Le bout du chemin - Tome 3 - Patricia Vidal Schneider - E-Book

Le bout du chemin - Tome 3 E-Book

Patricia Vidal Schneider

0,0
7,99 €

oder
-100%
Sammeln Sie Punkte in unserem Gutscheinprogramm und kaufen Sie E-Books und Hörbücher mit bis zu 100% Rabatt.
Mehr erfahren.
Beschreibung

L'heure de la fin du monde a sonné...

Le monde s’écroule sous les yeux effarés de la communauté du Cercle du Soleil. Le célèbre médium Xavier Chico a prédit la fin du monde pour le 20 Juillet 2019 et tout semble lui donner raison. Le peuple de France gronde de misère mal contenue et le mouvement Gilets jaunes ne s’apaise pas…
Hans et ses amis ont investi le hameau abandonné des Terres de Périllos dans les Corbières Catalanes et se préparent à passer la Porte du temps pour assurer leur survie.
En 2032, le monde se reconstruit peu à peu sur les ruines de l’ancienne civilisation… les communautés de survivants se retrouvent et s’affrontent… et si tout n’était pas aussi simple… ? Et si demain n’était qu’un leurre…

Retrouvez les familles des rescapés dans le troisième tome de cette série abordant les conséquences désastreuses de nos actes que nous devrons affronter dans un futur pas si lointain...

EXTRAIT

Yuri s’arrête brutalement, leur faisant chut du doigt. Azur se tait. Devant la dépouille de la chienne, un homme d’un certain âge est accroupi caressant un chiot qui gémit. Il ne les a pas entendus arriver, il parle doucement à la petite bête. Cette voix… !!! Dragos lève le fouet, Gérard lui saisit lestement le bras, interrompant son geste… Cette silhouette trapue, cette voix rauque et chaude, ce n’est pas possible ! C’est un fantôme… il dit d’une voix blanche :
—Jeannot !
L’homme se retourne d’un bond, l’air terrorisé et s’apprête à s’enfuir… il stoppe son mouvement. Face à lui, un visage d’homme connu et celui d’une jeune gitane aux yeux porcelaine avec autour de son cou, la croix de Johnny qu’il avait offerte à son neveu Roman, six mois avant le tragique accident qui lui a ôté la vie en 2019. Ces yeux, cette croix… il gémit :
—Gérard… Maya.
… et s’effondre sans connaissance à leurs pieds. Le chiot s’approche en jappant… il lèche les pieds de Melinda, joueur et avance vers eux, en remuant la queue.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Patricia Vidal est née en 1960 à Béziers. Elle obtient un BAC littérature et un diplôme de droit qui l’amène à occuper des emplois de Cadre du secteur médico-social. C’est à la suite d’un deuil qu’elle commence à s’exprimer via la peinture sous le nom de Patricia Goud.

Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:

EPUB
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.


Ähnliche


Patricia Vidal Schneider

Le bout du chemin

Tome III

Le jour qui suit

Roman

© Lys Bleu Éditions – Patricia Vidal Schneider

ISBN : 979-10-377-0145-9

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Chapitre 1

Salveterra… 13 ans plus tard

Salveterre – 13 juillet 2032

Un soleil lumineux inonde une terre sauvage, balayée par le vent… Antonin enfile ses chaussures et remonte sur les remparts, qui dominent le paysage aride de ce que les « anciens » appelaient, les Pyrénées orientales… il hurle face à la montagne, qui lui renvoie son appel en écho. C’est amusant. Il met ses mains contre sa bouche et imite le cri d’un oiseau. Ça, c’est Pierre qui lui a appris à le faire. Il secoue la tête, ses longs cheveux châtains volent dans le vent. Il ramène contre lui son gilet en laine de pays, un peu usé.

Devant les ruines du Château féodal de la commune dévastée d’Opoul Perillos, une jeune fille ramasse des petites fleurs bleues, qui bordent le fossé. Du haut de la tour, il regarde le cœur palpitant les longs cheveux d’ébène, réunis dans un chignon sommaire. Soudainement, elle lève ses yeux sur lui et lui adresse un sourire éclatant et espiègle. C’est amusant ça, une espèce de communion qui remonte à leur petite enfance, Maya et lui, ils n’ont pas besoin de parler pour communiquer… c’est un grand mystère…

— Tu viens ?
— Oui Azur, j’arrive…

Il déballe avec ardeur les marches usées par le temps, manquant tomber dix fois, dans sa précipitation à la rejoindre. Elle lui tend la main et lui transperce le cœur de ses yeux porcelaine.

— Tu vas où Azur ? Tu sais bien que papa n’aime pas qu’on s’aventure seuls sur le chemin… il dit que les « autres » sont jaloux et qu’ils peuvent être dangereux…

Azur s’assied sur la margelle du puits et fait la moue. Azur… ce surnom qu’il lui a donné quand elle n’était encore qu’un bébé orphelin… adoptée par ses parents, lui est resté, au point que parfois, ils oublient qu’elle s’appelle Maya…

— Bah, viens donc avec moi… hier, j’ai vu l’autre communauté d’humains vers l’ancien presbytère… ils avaient l’air aussi effrayés que moi… On ne va pas se planquer toute notre vie !

Elle se lève et emprunte le sentier d’un pas dansant, mais déterminé.

— Tu viens ? Sinon, je pars seule !

Petit Paul les rejoint devant les ruines de la vaste bâtisse, qui héberge leur communauté depuis cette journée fatidique du 20 Juillet 2019… où ils ont franchi la porte du temps, leur seule chance de survivre à l’Apocalypse, qui a détruit en quelques heures les trois quarts de la planète.

Salveterre, ça signifie la terre qui sauve, disait Charles. Son regard s’assombrit. Charles le vigneron, qui comme le rappelle Hans, le soir autour du feu, s’est sacrifié pour qu’ils survivent… Antonin s’en souvient un peu… mais c’est flou dans sa mémoire, comme les premières années de leur installation dans ces lieux…

Petit Paul lui sourit.

