7,99 €
L'heure de la fin du monde a sonné...
Le monde s’écroule sous les yeux effarés de la communauté du Cercle du Soleil. Le célèbre médium Xavier Chico a prédit la fin du monde pour le 20 Juillet 2019 et tout semble lui donner raison. Le peuple de France gronde de misère mal contenue et le mouvement Gilets jaunes ne s’apaise pas…
Hans et ses amis ont investi le hameau abandonné des Terres de Périllos dans les Corbières Catalanes et se préparent à passer la Porte du temps pour assurer leur survie.
En 2032, le monde se reconstruit peu à peu sur les ruines de l’ancienne civilisation… les communautés de survivants se retrouvent et s’affrontent… et si tout n’était pas aussi simple… ? Et si demain n’était qu’un leurre…
Retrouvez les familles des rescapés dans le troisième tome de cette série abordant les conséquences désastreuses de nos actes que nous devrons affronter dans un futur pas si lointain...
EXTRAIT
Yuri s’arrête brutalement, leur faisant chut du doigt. Azur se tait. Devant la dépouille de la chienne, un homme d’un certain âge est accroupi caressant un chiot qui gémit. Il ne les a pas entendus arriver, il parle doucement à la petite bête. Cette voix… !!! Dragos lève le fouet, Gérard lui saisit lestement le bras, interrompant son geste… Cette silhouette trapue, cette voix rauque et chaude, ce n’est pas possible ! C’est un fantôme… il dit d’une voix blanche :
—Jeannot !
L’homme se retourne d’un bond, l’air terrorisé et s’apprête à s’enfuir… il stoppe son mouvement. Face à lui, un visage d’homme connu et celui d’une jeune gitane aux yeux porcelaine avec autour de son cou, la croix de Johnny qu’il avait offerte à son neveu Roman, six mois avant le tragique accident qui lui a ôté la vie en 2019. Ces yeux, cette croix… il gémit :
—Gérard… Maya.
… et s’effondre sans connaissance à leurs pieds. Le chiot s’approche en jappant… il lèche les pieds de Melinda, joueur et avance vers eux, en remuant la queue.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Patricia Vidal est née en 1960 à Béziers. Elle obtient un BAC littérature et un diplôme de droit qui l’amène à occuper des emplois de Cadre du secteur médico-social. C’est à la suite d’un deuil qu’elle commence à s’exprimer via la peinture sous le nom de Patricia Goud.
Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:
Patricia Vidal Schneider
Le bout du chemin
Tome III
Le jour qui suit
Roman
© Lys Bleu Éditions – Patricia Vidal Schneider
ISBN : 979-10-377-0145-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Salveterre – 13 juillet 2032
Un soleil lumineux inonde une terre sauvage, balayée par le vent… Antonin enfile ses chaussures et remonte sur les remparts, qui dominent le paysage aride de ce que les « anciens » appelaient, les Pyrénées orientales… il hurle face à la montagne, qui lui renvoie son appel en écho. C’est amusant. Il met ses mains contre sa bouche et imite le cri d’un oiseau. Ça, c’est Pierre qui lui a appris à le faire. Il secoue la tête, ses longs cheveux châtains volent dans le vent. Il ramène contre lui son gilet en laine de pays, un peu usé.
Devant les ruines du Château féodal de la commune dévastée d’Opoul Perillos, une jeune fille ramasse des petites fleurs bleues, qui bordent le fossé. Du haut de la tour, il regarde le cœur palpitant les longs cheveux d’ébène, réunis dans un chignon sommaire. Soudainement, elle lève ses yeux sur lui et lui adresse un sourire éclatant et espiègle. C’est amusant ça, une espèce de communion qui remonte à leur petite enfance, Maya et lui, ils n’ont pas besoin de parler pour communiquer… c’est un grand mystère…
Il déballe avec ardeur les marches usées par le temps, manquant tomber dix fois, dans sa précipitation à la rejoindre. Elle lui tend la main et lui transperce le cœur de ses yeux porcelaine.
