La violence des fleurs et autres nouvelles - Angélique Dumons - E-Book

La violence des fleurs et autres nouvelles E-Book

Angélique Dumons

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Beschreibung

La violence des fleurs et autres nouvelles est constitué de récits psychologiques, de thrillers relevant du genre fantastique et parfois poétique, un peu à la manière de Ray Bradbury, Prosper Mérimée et Patricia Highsmith. Ses héros sont aussi bien des chats, des oiseaux, des punaises de lit que des jumeaux maléfiques, des statues grecques ou des dieux de l’Olympe.


À PROPOS DE L'AUTRICE 

Angélique Dumons, professeur de Lettres-Histoire à la retraite, a toujours passionnément aimé lire Victor Hugo, Saint John Perse, Voltaire, Camus mais aussi Maupassant, Mankell, Ernaux… Le virus de l’écriture, quant à lui, se développe lors du confinement. Elle participe à un concours de poésie et remporte le premier prix. Depuis, elle continue d’élaborer des nouvelles inspirées de son Ariège natale.

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Seitenzahl: 108

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Angélique Dumons

La violence des fleurs

et autres nouvelles

© Lys Bleu Éditions – Angélique Dumons

ISBN : 979-10-377-9715-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L. 122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivante du Code de la propriété intellectuelle.

À Jean-Louis Dumiot, mon artiste peintre préféré

Les trois frères

C’était trois frères qui, comme les pigeons de la fable, s’aimaient d’amour tendre. Leurs parents étaient morts depuis longtemps maintenant, leur laissant en héritage soixante hectares de bonnes terres qu’ils avaient mises en fermage, ne gardant que six hectares et quelques vaches, car, bien que vieux et à la retraite, ils aimaient de tout leur cœur ce métier d’agriculteur.

Henri l’aîné était sans conteste, le plus intelligent, aussi à lui la tâche peu envieuse de comptable. Le second, Thomas, d’un an plus jeune, était aussi le plus costaud, court sur pattes mais tout en muscles, râblé, les mains comme des râteaux, à lui donc le maniement du tracteur, de la bêche et autres instruments agricoles, tandis que Jacques le plus jeune, le plus timide était préposé aux besognes ménagères, lavage, repassage, couture et surtout cuisine. C’était sous un aspect un peu rustre, un excellent cuisinier, régalant ses frères de tartes aux pommes, crèmes fouettées, de lapin à la gibelotte, poulet chasseur et autres fameuses recettes.

Il est vrai que cuisiner depuis son enfance était pour lui une vraie passion. Il aimait beaucoup moins le ménage et cela se voyait. Ils habitaient dans la vieille ferme de leur enfance, où ils avaient toujours vécu. C’étaient des hommes d’habitude, et de traditions. Pour rien au monde, ils n’auraient quitté la terre de leur ancêtre et la maison où ils étaient nés.

C’était une vieille maison en pierres de deux étages, aujourd’hui un peu décrépie. En effet, si jamais elle avait eu son heure de gloire, celle-ci était depuis longtemps passée. Les volets penchaient dangereusement, tenant mal sur leurs gongs, une vitre cassée avait été remplacée par un bout de carton. Les vitres intactes n’avaient pas vu le chiffon depuis longtemps.

Deux marches en pierre menaient à la porte d’entrée, en bois vermoulu mais pourvu en guise de heurtoir d’une très jolie main tenant une petite boule. La peinture, couleur rouille, était très écaillée. À droite de la maison, on pouvait voir et sentir un vieux tas de fumier, encore fumant.

Mais dans la maison de leurs ancêtres, même un peu décrépie, ils étaient heureux. Certes, ce n’étaient pas des Adonis. Ils avaient tous les trois dépassé la soixantaine. Ils avaient le front un peu dégarni, les dents de travers, les joues rouges, mais ils avaient de jolis yeux, ceux d’Henri nettement plus froids et calculateurs. Thomas louchait un peu. Ceux de Jacques étaient doux et tranquilles. Aucun n’avait eu de fiancée, ni de petite amie. Ils étaient assez solitaires, recevant peu, sortant très rarement sauf le dimanche, ne ratant aucun office.

Aussi quelle ne fut la stupeur des deux aînés, qui rentrant d’une course dans la ville voisine, virent Jacques leur petit Jacques, discuter avec une femme. Elle était de dos. Brune, les cheveux longs, mince, habillée d’une jolie robe à pois blancs et noirs. Des chaussures à petits talons légèrement compensées.

Ils parlaient avec animation. Jacques souriait béatement. Elle avait à la main, un moule et ce qui semblait être un gâteau au chocolat. Les deux frères étaient dans leur voiture, une 2 CV grise. Au lieu de se garer sur la cour de la ferme, en guise de mauvaise humeur et de désapprobation, ils se garèrent plus loin, devant la niche du chien qu’ils allèrent soudainement caresser, pour se donner une contenance, tout en jetant des petits coups d’œil curieux, presque inquisiteurs sur ce couple improbable.

