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L’agent de la CIA Asahi Tanaka a grandi avec les récits de son grand-père sur un mystérieux royaume dans lequel la magie et les monstres existent bel et bien. Sa quête pour obtenir des réponses le ramène à Yachats dans l’Oregon, là où il a grandi. Son enquête personnelle sur une série de disparitions lui permet de faire une avancée dans l’affaire, et il se retrouve dans un monde inconnu mais étrangement familier.
Nali, l’impératrice des monstres, est prête à tout pour protéger les créatures dont elle a la charge. Lorsque l’un de ses légendaires dragons des mers s’échoue sur le rivage, grièvement blessé, elle sait que le dernier des aliens venus dans son monde est arrivé dans son royaume. Sa recherche de l’organisme étranger l’amène à faire une découverte inattendue : un autre visiteur, venu de la Terre cette fois !
Un périlleux voyage pour trouver l’alien malveillant conduit Nali et Asahi de l’autre côté de l’île des Monstres, les amenant à une découverte qui changera leurs perceptions et les poussera à s’interroger sur leur place dans l’univers. La magie qui étincelle entre ces deux guerriers de mondes différents suffira-t-elle à détruire la menace ou l’un d’eux devra-t-il être sacrifié pour sauver non seulement les Sept Royaumes, mais aussi la Terre ?
Auteur de renommée internationale, S.E. Smith propose une nouvelle histoire d’action pleine de romance et d’aventure. Débordant de l’humour qui la caractérise, de paysages éclatants et de personnages attachants, il est certain que ce livre deviendra un nouveau favori des fans !
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Seitenzahl: 427
Veröffentlichungsjahr: 2021
Je voudrais remercier mon mari Steve de croire en moi et d'être assez fier de moi pour me donner le courage de suivre mes rêves. J'aimerais également remercier tout particulièrement ma sœur et meilleure amie, Linda, qui non seulement m'a encouragée à écrire mais a également lu le manuscrit. Et également mes autres amis qui croient en moi : Jennifer, Jasmin, Maria, Rebecca, Gaelle, Angelique, Charlotte, Rocío, Aileen, Julie, Jackie, Lisa, Sally, Elizabeth (Beth), Laurelle, et Narelle. Les filles qui m'aident à continuer !
Et un merci tout particulier à Paul Heitsch, David Brenin, Samantha Cook, Suzanne Elise Freeman, Laura Sophie, Vincent Fallow, Amandine Vincent, et PJ Ochlan, les voix fantastiques derrière mes livres audios !
—S.E. Smith
Paranormal Romance
La Tendresse du Monstre
Les Sept Royaumes Tome 8
Copyright © 2021 par Susan E. Smith
Publication E-Book en anglais Septembre 2020
Publication E-Book en français Mai 2021
Traduit Par : Charlotte Spender
Relu Par : Gaëlle Darde
Couverture par : Melody Simmons et Montana Publishing
TOUS DROITS RÉSERVÉS :
Cette œuvre littéraire ne peut être reproduite ou transmise sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, y compris la reproduction électronique ou photographique, en tout ou en partie, sans l'autorisation écrite expresse de l'auteur.
Tous les personnages et événements de ce livre sont fictifs ou ont été utilisés de façon fictive, et ne doivent pas être interprétés comme étant réels. Toute ressemblance avec des personnes vivantes ou décédées, des événements réels ou des organisations est strictement fortuite et n'est pas voulue par l'auteur.
Résumé : L’histoire de la mystérieuse femme qui commande les oiseaux-tonnerre et bien plus encore… l’impératrice des monstres. Un livre pour tous ceux qui aiment les créatures mythiques et les femmes fortes !
ISBN : 9781955158695 (livre de poche)
ISBN : 9781955158688 (eBook)
Romance (amour, contenu sexuel explicite) | Fantasy Dragons & Créatures Mythiques | Contemporain | Paranormal | Action / Aventure | Fantasy
Publié par Montana Publishing, LLC
& SE Smith de Florida Inc. www.sesmithfl.com
Prologue
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
Chapitre 30
Épilogue
Plus de livres et d’informations
À propos de l’auteur
Île des Éléments — créée en premier.
Roi Ruger et reine Adrina
Les élémentaux peuvent contrôler la terre, le vent, le feu, l’eau et le ciel. Leurs pouvoirs diminuent légèrement lorsqu’ils ne sont pas sur leur île.Don de la déesse : la Gemme de Puissance.Île du Dragon — créée en deuxième.
Roi Drago
Contrôle les dragons.Don de la déesse : le Cœur du Dragon.Île du Serpent de Mer — créée en troisième.
Roi Orion
Peut contrôler les océans et les créatures des mers.Don de la déesse : les Yeux du Serpent de Mer.Île de Magie — créée en quatrième.
Roi Oray et reine Magika
Leur magie est extrêmement puissante, mais diminue légèrement lorsqu’ils ne sont pas sur leur île.Don de la déesse : l’Orbe de la Lumière Éternelle.Île des Monstres — créée en cinquième pour ceux trop dangereux ou étranges pour rester sur les autres îles.
Impératrice Nali
Elle peut voir le futur.Don de la déesse : le Miroir de la déesse.Île des Géants — créée en sixième.
Roi Koorgan
Les géants peuvent devenir colossaux quand ils sont menacés, mais seulement lorsqu’ils ne sont pas sur leur île.Don de la déesse : l’Arbre de Vie.Île des Pirates — créée en dernier pour les parias des autres îles.
Roi Pirate Ashure Waves, Gardien des Âmes Perdues
Collectionnent tout ce qui est beau. Féroces et malins, les pirates parcourent les îles pour faire du commerce, négocier et parfois, mettre la main sur des objets intéressants.Don de la déesse : le Chaudron des Esprits.Citation remarquable
« C’est la façon dont nous réagissons à ce qui nous est donné qui définit qui nous sommes et qui nous devenons. »
~Roi Ashure Waves~
L’agent de la CIA Asahi Tanaka a grandi avec les récits de son grand-père sur un mystérieux royaume dans lequel la magie et les monstres existent bel et bien. Sa quête pour obtenir des réponses le ramène à Yachats dans l’Oregon, là où il a grandi. Son enquête personnelle sur une série de disparitions lui permet de faire une avancée dans l’affaire, et il se retrouve dans un monde inconnu mais étrangement familier.
Nali, l’impératrice des monstres, est prête à tout pour protéger les créatures dont elle a la charge. Lorsque l’un de ses légendaires dragons des mers s’échoue sur le rivage, grièvement blessé, elle sait que le dernier des aliens venus dans son monde est arrivé dans son royaume. Sa recherche de l’organisme étranger l’amène à faire une découverte inattendue : un autre visiteur, venu de la Terre cette fois !