Azur s’assied sur la margelle du puits et fait la moue. Azur… ce surnom qu’il lui a donné quand elle n’était encore qu’un bébé orphelin… adoptée par ses parents, lui est resté, au point que parfois, ils oublient qu’elle s’appelle Maya…
Elle se lève et emprunte le sentier d’un pas dansant, mais déterminé.
Petit Paul les rejoint devant les ruines de la vaste bâtisse, qui héberge leur communauté depuis cette journée fatidique du 20 Juillet 2019… où ils ont franchi la porte du temps, leur seule chance de survivre à l’Apocalypse, qui a détruit en quelques heures les trois quarts de la planète.
Salveterre, ça signifie la terre qui sauve, disait Charles. Son regard s’assombrit. Charles le vigneron, qui comme le rappelle Hans, le soir autour du feu, s’est sacrifié pour qu’ils survivent… Antonin s’en souvient un peu… mais c’est flou dans sa mémoire, comme les premières années de leur installation dans ces lieux…
Petit Paul lui sourit.
Paul marche à ses côtés, pensif.
Azur court devant. Elle se retourne et les fusille du regard.
Les ruines du village se profilent à l’horizon…
Antonin avance prudemment dans les rues défoncées. Le monument aux morts sur la place du village est fendu par une explosion… ils arrivent encore à y lire des noms et des phrases qui disent « honneur et courage à nos morts ». Lucie leur a expliqué que ça faisait référence à des luttes sauvages qui poussaient les gens de différentes communautés à se tuer, pour des raisons bizarres… elle a parlé « d’argent » et pour appuyer ses dires, leur a même montré un curieux papier dessiné qu’elle a appelé « billet de banque ».
Il revoit la scène…
Milo, étonné a tourné le papier dans ses mains et a dit « on tue des humains pour ce dessin ? ». Lucie l’a alors regardé d’un air triste.
Milo a lâché le papier, effrayé, ses grands yeux noirs remplis de larmes.
Lucie a ramassé le billet et l’a renfermé dans un coffre.
Melinda a rajouté avec curiosité.
Lucie a souri tristement en hochant la tête.
Antonin frotte un peu de la main le marbre altéré par le temps et les intempéries. Petit Paul s’approche.
Azur les rejoint sur la place déserte. Elle brandit un vieux pot en plastique jaune sur lequel est écrit 51. Elle rit en nettoyant la carafe souillée de terre.
Elle sourit aux anges, comme si elle avait trouvé un trésor. Le soleil baisse à l’horizon. Antonin avance vers le chemin.
Paul et Maya lui emboîtent le pas. Maya bougonne :
Devant la porte du Château, Marjorie les attend, les yeux furibonds. À ses côtés, Agnès les menace de la main.
Ils regagnent la grande salle voûtée ou est réunie la communauté. Nadine somnole dans un fauteuil devant la meurtrière, son regard est vide. Il en est ainsi depuis que Charles a été déchiqueté sous ses yeux par ces horribles bêtes, une meute de chiens redevenus sauvages qui voulaient s’en prendre aux enfants qui avaient échappés quelques minutes à leur surveillance.
Elle est depuis murée dans un silence sidéral dont rien ne peut la tirer. Hans a essayé de la faire réagir en vain. Il a abandonné. Aline la fait boire en lui parlant avec douceur
Nadine obéit, indifférente, en se balançant un peu d’avant en arrière.
Hans s’approche d’Antonin, son traité de médecine à la main. Il lui dit d’une voix inquiète.
Ils s’installent devant la grande table et écoutent avec attention ce que leur dit Hans. Maya prend des notes… à un certain moment, elle lève la main.
Hans la regarde… désolé.
Deux heures plus tard, Antonin referme son cahier. Hans lui sourit.
Antonin rougit un peu, flatté. Azur est réjouie, elle trie des plantes sèches dans un grand panier. Esméralda l’aide. Soraya s’approche suivie par Melinda qui l’observe de son regard d’émeraude, dans un angle de la pièce, Manuel apprend à Milo à jouer de la guitare…
Clément arrive, accompagné par Nicolas et Marc. Christian feuillette un traité de botanique. Il les regarde avec un grand sourire.
Calou s’approche… intéressé
Mehdi hoche la tête… et rajoute
Calou se gratte le front. Il réfléchit.