Ils purent constater amèrement et presque à regret qu’elle était jolie et assez jeune, frisant sans doute la cinquantaine. Mais que faisait cette femme avec leur petit frère ? Ils ne se décidaient toujours pas à lui dire bonjour. Ils lui tournèrent le dos et continuèrent à caresser le chien, fort surpris de ces marques exceptionnelles d’affection.

Enfin, elle partit. À peine eut-elle le dos tourné qu’ils se précipitèrent vers leur frère pour obtenir quelques explications.

Il rendait service à la fille d’une ancienne amie de leur parent. Il lui avait promis qu’il irait faucher son petit près durant son absence, voilà tout. En remerciement, elle lui avait préparé un gâteau au chocolat.

Et leur vie reprit monotone mais rassurante. Pourtant petit à petit, ils surprirent leur jeune frère, le chiffon à la main, l’œil vide, la mine mélancolique, assis sans rien dire devant la cheminée.

D’autres fois, il partait sans rien dire, sous de prétextes. Revenait l’œil brillant.

Il sifflotait, et même chantait sous la douche. Parfois au contraire, il soupirait, restait des heures sans rien faire. Ne mangeait plus. Il n’avait plus le goût à rien et surtout pas à la cuisine. La soupe était tantôt trop salée, tantôt pas assez. Le rôti trop cuit, la tarte brûlée. Bref, il était amoureux. La catastrophe ! Cela ne pouvait durer.

Que faire ? Les deux aînés tinrent conciliabule. La solution vint, bien entendu, d’Henri. Un plan machiavélique fomenté.

Ils connaissaient de vue cette personne. N’ignoraient pas qu’elle vivait seule dans sa maison de campagne quelques mois, surtout à la belle saison, et qu’elle aimait se promener seule dans les bois…

Ils vivaient dans cette région du Massif central, non seulement sauvage, boisée mais aussi riche en lacs magnifiques. Ils aimaient tout particulièrement un lac presque ignoré des habitants du coin.

Ils l’avaient découvert, par hasard, après une marche harassante dans les bois touffus de l’Aubrac. Ils s’étaient un peu perdus après avoir poursuivi vainement un énorme sanglier qui dévastait régulièrement leur terre.

La fin de l’été approchait, les feuillages des châtaigniers commençaient légèrement à jaunir, prenant de jolies teintes dorées, les ronces fort épaisses ralentissaient leur course. Les chiens haletaient sous l’effort, ils allaient rebrousser chemin, quand ils le virent. Il scintillait sous le soleil, tantôt vert émeraude, tantôt vert foncé presque noir, il semblait les attendre. C’était leur lac.

Parfois, ils revenaient ensemble sans rien dire à Jacques, c’était leur petit secret. Ils s’arrêtaient alors sur une roche, et silencieux, se contentaient d’écouter le léger clapotis que faisait l’eau sur ses berges boueuses.

Il y aurait donc une troisième personne qui allait connaître leur secret mais elle l’emporterait dans la tombe ! Couchée et immergée pour l’éternité sous ces eaux si tranquilles ! Aussitôt dit aussitôt fait.

Le temps passa. Plus lentement pour Jacques.

Ils n’entendirent plus jamais parler de celle qu’ils surnommaient entre eux « l’intruse ». Bien sûr, ils souffrirent un peu de voir combien Jacques était affecté par la disparition si soudaine et incompréhensible de celle qu’il aimait. Mais leur tranquillité était à ce prix. Au début, les soupes étaient toujours encore un peu brûlées, les gratins ratés. Mais un jour, leur narine fut chatouillée par une délicieuse odeur de lapin en sauce, d’oignons rissolés, pimentée d’herbes variées, laurier, persil, serpolet et thym.

Ils se regardèrent émus, et poussèrent un hourra silencieux, leur frère leur était revenu !

Ils dégustèrent avec un plaisir décuplé leur lapin bien mérité, ne s’apercevant même pas que Jacques restait silencieux et ne mangeait pas. Il se contentait, debout, de les regarder. Il savait aussi bien doser le poivre que l’arsenic. Et il n’était pas sourd.

Il les avait entendus parler, hélas trop tard, de son amie.

Pour tous ce soir-là le lapin eut un goût amer, mais seul Jacques put se le raconter.

Le temple d’Apollon

Elles avaient vingt ans, elles étaient sœurs, l’une brune l’autre blonde, toutes les deux très jolies. Elles avaient décidé de parcourir le monde à bord de leur 2 CV bleu turquoise.

Elles voulaient commencer par la Grèce. C’était le temps des colonels et de la dictature. Elles feraient du camping sauvage. Aussi très sagement décidèrent-elles de partir accompagnées par un copain, bien sage, une sorte de doux eunuque qui leur servirait de chauffeur.