— Ça ne va pas Antonin ?
— Ça va Paul, je me dis qu’il y a dans ma mémoire des zones d’ombre qui me hantent parfois la nuit…

Paul marche à ses côtés, pensif.

— C’est normal… on avait trois ans à peu près… et le monde était différent…

Azur court devant. Elle se retourne et les fusille du regard.

— Bougez-vous ou j’y vais seule !

Les ruines du village se profilent à l’horizon…

Antonin avance prudemment dans les rues défoncées. Le monument aux morts sur la place du village est fendu par une explosion… ils arrivent encore à y lire des noms et des phrases qui disent « honneur et courage à nos morts ». Lucie leur a expliqué que ça faisait référence à des luttes sauvages qui poussaient les gens de différentes communautés à se tuer, pour des raisons bizarres… elle a parlé « d’argent » et pour appuyer ses dires, leur a même montré un curieux papier dessiné qu’elle a appelé « billet de banque ».

Il revoit la scène…

Milo, étonné a tourné le papier dans ses mains et a dit « on tue des humains pour ce dessin ? ». Lucie l’a alors regardé d’un air triste.

— Ce sont même ces papiers qui ont poussé les hommes à détruire la planète.

Milo a lâché le papier, effrayé, ses grands yeux noirs remplis de larmes.

Lucie a ramassé le billet et l’a renfermé dans un coffre.

Melinda a rajouté avec curiosité.

— Ça sert à quoi tous ces billets Lucie ?

Lucie a souri tristement en hochant la tête.

— À pas grand-chose, nous les gardons pour que les générations futures sachent qu’ils n’ont que la valeur qu’on veut bien leur accorder…

Antonin frotte un peu de la main le marbre altéré par le temps et les intempéries. Petit Paul s’approche.

— Tu regardes quoi ?
— Je cherche à comprendre… rien que pour ce village, « guerre de 14-18… dix morts » … « guerre de 39-45… trente-deux morts ! » … « guerre d’Algérie… six morts »… c’est effroyable.

Azur les rejoint sur la place déserte. Elle brandit un vieux pot en plastique jaune sur lequel est écrit 51. Elle rit en nettoyant la carafe souillée de terre.

— Regardez ce que j’ai trouvé, c’est bien pour tirer de l’eau du puits.

Elle sourit aux anges, comme si elle avait trouvé un trésor. Le soleil baisse à l’horizon. Antonin avance vers le chemin.

— Rentrons au Château, s’ils voient qu’on est parti, ils vont s’inquiéter…

Paul et Maya lui emboîtent le pas. Maya bougonne :

— On reviendra demain ?
— Oui mais je suis d’avis qu’il faut leur dire…

Devant la porte du Château, Marjorie les attend, les yeux furibonds. À ses côtés, Agnès les menace de la main.

— On vous a dit de ne pas vous éloigner seuls ! Rentrez immédiatement !

Ils regagnent la grande salle voûtée ou est réunie la communauté. Nadine somnole dans un fauteuil devant la meurtrière, son regard est vide. Il en est ainsi depuis que Charles a été déchiqueté sous ses yeux par ces horribles bêtes, une meute de chiens redevenus sauvages qui voulaient s’en prendre aux enfants qui avaient échappés quelques minutes à leur surveillance.

Elle est depuis murée dans un silence sidéral dont rien ne peut la tirer. Hans a essayé de la faire réagir en vain. Il a abandonné. Aline la fait boire en lui parlant avec douceur

— Allez Nadine, encore une petite gorgée.

Nadine obéit, indifférente, en se balançant un peu d’avant en arrière.

Hans s’approche d’Antonin, son traité de médecine à la main. Il lui dit d’une voix inquiète.

— Je te cherchais partout ! Aujourd’hui, on va étudier les « accouchements » … viens aussi Azur.

Ils s’installent devant la grande table et écoutent avec attention ce que leur dit Hans. Maya prend des notes… à un certain moment, elle lève la main.

— Mais comment ça se termine, si cela se produit ?

Hans la regarde… désolé.

— Si cette situation se produit, malheureusement dans le contexte actuel, vous assisterez impuissant à la mort de la maman, une coagulation intra vasculaire disséminée ne pardonne pas. Mais c’est très rare…

Deux heures plus tard, Antonin referme son cahier. Hans lui sourit.

— Tu feras un très bon médecin. Je suis très fier de toi !

Antonin rougit un peu, flatté. Azur est réjouie, elle trie des plantes sèches dans un grand panier. Esméralda l’aide. Soraya s’approche suivie par Melinda qui l’observe de son regard d’émeraude, dans un angle de la pièce, Manuel apprend à Milo à jouer de la guitare…

Clément arrive, accompagné par Nicolas et Marc. Christian feuillette un traité de botanique. Il les regarde avec un grand sourire.

— Alors ça a donné quoi ?
— Ça a l’air de marcher, on a pu bouturer cinq oliviers et les mûriers commencent à fournir des fruits… par contre, on a aperçu un chiot à proximité d’une femelle morte. On n’a pas trop osé s’approcher, par crainte d’exciter la meute… s’ils l’ont abandonné là, je me posais une question…

Calou s’approche… intéressé

— C’était quel genre de chien…
— De loin, je dirais qu’il tient un peu du rottweiler et du berger allemand…

Mehdi hoche la tête… et rajoute

— Il ressemble aussi un peu à un berger des Pyrénées… par les poils.

Calou se gratte le front. Il réfléchit.

— Tu dis qu’il est où ?

Marc lui montre le chemin, à l’orée du bois. Il lui dit :

— Je pense que la femelle a essayé de venir jusqu’ici avant de mourir, peut-être pour protéger son chiot.

Gérard quitte son piano et s’approche.

— C’est possible… par instinct de survie… on fait quoi ?

Hans écoute, d’un air dubitatif.

— On ne prendra pas de risque. On ira voir demain. S’il est toujours là, on peut toujours essayer de l’apprivoiser… Calou, c’était ta spécialité non ?

Calou hoche la tête.

— Tout à fait… on ne prend pas de risque à essayer… d’après toi, il a quel âge ? Mehdi
— Bah je ne sais pas trop moi… je dirais… deux mois… à peine sevré…

Les jumeaux Jeanne et Sam s’approchent en souriant. Ils tapent des mains.