Un périlleux voyage pour trouver l’alien malveillant conduit Nali et Asahi de l’autre côté de l’île des Monstres, les amenant à une découverte qui changera leurs perceptions et les poussera à s’interroger sur leur place dans l’univers. La magie qui étincelle entre ces deux guerriers de mondes différents suffira-t-elle à détruire la menace ou l’un d’eux devra-t-il être sacrifié pour sauver non seulement les Sept Royaumes, mais aussi la Terre ?
Auteur de renommée internationale, S.E. Smith propose une nouvelle histoire d’action pleine de romance et d’aventure. Débordant de l’humour qui la caractérise, de paysages éclatants et de personnages attachants, il est certain que ce livre deviendra un nouveau favori des fans !
Des siècles auparavant,
L’île des Monstres :
Les minuscules fées des roses voletèrent avec excitation. Un portail était apparu près du vieux saule et elles pouvaient y voir l’espace profond. Une gracieuse femme dorée se matérialisa alors dans l’ouverture. C’était la déesse !
Les fées s’accrochaient aux branches du magnifique vieux saule, blotties derrière le couvert de ses nombreuses feuilles, et l’épiaient avec curiosité. La plus courageuse des graciles fées vertes s’approcha tandis que la femme s’agenouillait et déposait un paquet de tissu coloré sur le sol. Lorsque la minuscule fée voleta d’avant en arrière, essayant de mieux voir, la femme dorée leva la tête et sourit.
— Veillez sur elle, l’enjoignit la déesse d’une voix mélodieuse.
— Nous le ferons, promit la fée.
Elle se posa à côté du paquet aux couleurs vives, et la déesse sourit.
— Comment t’appelles-tu ?
— Palissandre, Votre Majesté, répondit la fée avec une petite révérence.
— Merci, Palissandre, dit la déesse avant de disparaître.
Bouche bée, Palissandre regarda fixement l’endroit à présent désert où s’était tenue la déesse un instant plus tôt. Puis elle s’envola et alla se poser sur le paquet. Un petit rire nerveux lui échappa lorsque la créature qu’il contenait remua. Un chœur de petits cris s’éleva des branches bercées par la douce brise.
— Fais attention, Palissandre, lança une fée.
— Tu ne sais pas ce que c’est, la mit en garde une autre.
Palissandre chassa les inquiétudes des fées d’un impatient geste de la main. La déesse lui avait confié une tâche et elle n’échouerait pas.
La créature bougea de nouveau et un pli de l’étoffe tomba sur le côté, révélant le visage foncé et rond d’un nourrisson aux grands yeux marron tachetés d’or. Des boucles brunes dépassaient de la couverture. La bouche du nourrisson s’ouvrit, ses yeux se plissèrent et ses lèvres se tordirent. L’espace d’un instant, Palissandre crut que le bébé allait se mettre à pleurer. Finalement, le nourrisson éternua bruyamment et roucoula de plaisir.
Palissandre sourit.
— Dans le jardin de roses du palais, j’ai surpris une conversation entre l’impératrice et l’empereur, qui souhaitaient avoir un bébé, une petite fille à nommer Nali. Ce doit être elle. La déesse a répondu à leurs prières, annonça-t-elle, émerveillée.
— Quel genre de monstre est-elle, Palissandre ? demanda une autre fée en voletant au-dessus du bébé.
Palissandre examina minutieusement la créature, pencha la tête puis haussa les épaules.
— Est-ce important ? C’est Nali, notre future impératrice.
Elle sourit devant le nombre croissant de fées qui se regroupaient autour du bébé, toutes curieuses de voir la créature qui serait un jour l’impératrice de l’île des Monstres.
Il y a vingt-six ans,
Yachats, Oregon :
Accroupi derrière le long sofa, Asahi Tanaka, âgé de sept ans, jeta un coup d’œil curieux et grimaça lorsque son père partit en claquant la porte d’entrée. Asahi s’était caché pour écouter la conversation entre son père et l’homme qui s’était présenté comme Aiko, son grand-père.
Ils rentraient tout juste de l’enterrement de Baba, cette journée était donc déjà assez difficile sans que la colère de son père éclate, mais dès l’instant où Hinata Tanaka était entré dans la maison, il s’était mis à crier contre Aiko. La conversation s’était rapidement envenimée, principalement à cause du refus de son père d’écouter les explications d’Aiko concernant ce qui lui était arrivé et où il était allé.
Asahi pencha la tête en entendant les pneus de la voiture de sport de son père crisser. Une fois encore, son père l’avait oublié. Baba, la grand-mère d’Asahi, aurait été contrariée si elle était encore en vie. Elle se plaignait toujours que son père roulait trop vite sur les routes étroites et sinueuses de la région.
Penser à sa grand-mère lui fit monter les larmes aux yeux. Lorsqu’une larme s’échappa du coin de son œil et roula sur sa joue, il leva une main et l’essuya. Baba l’aurait grondé si elle l’avait vu la pleurer.
— Asahi, je sais que tu es là. Montre-toi, s’il te plaît, ordonna l’homme assis dans le fauteuil.
Le petit garçon sortit lentement à quatre pattes de derrière le sofa puis se leva. Il planta son regard sur l’homme qui semblait presque avoir le même âge que son père. Ils se ressemblaient tant qu’Aiko et son père auraient pu être pris pour des jumeaux.
— Viens, assieds-toi pour que l’on puisse parler, demanda doucement Aiko Tanaka.
Asahi carra les épaules et redressa la tête. En silence, il se dirigea vers le fauteuil préféré de sa grand-mère et y prit place. Les napperons d’un blanc immaculé qu’elle avait crochetés drapaient chaque accoudoir recouvert de garniture verte au motif floral. Il déglutit et resta immobile tandis que son grand-père l’étudiait.
Aiko soupira et baissa les yeux vers la photographie qu’il tenait. Le regard d’Asahi se posa à son tour sur le cliché. C’était une vieille photographie de Baba, de son père enfant et d’Aiko… et Aiko n’avait pas pris une ride.
— Comment… tu peux être pareil ? interrogea-t-il d’une voix hésitante.
Aiko lui sourit.
— C’est une longue histoire, une histoire que j’aurais aimé raconter à ta Baba, et une histoire que je raconterai plus en détail à ton père s’il le permet. J’aimerais te raconter mon histoire si tu souhaites l’entendre.
Asahi hocha avidement la tête.
— Oui. J’adore les histoires. Baba m’a raconté plein d’histoires, répondit-il timidement.
Cela fit rire Aiko, et il se carra dans son siège.
— Ta grand-mère était une conteuse de talent. Elle aurait adoré cette histoire. Mon histoire commence par un matin brumeux il y a quarante ans…
Émerveillé, Asahi écouta son grand-père parler de son incroyable voyage dans un autre monde, un monde magique peuplé de dragons, de géants, de sorcières, de pirates… et de monstres. Les merveilles des Sept Royaumes enflammèrent l’imagination d’Asahi.