Marc lui montre le chemin, à l’orée du bois. Il lui dit :
Gérard quitte son piano et s’approche.
Hans écoute, d’un air dubitatif.
Calou hoche la tête.
Les jumeaux Jeanne et Sam s’approchent en souriant. Ils tapent des mains.
Evans rejoint le petit groupe, sa fille, Ellen accrochée à la main.
Il s’accroupit à sa hauteur. Ellen approuve du menton.
Alex éclate de rire
Alexandra et Evans échangent un regard complice. Les souvenirs affluent par vagues. L’île de Tetepare, leur lutte pour survivre, le tsunami et le Totopiok, toto, ami fidèle qui leur a sauvé la vie… avant que Yuri et Dragos les aident à passer la porte du temps. Ils en parlent souvent, faisant rêver Ellen par leur récit de légende…
Dragos et Yuri, occupés à sculpter des bâtons avec un couteau laguiole prêté par Pierre, se regardent en souriant. Yuri montre à Gérard la tête de chien finement ciselée sur le bout de la branche d’olivier. Il dit de sa voix gutturale.
Jule le regarde, étonné
Yuri le transperce de son regard bleu. Il reprend son couteau et se remet à tailler la branche.
Il montre une cicatrice sur son bras… ça, c’était à Bucarest en 2012…
Jule le regarde bouche bée.
Presbytère Église Saint Laurent – Opoul – 14 Juillet 2032
Polo regarde la femme qui dort tranquillement à ses côtés. Bientôt treize ans qu’elle a surgi dans sa vie, dans des circonstances particulières. Il se revoit, tambourinant à sa propre porte, en vain. Il faisait un froid glacial ce jour-là et elle hurlait terrorisée, refusant de le laisser rentrer chez lui, croyant qu’il était un zombie… ce 1er Août 2019, le jour où tout a commencé pour eux deux.
Elle chuchote dans son sommeil. Le destin prend parfois des chemins détournés pour provoquer d’improbables rencontres. Le 20 Juillet, le jour de la fin d’un monde… Il n’oubliera jamais cette date fatidique.
Il s’y était préparé pourtant, bêtement, par instinct… enfin peut-être pas… il regarde en souriant la chouette empaillée qui trône sur le meuble juste en face de leur lit.
Marie Claire se tourne et lui touche la main, la première fois qu’il l’a rencontré c’était à Perillos. Elle était lumineuse, sur le seuil du Cortal de Lalanne. Il l’a de suite trouvé très belle… mais son compagnon d’alors, Pecos ne la lâchait pas d’une semelle…
Elle lui avait à peine parlé, il était invisible à ses yeux. Et ensuite, tout s’est précipité. Ils ont dû survivre dans un univers hostile, Adam et Ève d’une nouvelle Ère.
Elle ouvre les yeux et lui sourit. Elle est… son tout, son cœur… son âme. Il n’est pas question qu’il la laisse partir… des gens sont arrivés, bien sûr. Ils ont recréé une communauté au sein même du village délabré. Ils survivent comme ils le peuvent, un combat de tous les jours…
Jeannot arrive dans la pièce en bougonnant
Polo se gratte la tête. Les « bêtes » comme ils disent… des hordes de chiens redevenus sauvages, croisés avec des loups qui ont migré depuis l’Espagne. Ce sont des meutes entières, qui attaquent les humains qui se risquent à traîner seuls dans les rues, à la tombée de la nuit.
Polo soupire. Frédéric va certainement mourir. Jeannot l’observe du coin de l’œil. Il toussote.
Polo lui jette un regard courroucé.
Jeannot devient très rouge, sa voix vibre de colère.
Il sort de la pièce en claquant la porte. Il regarde le pauvre Frédéric qui délire sur sa couchette. Rosalie est assise à ses côtés et lui mouille les lèvres avec un chiffon.
Jeannot la regarde dans les yeux
Frédéric délire de plus en plus. Rosalie lui fait avaler une tisane. Elle regarde la jambe rouge et gonflée, la plaie est purulente. Elle murmure d’une voix blanche.