— Avant les gens, ils avaient des chiens, non ?

Evans rejoint le petit groupe, sa fille, Ellen accrochée à la main.

— Ce serait bien Ellen un petit chien, tu ne crois pas ?

Il s’accroupit à sa hauteur. Ellen approuve du menton.

— C’est un toto, papa ?

Alex éclate de rire

— Non Ellen, ce n’est pas un toto, mais c’est aussi fidèle, quand on réussit à bien l’élever.

Alexandra et Evans échangent un regard complice. Les souvenirs affluent par vagues. L’île de Tetepare, leur lutte pour survivre, le tsunami et le Totopiok, toto, ami fidèle qui leur a sauvé la vie… avant que Yuri et Dragos les aident à passer la porte du temps. Ils en parlent souvent, faisant rêver Ellen par leur récit de légende…

Dragos et Yuri, occupés à sculpter des bâtons avec un couteau laguiole prêté par Pierre, se regardent en souriant. Yuri montre à Gérard la tête de chien finement ciselée sur le bout de la branche d’olivier. Il dit de sa voix gutturale.

— Tu te souviens Dragos, les chiens errants… des dizaines de morts et de blessés jusque dans les villes.

Jule le regarde, étonné

— Oui Jule, le président Ceausescu avait fait raser les pavillons, pour entasser les gens dans des immeubles, avec interdiction de garder les chiens et les chats.
— Et alors Yuri ? Que s’est-il passé ?

Yuri le transperce de son regard bleu. Il reprend son couteau et se remet à tailler la branche.

— Alors, les chiens ont été abandonnés par milliers… revenus à l’état sauvage, ils attaquaient les gens pour survivre…

Il montre une cicatrice sur son bras… ça, c’était à Bucarest en 2012…

— Alors moi, les chiens sauvages ça me connaît.

Jule le regarde bouche bée.

Presbytère Église Saint Laurent – Opoul – 14 Juillet 2032

Polo regarde la femme qui dort tranquillement à ses côtés. Bientôt treize ans qu’elle a surgi dans sa vie, dans des circonstances particulières. Il se revoit, tambourinant à sa propre porte, en vain. Il faisait un froid glacial ce jour-là et elle hurlait terrorisée, refusant de le laisser rentrer chez lui, croyant qu’il était un zombie… ce 1er Août 2019, le jour où tout a commencé pour eux deux.

Elle chuchote dans son sommeil. Le destin prend parfois des chemins détournés pour provoquer d’improbables rencontres. Le 20 Juillet, le jour de la fin d’un monde… Il n’oubliera jamais cette date fatidique.

Il s’y était préparé pourtant, bêtement, par instinct… enfin peut-être pas… il regarde en souriant la chouette empaillée qui trône sur le meuble juste en face de leur lit.

Marie Claire se tourne et lui touche la main, la première fois qu’il l’a rencontré c’était à Perillos. Elle était lumineuse, sur le seuil du Cortal de Lalanne. Il l’a de suite trouvé très belle… mais son compagnon d’alors, Pecos ne la lâchait pas d’une semelle…

Elle lui avait à peine parlé, il était invisible à ses yeux. Et ensuite, tout s’est précipité. Ils ont dû survivre dans un univers hostile, Adam et Ève d’une nouvelle Ère.

Elle ouvre les yeux et lui sourit. Elle est… son tout, son cœur… son âme. Il n’est pas question qu’il la laisse partir… des gens sont arrivés, bien sûr. Ils ont recréé une communauté au sein même du village délabré. Ils survivent comme ils le peuvent, un combat de tous les jours…

Jeannot arrive dans la pièce en bougonnant

— Rosalie a peu dormi… les bêtes se sont encore déchaînées cette nuit. On les entendait hurler… et se battre.

Polo se gratte la tête. Les « bêtes » comme ils disent… des hordes de chiens redevenus sauvages, croisés avec des loups qui ont migré depuis l’Espagne. Ce sont des meutes entières, qui attaquent les humains qui se risquent à traîner seuls dans les rues, à la tombée de la nuit.

— Il y a urgence à faire quelque chose, ils détruisent et dévorent la faune qui tente de se reconstruire… il faut faire de la régulation, sans ça, on va tous y passer, j’ai réussi à blesser une femelle hier, je pense qu’elle a dû crever dans quelque coin… Jeannot.
— Oui, je sais Polo. Mais Frédéric a gémi toute la nuit. Sa morsure s’envenime, il grelotte de fièvre.

Polo soupire. Frédéric va certainement mourir. Jeannot l’observe du coin de l’œil. Il toussote.

— Il nous faudrait des armes et des médicaments… Polo.

Polo lui jette un regard courroucé.

— Je te vois venir là ! Et je dis non ! Jeannot !

Jeannot devient très rouge, sa voix vibre de colère.

— Tu condamnes donc Frédéric à mourir… par connerie ! Par orgueil, juste pour ne pas demander de l’aide « aux autres », Polo !

Il sort de la pièce en claquant la porte. Il regarde le pauvre Frédéric qui délire sur sa couchette. Rosalie est assise à ses côtés et lui mouille les lèvres avec un chiffon.

— Il ne va pas bien Jeannot, je sais que Polo nous a sauvé la vie, mais ça ne lui donne pas un droit de vie et de mort sur les membres de notre communauté. Et d’ailleurs pourquoi cette haine des « autres » ?

Jeannot la regarde dans les yeux

— Tu n’as pas compris Rosalie ?
— Compris quoi ?
— C’est à cause de Marie Claire… Il ne veut pas la perdre. Elle les croit morts…

Frédéric délire de plus en plus. Rosalie lui fait avaler une tisane. Elle regarde la jambe rouge et gonflée, la plaie est purulente. Elle murmure d’une voix blanche.

— Il faudrait un médecin et des antibiotiques…

Jeannot enfile ses bottes et saisit un bâton. Il se dirige vers la porte du presbytère.

— Tu vas où Jeannot ?
— J’y monte ! advienne que pourra !

