La rumeur - Marcel Comtesse - E-Book

La rumeur E-Book

Marcel Comtesse

0,0

Beschreibung

Au cœur d’un petit village viticole bien paisible, un fait divers mal interprété crée une terrible rumeur qui se répand sans aucune limite. Elle enfle, se propage, et se démène. Les mensonges, les ragots, les hypocrisies, les méchancetés vont bon train et sèment l’angoisse, la haine, la mort. Dans l’attente de la vérité, ce qui était jusque-là un coin tranquille n’est plus qu’un lieu tourmenté où la paix semble ne jamais avoir existé.




À PROPOS DE L'AUTEUR

Grand voyageur, Marcel Comtesse consacre son temps à la création d’histoires qui vous entraînent dans des périples littéraires surprenants. "La rumeur" vous fera voguer à travers les émotions, brisant les a priori et les préjugés qui parfois obscurcissent la société.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 101

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Page de titre

Marcel Comtesse

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La rumeur

Roman

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Copyright

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Marcel Comtesse

ISBN : 979-10-422-2650-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

Du même auteur

 

 

 

– 100 Pays… et quelques autres, récits de voyages à travers le monde, Éditions Bénévent, 2009 ;
– Oser le dire – Politiquement incorrect, essai, Éditions Mélibée, 2011 ;
– Un Assassinat politique – Ce qui aurait pu se passer en 2012, roman, Éditions du Panthéon, 2016 ;
– Envie de partir autour du monde, illustré de nombreuses photos, Nouvelles Éditions/Éditions Attinger/Suisse, 2017 ;
– Découvrir l’Ouest américain – Guide, illustré de nombreuses photos, Éditions Werd und Weber Verlag AG/Suisse, 2019 ;
– Une Enfance neuchâteloise, 1936-1959, illustré d’anciennes photos, Éditions Duquesnes Colombier/Neuchâtel/Suisse, 2020 ;
– L’Homosexualité dans tous ses états, Éditions du Panthéon, 2021 ;
– Le Voyage d’Edith et autres nouvelles extraordinaires, Éditions du Panthéon, 2023.

Dédicace

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À mon village d’enfance

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D’abord, un bruit léger, rasant le sol comme une hirondelle avant l’orage, pianissimo, murmure et file, et sème en courant le trait empoisonné. Telle bouche le recueille, et piano, piano, vous le glisse en l’oreille adroitement. Le mal est fait, il germe, il rampe, il chemine, et rinforzando de bouche en bouche il va le diable, puis tout à coup, ne sait comment, vous voyez calomnie se dresser, siffler, s’enfler, grandir à vue d’œil. Elle s’élance, étend son vol, tourbillonne, enveloppe, arrache, entraîne, éclate et tonne et devient, grâce au ciel, un cri général, un crescendo public, un chorus universel de haine et de proscription.

 

Beaumarchais, Le Barbier de Séville, Acte 2, Scène 3,

Don Basile, maître à chanter, 1775

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le village qui sert de décor à ce récit a existé ainsi que tous les personnages dont il est question dans cette chronique villageoise.

Seule l’intrigue est le fruit de l’imagination de l’auteur.

Mais cette histoire aurait pu se produire, car ce village vivait en vase clos où se mélangeaient jalousie, mensonges, tromperies, hypocrisie.

 

La rumeur

 

 

 

 

La Grand-rue était déserte, écrasée par la chaleur de ce début de canicule. Par endroit, l’asphalte fondait sous les coups d’un soleil de plomb, un soleil sans pitié pour les hommes qui travaillaient dans les vignes.

Ils s’étaient levés à 5 heures pour commencer leur travail à la fraîche. Les vignerons étaient rentrés chez eux un peu avant midi et leur femme leur avait demandé :

— Alors, pas trop chaud ce matin ?

Maintenant, ils étaient assis derrière la table de leur cuisine avalant leur bol de soupe. Puis, ce serait un bout de saucisse qui restait de la veille, quelques pommes de terre, une bonne tranche de pain, du fromage, le tout accompagné d’un grand verre d’eau fraîche ou d’un coup de piquette. Ensuite, ils iraient dormir dans la chambre, derrière les contrevents qu’on avait pris soin de fermer dès le début de la matinée. Ils ressortiraient plus tard dans l’après-midi lorsque le soleil aurait baissé.