Jeannot enfile ses bottes et saisit un bâton. Il se dirige vers la porte du presbytère.
Château de Salveterre – 14 Juillet 2032
Azur tresse ses longs cheveux noirs devant le miroir. Elle regarde avec étonnement son visage, qui perd peu à peu l’innocence de son enfance. Elle sourit de ses dents blanches à son reflet… miroir mon beau miroir… dans son dos Antonin surgit, la faisant sursauter. Elle le toise de ses grands yeux bleus.
Elle lace ses brodequins, il aperçoit sa nuque qui attire les baisers. Il détourne son regard, un peu gêné par la chaleur qui irradie brutalement de ses reins. Il maugrée :
Ils descendent l’escalier en colimaçon qui débouche dans l’ancienne salle de garde. Petit Paul et Melinda sont déjà là.
Yuri, Dragos et Jule arrivent, un fouet et un arc à la main. Gérard les suit de près.
Petit Paul met son couteau à la ceinture, Antonin prend une dague qui traîne auprès de l’immense cheminée de pierre. Melinda les regarde en écarquillant ses yeux d’émeraude.
Elle rit nerveusement. Gérard lui sourit calmement.
Azur hoche la tête, agacée.
Gérard lui lance un regard attristé.
Ils descendent le sentier qui chemine vers le village. Azur chantonne.
Petit Paul demande à Antonin :
Ils avancent calmement… et abordent le tournant, confiants, d’un pas alerte.
Yuri s’arrête brutalement, leur faisant chut du doigt. Azur se tait. Devant la dépouille de la chienne, un homme d’un certain âge est accroupi caressant un chiot qui gémit. Il ne les a pas entendus arriver, il parle doucement à la petite bête. Cette voix… !!! Dragos lève le fouet, Gérard lui saisit lestement le bras, interrompant son geste… Cette silhouette trapue, cette voix rauque et chaude, ce n’est pas possible ! C’est un fantôme… il dit d’une voix blanche :
L’homme se retourne d’un bond, l’air terrorisé et s’apprête à s’enfuir… il stoppe son mouvement. Face à lui, un visage d’homme connu et celui d’une jeune gitane aux yeux porcelaine avec autour de son cou, la croix de Johnny qu’il avait offerte à son neveu Roman, six mois avant le tragique accident qui lui a ôté la vie en 2019. Ces yeux, cette croix… il gémit :
… et s’effondre sans connaissance à leurs pieds. Le chiot s’approche en jappant… il lèche les pieds de Melinda, joueur et avance vers eux, en remuant la queue.
Gérard se baisse et lui donne quelques claques affectueuses. C’est bien Jeannot, un peu vieilli, un peu hirsute… mais c’est bien lui, bien vivant qui gît à même le sol. Maya l’observe en silence… elle balbutie :
L’homme revient à lui en grommelant…
Il s’assied dans l’herbe en toussant. Le chiot vient lui lécher le visage. Il le repousse en grimaçant. Gérard lui tend la main et l’aide à se relever.
Melinda ouvre des yeux étonnés. Elle fait la moue.
Jeannot la regarde en souriant
Melinda hoche la tête. Gérard lui pose une main rassurante sur l’épaule.
Il attrape le chiot et repart vers le château. Il se tourne vers Jeannot.
Jeannot hausse les épaules.
Le soleil inonde la terre aride… il y a longtemps qu’il n’a pas plu. Il est onze heures du matin et il fait déjà plus de trente degrés. Ils remontent lentement le chemin et pénètrent dans la fraîcheur relative des douves.
Gérard précède le groupe jusqu’à la salle de garde. Hans est assis dans un fauteuil, les yeux fixés sur un traité de médecine… A ses côtés sur la table, repose leur « Bible », qu’il a pris la peine de stocker en plusieurs exemplaires et en différents endroits dès le mois de Juillet 2019… le fameux traité de survie de Lewis Dartnell. Lewis Dartnell n’était pas un plaisantin. Diplômé de la prestigieuse université d’Oxford, ce chargé de recherche à l’Agence spatiale britannique (spécialisé en astrobiologie) n’avait rien d’un rigolo. Aussi convient-il de prendre très au sérieux la « petite encyclopédie du savoir minimal pour reconstruire le monde » qu’il a fait paraître en 1988. Cet ouvrage, malgré son titre humoristique, compile avec rigueur ce qu’il convient de savoir pour relancer une civilisation quand tout s’est écroulé.
