfois en poudre. On y trouve aussi des petits chaudrons de fonte posés sur des trépieds au-dessus de leur lampe à alcool. Le centre de la salle est bien dégagé pour y exercer la magie et accomplir divers rituels. Le sol dallé est une grande mosaïque représentant encore une fois, l’étoile d’Aedrius. Des étagères de tailles variées longent le mur et contiennent toutes sortes d’objets mystiques et de récipients aux substances visqueuses ainsi que toute une collection de verrerie d’alchimie. Un autre escalier de marbre orange et rose, mène à une terrasse extérieure sous une arche de cuivre. C’est un spacieux balcon muni d’un télescope. Un splendide objet d’ingénierie tout en cuivre qui avait dû coûter une fortune à mon maître et qui lui permettait d’observer le ciel, et de le lire. Car on disait de mon maître qu’il parlait aux étoiles, d’où son patronyme de sorcier, Eusaebius « Scrute-Étoile ». En effet, le ciel nocturne et ses astres étaient un moyen de communication des Arch entre leur monde céleste et immatériel qu’est l’Aurh et notre monde mortel et temporel, l’Yrh. De cette subtile et complexe science qu’est l’astromancie, le Sorcier avait fait sa spécialité.
J’arrivai donc en haut des marches de l’escalier menant à l’Arcanarium quand je fus bloqué net à la dernière marche par une sorte de mur invisible que je pris en plein nez. La voix de mon mentor m’interpella.
— Halte ! cria-t-il. Il me tournait le dos, face à une des hautes fenêtres. Il scrutait la Lande dans son soleil levant dont les rayons baignaient l’Arcanarium d’une ambiance dorée et chaleureuse. Une main dans le dos, l’autre levée pour m’ordonner de ne plus faire un pas de plus, il demeura là, immobile.
— Oraygon, toi qui souhaites entrer ici pour user des forces qui sont à l’origine du monde, tu dois d’abord répondre à quelques questions. Une mauvaise réponse et tu descends étudier le sujet pour le reste de la semaine. Il en sera ainsi pour chaque question que tu laisseras sans réponse ou à laquelle tu me diras une bêtise. Est-ce clair, mon jeune apprenti ?
— Oui, Maître, répondis-je aussi sûr de moi qu’immobile.
Il posa sa première question toujours en scrutant la Lande.
— Quelle est la différence entre un objet magique et un objet enchanté ?
Je réfléchis un temps pour formuler au mieux ma réponse.
— Un objet magique a été entièrement créé par la magie. Seuls les Arch ou d’autres puissantes entités de l’Aurh en sont capables. Un objet enchanté, quant à lui, est un objet banal du quotidien, normal, sans vertus magiques et auquel un Sorcier va ajouter une propriété surnaturelle par le biais d’un enchantement.
— Correct ! répondit le Sorcier.
Il posa la question suivante.
— Est-il correct de dire que les sorciers font de la magie ?
— Non, Maître. Les sorciers utilisent la magie qui est un fluide arcanique, mais n’en « font » pas. La magie est une énergie qui nous entoure et qui est en réalité un « reste » de la création. Une force résiduelle subsistant à l’ouvrage des Arch quand ils façonnèrent le monde et qu’ils nous ont laissés. La magie est ordonnée dans notre monde par l’Arch Aedrius. Les Arch font la magie et nous nous en servons.
— Très correct, Oraygon, répondit le Sorcier. Et pourquoi un Sorcier qui peut user de tels pouvoirs ne peut-il pas se placer à l’égal d’un Arch dans notre monde ?
Cette question était complexe, car elle mêlait plusieurs notions. Des notions d’ordre physique, théologique et éthique. Je pris un moment de réflexion afin de formuler une réponse claire et concise.
— Tout d’abord, commençai-je, nous sommes des êtres vivants et mortels. La vie, l’âme qui nous anime, est un limiteur dans la faculté que nous avons à user de la magie, si toutefois nous y sommes sensibles dans un premier temps. Seule la magie noire peut parfois nous amener au-delà de ces limites, mais celle-ci est mortifère. Elle est facile, mais très dangereuse et surtout maléfique, car émanant de l’Arch Alkar le Destructeur dont le culte est rigoureusement interdit dans l’Empire et partout où le culte du Saint Septénaire est de mise.