Château de Salveterre – 14 Juillet 2032

Azur tresse ses longs cheveux noirs devant le miroir. Elle regarde avec étonnement son visage, qui perd peu à peu l’innocence de son enfance. Elle sourit de ses dents blanches à son reflet… miroir mon beau miroir… dans son dos Antonin surgit, la faisant sursauter. Elle le toise de ses grands yeux bleus.

— Alors, on y va ou pas ?

Elle lace ses brodequins, il aperçoit sa nuque qui attire les baisers. Il détourne son regard, un peu gêné par la chaleur qui irradie brutalement de ses reins. Il maugrée :

— Les autres nous attendent en bas… dépêchons-nous !

Ils descendent l’escalier en colimaçon qui débouche dans l’ancienne salle de garde. Petit Paul et Melinda sont déjà là.

Yuri, Dragos et Jule arrivent, un fouet et un arc à la main. Gérard les suit de près.

— Tout le monde est prêt ? Voilà les consignes… on descend en faisant du bruit, pour faire fuir les animaux… Dragos, Yuri, Jule, vous passez devant avec les armes. Antonin et Petit Paul vous les suivez de près et les filles…vous restez un bon mètre derrière. Moi je protège les arrières…

Petit Paul met son couteau à la ceinture, Antonin prend une dague qui traîne auprès de l’immense cheminée de pierre. Melinda les regarde en écarquillant ses yeux d’émeraude.

— On dirait qu’on part à la guerre

Elle rit nerveusement. Gérard lui sourit calmement.

— Il vaut mieux prévenir que guérir, tu sais… il y a les « bêtes » … et il y a les « autres ». Et les « autres », ce sont peut-être les plus dangereux…

Azur hoche la tête, agacée.

— Les « autres » ce sont des gens comme nous, non ???

Gérard lui lance un regard attristé.

— C’est ce que l’on pensait aussi… au début… et puis, on a été échaudé… depuis c’est chacun pour soi…

Ils descendent le sentier qui chemine vers le village. Azur chantonne.

Petit Paul demande à Antonin :

— Tu sais si c’est encore loin ?
— Non, il paraît que c’est dans le dernier virage, juste avant le vieux panneau D9…

Ils avancent calmement… et abordent le tournant, confiants, d’un pas alerte.

Yuri s’arrête brutalement, leur faisant chut du doigt. Azur se tait. Devant la dépouille de la chienne, un homme d’un certain âge est accroupi caressant un chiot qui gémit. Il ne les a pas entendus arriver, il parle doucement à la petite bête. Cette voix… !!! Dragos lève le fouet, Gérard lui saisit lestement le bras, interrompant son geste… Cette silhouette trapue, cette voix rauque et chaude, ce n’est pas possible ! C’est un fantôme… il dit d’une voix blanche :

— Jeannot !

L’homme se retourne d’un bond, l’air terrorisé et s’apprête à s’enfuir… il stoppe son mouvement. Face à lui, un visage d’homme connu et celui d’une jeune gitane aux yeux porcelaine avec autour de son cou, la croix de Johnny qu’il avait offerte à son neveu Roman, six mois avant le tragique accident qui lui a ôté la vie en 2019. Ces yeux, cette croix… il gémit :

— Gérard… Maya.

… et s’effondre sans connaissance à leurs pieds. Le chiot s’approche en jappant… il lèche les pieds de Melinda, joueur et avance vers eux, en remuant la queue.

Gérard se baisse et lui donne quelques claques affectueuses. C’est bien Jeannot, un peu vieilli, un peu hirsute… mais c’est bien lui, bien vivant qui gît à même le sol. Maya l’observe en silence… elle balbutie :

— L’homme-là, il connaît mon nom…
— Normal, Maya c’est l’oncle de Roman, ton papa… la dernière fois que je l’ai vu… c’était le 1er Août 2019 et j’ai cru qu’il était mort…

L’homme revient à lui en grommelant…

— Putain ! Vous faites chier ! Vous êtes là aussi ? C’est donc vous les autres dont il ne faut pas s’approcher ! Connard de Polo, il va me le payer !

Il s’assied dans l’herbe en toussant. Le chiot vient lui lécher le visage. Il le repousse en grimaçant. Gérard lui tend la main et l’aide à se relever.

— Tu faisais quoi là Jeannot ?
— Je montais jusqu’au Château demander de l’aide. Fred ne va pas bien.
— Fred ?
— Oui Gérard, le cousin de Melinda…

Melinda ouvre des yeux étonnés. Elle fait la moue.

— J’ai un cousin ???

Jeannot la regarde en souriant

— Non, Pitchoune, mais il y a plus d’un âne qui s’appelle Martin, tu sais…

Melinda hoche la tête. Gérard lui pose une main rassurante sur l’épaule.

— On t’expliquera Melinda…

Il attrape le chiot et repart vers le château. Il se tourne vers Jeannot.

— Tu viens avec nous ?

Jeannot hausse les épaules.

— Bien sûr ! Vous n’allez pas me manger…

Le soleil inonde la terre aride… il y a longtemps qu’il n’a pas plu. Il est onze heures du matin et il fait déjà plus de trente degrés. Ils remontent lentement le chemin et pénètrent dans la fraîcheur relative des douves.

Gérard précède le groupe jusqu’à la salle de garde. Hans est assis dans un fauteuil, les yeux fixés sur un traité de médecine… A ses côtés sur la table, repose leur « Bible », qu’il a pris la peine de stocker en plusieurs exemplaires et en différents endroits dès le mois de Juillet 2019… le fameux traité de survie de Lewis Dartnell. Lewis Dartnell n’était pas un plaisantin. Diplômé de la prestigieuse université d’Oxford, ce chargé de recherche à l’Agence spatiale britannique (spécialisé en astrobiologie) n’avait rien d’un rigolo. Aussi convient-il de prendre très au sérieux la « petite encyclopédie du savoir minimal pour reconstruire le monde » qu’il a fait paraître en 1988. Cet ouvrage, malgré son titre humoristique, compile avec rigueur ce qu’il convient de savoir pour relancer une civilisation quand tout s’est écroulé.