C’était la période des attaches. Le soir, les vignerons plaçaient quelques petites bottes de paille dans les bassins disséminés dans les vignes. Ils posaient dessus un carron, cette brique qu’on utilisait pour monter des murs, afin que les bottes restent bien au fond du bassin. Le matin, la paille était devenue bien souple et bonne pour attacher les bois des ceps autour des échalas. Plusieurs femmes du village venaient seconder les épouses des vignerons. Les hommes disaient :

— Les femmes ont de l’avance, elles vont plus vite que nous. Nous avec nos grosses mains on est un peu gauches.

Le travail n’était pas de tout repos, surtout les jours de grande chaleur. Il fallait se protéger des taons, qu’on appelait, je n’ai jamais su pourquoi, les tavans. Les vignerons trempaient un vieux bout de tissus dans une sorte de goudron et l’attachaient à leur ceinture en bas du dos. La forte odeur était censée éloigner les bestioles.

Depuis quelques jours, les enfants avaient congé l’après-midi, la température étant devenue trop élevée dans les classes du collège. Certains en profitaient pour descendre à vélo jusqu’au lac. Ils ne savaient pas nager, mais l’eau les rafraîchissait.

D’après le dernier recensement ordonné par les autorités cantonales, le village comptait exactement 1936 habitants, nourrissons et vieillards compris. C’était un village essentiellement agricole et viticole. On y comptait trois fermes, trois troupeaux de vaches, un troupeau de chèvres et une dizaine de chevaux. Les troupeaux de vaches traversaient le village pour se rendre dans des pâturages du côté du Grand Locle ou de Cudret. Les vaches n’avaient aucune notion de bienséance et elles laissaient sur leur passage de nombreuses traces qu’on appelait des « beuzes ». Elles faisaient alors le bonheur de quelques habitants qui se précipitaient avec un sceau et une ordurière pour récolter la précieuse matière qui allait engraisser leur jardin potager. Mais, ce qu’ils préféraient c’était le crottin de cheval beaucoup plus facile à récolter.

Le village était aussi entouré de nombreuses vignes. Certaines montaient presque jusqu’à la lisière de la forêt. Ces parcelles étaient plantées trop haut et le raisin avait de la peine à mûrir. On les vendangeait en dernier pour que les grappes profitent des derniers rayons du soleil de l’automne. Mais rien n’y faisait. Le vin était toujours aussi acide et provoquait des brûlures d’estomac. Peu importe. Quand les vignerons le versaient et que le vin dessinait une étoile sur le dessus du verre, c’est qu’il était bon.

La majorité des hommes du village travaillaient dans les vignes et dans les champs. Beaucoup d’entre eux étaient des tâcherons qui offraient leurs services selon les besoins des propriétaires. Ils étaient payés à la journée et toujours en espèces. Point de papiers, de fiches de paie et autres tracasseries.

Le village possédait une quinzaine de commerces. Il y avait trois boucheries. Celle du Paulet Wyss à la rue de la Chapelle, celle du grand Cailler en haut de la rue de la Croix. Le grand Cailler c’était une sacrée baraque. Quand il attendait les clients sur le pas de porte de sa boutique, il remplissait totalement l’entrée par son imposante stature. Il avait une femme presque aussi grande et corpulente que lui. C’était une rousse flamboyante. La troisième boucherie c’était la boucherie Steudler qui fabriquait les meilleurs saucissons du canton, ce qui lui avait valu de nombreuses distinctions.

Il y avait également trois boulangeries. Celle du père Ruchti qui s’était spécialisé dans les pâtisseries, celle de la Coopé qui proposait de livrer le pain, les croissants et les boules de Berlin à domicile. Ce service c’était l’affaire de Gaston Romy, un brave homme qui sillonnait le village avec son vélo auquel il avait fixé une charrette à deux roues. Il était courageux, car il fallait parfois aller loin, à plusieurs kilomètres, jusqu’au hameau de Cudret ou au Villaret. Gaston Romy ne ménageait pas sa peine et on le voyait pédaler vaillamment, se mettant parfois debout sur les pédales quand la route montait trop fort. Il servait également de bedeau au pasteur. Le samedi soir, il se rendait à l’église pour nettoyer le plancher, épousseter les bancs et disposer les psautiers le long des rangées pour le culte du lendemain matin. Parfois, il apportait un gros bouquet de fleurs qu’il avait cueilli dans son jardin et qu’il plaçait au centre de l’église sur la table de communion.