— Très bien… Mais encore ?
— La magie noire, continuai-je, laisse sur le corps des marques que les inquisiteurs du Saint Septénaire reconnaissent très vite, telles que la noirceur autour des yeux, et qui peut valoir le dressage d’un bûcher sans procès. Et les inquisiteurs se déplacent toujours avec au moins une trentaine d’hommes en arme pour appréhender un mage.
Mon maître eut un rire sarcastique et je l’entendis marmonner : « Je les attends, les mecs ! »
— Je sais que tu connais la réponse, mais sait-on jamais, qu’est-ce que le Saint Septénaire ?
— Le culte officiel dans l’Empire et presque partout ailleurs, répondis-je. C’est la vénération des sept Arch. Il y a Aedrius l’Ordonnateur des vents de magie et maître de l’érudition ; Melaria la Mère par qui viennent la vie et la fertilité ; Néor le Gardien qui veille sur les âmes des morts dans son domaine qui est au plus près de l’Être Céleste. Il y a ensuite Ulion le Paisible qui veille sur la mer et ceux qui la traversent. Vient ensuite Danaé la Terrible, maîtresse du vent, du temps, et de l’ordre des saisons. Elle est l’épouse d’Ulion et on dit que les tempêtes en mer sont le fruit de leurs disputes. Vient ensuite Aurus le Majestueux. C’est le protecteur des Rois, gardien des dynasties et du pouvoir des souverains. C’est de lui que les monarques tiennent leur charge sacrée. Enfin, il y a Akera la Grande, l’Arch des guerriers et de la justice.
— Ce qui fait sept, mon jeune apprenti. Il baissa sa main qui jusque-là était restée levée et je sentis devant moi que le mur invisible avait disparu. Il se retourna.
Mon maître était grand et robuste. Âgé de cent trente-sept ans, il en paraissait un peu plus de soixante. Son visage sévère sous des cheveux blancs tirés en arrière avait des pommettes creuses et son nez aquilin sous ses grands yeux bleus lui donnait l’aspect d’un aigle. Sa majestueuse robe à pèlerine de couleur bleu nuit aux motifs célestes était serrée par une ceinture d’argent ornée d’un gros rubis. Cette robe au buste matelassé, sur laquelle les étoiles semblaient se mouvoir sur un ciel de tissus, a un col ouvert qui dévoile une chemise blanche et un foulard bordeaux noués par une belle orfèvrerie à rubis. Eusaebius Scrute-Étoile avait l’élégance d’un prince. C’était là, le résultat vestimentaire de plus d’un siècle au service de trois générations de Comtes de Verlonie.
— Entre, Oraygon ! Place-toi au centre de la pièce.
Tout ceci était le rituel matinal quotidien de ces derniers jours où j’avais enfin commencé à pratiquer la magie. Il faut savoir pour pouvoir, comme disait toujours le Sorcier. La connaissance précède la pratique. Nul ne rentre dans l’Arcanarium sans d’abord savoir !
D’un très léger petit geste de la main, il fit déplacer un grand candélabre devant moi.
— Allume ces chandelles, m’ordonna-t-il.
Je m’exécutai. Je tendis ma main droite vers les chandelles et me concentrai. Je canalisai en moi un peu de la magie environnante en fixant des yeux les mèches enduites des chandelles jusqu’à ressentir ce picotement significatif au bout des doigts. C’est ainsi que l’on utilise la magie. C’est un peu comme un sixième sens chez quelque rare personne que la nature ou Aedrius lui-même a choisi de privilégier. C’était chez moi naturel et c’est pour cette raison que j’étais l’apprenti du sorcier. Et dans un petit éclair blanc, les chandelles s’allumèrent.
— Bien, fit mon maître. Remets-le en place maintenant.