La nuit tomba tandis qu’ils finissaient de dîner. Son grand-père s’arrêta et le regarda en silence, puis pivota sur sa chaise, ouvrit un sac qui y était suspendu et en sortit une dague ouvragée. Le sommet de son manche s’ornait d’un petit lion ailé en or. Aiko la tenait avec tendresse dans ses mains.
Fasciné, Asahi regarda les étranges symboles en relief dans l’épais cuir de la gaine. Son grand-père posa la dague sur la table devant lui et la désigna du menton. Le regard d’Asahi ne quittait pas le lion richement détaillé du manche.
— Cette dague est un cadeau d’une amie chère à mon cœur. Pendant des années, j’ai rêvé de la donner à ton père, mais je ne savais pas si je renterais un jour à Yachats, expliqua doucement Aiko.
Asahi pencha la tête sur le côté.
— Baba disait que père n’appréciait pas toujours les choses qu’il recevait comme il le devrait. Tu manquais à Baba. J’aimais bien quand elle me racontait des histoires sur toi, avoua-t-il.
Aiko sourit et poussa la dague vers lui.
— Alors c’est à toi que je vais donner cette dague magique.
Un coup à la porte empêcha Asahi de répondre. Il attendit qu’Aiko soit dans le salon pour faire courir ses doigts sur le manche de la dague. Une onde de surprise le traversa quand la poignée incrustée de pierres rouges se mit à briller. Il retira brusquement sa main.
Le cri de refus rauque de son grand-père le fit bondir sur ses pieds. Asahi se dirigea vers l’ouverture entre la cuisine et le salon. Il jeta un coup d’œil à l’angle du mur afin de voir qui se trouvait à la porte. Son cœur se mit à tambouriner dans sa poitrine à la vue de l’officier de police qui parlait à Aiko.
— Où est-ce arrivé ? demanda son grand-père d’une voix tremblante.
— Le long de la Route 101. Il semblerait qu’il ait perdu le contrôle dans le virage et qu’il ait heurté la glissière de sécurité. Sa voiture a basculé par-dessus le talus et est tombée de la falaise. Quelqu’un a déclaré l’avoir vue en bas. Il est mort sur le coup. Je suis désolé, expliqua le policier.
— Non, murmura Asahi.
Les larmes qui coulaient le long de son visage reflétaient celles de son grand-père. De la colère l’envahit.
— Asahi…, commença son grand-père.
— C’est leur faute, murmura-t-il.
L’officier de police le regarda et fronça les sourcils.
— La faute de qui, fiston ? interrogea-t-il.
Asahi regarda son grand-père.
— Des monstres. S’ils t’avaient pas enlevé, t’aurais été là pour Baba et père. Ils n’auraient pas dû t’enlever. C’est à cause d’eux que Baba et père sont morts, marmonna-t-il farouchement.
Il n’attendit pas que le policier ou son grand-père répondent. Rien de ce qu’ils diraient ne ramènerait sa grand-mère ni son père. Il retourna au pas de charge dans la cuisine, saisit la dague sur la table et un torchon sur le plan de travail, et sortit de la maison par l’arrière.
Les larmes sur son visage se mêlèrent au brouillard humide alors qu’il s’élançait sur le chemin inégal qui conduisait dans la forêt derrière leur maison. Lorsqu’il se fut éloigné d’une centaine de mètres, il s’arrêta et prit plusieurs inspirations tremblantes puis essuya son visage du revers de sa manche.
Un affleurement rocheux où il avait souvent joué se dressait près du chemin. Il s’y dirigea, se laissa tomber sur le sol et posa la dague de son grand-père et le torchon à côté de lui.
Quelques minutes lui furent nécessaires pour dégager la terre qu’il avait entassée à côté de l’un des rochers. Il tâtonna le sol jusqu’à trouver la large pierre qui recouvrait sa cachette. Il fit jouer la pierre pour la dégager, la poussa sur le côté et plongea une main dans le petit trou qui renfermait les trésors qu’il avait accumulés au cours de l’année. Il prit les pierres, les coquillages et un assortiment de jouets qu’il avait cachés dans le creux, et les jeta sur le côté.
Asahi enroula soigneusement la dague dans le torchon avant de la glisser à l’intérieur du trou. Il replaça la pierre dessus et la cacha en la recouvrant de cailloux et de terre.
Lorsqu’il fut certain que personne ne trouverait jamais la dague, il retourna sur le chemin. L’épais brouillard s’était transformé en pluie fine, qui trempa la chemise et le pantalon habillés qu’il avait portés à l’enterrement. Des taches de terre les maculaient, mais cela lui était bien égal.
Asahi retourna lentement vers la maison, grelottant autant de froid que sous l’effet du choc. Son grand-père l’attendait, debout dans l’embrasure de la porte. Il s’arrêta et ils se dévisagèrent en silence pendant une minute avant qu’Aiko ne sorte de la maison et ne s’avance sous la pluie pour venir se tenir devant lui.
Il trembla quand son grand-père posa une main chaude sur son épaule.
— Nous repartirons de zéro, Asahi. Yachats porte trop de souvenirs pour nous deux, annonça-t-il doucement.
— J’ai pris ton couteau magique et je l’ai caché, avoua Asahi.
Aiko montra sa compréhension d’un signe de tête.
— Alors tu sauras où le trouver quand tu seras prêt.
Asahi accepta l’étreinte d’Aiko et la lui rendit. Des sanglots silencieux le secouaient. Il ne put s’empêcher de se demander si la pluie était les larmes de Baba qui pleurait avec lui.
Dans le présent,
Île des Monstres :
Asahi reprit brusquement connaissance. Il fronça les sourcils en voyant la voûte d’arbres inconnus au-dessus de lui et non le ciel de l’Oregon comme il s’y attendait. Il fléchit les doigts, remarquant qu’au lieu de sable, ils rencontrèrent une douce mousse. Des couleurs vives et étrangères emplirent sa vision.
Lentement, il examina les alentours, puis força son corps à bouger. Asahi découvrit rapidement que se redresser en position assise n’était pas chose aisée quand le monde tournoyait autour de lui. Il appuya son front contre ses genoux alors que des points noirs dansaient devant ses yeux.
Il prit plusieurs profondes inspirations jusqu’à être certain qu’il ne s’évanouirait pas. Dès qu’il leva la tête et regarda autour de lui, ses soupçons qu’il ne se trouvait plus sur la plage dans le parc d’État de Yachats, ni même sur Terre, se confirmèrent rapidement.
— Ruth, appela-t-il doucement.
Il poussa contre le sol, chancelant tandis qu’une autre vague de vertige déferlait en lui. Il se pencha en avant, les mains sur les cuisses, et attendit qu’elle passe. Il dut respirer profondément pendant plusieurs minutes avant de retrouver assez l’équilibre pour se redresser.