— Bonjour, Hans…

Hans lève un regard surpris sur l’homme qui se tient debout aux côtés de Gérard dans l’embrasure de la porte. Il pose son livre et se lève, éberlué. Il hausse les sourcils. Cette moustache grisonnante, la cicatrice au-dessus du sourcil droit et cette voix tonitruante…

— Jeannot ???

Il tend les bras vers l’homme et lui donne une accolade. Gérard semble ravi de ces retrouvailles.

Jeannot se lève, tombe lourdement sur une chaise… il a beaucoup maigri.

— Bonjour, Hans… quel bonheur de te voir… je vous croyais tous morts. On a besoin de toi en bas, c’est une question de survie. Je vais tout te raconter.

Jeannot commence son récit, inimaginable et pourtant vrai… les « autres » … sont les uns. Et les uns… sont les « autres » … tout est parti d’une histoire d’amour… et de jalousie. C’est incroyable mais vrai…

Ils sont enfin tous réunis autour de la table, dans une même lutte pour survivre. Lucie est hébétée. Combien d’années perdues… douze ou treize… Elle pleure en silence… elle murmure :

— Pourquoi… mais pourquoi… ça ne changera donc jamais !???

Aline pensive, ronge un peu ses ongles.

— C’est dans la nature humaine… il n’y a qu’à voir où cela nous a mené… et maintenant on fait quoi ?

Sophie dodeline de la tête en tricotant.

— Si vous voulez mon avis, nous ne sommes pas les seuls survivants à cette catastrophe. Il serait peut-être temps d’essayer de reconstruire non ?

Christian lui caresse la joue tendrement.

— Je pense que tu as raison, mais tu vois, ça risque d’être dangereux. Il faut sortir de notre zone de confort et surtout laisser de côté les rivalités et les jalousies… tu en penses quoi Pecos ?
— Je pense qu’il faut que je rencontre Polo… Il faut rapidement mettre fin à cette ambiguïté… le passé est le passé… je suis ravi que Marie Claire ait survécu… mais désormais mon cœur est ailleurs…

Le petit chien jappe doucement en mordillant les chaussures de Calou qui le repousse gentiment. Il lui gratte la tête et le chiot se tourne sur le dos en signe de soumission. Ellen, Jane et Sam sont émerveillés par l’affectueuse petite bête. Ellen se baisse et la prend dans ses bras.

— Ça mange quoi ? On dirait qu’il a faim…

Calou arrive avec une écuelle d’eau qu’il pose à terre. Il repart vers la cuisine et revient avec un petit morceau de viande lyophilisée qu’il réhydrate rapidement. Il claque de la langue et le petit animal se précipite vers lui… renifle ce qui est au sol, se détourne en geignant un peu et repart laper de l’eau dans l’écuelle.

Jeannot regarde l’animal en riant.

— C’est une femelle, un croisement bizarre… je pense que ça peut s’apprivoiser. Qui le prend en charge… toi ou moi ?

Il regarde Calou dans les yeux. Calou tape d’un coup sec sur sa cuisse et le chiot le rejoint dare-dare… il éclate de rire.

— Je crois qu’elle m’a choisi ! On lui trouve un nom ?

Les discussions vont bon train. Chacun y va de sa proposition… pour finir par trouver un terrain d’entente. Wolf, on l’appellera Wolf… c’est court et percutant.

Jeannot hoche la tête.

— Wolf est une graine… une graine qui, je l’espère, va signer la renaissance d’une race de chien fidèle et apprivoisé… bon, je retourne au Presbytère. Est-ce que quelqu’un m’accompagne ?

Hans se lève et regarde Pecos.

— On y va, il est temps de reconstruire une alliance… la plaisanterie a assez duré.

Ils quittent le Château par le chemin sinueux qui conduit au village, des chiens aboient dans le lointain.

Jeannot les précède dans l’Église Saint Laurent et ouvre à la volée la porte qui communique avec le presbytère. Une jeune femme sursaute et leur jette un regard étonné, avant de s’exclamer d’une voix tremblante :

— Hans… Pecos, c’est à peine croyable…

Elle avance vers eux et se jette dans leurs bras, émue.

— Marie ! Tu as survécu, Dieu merci…
— Oui Hans, on vous croyait morts…

Elle se dégage et se tourne vers la salle à manger

— Gilles ! Viens voir qui est là !

Gilles arrive en boitant bas… Il se déplace avec difficulté et une énorme cicatrice lacère sa joue gauche de la lèvre jusqu’à l’angle de la paupière… il s’approche en souriant la main tendue…

Pecos lui donne l’accolade. Gilles soulève son pantalon et montre sa jambe gauche affreusement mutilée… il soupire :

— Marie a dû me briser la jambe pour me sauver…

Polo est immobile sur le pas de la porte, il s’approche, silencieux, sur ses gardes et le visage fermé. Pecos lui tend la main, fait un pas en avant et dit d’une voix rauque :

— Polo… il faut qu’on parle !

 

 

 

 

 

Chapitre 2

Les Survivants

 

 

 

Prison de Perpignan – 20 Juillet 2019 - 3 h 33

 

Les trois hommes entassés dans une cellule de douze mètres carrés écoutent, en alerte, l’étrange bruit qui retentit dans le ciel depuis des heures et les empêche de dormir. Sabri Essid, allongé sur sa couchette est plongé dans le coran dont il marmonne des versets. Eto fait des mots croisés, un crayon à papier dans la main. Le grondement s’accentue brutalement. Léon s’approche de la fenêtre et regarde avec inquiétude l’étrange spectacle qui s’offre à ses yeux…

— Viens voir Sabri ! On dirait que c’est la fin du monde !

Sabri dépose précautionneusement son livre sur la tablette à côté de son lit. Il se lève et rejoint Léon qui montre du doigt un ciel en fusion.

— Merde ! Évidemment ! On dirait qu’il y a un incendie ! Et ces vibrations… c’est curieux.

Eto les rejoint, le visage pâle.