Usant du même procédé, je fis léviter avec un peu de difficulté, le chandelier vers le mur où il se posa en manquant de se renverser, et ce sans l’éteindre.
— C’est satisfaisant, jugea mon maître.
Je n’aimais pas ce mot. Il me donnait toujours l’impression de le décevoir.
— À quel niveau de magie cela correspond-il ?
— À de la magie mineure, Maître. Celle qui ne nécessite pas d’incantations et qui accomplit des choses simples en fonction de ce que l’on souhaite.
— Et cette pratique est la base de tout, expliqua mon maître en tournant autour de moi les mains dans le dos. Tu as passé une année entière dans les livres et dans l’écriture. C’est long, pour ne pas dire très rébarbatif, mais indispensable. Maintenant tu es dans l’Arcanarium. Depuis une dizaine de jours, tu as commencé à pratiquer, faisant de toi le premier apprenti à être enfin parvenu dans cette salle. Tes progrès sont à la hauteur de mes attentes, mais…
Il haussa le ton pour contrer mon enthousiasme à la suite de son compliment.
— Tu n’es encore qu’au début du chemin de la connaissance. Et aussi bénéfique que puisse être la soif d’apprendre, elle est aussi très dangereuse, car nous usons ici des forces avec lesquelles les Arch ont façonné le monde avant de séparer l’Aurh de l’Yrh. Et ça ne signifie en rien que les études théoriques sont finies !
— Je comprends, mon maître.
— Nous verrons cela. Nous allons continuer à nous exercer sur la magie mineure et ses applications jusqu’à midi. Tu prendras alors ton heure pour manger. Ensuite, nous dédierons l’après-midi à la pratique de l’alchimie jusqu’au dîner. À la nuit tombée, je t’enseignerai l’observation des astres et les secrets de leur langue.
Et la matinée suivit son cours avec divers exercices de lévitation et toutes sortes de petits sorts qui améliorent le quotidien. Enfin (et ce fut une surprise), mon maître m’apprit à faire jaillir un éclair du bout de mes doigts. Ce fut difficile, car il s’agit d’une décharge de magie que l’on rend volontairement instable. Il faut en canaliser une certaine quantité en un point le plus petit possible et relâcher le tout juste au bon moment et dans une direction précise. La première fois, je relâchai le tout trop tôt et sans être parvenu à la diriger dans la bonne direction et de petits éclairs se répandirent dans tous les sens ainsi que dans le mien. Un petit éclair bleuté m’atteignit en plein visage et je fus juste un peu brûlé.
— Voilà la meilleure façon d’apprendre, mon jeune apprenti, fit mon maître, la douleur. Tu t’es brûlé, car tu ne t’es pas concentré. Imagine un instant que tu aies canalisé une plus grande quantité de magie. Que se serait-il passé ?
— Je serais mort.
— Exactement. Nous utilisons une force dangereuse. Plus dangereuse pour ceux qui s’en servent que pour n’importe qui d’autre. Suis-moi.
Je le suivis et nous allâmes sur le balcon. Il faisait frais dehors et la Lande était magnifique. De ce balcon, on pouvait observer la Lande et ses majestueux valons et collines à des lieues à la ronde avec, au loin, les sommets blancs des montagnes foudroyées.
— Vois-tu cet arbre, là, en bas, sur le petit roc herbeux près de la grange ?
Je scrutai le village et localisai l’arbre. Oui maître. Il est mort cet arbre, non ?
Alors mon maître tendit sa main vers l’arbre en contrebas et brusquement, un puissant éclair aveuglant accompagné d’une forte détonation, jaillit des doigts du sorcier et frappa l’arbre mort à plus de cent mètres de nous. Il y eut une explosion d’étincelles et de fumée et à la place de l’arbre se trouvait désormais un cratère fumant.
— Oui, c’est en effet un arbre mort, répondit alors mon maître.
Je ris. Mais sa maîtrise était impressionnante et certainement inégalée.
— Imagine, mon jeune apprenti, si j’avais manqué d’un peu de concentration avant de tout relâcher. C’est tout cet Arcanarium qui aurait été pulvérisé.