Hans lève un regard surpris sur l’homme qui se tient debout aux côtés de Gérard dans l’embrasure de la porte. Il pose son livre et se lève, éberlué. Il hausse les sourcils. Cette moustache grisonnante, la cicatrice au-dessus du sourcil droit et cette voix tonitruante…
Il tend les bras vers l’homme et lui donne une accolade. Gérard semble ravi de ces retrouvailles.
Jeannot se lève, tombe lourdement sur une chaise… il a beaucoup maigri.
Jeannot commence son récit, inimaginable et pourtant vrai… les « autres » … sont les uns. Et les uns… sont les « autres » … tout est parti d’une histoire d’amour… et de jalousie. C’est incroyable mais vrai…
Ils sont enfin tous réunis autour de la table, dans une même lutte pour survivre. Lucie est hébétée. Combien d’années perdues… douze ou treize… Elle pleure en silence… elle murmure :
Aline pensive, ronge un peu ses ongles.
Sophie dodeline de la tête en tricotant.
Christian lui caresse la joue tendrement.
Le petit chien jappe doucement en mordillant les chaussures de Calou qui le repousse gentiment. Il lui gratte la tête et le chiot se tourne sur le dos en signe de soumission. Ellen, Jane et Sam sont émerveillés par l’affectueuse petite bête. Ellen se baisse et la prend dans ses bras.
Calou arrive avec une écuelle d’eau qu’il pose à terre. Il repart vers la cuisine et revient avec un petit morceau de viande lyophilisée qu’il réhydrate rapidement. Il claque de la langue et le petit animal se précipite vers lui… renifle ce qui est au sol, se détourne en geignant un peu et repart laper de l’eau dans l’écuelle.
Jeannot regarde l’animal en riant.
Il regarde Calou dans les yeux. Calou tape d’un coup sec sur sa cuisse et le chiot le rejoint dare-dare… il éclate de rire.
Les discussions vont bon train. Chacun y va de sa proposition… pour finir par trouver un terrain d’entente. Wolf, on l’appellera Wolf… c’est court et percutant.
Jeannot hoche la tête.
Hans se lève et regarde Pecos.
Ils quittent le Château par le chemin sinueux qui conduit au village, des chiens aboient dans le lointain.
Jeannot les précède dans l’Église Saint Laurent et ouvre à la volée la porte qui communique avec le presbytère. Une jeune femme sursaute et leur jette un regard étonné, avant de s’exclamer d’une voix tremblante :
Elle avance vers eux et se jette dans leurs bras, émue.
Elle se dégage et se tourne vers la salle à manger
Gilles arrive en boitant bas… Il se déplace avec difficulté et une énorme cicatrice lacère sa joue gauche de la lèvre jusqu’à l’angle de la paupière… il s’approche en souriant la main tendue…
Pecos lui donne l’accolade. Gilles soulève son pantalon et montre sa jambe gauche affreusement mutilée… il soupire :
Polo est immobile sur le pas de la porte, il s’approche, silencieux, sur ses gardes et le visage fermé. Pecos lui tend la main, fait un pas en avant et dit d’une voix rauque :
Prison de Perpignan – 20 Juillet 2019 - 3 h 33
Les trois hommes entassés dans une cellule de douze mètres carrés écoutent, en alerte, l’étrange bruit qui retentit dans le ciel depuis des heures et les empêche de dormir. Sabri Essid, allongé sur sa couchette est plongé dans le coran dont il marmonne des versets. Eto fait des mots croisés, un crayon à papier dans la main. Le grondement s’accentue brutalement. Léon s’approche de la fenêtre et regarde avec inquiétude l’étrange spectacle qui s’offre à ses yeux…
Sabri dépose précautionneusement son livre sur la tablette à côté de son lit. Il se lève et rejoint Léon qui montre du doigt un ciel en fusion.
Eto les rejoint, le visage pâle.