— C’est plus que bizarre, et ça fait quelques jours que ça dure, mais là ! C’est le pompon… peut-être une météorite…

Il donne de grands coups de poing dans la porte de la cellule, en vain, un profond silence règne dans le long couloir. Il crie de plus en plus fort :

— Gardien !

Pendant ce temps, Sabri sort de sous son matelas un téléphone portable soigneusement planqué. Il compose un numéro d’une main tremblante.

— Allo, Ayat, c’est Sabri, tu es à Rivesaltes là ? Il se passe des choses bizarres… Oui, je sais que tu l’avais prédit ! Écoute, il ne faut pas rester dans l’immeuble, va au parking souterrain du Novotel Nord et attends de mes nouvelles… je viendrais te chercher.

Il raccroche… les murs vibrent de plus en plus fort. La couchette d’Eto, comme folle, se déplace d’un bout à l’autre de la pièce. Soudain, la porte s’ouvre brusquement sur un gardien terrorisé qui les dévisage, les yeux exorbités. Il leur dit tout en s’enfuyant vers l’entrée de la prison :

— Sortez vite… tout s’effondre…

Ils prennent leurs jambes à leur cou et quittent le centre de rétention, aussi vite qu’ils le peuvent, enjambant des obstacles qui jonchent le sol. Le vent et la pluie fouettent violemment leur visage, l’asphalte se fissure et s’ouvre sous leurs pas, creusant des gouffres sans fond. Léon trébuche et s’effondre, Eto fait demi-tour et l’attrape par-dessous les aisselles…

— Sabri, aide-moi !

Ils avancent tous les trois dans la nuit hurlante comme des naufragés, évitant les branches d’arbres qui volent autour deux comme des fétus de paille, manquant par dix fois de les assommer. Sabri les dirige sans hésiter à travers les ruelles étroites, et s’engouffre soudain dans un passage souterrain de la rue des glacières. Il se laisse tomber à même le sol, respire bruyamment et leur dit, essoufflé :

— Là, nous sommes à l’abri. Il n’y a plus qu’à prier pour que ça s’arrête.

Eto et Léon reprennent leur souffle. Ce dernier regarde Sabri avec étonnement.

— Nous sommes où, là ?
— Dans la ville souterraine Léon, il y a des dizaines de kilomètres de galerie qui traversent Perpignan sous la terre, bien connues des dealers…

Eto souffle dans ses mains. Il soupire.

— Tu crois qu’on ne risque rien là, Sabri ?
— Ça ne peut pas être pire qu’en haut, on va attendre le jour. Ces souterrains datent du douzième siècle… ils ont connu bien des tempêtes.

Ils s’accroupissent dans une petite salle voûtée et somnolent, blottis les uns contre les autres, comme des oiseaux dans un nid. Au-dessus d’eux, le cataclysme fait rage, détruisant tout sur son passage. Sabri sort son téléphone de la poche de son jean. Il murmure :

— Merde ! Réseau indisponible… j’espère qu’Ayat est à l’abri.

Eto lui dit :

— C’est ta meuf ?
— Oui et je l’aime tu vois. Même si elle est un peu folle et exaltée… Eto
— Pourquoi tu dis ça, Sabri…
— En 2017, elle s’est rendue à l’église de Rennes le Château, vêtue d’une cape blanche et le visage caché sous un masque vénitien et elle a… décapité la statue d’Asmodée et de Marie Madeleine, au nom du Coran !
— Sans déc ! Elle avait fumé quoi ? Sabri
— Elle a voulu prouver que le Coran était plus fort que la bible… c’est une exaltée ma femme… mais je l’aime.

Léon soupire :

— On peut essayer de dormir ? Je suis crevé et j’ai froid… !!!

Un sombre jour se lève sur un spectacle de désolation… Il fait un froid glacial et tout n’est que ruines. Des cadavres horriblement mutilés gisent à même le sol. Sabri remonte son col sur sa bouche.

— Il fait un froid de canard. Allons au supermarché en face pour récupérer ce qu’il nous faut et attendons de voir ce qu’il se passe…

La rue est déserte et la porte du supermarché béante et éventrée. Eto ricane en montrant du doigt la pancarte à l’entrée du magasin :

— Libre service ! C’est le cas de dire… Il n’y a plus qu’à se servir…

Il attrape un sac qu’il remplit de victuailles et de bouteilles d’alcool. Sabri et Léon arpentent les rayons, à la recherche de vêtements chauds et de sacs de couchage. Léon revient, fier de lui, brandissant un fusil de chasse et des cartouches.

Ils regagnent les galeries qu’ils transforment rapidement en bunker… Eto boit du whisky au goulot. Il regarde Léon.

— Et maintenant… c’est quoi le programme ?
— Le programme, Eto… c’est de survivre. Je propose que nous prenions tout ce que nous pouvons emporter avec nous… et il faudrait nous diriger vers Opoul Perillos… là-bas, nous serons en sécurité.

Sabri écoute la conversation en silence. Il se lève et regarde Léon dans les yeux.

— Il n’est pas question d’abandonner Ayat. Par les galeries, nous pouvons sortir à Rivesaltes. Ensuite, nous ferons route vers Salses pour arriver jusqu’à Opoul. Je propose que nous prenions des sacs à dos…
— Et des caddies… Sabri
— Bonne idée ! Des sacs à dos et des caddies. Il ne faudra pas tarder, parce que si vous voulez mon avis, toute la « faune » de Perpignan va bientôt débouler ici… du moins ceux qui ont survécu et ça va être une vraie guérilla sous peu…

Ils repartent au supermarché et entassent dans les chariots des vivres mais aussi des lampes à dynamo et des vêtements chauds… direction Opoul Perillos.

 

 

Salses le Château – Maison de Gilles et Marie – 19 juillet 2019

 

Jukin et Maritchou ont débarqué d’Espelette en soirée. Une belle amitié est née entre le jeune couple de basques et Gilles et Marie depuis la mémorable journée de manifestations conjointe Gilets jaunes et syndicats du 1er Mai… à Toulouse.