Il avait raison, pensai-je. Cela faisait réfléchir sur les forces que nous utilisions. Soudain…
— He ! ho ! là-haut !
L’appel venait d’en bas. C’était le vieux père Aurèle, fermier du Hameau de la Tour qui, appuyé sur sa canne, s’adressait à nous, en colère. Le sort était en effet tombé juste à proximité de sa grange. J’entendis un « et merde » de la part de mon maître.
— Mais par les sept ! Vous êtes fous ? Vous foudroyez le village maintenant ?
— On s’excuse ! lui cria mon maître. J’instruis mon apprenti.
— Ouais, ouais, je sais ! Faites attention quand même ! L’inquisiteur est là, à l’auberge.
— Oh ! fit le Sorcier l’air surpris.
Le père Aurèle rentra dans sa maison de toit de chaume. Les mains dans le dos, le sorcier avait l’air tracassé.
— J’espère qu’il n’est pas avec toute sa garde, dit-il.
— Ça m’étonnerait, car je pense qu’on nous aurait prévenus, répondis-je.
— Je le pense également.
Midi sonna à l’horloge de l’Arcanarium et nous nous retirâmes dîner chacun de notre côté. Mon maître dînait seul pour mieux préparer les leçons de l’après-midi.
Ainsi, l’emploi du temps d’un Sorcier se limitait à deux occupations : la formation d’un apprenti et le service du Comté, consacrant ses temps libres à ses recherches personnelles (ce qu’il faisait quand j’étudiais). Maintenant que je commençais à utiliser la magie, j’allais pouvoir l’accompagner dans ses missions.
Je décidai de manger en bas de la tour, dehors sur un petit banc de pierre dans ce qui était le jardin. Prenant une miche de pain et un fromage dans la cuisine, je sortis m’asseoir. Un jardinier qui travaillait pour le père Aurèle y cultivait avec grands soins toutes les plantes utiles au sorcier. Chacune nécessitant des soins particuliers que le sorcier avait enseignés à ce jardinier qui y venait deux fois par semaine. En cette fin d’été, il faisait encore bon et le ciel était bleu. Tout en mangeant, je regardai en direction du village juste à l’entrée du jardin. Le hameau était vraiment petit. Il ne devait pas compter plus d’une dizaine d’habitations, avec la taverne, la chapelle de Melaria et la ferme du père Aurèle. À l’heure où je rédige ces mémoires, il n’a pas beaucoup changé.
Je vis sur la place une diligence noire flanquée de deux gardes en uniformes blancs et portant des casques d’acier ainsi qu’une courte épée suspendue dans son fourreau sur le côté gauche et un long pistolet à silex suspendu au côté droit. Ils arboraient, cousue sur l’épaule gauche et sur le buste de leur tenue matelassée, l’épée noire à flamme rouge de l’Inquisition. Ces gens n’aiment pas les Sorciers. Pour eux, user de magie c’est blasphémer, car user d’un pouvoir qui n’est pas pour nous. Et prétendre devant eux que nous sommes choisis par Aedrius pour en être capables peut valoir un séjour dans leur Chapelle Répurgatrice à Détriande, la capitale de l’empire. La Chapelle Répurgatrice est une sorte de maison de redressement atroce pour les hérétiques qu’on ne brûle pas. Mais voilà, l’usage de la magie est strictement autorisé aux sorciers et à leurs apprentis reconnus par l’Ordre. Ils ne peuvent rien contre nous. Cependant, les Inquisiteurs, bien que fanatiques, sont d’érudits démonologues qui peuvent nous en apprendre beaucoup sur le culte d’Alkar et ils savent efficacement traquer ceux qui usent de magie noire. En ce sens, ils sont aussi impitoyables qu’efficaces. Mais à cette époque, l’usage de la magie devenait de plus en plus rare et c’était encore plus le cas pour la ténébreuse sorcellerie d’Alkar qui échappe à l’Arch Aedrius. Alors, les Inquisiteurs qui ne trouvent plus personne à traquer et à brûler vif, se rabattent sur une surveillance exagérée des Sorciers.