Il donne de grands coups de poing dans la porte de la cellule, en vain, un profond silence règne dans le long couloir. Il crie de plus en plus fort :
Pendant ce temps, Sabri sort de sous son matelas un téléphone portable soigneusement planqué. Il compose un numéro d’une main tremblante.
Il raccroche… les murs vibrent de plus en plus fort. La couchette d’Eto, comme folle, se déplace d’un bout à l’autre de la pièce. Soudain, la porte s’ouvre brusquement sur un gardien terrorisé qui les dévisage, les yeux exorbités. Il leur dit tout en s’enfuyant vers l’entrée de la prison :
Ils prennent leurs jambes à leur cou et quittent le centre de rétention, aussi vite qu’ils le peuvent, enjambant des obstacles qui jonchent le sol. Le vent et la pluie fouettent violemment leur visage, l’asphalte se fissure et s’ouvre sous leurs pas, creusant des gouffres sans fond. Léon trébuche et s’effondre, Eto fait demi-tour et l’attrape par-dessous les aisselles…
Ils avancent tous les trois dans la nuit hurlante comme des naufragés, évitant les branches d’arbres qui volent autour deux comme des fétus de paille, manquant par dix fois de les assommer. Sabri les dirige sans hésiter à travers les ruelles étroites, et s’engouffre soudain dans un passage souterrain de la rue des glacières. Il se laisse tomber à même le sol, respire bruyamment et leur dit, essoufflé :
Eto et Léon reprennent leur souffle. Ce dernier regarde Sabri avec étonnement.
Eto souffle dans ses mains. Il soupire.
Ils s’accroupissent dans une petite salle voûtée et somnolent, blottis les uns contre les autres, comme des oiseaux dans un nid. Au-dessus d’eux, le cataclysme fait rage, détruisant tout sur son passage. Sabri sort son téléphone de la poche de son jean. Il murmure :
Eto lui dit :
Léon soupire :
Un sombre jour se lève sur un spectacle de désolation… Il fait un froid glacial et tout n’est que ruines. Des cadavres horriblement mutilés gisent à même le sol. Sabri remonte son col sur sa bouche.
La rue est déserte et la porte du supermarché béante et éventrée. Eto ricane en montrant du doigt la pancarte à l’entrée du magasin :
Il attrape un sac qu’il remplit de victuailles et de bouteilles d’alcool. Sabri et Léon arpentent les rayons, à la recherche de vêtements chauds et de sacs de couchage. Léon revient, fier de lui, brandissant un fusil de chasse et des cartouches.
Ils regagnent les galeries qu’ils transforment rapidement en bunker… Eto boit du whisky au goulot. Il regarde Léon.
Sabri écoute la conversation en silence. Il se lève et regarde Léon dans les yeux.
Ils repartent au supermarché et entassent dans les chariots des vivres mais aussi des lampes à dynamo et des vêtements chauds… direction Opoul Perillos.
Salses le Château – Maison de Gilles et Marie – 19 juillet 2019
Jukin et Maritchou ont débarqué d’Espelette en soirée. Une belle amitié est née entre le jeune couple de basques et Gilles et Marie depuis la mémorable journée de manifestations conjointe Gilets jaunes et syndicats du 1er Mai… à Toulouse.
Jukin est arrivé les bras chargés de fromage et d’Irouleguy… À vingt-deux heures, ils sont encore attablés devant une bouteille. Gilles grimace un peu :
Jukin éclate de rire. Maritchou porte le verre à ses lèvres.
Marie hoche la tête :
Gilles pose les verres dans l’évier. Il s’étire et baille un peu… il s’approche de la fenêtre et regarde le ciel, inquiet.
Maritchou sourit de toutes ses dents.
Il est presque minuit quand ils regagnent enfin leur chambre… il fait une chaleur étouffante. Maritchou s’allonge nue sur le lit… le ciel est rouge sang et zébré de lueurs inquiétantes… Ils s’endorment avec difficulté, l’atmosphère est bizarre, comme chargée d’électricité. Tout à coup, un bruit infernal les tire de leur sommeil. Le ciel gémit sans fin « humm… humm ». Jukin se dresse sur son séant, le cœur affolé.