Le sort avait fonctionné. Il se trouvait désormais dans une forêt étrangère. De grands arbres, pour beaucoup de la taille des séquoias géants de la Terre, le surplombaient. Contrairement aux arbres de chez lui, ceux-ci possédaient de longues branches, ornées de feuilles rouge sang, qui montaient en spirales vers les cieux et se divisaient ensuite en immenses rameaux. Leurs troncs d’un rouge plus foncé semblaient composés de dizaines de petits arbres qui se seraient enroulés les uns autour des autres en poussant. L’effet général était à couper le souffle… et assurément extraterrestre.
Il avait atteint le monde des Sept Royaumes. Il semblait néanmoins que Ruth n’était pas avec lui. Magna, une ancienne habitante des Sept Royaumes, avait donné le sort à Ruth et c’était cette dernière qui l’avait prononcé, mais il était indéniable qu’Asahi était seul.
Des plantes grimpantes bleues, vertes et jaunes, certaines chargées de fruits, s’accrochaient aux troncs des arbres. Il recula de plusieurs pas chancelants quand il vit un petit mammifère velu d’un violet bleuté sortir à toute vitesse d’un trou dans le tronc et attraper un fruit jaune avec deux de ses six appendices. La créature se tourna et le regarda avec méfiance. Elle cligna alternativement de ses six yeux avant de rapprocher le fruit de sa poitrine. L’animal remua nerveusement sa longue et fine queue couverte de plusieurs touffes volumineuses de poils violets puis retourna dans son nid. Asahi sourit en se remémorant le nom du mammifère.
— Une souris arboricole à queue violette, murmura-t-il.
Il plongea une main dans la poche latérale de son pantalon cargo noir et toucha son journal, qui contenait les informations racontées par son grand-père au fil des ans. Baissant les yeux vers le sol, il poussa un soupir soulagé à la vue du sac noir qu’il portait à l’épaule avant d’apparaître ici. Il n’avait pas été certain qu’il serait aussi téléporté.
Mettant un genou à terre, il ouvrit le sac. Un rapide inventaire lui apprit qu’il contenait encore tout ce qu’il y avait mis. La première chose qu’il en sortit fut son neuf millimètres et l’étui d’épaule. Il passa le harnais par-dessus son épaule, revérifia que son pistolet était chargé et que la sécurité était mise avant de le mettre dans l’étui, qu’il referma vivement.
Puis il prit un sac poubelle en plastique blanc dans lequel se trouvait un torchon sale, qui enveloppait la dague qu’il avait cachée vingt-six ans plus tôt. Il ouvrit le torchon et la regarda. Elle semblait aussi immaculée que le jour où il l’avait cachée.
Des pépiements attirèrent à nouveau son attention sur l’arbre. Près d’une dizaine de souris arboricoles à queue violette se goinfraient maintenant des fruits jaunes.
Il scruta une fois encore les alentours à la recherche du moindre signe indiquant la présence de Ruth. Aucune empreinte n’était visible. Même s’il ne connaissait Ruth que depuis peu, il était certain qu’elle ne se serait pas éloignée si elle était ici.
Gardant la dague sortie, il remit le torchon et le sac en plastique dans son sac noir, le referma et se releva.
Chaque chose en son temps. Il devait d’abord trouver un abri, faire le point sur l’endroit où il se trouvait et décider que faire ensuite. S’il avait raison et que les créatures étaient bien des souris arboricoles à queue violette, il se trouvait alors sur l’île des Monstres. Son journal contenait une carte approximative de l’île. Son grand-père avait un jour visité le royaume, mais jamais il ne s’était aventuré au-delà de la capitale.
Asahi se pencha en avant, prit le sac et passa la bandoulière en travers de son torse. D’après l’angle des rayons lumineux qui perçaient la canopée, il supposait que c’était le milieu de la journée. Il aurait quelques heures pour se trouver un endroit sûr où passer la nuit. La température était modérée pour l’instant, mais il soupçonnait qu’elle chuterait au coucher du soleil.
— Je pense qu’il n’est pas question de dormir dans les arbres cette nuit… du moins pas celui-ci, songea-t-il en secouant la tête devant la colonie de minuscules créatures violettes.
Il ferma les yeux et écouta attentivement les bruits qui l’entouraient. Le gazouillis des oiseaux se mêlait au bourdonnement des insectes et aux pépiements des souris arboricoles à queue violette. Un autre bruit venant de sa droite filtrait à travers ces sons : celui d’un cours d’eau.
Asahi rouvrit les yeux et se tourna dans cette direction. De l’eau signifiait une rivière ou un lac, qui pouvait le mener à un village ou à la côte. Il ouvrit sa ceinture et en glissa l’extrémité à travers la gaine de la dague puis referma la boucle, et fit rouler ses épaules pour en apaiser la tension avant de se mettre en route en direction de l’eau. Si Ruth se trouvait dans les parages, il espérait qu’elle ferait de même.
Palais de Nali,
Dans les chambres souterraines :
— Maîtrisez-la. Que personne d’autre que les gargouilles ne s’approche d’elle. Voyez si Denae peut faire quelque chose pour apaiser sa douleur, ordonna Nali en sortant de la pièce de détention de haute sécurité.
— Oui, Impératrice, répondit Di.
Nali regarda à travers l’épaisse plaque de diamant qui constituait la fenêtre. La pièce avait été renforcée et scellée afin que l’alien ne puisse s’échapper. Elle posa une main contre la porte en acier de trente centimètres d’épaisseur tout en étudiant la femelle dragon des mers qui souffrait dans la cuve. Deux gargouilles surveillaient la créature.
— Puis-je faire quelque chose, Impératrice ? demanda son vieux gardien.
Nali secoua la tête.
— Non, Pai. C’est quelque chose que je dois faire seule, murmura-t-elle.
L’hippogriffe secoua la tête et fit claquer son bec. Elle le regarda et sourit devant sa désapprobation évidente.
— Tes parents…, commença-t-il avant de refermer son bec.
— Auraient insisté pour que tu m’accompagnes. Je comprends ton inquiétude, Pai, mais mes parents n’ont jamais eu à affronter une telle chose, dit-elle avant de se retourner vers la fenêtre. Elle se fait torturer par l’alien qui est en elle.
Pai se rapprocha, les longues serres de ses pattes avant cliquetant contre le sol de pierre polie. Nali leva une main et caressa doucement les plumes de son encolure. Pai était son gardien depuis toujours et elle appréciait ses nombreuses années d’amitié et de loyauté inébranlables.
— Je peux ordonner l’exécution de la femelle dragon des mers. Je veillerai à ce qu’elle ne souffre pas, proposa Pai. Ce serait plus clément.
Elle secoua la tête et murmura :
— Pas encore. Denae peut peut-être extraire l’alien de la pauvre créature sans la tuer.
