La tête dans le frigo - Julie Dacquin - E-Book

La tête dans le frigo E-Book

Julie Dacquin

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Beschreibung

Granny vient de mourir dans son home, "La tête dans le frigo". Bam ! Quatre femmes, sa fille, ses deux petites-filles et leur cousine reforment à l'occasion de cet enterrement un noyau familial ardent, sauvage, aimant, haineux, un noyau humain explosif qui va faire fondre la glace des non-dits, des politiquement corrects, des machines virtuelles, des froides cellules familiales. Une pièce qui raconte avec une dérision bienvenue la période des funérailles. Car quand tout s'arrête, en fait, rien ne s'arrête : du cercueil aux dernières volontés, des pompes funèbres à l'héritage, du cimetière à la vie d'avant, et puis les souvenirs... Une fusion nucléaire pour chercher un peu de chaleur, "de la tendresse bordel !" Une grand-mère meurt, un glacier fond. Une comédie noire qui brille par son cynisme lumineux.

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Seitenzahl: 63

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Ähnliche


Sommaire

Personnages

1. L’ANNONCE

2. LES POMPES FUNEBRES

3. ORGANISATION

4. MEMO-MIME

5. LA MORGUE

6. QUOTIDIEN SPECIAL

7. LES OIGNONS A PLEURER

8. LA DOUFFE

9. LE REVEIL

10. MAUVAIS CONVOIS

11. LA CEREMONIE

12. LES CENDRES

Personnages

Paulette dite Paula : La mère

Fanny : sa fille ainée

Isis : sa fille cadette

Toinette : Sa nièce

Cette pièce a été créée pour la première fois le 12 janvier 2024 au Théâtre Le Public à Bruxelles, dans une mise en scène de Isabelle Paternotte, avec la distribution suivante:

Paulette: Jo Deseure

Fanny: Alexia Depicker

Isis: Julie Dacquin

Toinette: Laure Godisiabois

1. L’ANNONCE

Nulle part. Partout.

La lumière divise le plateau.

On aperçoit Paulette, la mère, debout, immobile au centre de la scène.

On entend en off la voix d’une psychologue, « La psy ».

La lumière monte.

Isis : Je suis angoissée par la mort. J’ai peur de mourir. J’y pense tout le temps.

La psy : C’est votre propre mort qui vous angoisse ou celle des autres ?

Isis : La mienne, surtout. J’ai peur de mourir.

La psy : Si vous mourez, qu’est ce qui se passe ?

Isis : Je ne serai plus là.

La psy : Vous ne serez plus là. Et?

Isis : Et j’ai envie de rester ici. Je ne veux pas mourir.

La psy : Pourquoi ?

Silence.

Isis : Pour rester avec les gens que j’aime.

La psy : C’est le fait de ne plus être avec les gens que vous aimez qui vous angoisse ?

Isis : Oui.

La psy : C’est un problème de dépendance affective.

Isis : Pardon ?

Paulette : J’ai deux filles : Fanny, l’ainée, qui ne jure que par son boulot et Isis qui… Leur cousine, Toinette, a grandi avec nous. Parce que ses parents sont… Surtout son père, Norbert. Norbert… mon frère. Maintenant elle vit à la campagne avec son compagnon. Elle est passionnée par les chevaux. Petite, elle a eu un grave accident de cheval, elle a dû arrêter la compétition. Son amour pour ces bêtes est resté. Elle tient une écurie. Elle est bizarre Toinette…

Toinette : C’est Granny. Elle est partie.

Fanny : On va vous présenter une vision de moi très rigide, « une petite femme parfaite », perfectionniste. Ce n’est pas réellement moi. Comme tout ce qu’on va vous raconter d’ailleurs… Ce n’est pas vrai. C’est vrai, oui. Tout s’est réellement passé. Les versions divergent, c’est tout. Il y a un peu de tous nos souvenirs. Un mélange de réalités vues sous des prismes différents. On peut dire que ça a quand même existé. Ça a existé. Les traits ont tendance à être grossis. Peut-être. La mémoire est complexe. Il faut encoder, stocker et se rappeler. Peut-être qu’on n’utilise pas toutes nos souvenirs à la même fréquence… Ce qu’il faut retenir, avant qu’on ne démarre vraiment l’histoire, c’est que je ne suis pas si rigide que ça.

Toinette : C’est fini.

Fanny : On nous appelle « la famille Bisounours ». Isis trouve ça drôle, pas moi. On est toujours restées proche de notre maman. Paula. En réalité, c’est Paulette son prénom, mais elle ne supporte pas qu’on l’appelle comme ça, alors on l’appelle Paula. Mais parfois, pour l’énerver : Paulette !

Paulette : Qu’est-ce que t’as dit ?

Toinette : Granny est partie.

Paulette : Où ça ?

Toinette : Dans sa chambre, du home.

Paulette : Je me disais aussi : Elle ne pouvait pas aller bien loin.

Toinette : C’est fini, pour Granny.

Paulette : Fini ?