Il se lève et se dirige rapidement vers la fenêtre. Les murs vibrent et le sol tremble légèrement sous ses pas, dans un bruit de tonnerre.
Maritchou enfile un tee-shirt et se dirige vers la cuisine. Marie et Gilles y sont déjà, debout, face à la fenêtre, les yeux exorbités. Le grand miroir qui orne le mur du salon, explose soudain en mille morceaux, sous leurs yeux effarés. La poutre au plafond craque d’un bruit sourd et s’effondre sur Gilles qui hurle de douleur, écrasé au sol par l’énorme morceau de chêne…
Jukin se précipite. Marie halète :
Maritchou dévale l’escalier qui conduit au sous-sol en hurlant, hystérique. Gilles gît au sol, inconscient. Marie s’arc-boute contre la poutre, Jukin revient sur ses pas et tire Gilles par les bras. Le mur finit de s’écrouler dans un bruit assourdissant. Ils descendent de justesse les marches, en tirant derrière eux Gilles, sérieusement blessé à la jambe. Le côté gauche de son visage présente une plaie béante…
Il reprend connaissance, allongé contre Marie qui pleure de toute son âme. Il gémit :
Elle se lève, les jambes flageolantes et attrape un torchon qui traîne sur le congélateur.
Jukin l’aide à le lier autour de la cheville de Gilles qui grince des dents sous l’effet de la douleur… Le bruit diminue progressivement… le froid s’installe dans le silence. Maritchou pleure sans discontinuer, obnubilée.
Jukin regarde sa montre. Il est 3 h 33… il n’y a plus un bruit dans la pièce au-dessus, de la buée s’échappe de sa bouche. Il gèle. Gilles grelotte… bercé par Marie.
Jukin remonte les marches qui mènent jusqu’à la cuisine… il ouvre lentement la porte sur un spectacle de désolation et se tourne vers Marie.
Elle le rejoint dare-dare et saisit rapidement des couvertures, des médicaments et des vivres. Au passage, elle attrape son portable qui gît sous une chaise renversée, d’une main tremblante.
De retour au sous-sol, elle essaye en vain de composer le 15… l’appareil affiche « réseau indisponible » … Gilles grimace de douleur, elle l’enveloppe dans une couverture et lui fait avaler une dose d’antalgique.
Maritchou enfile une doudoune. Elle a les lèvres blanches… elle murmure « j’ai froid… » en claquant des dents… ils finissent par s’endormir d’épuisement. Le jour se lève sur une scène de fin du monde…
Jukin repart dans la maison, il regarde horrifié le paysage dévasté qui s’offre à ses yeux.
Il redescend et se laisse tomber à même le sol.
Marie se dirige vers le fond de la cave et commence à pousser un vieux meuble. Jukin la regarde, étonné :
Ils regardent autour d’eux. Le transat à roulettes de jardin fera peut-être l’affaire. Une heure plus tard, ils s’engagent enfin dans les souterrains. Jukin tire à bout de bras, le brancard de fortune. Maritchou et Marie lui emboîtent le pas, chargées comme des mules.
Après deux bonnes heures de marche, ils entendent des voix qui résonnent au-dessus de leur tête… Marie s’arrête le cœur battant. Elle crie :
Un bruit de porte qui grince laisse passer, par un escalier dérobé, un homme qui descend à leur rencontre, un tisonnier à la main… Marie s’avance vers lui, chancelante et les mains tendues. Ce visage, cette voix ! C’est… Polo
Elle s’effondre sans connaissance à ses pieds. En la voyant, Polo laisse tomber son arme.
Il crie d’une voix tremblante :
Ils accourent. Jukin et Maritchou pleurent de soulagement. Jukin tire sur le chariot ou repose Gilles, qui gémit… On est sauvés. Jeannot prend Marie dans ses bras puissants et s’engage dans le vieil escalier de pierre qui conduit aux caves du Presbytère.