Jukin est arrivé les bras chargés de fromage et d’Irouleguy… À vingt-deux heures, ils sont encore attablés devant une bouteille. Gilles grimace un peu :

— Il est… coriace ! Ton vin…

Jukin éclate de rire. Maritchou porte le verre à ses lèvres.

— Tu sais ce que ça veut dire « Irouleguy » en Basque ?

Marie hoche la tête :

— Non… mais je vais bientôt savoir…
— Ça veut dire… vinaigre… On démarre à quelle heure demain matin… on va défiler à Perpignan c’est ça ?

Gilles pose les verres dans l’évier. Il s’étire et baille un peu… il s’approche de la fenêtre et regarde le ciel, inquiet.

— On dirait qu’il va y avoir un énorme orage… ça gronde très fort… on va se coucher. On partira vers onze heures ça suffit… Perpignan n’est pas loin. Et si vous voulez Dimanche on ira voir le Lydia à Barcarès…

Maritchou sourit de toutes ses dents.

— Le Lydia… c’est le fameux paquebot échoué ?
— Oui, c’est ça !

Il est presque minuit quand ils regagnent enfin leur chambre… il fait une chaleur étouffante. Maritchou s’allonge nue sur le lit… le ciel est rouge sang et zébré de lueurs inquiétantes… Ils s’endorment avec difficulté, l’atmosphère est bizarre, comme chargée d’électricité. Tout à coup, un bruit infernal les tire de leur sommeil. Le ciel gémit sans fin « humm… humm ». Jukin se dresse sur son séant, le cœur affolé.

— C’est quoi ce délire…

Il se lève et se dirige rapidement vers la fenêtre. Les murs vibrent et le sol tremble légèrement sous ses pas, dans un bruit de tonnerre.

Maritchou enfile un tee-shirt et se dirige vers la cuisine. Marie et Gilles y sont déjà, debout, face à la fenêtre, les yeux exorbités. Le grand miroir qui orne le mur du salon, explose soudain en mille morceaux, sous leurs yeux effarés. La poutre au plafond craque d’un bruit sourd et s’effondre sur Gilles qui hurle de douleur, écrasé au sol par l’énorme morceau de chêne…

Jukin se précipite. Marie halète :

— Vite à la cave !

Maritchou dévale l’escalier qui conduit au sous-sol en hurlant, hystérique. Gilles gît au sol, inconscient. Marie s’arc-boute contre la poutre, Jukin revient sur ses pas et tire Gilles par les bras. Le mur finit de s’écrouler dans un bruit assourdissant. Ils descendent de justesse les marches, en tirant derrière eux Gilles, sérieusement blessé à la jambe. Le côté gauche de son visage présente une plaie béante…

Il reprend connaissance, allongé contre Marie qui pleure de toute son âme. Il gémit :

— Ma jambe, Marie… je saigne…

Elle se lève, les jambes flageolantes et attrape un torchon qui traîne sur le congélateur.

Jukin l’aide à le lier autour de la cheville de Gilles qui grince des dents sous l’effet de la douleur… Le bruit diminue progressivement… le froid s’installe dans le silence. Maritchou pleure sans discontinuer, obnubilée.

Jukin regarde sa montre. Il est 3 h 33… il n’y a plus un bruit dans la pièce au-dessus, de la buée s’échappe de sa bouche. Il gèle. Gilles grelotte… bercé par Marie.

Jukin remonte les marches qui mènent jusqu’à la cuisine… il ouvre lentement la porte sur un spectacle de désolation et se tourne vers Marie.

— Tu peux monter m’aider ? Je crois que c’est fini…

Elle le rejoint dare-dare et saisit rapidement des couvertures, des médicaments et des vivres. Au passage, elle attrape son portable qui gît sous une chaise renversée, d’une main tremblante.

De retour au sous-sol, elle essaye en vain de composer le 15… l’appareil affiche « réseau indisponible » … Gilles grimace de douleur, elle l’enveloppe dans une couverture et lui fait avaler une dose d’antalgique.

Maritchou enfile une doudoune. Elle a les lèvres blanches… elle murmure « j’ai froid… » en claquant des dents… ils finissent par s’endormir d’épuisement. Le jour se lève sur une scène de fin du monde…

Jukin repart dans la maison, il regarde horrifié le paysage dévasté qui s’offre à ses yeux.

Il redescend et se laisse tomber à même le sol.

— On fait quoi maintenant… Gilles a besoin de soins. Et je crains fort que nous ne puissions pas sortir de la maison. Il y a comme un cratère devant la porte…

Marie se dirige vers le fond de la cave et commence à pousser un vieux meuble. Jukin la regarde, étonné :

— Tu fais quoi ?
— Il y a des galeries souterraines qui conduisent jusqu’à Opoul… si tu veux bien m’aider, on peut essayer de s’y rendre. Il suffit de fabriquer un brancard pour Gilles…

Ils regardent autour d’eux. Le transat à roulettes de jardin fera peut-être l’affaire. Une heure plus tard, ils s’engagent enfin dans les souterrains. Jukin tire à bout de bras, le brancard de fortune. Maritchou et Marie lui emboîtent le pas, chargées comme des mules.

Après deux bonnes heures de marche, ils entendent des voix qui résonnent au-dessus de leur tête… Marie s’arrête le cœur battant. Elle crie :

— Au secours, aidez-nous !

Un bruit de porte qui grince laisse passer, par un escalier dérobé, un homme qui descend à leur rencontre, un tisonnier à la main… Marie s’avance vers lui, chancelante et les mains tendues. Ce visage, cette voix ! C’est… Polo

Elle s’effondre sans connaissance à ses pieds. En la voyant, Polo laisse tomber son arme.

Il crie d’une voix tremblante :

— Marie Claire ! Jeannot ! Rosalie ! On a besoin d’aide à la crypte.

Ils accourent. Jukin et Maritchou pleurent de soulagement. Jukin tire sur le chariot ou repose Gilles, qui gémit… On est sauvés. Jeannot prend Marie dans ses bras puissants et s’engage dans le vieil escalier de pierre qui conduit aux caves du Presbytère.