Les gardes m’observaient, s’échangeaient des paroles dont je soupçonnais fort d’en faire l’objet. Ils me reconnaissaient à ma robe grise.
La cloche de la petite chapelle dédiée à Melaria sonna. Il était treize heures. Je devais remonter dans la tour.
L’après-midi suivit son cours avec l’Alchimie. J’aimais particulièrement l’alchimie. Mon maître commença par m’apprendre comment utiliser correctement la verrerie et les ustensiles spécifiques en concoctant mon premier élixir. Un élixir contre la douleur. L’alchimie ne nécessitant pas d’être sensible à la magie, cette science est à la portée de tout érudit non-sorcier, mais son usage reste réglementé. Il faut pour la pratiquer être sorcier de l’Ordre ou détenir un certificat d’aptitude décerné par cet Ordre. Aussi, elle ne peut être enseignée que par un Sorcier.
Je fis preuve de beaucoup de dextérité, suivant rigoureusement les consignes du grimoire, broyant correctement et finement sels et plantes, distillant certaines substances à la bonne chaleur pour en obtenir l’essence la plus pure. Et après des heures de dosage et de mélanges minutieux, j’obtins dans un verre ballon, un liquide bleuâtre qui correspondait au résultat mentionné dans le gros volume posé à ma gauche. Mon maître qui me surveillait sans trop intervenir s’approcha et se pencha pour observer le récipient.
— Hm, c’est légèrement trop clair, observa-t-il. Mais c’est un très bon élixir. Tu peux en verser le contenu dans les flacons vides qu’il doit encore rester dans l’étagère. Cinq devraient suffire. Prends soin de les étiqueter. Tu les apporteras demain à la taverne.
Ce fut la fin des leçons de l’après-midi et nous quittâmes l’Arcanarium. En descendant l’escalier en colimaçon, nous sentîmes la bonne odeur d’un poulet rôti.
La bonne madame Lambert avait préparé le repas. Elle nous servit puis partit.
Alors que je savourais une croustillante cuisse de poulet, mon maître me parla.
— Oraygon, me dit-il, cette journée me conforte dans l’idée que tu as l’étoffe d’un Sorcier. Tu es très sensible à la magie et son utilisation est pour toi naturelle.
— Merci, Maître, répondis-je, fier.
— Continue à suivre mon enseignement avec autant de rigueur et un jour tu seras un des plus puissants sorciers de l’Ordre. J’enverrai à ton père une lettre où je lui ferai ce rapport.
C’était, depuis un an, la première fois que mon maître me faisait part de son contentement à mon égard. J’étais très fier, je me sentais capable de tout faire. De tout faire pour lui en montrer davantage, je voulais lui montrer que je pouvais déjà accomplir des missions importantes. Sa main attrapa mon bras ; il but une grande gorgée de vin.
— Mais rappelle-toi qu’un apprenti même très doué est un danger pour lui-même. Donc, quoi qu’il arrive, pas d’initiatives malheureuses et surtout, tempère ta curiosité. Je sais ta soif de connaissance et ton envie de savoir, cette qualité peut être le plus grand danger d’un apprenti. J’attends donc de toi ce qui prévient tout grand sorcier de tout grand danger : de la sagesse.
Et sur ces sages paroles nous terminâmes ce savoureux poulet et, lorsque la nuit tomba, nous remontâmes alors dans l’Arcanarium pour étudier le ciel. Il m’apprit le fonctionnement du superbe télescope, l’utilité de chaque manivelle, ainsi que la mise au point et j’observais les astres dont j’avais appris pour chacun les noms. Après de longues heures à avoir plongé le nez dans des cartes du ciel, je contemplais les astres au plus près que me permettait la grande lunette du sorcier. Nous constatâmes d’ailleurs que nous étions à l’aube du premier jour de l’automne. À la fin de la leçon, mon maître dit :
— Les Arch n’ont rien à dire, ce soir. Fichtre !