Elles n’étaient pas très romantiques mais plutôt prosaïques.

Elle se souvenait, assise à l’arrière de la voiture, capote baissée, du vent dans ses cheveux et de la chaleur du soleil. Mais elle était très raisonnable et portait un chapeau. Elle voyait encore sa capeline rouge qu’elle tenait fermement, les yeux fermés pour savourer encore plus, la morsure du soleil qui, à travers les mailles de la paille tressée, arrivait malgré tout à chatouiller ses joues. Elle se prenait pour une star !

C’est vrai qu’elle était mignonne, avec ses longs cheveux blonds et son tee-shirt dos nu, mettant bien en valeur, ses belles épaules rondes.

Elle se souvient des paysans, des femmes aux jupes noires, qui les arrêtaient leur faisant des grands signes au bord des routes, tellement heureux que quelques touristes aient bravé les militaires, en venant chez eux, dans leur Grèce millénaire ! Souvent même, ils leur donnaient en guise d’offrandes, de belles tomates rouges ou de savoureuses grappes de raisin.

C’était il y a très longtemps, mais elle se souvient comme si c’était hier, du goût sucré de ces fruits, de leur saveur, de leur odeur qui était aussi celle de la Liberté.

Ils s’arrêtaient où bon leur semblait, au milieu des oliviers, au bord des plages. Parfois, ils étaient réveillés le matin par le joyeux tintinnabulement du grelot d’un troupeau de chèvres, menées par leur berger.

Ils ignoraient la peur, leur jeunesse était leur bouclier !

Bien sûr, ils avaient visité les grands sites antiques, respectant leurs classiques.

Athènes, Corinthe, Olympie, Mycènes pour eux n’avaient pas de secret.

Mais jamais elle n’oublierait Delphes et son temple magique. La blancheur de ses pierres. La beauté de ses nuits.

Ils sont arrivés la veille. Le 6 août. Ils ont installé leur tente face au temple d’Apollon.

Ils peuvent le voir, en cette fin d’après-midi, pierre d’albâtre, sur les flancs escarpés du mont Parnasse. Il est si proche ! Ils pourraient presque le toucher.

Mais ils sont fatigués et vont gentiment se coucher. Demain, on sera le 7, la tradition ne disait-elle pas que la Pythie faisait ses prédictions le 7 de chaque mois ?

À minuit, elle se réveille brusquement. La lune luit doucement et éclaire d’une lueur bleutée le temple d’Apollon, et ses six colonnes doriques…

Il lui semble entendre comme un murmure. Le temple n’est pas loin. Elle traverse un champ d’oliviers. Elle se tord un peu les pieds, quelques pierres roulent, et lui semblent produire un bruit épouvantable. La lune guide ses pas. Elle respire d’étranges effluves, âcres et même nauséabonds.

Elle pénètre par la Voie Sacrée, ses pas résonnent étrangement. Les chapelles votives regorgent de trésors. L’aurige, sa tête ceinte du bandeau de la victoire, debout, impassible sur son char, sans un bruit, tourne lentement vers elle, son beau visage, plante ses yeux d’airain dans les siens et comme au ralenti, agite son grand fouet, son chiton très long flotte au vent.

Le sphinx sur sa colonne d’or semble foncer vers elle, sa tête de femme folle lui lance des éclairs, et le taureau, plein de fureur, cornes baissées, frappe le sol de ses sabots d’argent.

Plus loin, trois jeunes filles, debout sur une colonne décorée d’acanthe, dansent frénétiquement, elles crachent des serpents, et se disputent la cuve d’un trépied, et son « nombril du monde » : leur omphalos sacré !

Plus loin, un quadrige, portant le dieu soleil, entouré de dauphins, semble flotter sur l’eau.

Les bruits se font plus nets.

Elle arrive devant l’autel, elle croit apercevoir deux prêtres. Les sacrifices avaient-ils déjà commencé ? Derrière, elle pouvait apercevoir le temple, et, sur le côté, ses douzaines de colonnes en marbre blanc. Au milieu, de la fumée s’échappait d’une sorte de crevasse. Elle entendait d’étranges sons, on parlait le grec ancien et elle le comprenait !

Une sorte de satyre, mi-homme mi-bouc, caché jusqu’alors par les colonnes, s’approcha tout à coup. Elle put voir son visage. Elle tressaillit, il avait trait pour trait celui de leur ami, mais en plus veule, en plus bestial. Il jouait sur une petite flûte des sons aigres et aigus. Parfois maladroitement, il esquissait aussi deux ou trois pas de danse. Ce spectacle à ses yeux paraissait incongru. Ses sabots sur la pierre polie jetaient des éclairs bleus, et fracassaient le sol.

Cela sentait aussi très fort le bouc et le soufre mêlés.

Enfin, il arrêta sa danse dionysiaque. Et ce fut le silence.