Et puis il y avait la troisième boulangerie, celle de la famille Moor qui tenait également un café-restaurant. Quant aux épiceries, elles étaient au nombre de quatre. Pour les courses, inutile de se rendre ailleurs, on avait tout sur place dans la Grand-rue, à quelques pas de chez soi.

Il y avait aussi plusieurs artisans très appréciés des villageois. Le cordonnier qui ressemelait les souliers, parfois plusieurs fois. Il n’était pas question d’acheter de nouvelles chaussures tant que les anciennes tenaient le coup. Le forgeron avait sa forge juste au milieu du village. Tôt le matin les paysans amenaient leur cheval pour remplacer les fers de leurs sabots. Alors toute la Grand-rue sentait la corne brûlée. Deux coiffeurs, un horloger-bijoutier, un ferblantier, deux menuisiers-charpentiers, un quincaillier, un électricien et deux garagistes complétaient la liste des artisans. Puis il y avait les trois institutrices et les deux instituteurs du collège, le dentiste, le docteur et le pasteur qui habitait dans la cure juste à côté de l’église.

Mais les commerces les plus appréciés du village c’était les deux cafés, celui de la famille Moor, mais surtout le café du Bornelet. Il était tenu par la mère Gerber aidée parfois par son fils le Doude. À noter qu’on disait souvent la mère machin et le père truc dès que les personnes dépassaient l’âge canonique de 40 ans.

Le café du Bornelet était le lieu incontournable du village. On y accédait par une volée de marches qui conduisaient d’abord dans le café proprement dit. Derrière se trouvait une grande salle qui servait pour les réunions de sociétés ou pour le repas annuel du chœur d’hommes. Le menu était toujours le même depuis des années : des tripes à la mode neuchâteloise accompagnées de vinaigrette ou de mayonnaise et de pommes de terre rondes.

Le Bornelet était le bistrot préféré des vignerons et de quelques artisans du village. Les habitués avaient leur place attitrée et la mère Gerber les appelait tous par leur prénom. L’hiver, les tâcherons étaient désœuvrés et pour tuer le temps ils se retrouvaient autour de la grande table du café pour taper le carton. Parfois, ils venaient simplement pour boire un coup ou parler avec la patronne. Ils venaient aussi pour lire la Feuille d’Avis, car un abonnement au journal coûtait cher. Une fois qu’ils avaient lu les gros titres et les avis de décès, ils avaient tout lu et ils repliaient le journal. D’autres fois, ils restaient là sans rien dire, regardant le portrait du général Guisan accroché depuis des décennies à l’une des parois. Ils ne pensaient à rien, attendant que le temps passe. Le Bornelet c’était leur deuxième maison. Ils étaient là comme chez eux.

Durant la mauvaise saison, le Doude organisait parfois une soirée musicale avec un petit ensemble d’accordéonistes qui s’appelait « l’Alpen Melodies ». On rigolait bien, on picolait beaucoup. Certains gars tenaient une sacrée pliée. Ils déboulaient en bas les escaliers et se retrouvaient assis devant l’entrée de la belle pissotière à quatre places qu’ils allaient copieusement honorer. On ne pouvait trouver un meilleur endroit pour cet édicule.

Il est vrai que les distractions n’étaient pas nombreuses au village. Il y avait bien la soirée de la fanfare « L’Espérance ». Les musiciens, fraîchement rasés, fiers dans leur costume d’apparat, exécutaient quelques morceaux tonitruants. Au tambour et à la grosse caisse, le Micky Müller se donnait sans compter. Les faussets ne manquaient pas. Le directeur, monsieur Charles Vogel, se contentait de faire une grimace en lançant un regard réprobateur au musicien défaillant. On applaudissait et on criait tout de même bravo à la fin de chaque morceau.