Nali remonta vers les niveaux supérieurs du palais, Pai lui emboîtant le pas. Des soldats gargouilles se mirent au garde-à-vous à son passage. Elle inclina la tête pour saluer chacun d’eux, alors même que ses pensées étaient focalisées sur son problème.
— Nali, s’il y a un autre alien, il est préférable que je t’aide à le chercher. Tu as besoin de ma vue supérieure, tenta de l’amadouer Pai.
Nali gloussa et soupira.
— Tu ne comptes pas abandonner, n’est-ce pas ? demanda-t-elle en s’arrêtant pour lui faire face.
Pai pencha la tête comme s’il réfléchissait à sa question avant de la secouer.
— Non, répondit-il d’un ton taquin.
L’expression de Nali s’adoucit lorsqu’elle vit l’inquiétude qu’il ne prit pas la peine de masquer. Elle remarqua également ses plumes grisonnantes et sa démarche boitillante. Les compétences expertes de Pai seraient utiles, mais elle s’inquiétait pour sa santé. Il n’était plus le jeune hippogriffe fringant qu’il avait été un siècle auparavant.
— Tu sais ce dont est capable l’alien. Tu as été témoin de ce qui se passera s’il entre dans ton corps. Nous ne savons toujours pas comment il fait ça. J’espère que Denae pourra nous le dire. Tu sais aussi que tu n’auras pas la même protection que moi, Pai, prévint Nali, sachant déjà qu’elle céderait à sa demande de l’accompagner.
— Et que se passera-t-il s’il te prend par surprise avant que tu ne te transformes ? Qui sera là pour te protéger ?
— Toi, bien sûr ! Penses-tu vraiment que je ne sais pas quand tu me suis… même quand cela va à l’encontre de mes ordres ? répondit-elle en agitant la main.
Cela fit rire Pai.
— Je dois me faire vieux. Par où commençons-nous ?
— Nous commençons là où le dragon des mers s’est échoué, déclara-t-elle.
Nali monta en flèche dans les airs et fendit un nuage, ses ailes largement déployées, laissant une fine traînée de brouillard tourbillonnant derrière elle. Pai volait à ses côtés, ses yeux perçants scrutant la côte. Ils n’étaient pas loin de la zone où la femelle dragon des mers blessée s’était échouée.
— Impératrice, quelque chose bouge près des rochers à environ huit cents mètres au nord, lança Pai.
Nali obliqua vers le nord, perdant lentement de l’altitude afin de mieux voir. Une ligne de rochers se dressait à la surface de l’eau, protégeant l’une des nombreuses plages de sable noir qui bordaient cette partie de la côte. Près de ces rochers, elle vit un dragon des mers qui luttait dans l’écume.
— Ne t’approche pas, Pai, le prévint-elle.
Elle replia ses ailes contre son corps et plongea vers la plage. Se redressant à la dernière seconde, elle atterrit sur ses pieds. Sa peau et ses vêtements durcirent jusqu’à devenir du marbre noir lisse et souple. Ses pieds s’enfonçaient dans les fins grains de sable noirs, ses empreintes disparaissant derrière elle à mesure qu’elle avançait vers le dragon des mers. Il gisait sur la plage, le bas de son corps encore dans les vagues.
Elle pinça les lèvres afin de retenir son cri révolté qui aurait attiré Pai sur la plage. Le dragon des mers était ouvert de sa nageoire avant jusqu’à la pointe de sa queue. La blessure était large et béante, révélant les os et les organes internes. C’était un miracle qu’il ait réussi à atteindre le rivage.
Nali roucoula doucement tout en s’approchant, mettant la belle créature en transe. Ses écailles, généralement d’un rouge vif, étaient pâles et ternes, signe que sa force vitale le quittait. Le mâle tourna la tête vers elle et émit un hennissement à peine audible. Elle s’agenouilla à côté de lui dans le sable humide et posa sa tête tendrement sur ses genoux.
— Je suis tellement désolée de ne pas avoir pu te protéger, murmura-t-elle en caressant sa fine mâchoire.
Les paupières du dragon des mers s’affaissèrent et il frissonna. De rares larmes coulèrent aux coins des yeux de Nali, qui serrait contre elle la créature mourante. Seuls une grande tragédie et un profond chagrin pouvaient faire couler les larmes d’une gargouille. Elle se pencha en avant et posa sa tête contre le mâle.
— Je t’en prie, il faut que je sache ce qui t’est arrivé avant de te laisser partir, murmura-t-elle.
Sa demande fit de nouveau frissonner le dragon des mers. Elle ferma les yeux alors que les images des dernières minutes vécues par le mâle se formaient dans son esprit grâce au lien établi avec la bête. Lorsque la peur de la créature lui parvint, elle prit une profonde inspiration et caressa doucement la nageoire entre les oreilles du dragon des mers.
Le liquide noir vivant s’était élevé des profondeurs de l’océan. De longs tentacules avaient attaqué les jeunes avant qu’ils ne parviennent à se libérer et à s’enfuir. L’alien avait d’abord attaqué la femelle. Quand le mâle s’était élancé pour la défendre, le second alien avait frappé.
Les images s’évanouirent avant qu’elle ne puisse voir ce qui s’était passé ensuite. Les blessures du dragon des mers étaient trop graves et elle le sentait s’éloigner d’elle. Elle leva les yeux et regarda le ciel. Au-dessus d’elle, Pai montait la garde.
Nali baissa la tête et caressa tendrement le jeune étalon avant de murmurer une simple incantation. Sa magie enveloppa le dragon des mers, entourant le corps de cette créature autrefois magnifique d’une vive lumière blanche. Lorsque la lumière disparut, il ne resta plus qu’une unique pierre précieuse brillante, et elle était seule sur la plage.
Nali prit la pierre et la serra contre son cœur. Puis elle se leva et regarda l’océan. Pai descendit et se posa près d’elle.
— As-tu appris quelque chose ? demanda-t-il doucement.
— Il y avait deux aliens. Nous en avons un. Le second s’est échappé. Le dragon des mers… il est mort avant de pouvoir tout me montrer, répondit-elle à voix basse.
— J’ai remarqué des traces qui partaient dans la forêt. Elles appartiennent à un troll, l’informa Pai.
Nali serra la mâchoire. Les deux qui avaient trouvé le premier dragon des mers avaient heureusement gardé leurs distances et envoyé un message au palais, mais ce troll-là n’avait peut-être pas été aussi prudent.
— Il fera bientôt nuit. Nous devons aller au village des trolls pur découvrir qui était là. Nous pouvons passer la nuit là-bas puis nous reprendrons notre voyage au matin.
— De la fumée s’élève de cheminées le long de la rivière à quelques kilomètres dans les terres, répondit Pai.
Nali hocha la tête. Elle tourna la main et regarda la pierre rouge qui contenait l’essence du dragon des mers. Pai resta immobile et silencieux lorsqu’elle entra dans l’eau et attendit qu’une vague vienne lécher le rivage. Elle s’agenouilla et lâcha la pierre dans le flot qui repartait, le regardant l’emporter avec lui. Avec un profond soupir de chagrin, elle se redressa et fit face à Pai.