Toinette : Je suis entrée dans sa chambre, son frigo était ouvert, elle avait sa tête dedans et ses jambes dépassaient sur le sol.

Paulette : Pourquoi je lui ai acheté ce frigo…

Toinette : C’est fini.

Paulette : Tu veux dire qu’elle est… ?

Toinette : Je suis arrivée, elle était allongée sur le sol, la tête dans le frigo.

Paulette : Morte ?

Toinette : La tête dans le frigo.

Paulette : Qu’est ce qui s’est passé ?

Toinette : Le médecin a dit qu’elle n’avait pas souffert. Elle a cessé d’exister, pouf, et ensuite, elle est tombée, Bam, la tête dans…

Temps.

Isis : Je me demande souvent si je n’ai pas été adoptée. Tout le monde se pose la question un jour. Je me la pose tous les jours. C’est peut-être mieux de ne pas avoir de réponse. Qu’est ce qui nous relie à l’autre ? Je suis peut-être du même sang ce qui n’empêche pas de... Quelque chose de plus important que le sang nous constitue. Une énergie. Une vibration peut-être ? Faut-il tenir compte de toutes les dimensions? Ma sœur dit aussi que je viens d’une autre planète : preuve supplémentaire de mon adoption. Reste à savoir de quelle planète ? J’ai déjà compris des choses qu’elle n’a pas encore conscientisées, c’est de là que vient notre décalage. Sur la vie par exemple, son sens, profond. Je me pose la question tous les jours. Qu’est-ce qu’on fait là ? On s’agite, on s’agite, puis on meurt. C’est con.

Silence.

Isis : Je me demande souvent où s’arrête la galaxie ? Où s’arrête l’univers ? Je me pose cette question tous les jours. Depuis mes 4 ans. S’il est infini, il ne s’arrête donc jamais. Comment conscientiser une chose infinie ? En mathématique, pour un nombre par exemple, je peux le concevoir. On ajoute à chaque fois un chiffre derrière le précédent, c’est simple. Mais pour l’espace, comment s’imaginer que l’espace ne s’arrête jamais? Il n’y a pas de fin ? Pas de début non plus ? S’il existe un début, c’est qu’il existe une fin, d’un côté au moins. Il n’y aurait donc ni début ni fin ? Infini de partout? Disons qu’il y a une fin, ou un début, quelque part, on se repose alors la question : qu’est-ce qu’il y a au-delà de cette fin ? De ce début ? Le rien ne peut pas exister. Mais l’infini non plus… J’ai la tête qui tourne.

Paulette : Il faut prévenir les filles.

Fanny arrive.

Fanny : Qu’est-ce qu’il se passe ?

Toinette : Granny est partie.

Fanny : Ah bon ? Où ça ?

Paulette : J’aime beaucoup ton euphémisme Toinette.

Fanny (à Toinette) : Je suis contente de te voir.

Paulette : Granny est morte.

Temps.

Toinette : Ça va ?

Fanny : Non.

Paulette : C’est la vie.

Toinette : La mort plutôt.

Fanny : Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

Toinette : Elle a cessé d’exister, pouf, et ensuite, elle est tombée, Bam, la tête dans le frigo.

Fanny : La tête dans le frigo ?

Toinette : Je suis entrée dans sa chambre, son frigo était ouvert, elle avait sa tête dedans et ses jambes dépassaient sur le sol.

Paulette (à Fanny) : Ta sœur n’est pas avec toi ?

Isis entre.

Isis : Toinette ! Ça fait longtemps ! Ça va ? Qu’est-ce qu’il se passe ?

Fanny : Granny est morte.

Paulette : Fanny, tu pourrais être un peu plus délicate.

Isis : Quoi ?

Toinette : Je suis entrée dans sa chambre, son frigo était ouvert, elle avait sa tête dedans et ses jambes dépassaient sur le sol.

Isis : Morte de froid ?

Paulette : Granny est morte, pouf, puis elle est tombée, Bam, la tête dans le frigo.

Isis s’allonge au sol, hyper ventile. Les autres lui jettent un regard sans réagir davantage.

Isis : J’ai la tête qui tourne.

Paulette : Je vais aller la voir.

Fanny : Granny est morte, maman !

Isis : On est sûr qu’elle est vraiment morte ?

Toinette : Ils l’ont emmenée dans une chambre réfrigérée.

Isis : Elle meurt la tête dans le frigo, et maintenant ils vont la mettre dans une chambre froide…

Paulette : J’y vais.

Fanny : Tu ne pourras pas entrer.

Paulette : Pourquoi ? Ma mère est morte ! Je vais la voir si je veux.

Fanny : Il faut prendre rendez-vous, on ne peut pas débarquer n’importe quand.

Toinette : On ira demain matin, elle ne va pas s’échapper.

Paulette : Ils vont m’empêcher de voir ma mère ?

Fanny : Toi ou une autre. Ils en voient tous les jours des morts.

Paulette : Si j’étais passée cet après-midi, elle ne serait peut-être pas…