Parking Novotel Nord de Rivesaltes – 20 Juillet 2019 - 4 h
Fanny pleurniche, à moitié nue et accroupie dans un angle du parking souterrain du Novotel. Elle tient encore à la main la bouteille de rosé qu’elle était en train de boire lorsque l’énorme explosion a retenti. L’homme qui était couché à ses côtés l’a regardé d’un air étonné, juste avant que sa tête, décapitée par une lame de fer tombant du plafond, ne roule au pied du lit. Elle porte le goulot à sa bouche et avale une rasade de « rosé canicule ». Elle hoquette :
Elle fait avec ses bras, des gestes qui montrent un ballon qui roule sur le sol…
Elle pleure tout en buvant. Le rimmel coule sur son visage.
Assise à ses côtés, le regard sombre, Ayat lui jette un regard agacé. La prostituée à ses côtés répète la même chose depuis une bonne demi-heure. Elle sort de son sac à dos un pull et un caleçon et le lui jette.
Elle souffle sur ses doigts et remonte le col de son blouson en jean. La femme s’habille en silence. Elle geint :
Elle pleure et gémit, la voix éraillée par le tabac.
Ayat soupire, excédée, en regardant la femme sans âge, qui boit le vin à même le goulot.
La femme essuie ses yeux et se mouche dans ses doigts. Elle tend une main douteuse, qu’Ayat serre d’un air dégoûté.
Elle se gratte la tête et s’endort en ronflant, à moitié ivre, adossée à un poteau en béton armé… une lumière blafarde illumine le parking. Il fait très froid. Tout à coup, Ayat entend des voix masculines qui s’approchent… son cœur palpite
Il arrive devant elle et la serre dans ses bras, avec tendresse. La femme à même le sol ronfle de plus en plus fort. Il se tourne vers elle, étonné et dit :
Derrière lui, deux hommes attendent, silencieux. Sabri lui prend la main et fait de brèves présentations :
Il la tire en avant, mais Ayat résiste. Il s’arrête net et lui jette un regard interrogateur.
Elle lui montre la forme avachie à leurs pieds.
Il souffle. Décidément, elle ne changera jamais. Sans un mot, Léon attrape la femme endormie, qu’il jette en travers de son épaule. Il s’avance dans le parking.
Ils quittent le parking souterrain à la queue leu leu… Ayat reste figée sur le seuil, elle regarde incrédule le spectacle d’apocalypse digne d’un film d’horreur des années 2000. Toitures emportées, voitures renversées… et des corps, des dizaines de corps horriblement mutilés qui gisent à même le sol… Elle vomit violemment. Sabri lui prend la main et dit avec douceur.
Il serre un peu sa main. Elle avance les yeux fixes et les jambes tremblantes.
Léon se retourne et lui dit un sourire crispé sur le visage…
Il éclate d’un rire dur. Sur son épaule, Fanny s’agite un peu en grommelant. Il la pose au sol.
Elle tombe sur les fesses et le regarde, d’un œil torve.
Léon reste sans voix… cette femme… elle est… il ne trouve pas de mots. Ce visage reflète une énorme souffrance. Elle a dû être belle, il fut un temps… avant que la vie ne l’accable. Une énorme bouffée de tendresse, inexplicable l’étreint. Elle est son « autre », le double qu’il a toujours cherché… un chien perdu sans collier… il lui tend la main, et l’aide à se relever. Elle est fragile et étonnée par cette soudaine prévenance.
Il la regarde, des yeux Agathe et tristes, des cicatrices sur le visage… il lui prend la main et lui pose instinctivement un baiser sur le poignet… elle le scrute, étonnée et répète :
Eto toussote un peu. Il dit d’une voix aigre :
Ils reprennent la route, Léon entoure les épaules de Fanny d’un geste protecteur, elle avance, étonnée et rassurée. L’homme, qui marche à ses côtés, dégage une odeur mâle et musquée qui l’aide à avancer. C’est un homme, un vrai… dur et tendre à la fois.
Au détour de la départementale 9 apparaît le village, dévasté, comme tout ceux qu’ils ont traversé. Léon regarde autour de lui. Il fronce les sourcils…
Ils le suivent en silence… la nuit, glaciale, commence à tomber lorsqu’ils arrivent, épuisés au Cortal de Lalanne…