— Allons-y. J’ai un alien à tuer, déclara-t-elle d’un ton aussi dur que sa peau d’ébène.
Asahi s’assit sur un affleurement rocheux qui surplombait la rivière et regarda la première lune se lever au-dessus des arbres, suivie peu après par la seconde. Un sentiment de paix l’envahit et il se concentra sur cette émotion, comme le lui avait appris son grand-père. Cette méditation simple l’aida à maîtriser les vagues résiduelles de vertige.
Il sortit sa veste de son sac, l’enfila et la ferma. Ses pensées revinrent à Ruth Hallbrook. Il espérait de tout cœur qu’elle avait survécu à son voyage à travers le portail, si elle l’avait effectivement traversé. Toute la journée, il avait cherché des traces de sa présence, sans succès.
Il étudia les environs. Il avait suivi le cours d’eau qui serpentait vers le sud dans l’espoir qu’il déboucherait sur la côte.
Alors que l’après-midi avait laissé place au début de soirée, Asahi avait commencé à chercher un endroit où monter un camp. Il avait finalement choisi la plateforme rocheuse sur laquelle il se détendait à présent. Il avait eu besoin de traverser la rivière, mais cela n’avait pas été un problème grâce aux ponts naturels formés par l’accumulation de rochers et de débris qui avaient été charriés par le courant.
Un mouvement de l’autre côté de la rivière attira son regard. Une dizaine de petits animaux à poils longs émergèrent de la forêt.
Il s’avère que j’ai bien choisi où passer la nuit, pensa-t-il.
Les animaux rayés brun et jaune avaient environ la taille et la carrure de wombats, mais leurs marques ressemblaient à celles des zèbres. Plusieurs jeunes grognèrent de plaisir et coururent au-devant des adultes vers l’eau. Un petit rire lui échappa lorsqu’ils commencèrent à s’éclabousser.
Il recula jusqu’à être adossé à la roche. Quelque chose s’enfonça dans ses côtes et il se souvint de la dague à sa taille. Il ajusta la gaine afin de ne pas être gêné et se détendit. Le bruit de bois qui se brisait et les cris d’avertissement provenant de la famille d’animaux aux rayures jaunes attirèrent de nouveau son attention de l’autre côté de la rivière.
Une créature semblable à un ours et de la taille d’un éléphant émergea de la forêt à une centaine de mètres des mammifères qui ressemblaient à des wombats. Le grognement sourd de l’ours eut pour effet de chasser de l’eau à la vitesse de l’éclair les jeunes, qui retournèrent dans le couvert de la forêt en poussant des cris d’inquiétude stridents. Les adultes adoptèrent des postures défensives, mais l’ours se contenta de secouer la tête et de se diriger d’un pas tranquille vers la rivière. L’immense bête pataugea et s’immergea dans l’eau qui coulait doucement, posant sa tête sur un rocher bien placé avec un soupir de contentement.
Asahi émit un petit rire. Les adultes rayés mirent quelques minutes à se détendre. Lorsque ce fut le cas, les jeunes revinrent avec prudence à la rivière, tempérant leur enthousiasme.
— Ce monde est incroyable, grand-père, murmura Asahi.
Aussi insolite que fût la forêt au cours de la journée, elle était encore plus spectaculaire la nuit. Des plantes et des insectes bioluminescents apparaissaient à mesure que la soirée avançait. Il ne fit pas de feu pour plusieurs raisons. Il ne voulait surtout pas attirer l’attention sur son emplacement. En outre, il ne voulait pas non plus que quoi que ce soit affecte sa vision nocturne.
L’air fraîchissait à mesure que le soleil disparaissait à l’horizon. Avec un soupir las, il plongea encore une fois la main dans son sac et en ressortit cette fois une fine couverture thermique. Après avoir fermé le sac, il l’ajusta afin de s’en servir comme d’un oreiller puis s’allongea et se couvrit. Il avait le sommeil léger, une habitude qui jouait en sa faveur, car il allait devoir rester sur ses gardes.
Sur le dos, il regarda les lunes et se demanda s’il était sage d’accomplir la dernière volonté de son grand-père. Après tout, rien ne garantissait qu’il parviendrait à retourner sur Terre, et s’il y arrivait, il ignorait en quelle année ce serait. Il avait pris des précautions, veillant à ce que certains objets soient transmis en héritage. Néanmoins, serait-il prêt à s’acclimater à un monde qui aurait continué d’évoluer pendant quarante ans ou plus ? Il ne connaissait que trop bien les difficultés auxquelles avait fait face son grand-père.
Il toucha le manche de sa dague, y puisant du réconfort. Une intense fatigue l’attirait dans ses limbes. Ses paupières s’abaissèrent. Le clapotis de la rivière et le bourdonnement des insectes le bercèrent, le plongeant bientôt dans un sommeil léger mais reposant.
Le village des trolls :
Nali et Pai atterrirent au cœur d’un cercle de huttes massives au toit de chaume. Une grande activité régnait visiblement au cœur de la petite communauté encore quelques minutes plus tôt, mais les trolls s’étaient arrêtés pour regarder son arrivée. Elle considéra le groupe. Ils la dominaient largement, alors qu’elle-même n’était pas petite.
— Qu’est-ce qui vous amène dans notre humble village, Impératrice ? demanda Zemma, l’Ancienne, en s’avançant.
Elle portait une magnifique tunique brodée et tenait un long bâton sculpté. Nali se transforma en sa forme plus souple et salua l’Ancienne.
— Je crains que ce ne soit un sujet d’une grande importance, Zemma.
Celle-ci la regarda avec inquiétude.
— Bien sûr, Impératrice. Suivez-moi.
— Pai, fais le tour du village. Si tu trouves quoi que ce soit, ne tente rien, le prévint-elle à voix basse.
— Oui, Impératrice, répondit l’hippogriffe.
Nali suivit Zemma jusqu’à une cabane longue centrale. Tout en montant les marches, elle étudia les alentours. Zemma franchit les portes ouvertes et pénétra dans l’espace joyeux. Trois longues rangées de tables, toutes aussi grandes que Nali, se dressaient, perpendiculaires à une quatrième qui siégeait sur une estrade peu élevée. Les tables au centre étaient flanquées de bancs tandis que des chaises individuelles entouraient la table sur l’estrade.
Zemma marqua une pause et lança un regard inquiet aux bancs et aux chaises puis à l’impératrice. Il était facile de voir à quoi pensait l’Ancienne. Nali lui offrit un sourire rassurant et lui fit signe de s’asseoir.
— Si vous vous asseyiez, nous serions un peu plus au même niveau, suggéra Nali.