 

 

Parking Novotel Nord de Rivesaltes – 20 Juillet 2019 - 4 h

 

Fanny pleurniche, à moitié nue et accroupie dans un angle du parking souterrain du Novotel. Elle tient encore à la main la bouteille de rosé qu’elle était en train de boire lorsque l’énorme explosion a retenti. L’homme qui était couché à ses côtés l’a regardé d’un air étonné, juste avant que sa tête, décapitée par une lame de fer tombant du plafond, ne roule au pied du lit. Elle porte le goulot à sa bouche et avale une rasade de « rosé canicule ». Elle hoquette :

— On avait bu et baisé toute la nuit et tout à coup vlan ! J’ai rien compris !

Elle fait avec ses bras, des gestes qui montrent un ballon qui roule sur le sol…

— Il a perdu la tête ! Et il ne m’avait même pas payée ! Je ne sais même pas son nom.

Elle pleure tout en buvant. Le rimmel coule sur son visage.

Assise à ses côtés, le regard sombre, Ayat lui jette un regard agacé. La prostituée à ses côtés répète la même chose depuis une bonne demi-heure. Elle sort de son sac à dos un pull et un caleçon et le lui jette.

— Enfilez ça ! Il gèle ! Et arrêtez de boire ! Madame…

Elle souffle sur ses doigts et remonte le col de son blouson en jean. La femme s’habille en silence. Elle geint :

— On va devenir quoi ??? Ils sont tous morts !!!

Elle pleure et gémit, la voix éraillée par le tabac.

Ayat soupire, excédée, en regardant la femme sans âge, qui boit le vin à même le goulot.

— Calmez-vous Madame, mon ami va venir me chercher… il faut avoir confiance.

La femme essuie ses yeux et se mouche dans ses doigts. Elle tend une main douteuse, qu’Ayat serre d’un air dégoûté.

— Pas Madame… Fanny ! Je m’appelle Françoise, mais pour vous c’est Fanny… F.A.N.N. Y… maintenant, on est amies !

Elle se gratte la tête et s’endort en ronflant, à moitié ivre, adossée à un poteau en béton armé… une lumière blafarde illumine le parking. Il fait très froid. Tout à coup, Ayat entend des voix masculines qui s’approchent… son cœur palpite

— Sabri ? C’est toi ?
— Ayat, où es-tu ?

Il arrive devant elle et la serre dans ses bras, avec tendresse. La femme à même le sol ronfle de plus en plus fort. Il se tourne vers elle, étonné et dit :

— C’est quoi ça ???
— Fanny ! C’est Fanny…

Derrière lui, deux hommes attendent, silencieux. Sabri lui prend la main et fait de brèves présentations :

— Eto, Léon, voilà Ayat, ma femme. Bon, on y va ???

Il la tire en avant, mais Ayat résiste. Il s’arrête net et lui jette un regard interrogateur.

— Avance Ayat…

Elle lui montre la forme avachie à leurs pieds.

— Et Fanny alors ? On ne part pas sans elle… !

Il souffle. Décidément, elle ne changera jamais. Sans un mot, Léon attrape la femme endormie, qu’il jette en travers de son épaule. Il s’avance dans le parking.

— On y va cette fois ??? Direction Salses… puis Opoul… enfin, si on y arrive vivants !!

Ils quittent le parking souterrain à la queue leu leu… Ayat reste figée sur le seuil, elle regarde incrédule le spectacle d’apocalypse digne d’un film d’horreur des années 2000. Toitures emportées, voitures renversées… et des corps, des dizaines de corps horriblement mutilés qui gisent à même le sol… Elle vomit violemment. Sabri lui prend la main et dit avec douceur.

— Ne regarde pas autour de toi… on va survivre…
— On se croirait dans un film de zombies… Sabri.
— Oui… et ça ne fait que commencer…

Il serre un peu sa main. Elle avance les yeux fixes et les jambes tremblantes.

— On va loin ?

Léon se retourne et lui dit un sourire crispé sur le visage…

— Une quinzaine de kilomètres et on sera à l’abri. À travers la garrigue… bien sûr.

Il éclate d’un rire dur. Sur son épaule, Fanny s’agite un peu en grommelant. Il la pose au sol.

Elle tombe sur les fesses et le regarde, d’un œil torve.

— Vous êtes qui ? On fait quoi là ? Vous savez… c’est vingt euros la passe !

Léon reste sans voix… cette femme… elle est… il ne trouve pas de mots. Ce visage reflète une énorme souffrance. Elle a dû être belle, il fut un temps… avant que la vie ne l’accable. Une énorme bouffée de tendresse, inexplicable l’étreint. Elle est son « autre », le double qu’il a toujours cherché… un chien perdu sans collier… il lui tend la main, et l’aide à se relever. Elle est fragile et étonnée par cette soudaine prévenance.

— Merci, tu es gentil, je m’appelle Françoise, mais pour toi c’est F.A.2N.Y… et Fanny c’est pour les amis. Et toi ?

Il la regarde, des yeux Agathe et tristes, des cicatrices sur le visage… il lui prend la main et lui pose instinctivement un baiser sur le poignet… elle le scrute, étonnée et répète :

— Tu t’appelles comment ?
— Léon… le con… L.E.O.N… pour toi.

Eto toussote un peu. Il dit d’une voix aigre :

— Bon ! Quand vous aurez fini… on pourra avancer. C’est bien beau tout ça ! Mais il gèle.

Ils reprennent la route, Léon entoure les épaules de Fanny d’un geste protecteur, elle avance, étonnée et rassurée. L’homme, qui marche à ses côtés, dégage une odeur mâle et musquée qui l’aide à avancer. C’est un homme, un vrai… dur et tendre à la fois.

Au détour de la départementale 9 apparaît le village, dévasté, comme tout ceux qu’ils ont traversé. Léon regarde autour de lui. Il fronce les sourcils…

— Sabri, je fais confiance à mon instinct… on monte jusqu’à Perillos…
— Perillos ? Léon ? C’est quoi
— Là… ou tout commence et tout finit… tu viens, Fanny ?

Ils le suivent en silence… la nuit, glaciale, commence à tomber lorsqu’ils arrivent, épuisés au Cortal de Lalanne…