— Oui, merci, Impératrice, dit Zemma avec un soupir avant de s’asseoir lentement sur le banc. J’ai peur que les années n’aient fini par me rattraper.
— Comment vont les trolls ? Avez-vous besoin de quoi que ce soit ? s’enquit poliment Nali.
Zemma lui sourit.
— Les trolls vont bien, merci de votre sollicitude, Impératrice. Cependant, je crois que votre visite implique un problème plus urgent. Cela a-t-il à voir avec Elderberry et Dew, les trolls qui ont trouvé le dragon des mers ?
Nali acquiesça d’un signe de tête.
— Oui. J’aimerais leur parler et je crois qu’il y a également un troisième troll. Nous avons découvert un autre dragon des mers, un mâle mortellement blessé. Pai a vu des empreintes de troll à proximité, expliqua-t-elle.
— J’ignorais qu’il y en avait un autre.
L’Ancienne leva son bâton et frappa rapidement à deux reprises sur le sol en bois. Un garde apparut immédiatement.
— Trouve Dew et Elderberry, et dis-leur que je souhaite leur parler. Trouve également qui d’autre est allé chasser récemment, ordonna Zemma.
— Oui, Ancienne, dit le garde en inclinant la tête.
Zemma reporta son attention sur Nali et lui demanda doucement :
— Mes trolls sont-ils en danger, Impératrice ?
Nali tendit une main et la posa sur celle de Zemma, qui trembla sous la sienne. Elle ne mentirait pas à l’Ancienne.
— Notre île court un grand danger. Je crois que le même genre d’alien qui a attaqué la sorcière des mers et l’île de Magie se trouve maintenant sur l’île des Monstres. Vos trolls étaient les premiers à avoir rencontré la créature. Il est impératif que je leur parle, expliqua-t-elle.
Zemma hocha la tête.
— Les trolls feront tout ce que vous demanderez, Impératrice.
— Ancienne, Dew et Elderberry sont là, annonça le garde.
La peau de Nali reprit la texture de la pierre d’une gargouille tandis qu’elle se tournait vers les deux trolls qui entraient. Elle scruta leurs yeux à la recherche d’une trace des ombres noires tourbillonnantes qu’elle avait remarquées dans ceux de Magna. Deux paires d’yeux d’un bleu limpide la regardèrent avec un mélange de crainte émerveillée et de nervosité, puis Dew baissa la tête.
— Vous souhaitiez nous parler, Ancienne ? s’enquit Elderberry.
— Pas moi mais l’impératrice Nali, répondit Zemma en la désignant d’une main.
— C’est vous qui avez découvert le premier dragon des mers, c’est bien ça ? interrogea Nali.
— Oui, Impératrice. On avait prévu de pêcher dans la crique. C’est Dew qui a remarqué le dragon des mers en premier. Il luttait dans les vagues. On n’avait encore jamais vu de dragon des mers si loin au nord et jamais aussi près du rivage. Dew a senti que quelque chose n’allait pas et a affirmé qu’on devrait alerter le palais, répondit Elderberry.
Nali regarda Dew. Il était jeune, et à en juger par la façon dont il gardait les yeux baissés vers le sol, elle sentait qu’il était timide. Elle s’approcha de lui, tendit doucement la main et lui toucha le menton, le forçant à établir un contact visuel. Ses yeux étaient limpides, elle en était certaine.
— Qu’as-tu senti, Dew ? demanda-t-elle doucement.
Le jeune troll regarda Elderberry avec une expression affligée, presque implorante. Nali se retint de souffler d’impatience. Les trolls étaient des créatures revêches qui ne se confiaient pas aux étrangers, elle le savait, mais ce n’était pas le moment de garder des secrets, elle fut donc reconnaissante quand Elderberry encouragea silencieusement Dew à parler d’un geste de la main. Celui-ci la regarda avec une expression résignée.
— Je… Je… p-peux sen-sentir des ch-cho-choses, comme le dan-danger. Le dr-dragon des me-mers avait une au-aura r-r-rouge sang, bégaya Dew.
— Dew est l’un de nos trolls les plus talentueux. Sa capacité à sentir le danger a sauvé beaucoup d’entre nous d’une blessure ou de la mort, ajouta Zemma.
Nali opina de la tête.
— Il y avait un autre dragon des mers un peu plus au nord. Mon garde a vu des empreintes de trolls qui s’en éloignaient. Y avait-il un autre troll avec vous ? s’enquit-elle.
Elderberry fronça les sourcils et secoua la tête.
— Non, il n’y avait que Dew et moi.
Dew secoua la tête à son tour.
— J-j’ai vu… Med-Medjuline d-dans… les bois.
Nali regarda Zemma.
— Où est Medjuline ? exigea-t-elle de savoir.
Zemma était sur le point de répondre quand Pai et un autre garde entrèrent dans la cabane longue. Pai lança un regard perçant à Nali, indiquant qu’il avait trouvé quelque chose. Le garde s’inclina bas avant de s’adresser à son impératrice et à Zemma.
— Impératrice, Ancienne, Medjuline a disparu. Ses parents ne l’ont pas vue depuis deux jours.
— Trouvez-la, ordonna Zemma en se levant lentement.
Nali leva une main autoritaire.
— Non, Pai et moi irons la chercher. Il est trop dangereux de s’approcher d’elle jusqu’à ce que l’on sache avec certitude ce qui s’est passé. Je vais demander à certains de mes gardes gargouilles de venir au village au cas où elle reviendrait. Ne laissez personne l’approcher. Je ne saurais trop insister sur ce point, ordonna durement Nali.
— Nous suivrons vos ordres, Impératrice, dit Zemma.
— Nous commencerons les recherches au matin. Avez-vous un endroit où nous pouvons passer la nuit ? demanda Nali.
— Ce serait un honneur de vous accueillir, Impératrice. Suivez-moi, proposa Zemma.
Asahi s’agenouilla derrière un arbre et regarda une trollesse qui se trouvait sur son chemin vaciller et grogner. Elle se tenait la tête à deux mains et la secouait d’avant en arrière comme si elle souffrait. Puis elle pivota brusquement et courut la tête la première dans l’arbre le plus proche. Asahi posa une main contre le tronc de l’arbre pour ne pas perdre l’équilibre lorsque le sol trembla.
Incrédule, il la vit tourner follement sur elle-même avant que ses yeux ne roulent dans leurs orbites. Elle tomba en arrière dans un vacarme assourdissant. Quelque chose n’allait pas, c’était évident. Il se leva lentement, mais resta caché. Il se félicita de sa prudence quand, un instant plus tard, le corps de la trollesse inconsciente s’arqua soudainement et qu’une masse liquide noire se déversa par sa bouche.
La masse se rassembla, son volume augmentant jusqu’à prendre environ la taille d’un mastiff. Le liquide visqueux à l’aspect de goudron s’agita dans tous les sens, comme s’il cherchait une autre créature à habiter. Un frisson de malaise descendit le long de l’échine d’Asahi lorsqu’il s’orienta soudain dans sa direction. Il resta figé.
Quelque chose de grand qui passait au-dessus de lui projeta une ombre sur le sol et il leva les yeux. À travers l’épaisse canopée, il vit deux créatures dans le ciel. La masse extraterrestre émit un cri perçant, fit volte-face et s’enfuit dans la forêt dans la direction opposée.
Asahi s’accroupit derrière une grande fougère en forme d’éventail afin de dissimuler sa présence tandis que les deux créatures inconnues fendaient la voûte végétale. L’une d’elles, l’hippogriffe, atterrit sur une épaisse branche, ses ailes déployées pour garder l’équilibre, pendant que la femme ailée se posait à côté de la trollesse étendue sur le sol de la forêt.
La vue des traits d’ébène exquis de la femme lui coupa le souffle. On aurait dit que sa peau formait une armure brillante, comme si elle était une magnifique statue taillée dans le plus pur des marbres noirs. Elle toucha le sol avec une telle grâce qu’il n’y eut pas un murmure.
Asahi étudia la femme qui tournait prudemment autour de la trollesse inconsciente. Ses yeux étaient du marron foncé du verre aventuriné et la lueur qui brillait en eux lui donna envie de plonger dans ses iris dorés pour l’éternité. Son visage était en forme de cœur avec de hautes pommettes, un long nez droit et des lèvres délicieusement charnues. Elle était élancée avec de petits seins et une posture autoritaire qui dénotait le pouvoir et l’assurance.
Elle s’agenouilla à côté de la trollesse et toucha avec précaution la grosse bosse sur son front avant de soulever ses paupières l’une après l’autre. Puis la femme de marbre se leva et regarda autour d’elle, sourcils froncés.
— Tu vois quelque chose, Pai ? lança-t-elle.
— Il semble y avoir des dégâts récents dans les fougères en direction du nord, répondit l’hippogriffe. Et pour Medjuline ?
La trollesse grogna doucement et la femme recula d’un pas. Asahi se raidit lorsqu’il entendit son petit gémissement de douleur. Sous ses yeux, une épée se matérialisa dans la main de la femme. La trollesse roula sur le côté et gémit, levant une grande main tremblante aux épais ongles sales à sa tête. La belle femme ailée fit un pas vers la trollesse, qui s’efforçait à présent de se redresser en position assise.
— Medjuline, dit la femme d’un ton doux et rassurant.
— Ai-aidez-moi, s’il vous plaît. Ne le… ne le laissez pas me reprendre, s’étrangla Medjuline d’une voix tremblante.
— Qui t’a pris ? exigea de savoir la femme de la même voix douce.
Medjuline s’assit et regarda autour d’elle avec de grands yeux effrayés. Elle reporta son attention sur la femme qui se tenait devant elle, l’épée à la main. Medjuline leva de nouveau une main tremblante à son front.
— La créature qui… qui est sortie… Le flanc du dragon… du dragon des mers a explosé et m’a recouverte. Il y avait une masse noire… Elle m’étranglait et j’arrivais pas à l’enlever ! s’exclama Medjuline d’une voix plus puissante à mesure que la peur s’emparait de nouveau d’elle.
Une vague de compassion traversa Asahi lorsque la trollesse fondit en larmes. Il ne faisait aucun doute, d’après ses traits et sa façon de parler, qu’elle était jeune. Elle baissa les yeux vers ses mains et les frotta l’une contre l’autre avant de repousser ses cheveux roux foncé comme pour s’assurer qu’il ne restait aucun résidu de la substance noire. Elle se mit à sangloter et à se balancer d’avant en arrière.
— Où est allé l’alien, Medjuline ? Il est important que je le trouve avant qu’il ne puisse blesser quelqu’un d’autre, dit la belle créature.
Medjuline essuya son visage de ses mains crasseuses, laissant des traces de terre sur son visage brun foncé. Elle regarda la femme de marbre et ses yeux s’emplirent de larmes.
— Je sais pas. Il me faisait mal… ma tête. Je devais l’arrêter. Je voulais qu’il sorte de moi. Je… J’ai foncé sur un arbre. Je le sens plus en moi, mais j’ai toujours mal à la tête, avoua Medjuline.
La femme abaissa son épée et s’avança.
— Nali ! grogna craintivement l’hippogriffe dans l’arbre.
Elle esquissa un sourire. Ce n’était pas un sourire amusé. C’était un sourire dangereux, comme si elle défiait quoi que ce soit de l’attaquer. Elle posa une main sur le bras de la jeune trollesse et l’observa attentivement. Plusieurs secondes tendues s’écoulèrent avant qu’elle ne murmure quelque chose si bas qu’Asahi ne put l’entendre.
Il prit une inspiration surprise lorsque la femme de marbre se transforma soudain en une version d’elle-même plus souple, plus chaude et bien plus splendide. Sa peau lisse d’un brun clair brillait dans la lumière du soleil filtrée par la canopée, lui donnant l’impression qu’elle était de la même couleur que du chocolat au lait crémeux. Ses longs cheveux noirs pendaient en boucles serrées autour de son visage et de ses épaules, lui rappelant les femmes de la Crète antique.
— L’alien a quitté le corps de Medjuline, Pai. Tu peux descendre sans danger, répondit-elle.
Medjuline renifla tandis que des larmes silencieuses continuaient de couler le long de ses joues sales. Ses yeux reflétaient maintenant de l’émerveillement au lieu de la peur. Elle tendit une main vers la femme.
Asahi refoula son malaise. Il avait vu le parasite liquide quitter Medjuline et cette puissante femme était certaine qu’il n’en restait pas. C’était simplement la nature horrible de ce qu’il avait vu qui le rendait nerveux. Ses nuits à venir seraient probablement hantées de cauchemars de ce parasite.
— Nali, prévint de nouveau Pai, l’alien n’a jamais quitté un hôte vivant, pas sans beaucoup plus de force que se cogner la tête contre un arbre.
L’expression de Nali s’adoucit et elle regarda son compagnon inquiet.
— Je ne saurais dire pourquoi c’est différent cette fois, mais l’alien est parti, Pai. J’en suis certaine… et Medjuline est blessée et effrayée. Descends, s’il te plaît.
Nali serra fermement la main de la trollesse et la regarda dans les yeux d’un air rassurant.
— Impératrice, je… Il veut nous faire du mal, dit Medjuline.
— Je l’arrêterai. Pai, ramène Medjuline à son village. Assure-toi qu’il y a suffisamment de gardes pour sécuriser la zone au cas où l’alien tenterait de revenir en arrière, ordonna Nali.
L’hippogriffe se posa et gratta le sol d’exaspération avant de secouer la tête.
— Nali, dis-moi que tu ne comptes pas te lancer à la poursuite de cette créature seule, siffla-t-il avec consternation.